par Charles Henry Mackintosh
« Des choses nouvelles et des choses vieilles ».
Table des matières :
L’Esprit Saint ouvre ce livre d’une manière particulièrement frappante. Il nous amène sans préambule devant Dieu, dans la plénitude essentielle de son Être, et nous le montre au milieu de cette scène où Lui seul est à l’œuvre et opère. Nous entendons Dieu rompre le silence de la terre, nous le voyons luire dans les ténèbres qui la couvrent, afin de créer pour Lui-même une sphère dans laquelle il puisse manifester sa puissance éternelle et sa divinité.
Il n’y a rien ici qui satisfasse une vaine curiosité, rien sur
quoi l’esprit de l’homme soit appelé à spéculer ; c’est la sublimité et la
réalité de la vérité divine
, dans sa
puissance morale, agissant sur le cœur et sur l’intelligence. L’Esprit de Dieu
ne veut pas fournir des aliments à la curiosité de l’homme ou la satisfaire par
de subtiles théories. Les géologues peuvent sonder les entrailles de la terre,
et en tirer des matériaux par le moyen desquels ils prétendent compléter ou
contredire les écrits divins ; ils peuvent étendre leurs spéculations sur
les débris fossiles mais le disciple docile s’attache aux pages
inspirées : il lit, il croit, il adore. Que ce soit dans cet esprit que
nous poursuivions l’étude de ce livre, et puissions-nous réaliser ainsi ce que
c’est que de « s’enquérir diligemment de l’Éternel dans son
temple ! » (Psaume 27:4).
« Au commencement Dieu créa les cieux et la terre ». Les premières paroles du livre sacré nous placent dans la présence de Celui qui est la source infinie de toute vraie bénédiction. L’Esprit Saint ne raisonne pas laborieusement pour nous prouver l’existence de Dieu ; il n’entre point dans cette voie : Dieu se révèle, il se fait connaître par ses œuvres. « Les cieux racontent la gloire du Dieu fort et l’étendue annonce l’ouvrage de ses mains ». « Toutes tes œuvres te célébreront, ô Éternel ! » Il n’y a que l’incrédule ou l’athée qui cherchent des preuves raisonnées de l’existence de Celui qui, par la parole de ses lèvres, appela les mondes à l’existence, et se révéla Lui-même comme le Dieu souverainement sage, le Tout-puissant, le Dieu éternel. Quel autre que Dieu a pu créer quoi que ce soit ? « C’est lui qui fait sortir par nombre leur armée ; il les appelle toutes par nom. Par la grandeur de son pouvoir et de sa force puissante, pas une ne manque ! » (Ésaïe 40:26). « Les dieux des peuples sont des idoles, mais l’Éternel a fait les cieux ». Dans le livre de Job, chapitres 38 à 41, l’Éternel lui-même en appelle à la création comme preuve irrécusable de sa souveraineté. Cet appel, tout en présentant à l’intelligence la démonstration la plus claire et la plus convaincante de la toute-puissance de Dieu, touche en même temps le cœur par son étonnante condescendance. Tout y est divin : la majesté et l’amour, la puissance et la tendresse !
« Et la terre était désolation et vide, et il y avait des ténèbres sur la face de l’abîme ». Voilà assurément un champ dans lequel Dieu seul pouvait agir. L’homme, sans doute, dans l’orgueil de son cœur, ne s’est montré que trop disposé à intervenir dans l’œuvre de Dieu, dans des sphères d’action d’un ordre bien supérieur ; mais, ici, l’homme n’a aucune place jusqu’au moment où, comme toute chose, il devient l’objet de la puissance créatrice. Dieu est seul dans l’œuvre de la création. Il regarde de la lumière éternelle de sa demeure, et considère cette sphère sans forme et vide, sur laquelle il déploiera et exécutera ses plans et ses conseils merveilleux, et où la seconde personne de la Trinité vivra travaillera et mourra, afin de manifester, à la vue des mondes étonnés, les glorieuses perfections de la Divinité. Tout était ténèbres et chaos ; mais Dieu est un Dieu de lumière et d’ordre. « Dieu est lumière et il n’y a en lui aucunes ténèbres ». Les ténèbres ne peuvent subsister en sa présence, à quelque point de vue que ce soit, physique, moral, intellectuel ou spirituel. « L’Esprit de Dieu planait sur la face des eaux ». Il couvait en quelque sorte la scène de ses opérations futures ; scène bien sombre et qui offrait un vaste champ d’action au Dieu de lumière et de vie : Dieu seul pouvait en éclairer les ténèbres et y faire jaillir la vie ; substituer l’ordre au chaos, et mettre une étendue entre les eaux, afin que la vie pût s’y développer sans crainte de la mort. C’était là des opérations dignes de Dieu. « Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut ». « Il a parlé, et la chose a été ; il a commandé, et elle s’est tenue là ». L’incrédule veut savoir : comment ? où ? quand ? — mais l’Esprit dit : « Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par la Parole de Dieu, de sorte que ce qui se voit n’a pas été fait de choses qui paraissent » (Héb. 11:3). En dépit du sourire dédaigneux du philosophe, cette réponse satisfait celui qui est à l’école de Dieu.
Dieu ne veut pas faire de nous des astronomes ou des géologues, ni nous entretenir des détails que le musée ou le télescope mettent sous les yeux de chacun. Le but de Dieu est de nous introduire en sa présence, comme adorateurs, avec des cœurs et des entendements enseignés et conduits par sa sainte Parole. Le philosophe peut mépriser ce qu’il appelle les préjugés vulgaires et étroits du pieux disciple de la Parole ; il peut se glorifier de son télescope avec lequel il mesure l’étendue des cieux, ou se vanter des découvertes qu’il fait dans les profondeurs de la terre ; — quant à nous, nous n’avons que faire « de l’opposition de la connaissance faussement ainsi nommée » (1 Tim. 6:20). Nous tenons pour parfaitement certain que toutes les découvertes vraies, soit « dans les cieux en haut, soit sur la terre en bas, ou dans les eaux qui sont sous la terre », sont en harmonie avec ce qui est écrit dans la Parole de Dieu ; toutes autres prétendues découvertes ne sont dignes que d’être entièrement rejetées. Il faut que le cœur soit parfaitement assuré de la plénitude, de l’autorité, de la perfection, de la majesté et de l’inspiration pleine et entière du volume sacré. Ce sera la seule sauvegarde efficace contre le rationalisme et la superstition. Une connaissance exacte de la Parole et une soumission entière à son contenu, sont les deux grands objets désirables au jour actuel. Que Dieu, dans sa grâce, augmente abondamment au milieu de nous et cette connaissance et cette soumission !
« Et Dieu vit la lumière, qu’elle était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Et Dieu appela la lumière Jour, et les ténèbres, il les appela Nuit ». Nous avons ici les deux grands symboles si souvent employés dans la Parole. La présence de la lumière constitue le jour ; l’absence de la lumière constitue la nuit. Il en est de même dans l’histoire des âmes. Il y a « les enfants de lumière », et « les enfants de ténèbres » ; la différence est tranchée et solennelle. Tous ceux sur lesquels la lumière de la vie a lui, tous ceux que « l’Orient d’en haut » a visités à salut, tous ceux qui ont reçu la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu en la face de Jésus Christ, quels qu’ils soient, appartiennent à la première catégorie et sont des enfants « de la lumière et du jour ». D’un autre côté, tous ceux qui sont dans les ténèbres, dans l’aveuglement et l’incrédulité de la nature, et dont les cœurs n’ont pas été, par la foi, illuminés des rayons du soleil de justice, sont encore ensevelis dans l’obscurité de la nuit spirituelle et sont des fils de ténèbres, des fils de la nuit.
Lecteur, arrêtez-vous ici et demandez-vous, dans la présence de Celui qui sonde les cœurs, à laquelle de ces deux classes de personnes vous appartenez. Ne vous décevez pas vous-même, il s’agit pour vous de la vie ou de la mort. Vous pouvez être pauvre, méprisé, ignorant ; mais si, par l’Esprit, vous êtes uni au Fils de Dieu, qui est « la lumière du monde » (Jean 8:12), vous êtes un enfant de lumière, destiné à reluire bientôt dans cette sphère céleste dont « l’Agneau immolé » sera le centre et le soleil pour toujours. Cela ne vient pas de vous : c’est le résultat des conseils et des opérations de Dieu Lui-même, qui vous a donné lumière, vie, joie et paix en Jésus et par son sacrifice. Mais si vous êtes étranger à l’action et à l’influence sanctifiante de la lumière divine, si vos yeux n’ont pas été ouverts pour voir quelque beauté en Jésus, Fils de Dieu, alors, quand bien même vous posséderiez toute la science d’un Newton et tous les trésors de la philosophie humaine ; quand vous seriez décoré de tous les titres que peuvent conférer les écoles de ce monde, vous êtes un enfant « de la nuit et des ténèbres » (1 Thes. 5:5), et si vous mourez dans cet état, vous serez pour toujours enveloppé dans les ténèbres et les terreurs d’une nuit éternelle ! Ne poursuivez donc pas, avant de vous être assuré si vous êtes « du jour » ou « de la nuit ».
« Et Dieu dit : qu’il y ait des luminaires dans l’étendue des cieux pour séparer le jour d’avec la nuit, et qu’ils soient pour signes et pour saisons déterminées et pour jours et pour années ; et qu’ils soient pour luminaires dans l’étendue des cieux pour donner de la lumière sur la terre. Et il fut ainsi. Et Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour dominer sur le jour, et le petit luminaire pour dominer sur la nuit ; et les étoiles ». Le soleil est à la fois le centre de la lumière et le centre de notre système. C’est autour de cet astre que les globes inférieurs se meuvent ; et c’est de lui qu’ils reçoivent la lumière. Le soleil peut donc être considéré comme une figure de Celui qui, pour réjouir le cœur de ceux qui craignent le Seigneur, se lèvera bientôt, apportant la guérison dans ses ailes (Mal. 4:2). La beauté de ce symbole sera évidente pour quiconque, après les veilles de la nuit, a pu voir le soleil se lever et dorer l’orient de ses étincelants rayons ; les brouillards et les ombres de la nuit se dispersent, et toute la création semble saluer le retour de l’astre du jour. Bientôt aussi le soleil de Justice se lèvera, les ombres de la nuit s’enfuiront, et toute la création se réjouira en voyant paraître l’aurore d’un matin sans nuages, commencement d’un jour éternel de gloire.
La lune, obscure par elle-même, tire toute sa lumière du soleil et reflète incessamment cette lumière, à moins que la terre et ses influences n’interviennent. Le soleil n’a pas plus tôt disparu à l’horizon que la lune se présente pour en recevoir les rayons et les refléter sur un monde enveloppé de ténèbres ; si, au contraire, c’est de jour qu’elle apparaît, on l’aperçoit à peine à cause de l’éclat du soleil. Le monde aussi, comme nous l’avons déjà dit, empêche quelquefois que cette lumière ne paraisse ; de sombres nuages, d’épais brouillards, de froides vapeurs s’élèvent de la surface de la terre et dérobent à notre vue la lumière argentée de cette « lune » qui nous rappelle l’Église, comme le soleil est une belle image de Christ. Christ, la source de la lumière, est invisible maintenant : « la nuit est fort avancée » ; le monde ne voit pas Jésus, mais l’Église le voit et elle est responsable de refléter sa lumière sur un monde plongé dans les ténèbres. L’Église est le seul canal pour la communication au monde de la connaissance de Christ : « Vous êtes, vous, notre lettre, écrite dans nos cœurs, connue et lue de tous les hommes », dit l’apôtre ; et encore : « Vous êtes manifestés comme étant la lettre de Christ » (2 Cor. 3:2, 3). Quelle responsabilité pour l’Église ! Ne devrait-elle pas se tenir sérieusement en éveil contre tout ce qui peut l’empêcher de refléter la lumière céleste de Christ, dans toutes ses voies ? Mais comment pourra-t-elle refléter cette lumière ? C’est en la laissant luire sur elle-même dans tout son éclat. Si l’Église marchait dans la lumière de Christ, certainement elle refléterait cette lumière, et ainsi elle serait gardée dans la position qui lui convient. La lune n’a point de lumière propre. Il en est de même de l’Église. Elle n’est pas appelée à éclairer le monde de sa propre gloire ; elle est simplement appelée à refléter la lumière qu’elle reçoit. Son devoir est d’étudier soigneusement la voie dans laquelle son Seigneur a marché pendant qu’il était sur la terre, et de suivre ses traces par la puissance du Saint Esprit qui habite en elle.
Mais, hélas ! la terre avec ses nuages, ses brouillards et ses vapeurs, intervient ; elle cache la lumière et ternit l’épître, et le monde voit à peine quelques traits du caractère de Christ dans ceux qui s’appellent de son nom ; souvent même il découvre en eux plutôt un humiliant contraste, qu’une ressemblance avec Jésus. Étudions Christ davantage dans un esprit de prière, afin qu’aussi nous soyons capables de l’imiter plus fidèlement !
Les étoiles sont des luminaires éloignés qui brillent dans d’autres sphères ; nous voyons leurs scintillations ; du reste, elles n’ont guère de rapport avec notre système. « Une étoile diffère d’une autre étoile en gloire ». Ainsi en sera-t-il dans le royaume à venir du Fils : Soleil de gloire, il brillera lui-même d’un éclat vivant et éternel ; et l’Église reflétera fidèlement ses rayons tout alentour, tandis que les saints, chacun individuellement, reluiront dans la gloire spéciale que le juste Juge distribuera à chacun en récompense de son service fidèle durant la sombre nuit de son absence. Cette pensée devrait nous encourager à marcher avec plus d’ardeur et d’énergie sur les traces de notre Seigneur absent (voyez Luc 19:12-19).
Les parties inférieures de la création viennent ensuite : la mer et la terre produisent en abondance des êtres vivants. Quelques personnes se croient autorisées à considérer les opérations de chacun des six jours, comme des types des diverses dispensations et des grands principes d’action qui les régissent et les caractérisent ; mais, quoi qu’il en soit à cet égard, nous avons, en nous occupant des Saintes Écritures, à nous mettre en garde contre tout ce qui est le produit de l’imagination et de la spéculation des hommes ; et, quant à moi, je ne me sens pas la liberté d’entrer dans cette voie d’interprétation, et je me bornerai à donner ce que je crois être l’enseignement clair et direct du texte sacré.
Toutes choses ayant été mises en ordre maintenant, il ne
manquait plus qu’un chef : « Et Dieu dit : Faisons l’homme à
notre image, selon notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de
la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur le bétail, et sur toute la terre,
et sur tout animal rampant qui rampe sur la terre. Et Dieu créa l’homme à son
image ; il le créa à l’image de Dieu ; il les créa mâle et femelle.
Et Dieu les bénit ; et Dieu leur dit : Fructifiez, et multipliez, et
remplissez la terre et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la
mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur tout être vivant qui se meut sur la
terre ». Le lecteur remarquera qu’après avoir parlé de l’homme au
singulier, l’Écriture en parle au pluriel ; après avoir dit :
« il le
créa », elle dit
« il les
créa », et :
« Dieu les
bénit » (vers.
27-28).
La formation de la femme n’est introduite de fait que dans le chapitre suivant, bien que, déjà ici, Dieu « les » bénisse et « leur » remette le gouvernement universel. Tous les ordres inférieurs de la création sont placés sous leur commune domination : Ève est bénie de toutes bénédictions en Adam, et c’est aussi de lui qu’elle tire toute sa dignité. Quoique non encore appelée de fait à l’existence, elle est, dans les desseins de Dieu, considérée comme une partie de l’homme : « Tes yeux ont vu ma substance informe, et dans ton livre mes membres étaient tous écrits ; de jour en jour ils se formaient, lorsqu’il n’y en avait encore aucun » (Psaume 139:16). Il en est de même de l’Église, l’épouse du second Adam. De toute éternité elle était vue en Christ, son chef et son Seigneur, comme il est écrit au chap. 1 de l’épître aux Éphésiens : « Selon qu’il nous a élus en lui avant la fondation du monde, pour que nous fussions saints et irréprochables devant lui en amour ». Avant qu’un seul des membres de l’Église eût respiré le souffle de la vie, ils étaient tous, dans la pensée éternelle de Dieu, « prédestinés à être conformes à l’image de son Fils ». Les conseils de Dieu ont fait de l’Église une partie nécessaire de l’homme mystique ; c’est pourquoi l’assemblée est appelée « la plénitude de celui qui remplit tout en tous » (Éph. 1:23), et ce titre, d’une immense portée, révèle la dignité, l’importance et la gloire de l’assemblée.
On n’est que trop habitué à considérer la rédemption comme n’ayant d’autre objet que la bénédiction et la sécurité des âmes, individuellement ; ce point de vue est beaucoup trop bas. Il est parfaitement vrai que ce qui est, en quelque manière, la part de l’individu, est en pleine sécurité, Dieu en soit béni ; mais c’est la partie la moins grande de la rédemption. Une vérité infiniment supérieure à celle-ci, c’est que la gloire de Christ est unie et liée à l’existence de l’assemblée. Si, sur l’autorité des Saintes Écritures, j’ai droit à me considérer comme partie constituante de ce qui, de fait, est nécessaire à Christ, je ne puis douter qu’il n’y ait en lui abondamment de tout ce dont je puis avoir personnellement besoin. Or, l’assemblée est nécessaire à Christ. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide qui lui corresponde » (Gen. 2:18), et encore : « Car l’homme ne procède pas de la femme, mais la femme de l’homme ; car aussi l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause de l’homme. Toutefois, ni la femme n’est sans l’homme, ni l’homme sans la femme, dans le Seigneur ; car comme la femme procède de l’homme, ainsi aussi l’homme est par la femme ; mais toutes choses procèdent de Dieu » (1 Cor. 11:8-12). Il ne s’agit donc plus seulement de savoir si Dieu peut sauver un pauvre pécheur, privé de toute force ; de savoir si Dieu peut effacer les péchés et recevoir le pécheur à lui en vertu de la Justice divine ; Dieu a dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », et il n’a pas laissé « le premier homme », sans « une aide qui lui corresponde » ; — il ne laissera pas non plus le second homme sans une aide qui lui convienne. Sans Ève, il y aurait eu une lacune dans la première création ; et sans l’Église, l’Épouse, il y aurait une lacune dans la nouvelle création.
Considérons maintenant de quelle manière Ève fut appelée à l’existence,
bien que nous anticipions ainsi sur le chapitre suivant. Il ne se trouvait
point dans toute la création, pour Adam, d’aide qui fût semblable à lui :
il faut qu’un profond sommeil tombe sur lui, et que d’une partie de lui-même
soit formée la compagne qui partagera avec lui sa domination et sa bénédiction.
« Et l’Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, et il
dormit ; et il prit une de ses côtes, et il en ferma la place avec de la
chair. Et l’Éternel Dieu forma (*) une femme
de la côte qu’il avait prise de l’homme, et l’amena vers l’homme. Et l’homme
dit : Cette fois, celle-ci est os de mes os et chair de ma chair ;
celle-ci sera appelée femme
(Isha),
parce qu’elle a été prise de l’homme
(Ish) ».
(*) On pourrait
traduire le mot hébreu vajiben
par : « il bâtit », comme l’ont fait les Septante par okodomêsen
, la Vulgate par
« aedificavit », et par un verbe analogue, toutes les versions
allemandes, la version hollandaise, la marge de l’anglaise, et la version
française de Diodati, qui traduit ainsi le commencement de Genèse 2:22:
« Et Dieu bastit une femme de la coste qu’il avait prise d’Adam ».
Or, il n’est certes pas sans intérêt de se convaincre, en consultant l’original
de Éph. 2:20, 22, que les mots rendus par : « ayant été
édifiés », et « vous êtes édifiés ensemble », sont des dérivés
du même verbe que celui que nous venons de voir employé par les Septante.
En considérant selon l’Écriture Adam et Ève comme un type de Christ, nous voyons que la mort de Christ a dû être un fait accompli avant que l’assemblée fût vue et élue en Christ dès avant la fondation du monde. Il y a une grande différence entre les secrets desseins de Dieu et la révélation et l’accomplissement de ces mêmes desseins. Pour que l’intention de Dieu à l’égard de parties constituantes de l’Église pût être réalisée de fait, il fallait que premièrement le Fils fût rejeté et crucifié, qu’il s’assît dans les hauts lieux, et que le Saint Esprit, envoyé par lui, descendît pour unir en un seul corps tous les croyants par son baptême. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait pas eu des âmes vivifiées et sauvées antérieurement à la mort de Christ : Adam a été sauvé, nous n’en doutons pas, et des milliers d’autres hommes après lui l’ont été pareillement, en vertu du sacrifice de Christ, avant que ce sacrifice ne fût accompli. Mais le salut des âmes, prises chacune en particulier, et la formation de l’assemblée par le Saint Esprit comme corps distinct, sont deux choses bien différentes ; on en tient trop peu de compte dans la pratique. La place unique qui appartient à l’Église, sa relation spéciale avec le « second Homme, le Seigneur venu du ciel », les privilèges qui la distinguent, et la dignité dont elle est revêtue, s’ils étaient réellement connus et réalisés par la puissance du Saint Esprit, produiraient les plus beaux fruits (Éph. 5:23-33).
Le type que nous avons ici devant nous, nous donne lui-même
quelque idée des résultats qui accompagneraient une véritable intelligence de
la position de l’Église et de ses relations avec Christ. Quelle affection Ève
ne devait-elle pas à Adam ! Dans quelle proximité n’était-elle pas de
lui ; dans quelle intimité de communion ? En dignité et en gloire,
elle était parfaitement une avec lui. Il ne dominait pas sur
elle, mais avec
elle.
Il était seigneur de toute la création ; Ève était une avec lui. Bien
plus, comme nous l’avons déjà dit : elle était vue et bénie en
lui. « L’homme » était l’objet
des desseins de Dieu, et « la femme » était nécessaire à l’homme, c’est
pourquoi elle a été créée. L’homme paraît le premier et la femme est vue en lui ;
ensuite elle est formée de
lui. Nul
type n’est plus intéressant ni plus instructif dans son caractère ; non
pas qu’une doctrine puisse jamais être fondée sur un type, mais quand la
doctrine se trouve pleinement et clairement exposée dans d’autres portions de l’Écriture,
alors nous sommes préparés pour comprendre, pour apprécier et admirer le type.
Nous trouvons, dans le Psaume 8, une belle description de l’homme
dominant sur les œuvres de Dieu : « Quand je regarde tes cieux, l’ouvrage
de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as disposées : qu’est-ce que
l’homme, que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme, que tu le
visites ? Tu l’as fait de peu inférieur aux anges, et tu l’as couronné de
gloire et d’honneur ; tu l’as fait dominer sur les œuvres de tes
mains ; tu as mis toutes choses sous ses pieds : les brebis et les
bœufs, tous ensemble, et aussi les bêtes des champs, l’oiseau des cieux, et les
poissons de la mer, ce qui passe par les sentiers des mers ». Ici l’homme
paraît sans qu’il soit fait mention de la femme, parce que la femme est vue dans
l’homme.
Il n’y a aucune révélation directe du mystère de l’Église dans
les livres de l’Ancien Testament ; l’apôtre dit expressément, en parlant
de ce mystère : « Lequel, en d’autres générations, n’a pas été donné
à connaître aux fils des hommes, comme il a été maintenant révélé à ses saints
apôtres et prophètes (du Nouveau Testament) par l’Esprit » (Éph. 3:1-11).
C’est pourquoi le Psaume 8 ne parle que de l’homme ; mais nous savons que
l’homme et la femme sont considérés ensemble sous un seul chef. Tout ceci aura
son parfait antitype dans les siècles à venir ; alors le second Homme, le
Seigneur venu du ciel, siégera sur son trône et, avec l’Église son épouse, il
régnera sur la création renouvelée. Cette Église est née de la tombe du Christ,
elle fait partie « de son corps », « de sa chair et de ses
os ». Lui, la Tête ; elle, le corps, ne font ensemble qu’un Homme.
L’Église, faisant ainsi partie
de Christ, occupera dans la gloire une place unique. Aucune créature n’était
unie à Adam comme l’était Ève, parce que nulle autre qu’elle n’était une partie
de lui-même. Ainsi aussi l’Église occupera la place la plus rapprochée de
Christ dans la gloire à venir.
Ce n’est pas seulement ce que l’Église sera
, mais ce qu’elle est
qui mérite notre admiration. Elle est maintenant le corps dont Christ est la
tête, « le chef » ; elle est le temple dans lequel Dieu habite.
Que ne devrions-nous pas être, si telles sont la dignité actuelle et la gloire
future de ce dont, par la grâce de Dieu, nous faisons partie ! Ce qui nous
convient assurément, c’est une marche sainte, une vie de dévouement à Dieu, de
séparation pour Dieu et de sainte élévation. Puissions-nous donc saisir ces
choses avec puissance par le Saint Esprit, afin que nous sentions plus
profondément quels sont le caractère et la conduite qui conviennent à la haute
vocation à laquelle nous sommes appelés ; afin que les yeux de notre cœur
étant éclairés, nous sachions quelle est l’espérance de son appel, et quelles
sont les richesses de la gloire de son héritage dans les saints, et quelle est
l’excellente grandeur de sa puissance envers nous qui croyons, selon l’opération
de la puissance de sa force, qu’il a opérée dans le Christ, en le ressuscitant
d’entre les morts ; et il l’a fait asseoir à sa droite dans les lieux
célestes, au-dessus de toute principauté, et autorité, et puissance, et
domination, et de tout nom qui se nomme, non seulement dans ce siècle, mais
aussi dans celui qui est à venir ; et il a assujetti toutes choses sous
ses pieds, et l’a donné pour être chef sur toutes choses à l’assemblée, qui est
son corps, la plénitude de Celui qui remplit tout en tous (Éph. 1:18-23).
Note du traducteur : Les trois premiers versets de ce chapitre 2 terminent proprement le sujet du chapitre 1, et devraient y être rattachés.
Deux sujets principaux réclament notre attention dans ce chapitre : « le septième jour » et « le fleuve ».
Il est peu de sujets sur lesquels il y ait eu autant de
controverse, et encore autant de divergences que celui du « sabbat »,
bien que la doctrine du sabbat soit exposée dans l’Écriture de la manière la
plus simple et la plus claire pour qui veut se soumettre à l’enseignement de
Dieu. Nous examinerons en son lieu le commandement
formel de « garder le sabbat » : ici, il n’est pas question d’un
commandement donné à l’homme ; mais nous trouvons la simple déclaration
que : « Dieu se reposa au septième jour » (vers. 2). « Et
les cieux et la terre furent achevés, et toute leur armée. Et Dieu eut achevé
au septième jour son œuvre qu’il fit ; et il se reposa au septième jour.
Et Dieu bénit le septième jour, et le sanctifia ; car en ce jour il se
reposa de toute son œuvre que Dieu créa en la faisant » (2:1-3). Ces
paroles nous apprennent que Dieu se reposa, parce que, quant à ce qui
concernait la création
, son œuvre
était achevée : il n’est question ici en aucune manière d’un commandement
donné à l’homme. Celui qui pendant six jours avait travaillé, cessa de
travailler, et se reposa. Tout était complet et achevé ; tout était
« très bon » ; toutes choses étaient ce que lui-même les avait
faites, et il se reposait dans son œuvre. « Les étoiles du matin
chantaient ensemble, et tous les fils de Dieu éclataient de joie » (Job
38:7). L’œuvre de la création était achevée, et Dieu célébrait un sabbat ;
c’est le seul que Dieu
ait jamais
célébré, si nous nous en tenons simplement à ce que les écrits inspirés nous
apprennent. Plus tard, nous lisons que Dieu ordonna à l’homme de « garder
le sabbat », et que l’homme ne sut pas respecter l’ordonnance de
Dieu ; mais jamais nulle part, nous ne retrouvons plus ces paroles :
« Dieu se reposa » ; au contraire, Jésus dit : « Mon
père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille » (Jean 5:17). Le
sabbat, dans le sens propre et exact de l’expression, n’a pu être célébré que
là où il n’y avait réellement plus rien à faire, au milieu d’une création pure,
exempte de toute souillure de péché. Dieu ne peut trouver de repos là où le
péché existe ; et il est absolument impossible qu’il se repose et prenne
plaisir dans la création maintenant.
Les
épines et les ronces, avec les mille autres tristes fruits d’une création qui
soupire, disent hautement qu’il faut que Dieu travaille,
et non pas qu’il se
repose.
Dieu pourrait-il se reposer au milieu des ronces et des épines, au
milieu des soupirs et des larmes, de la maladie et de la mort, de la
dégradation et des crimes d’un monde coupable et en ruine ? Dieu
pourrait-il se reposer, et célébrer un sabbat au milieu de pareilles circonstances ?
Quoi qu’il en soit, l’Écriture nous apprend que Dieu n’a eu jusqu’ici qu’un
seul « sabbat », celui dont parle le chap. 2 de la Genèse. « Le
septième jour » fut le sabbat, et nul autre. Ce jour démontrait que l’œuvre
de la création était achevée ; mais cette œuvre a été gâtée dès lors, et
le repos du septième jour a été interrompu : depuis la chute, Dieu a
travaillé ; « mon Père travaille jusqu’à maintenant et moi je
travaille » ; et le Saint Esprit aussi travaille. Assurément Christ n’a
point eu de sabbat pendant qu’il était sur la terre. Il a accompli son œuvre et
l’a glorieusement accomplie, cela est vrai ; mais où passa-t-il le jour du
sabbat ? Dans la tombe
!
Oui, lecteur, Christ le Seigneur, Dieu manifesté en chair, le Seigneur du
sabbat, passa le septième jour dans les ténèbres et le silence du tombeau. Ce
fait ne parle-t-il pas bien haut, ne renferme-t-il pas un profond
enseignement ? Le Fils de Dieu eût-il été couché dans le sépulcre le jour
du sabbat, si ce jour avait dû être passé dans le repos et la paix, et dans la
parfaite conscience qu’il ne restait plus absolument rien à faire ? La
tombe de Jésus à elle seule nous dit l’impossibilité de célébrer un sabbat, et
cette tombe occupée, le septième jour, par le Seigneur du sabbat, nous montre l’homme
comme une créature déchue, coupable, sans ressources, terminant sa longue
carrière de péché en crucifiant le Seigneur de gloire, et en plaçant à l’ouverture
de sa tombe une grande pierre, afin de l’y retenir, si possible : pendant
que le Fils de Dieu est dans le tombeau, l’homme célèbre le jour du
sabbat ! Quelle pensée ! Christ est dans la tombe pour rétablir le
sabbat interrompu, et l’homme essaye de garder le sabbat, comme si tout était
en ordre ; l’homme
célèbre son
sabbat, non celui de Dieu : un
sabbat sans Christ et sans Dieu, une forme vide, sans puissance et sans valeur.
Mais, dira-t-on, le septième jour est devenu le premier, et les principes sont restés les mêmes. Je crois que cette opinion ne repose sur aucun fondement scripturaire. Sur quelle autorité, en effet, l’établira-t-on ? Rien n’est plus facile que de la produire, s’il en existe une dans l’Écriture. Mais il n’en est point : et la distinction entre le septième et le premier jour est, au contraire, maintenue de la manière la plus formelle dans le Nouveau Testament. C’est pourquoi nous lisons au chapitre 28 de l’évangile selon Matthieu : « Or, sur le tard, le jour du sabbat, au crépuscule du premier jour de la semaine ». Le « premier jour de la semaine » n’est donc pas le sabbat transporté du septième à un autre jour, mais un jour entièrement nouveau : c’est le premier jour d’une période nouvelle, non le dernier jour d’une vieille période. « Le septième jour » est en relation avec la terre et le repos terrestre ; « le premier jour de la semaine », au contraire, avec le ciel et le repos céleste. La différence est immense, aussi bien quant au principe lui-même, que si nous considérons le sujet à son point de vue pratique. Si je célèbre le « septième jour », je me désigne moi-même par cet acte comme un homme terrestre, parce que ce jour, comme nous venons de le voir, est le repos de la terre, le repos de la création. Mais si par l’enseignement de l’Écriture et de l’Esprit de Dieu, je suis amené à comprendre la signification du « premier jour de la semaine », je saisirai immédiatement le rapport direct qu’il y a entre ce jour et le nouvel ordre de choses, tout céleste, dont la mort et la résurrection de Christ constituent le fondement éternel. Le septième jour était en rapport avec Israël et la terre ; le premier jour de la semaine est en rapport avec l’Église et le ciel.
De plus, remarquez-le, Dieu avait commandé
à Israël de garder le jour du sabbat ; tandis que le
premier jour de la semaine est donné à l’Église comme un privilège dont elle
est appelée à jouir. Le sabbat était la pierre de touche de l’état moral d’Israël,
et le premier jour de la semaine est la preuve significative de l’éternelle
acceptation de l’Église ; le sabbat manifestait ce qu’Israël pouvait faire
pour Dieu ; le premier
jour de la semaine fait connaître parfaitement ce que Dieu a fait
pour nous.
On ne saurait estimer trop haut la nature et l’importance du « jour du Seigneur », comme est appelé le premier jour de la semaine au chapitre 1 de l’Apocalypse. Ce jour, étant le jour auquel Christ ressuscita d’entre les morts, publie non l’achèvement de la création, mais le triomphe glorieux et complet de la rédemption. La célébration du premier jour de la semaine n’est pas, nous l’avons déjà dit, un esclavage ou un joug pour le chrétien ; bien au contraire, c’est le bonheur du chrétien que de célébrer cet heureux jour. Aussi est-ce le premier jour de la semaine que nous voyons les premiers chrétiens assemblés pour rompre le pain (Actes 20:7), et la distinction entre le sabbat et le premier jour de la semaine pleinement maintenue à cette époque de l’histoire de l’Église. Les Juifs célébraient le sabbat dans leurs synagogues, pour « lire la loi et les prophètes » ; et les chrétiens célébraient le premier jour de la semaine, en s’assemblant pour rompre le pain. Il n’y a pas un seul passage dans toute l’Écriture, où le premier jour de la semaine soit appelé le sabbat ; tandis qu’il existe des preuves abondantes de la différence essentielle qu’il y a entre ces deux jours.
Pourquoi donc combattre pour ce qui n’a aucun fondement dans l’Écriture ? Aimez, honorez, célébrez le jour du Seigneur ; cherchez à être « en esprit » ce jour-là, comme l’apôtre ; laissez vos affaires temporelles autant qu’il est en votre pouvoir ; mais, en même temps, donnez à ce jour le nom et la place qui lui appartiennent ; comprenez bien sur quels principes il est fondé ; laissez-lui son caractère particulier ; et surtout ne liez pas le chrétien, comme par un joug de fer, à l’observation du septième jour, attendu que c’est pour lui un heureux et saint privilège que de célébrer le premier. Ne faites pas descendre le chrétien du ciel où il trouve le repos, sur la terre où il n’en peut point trouver. N’exigez pas de lui qu’il garde un jour que son Maître a passé dans la tombe au lieu de se réjouir dans le jour bienheureux où il l’a quittée. Lisez attentivement Matt. 28:1-6 ; Marc 16:1, 2 ; Luc 24:1 ; Jean 20:1, 19, 26 ; Actes 20:7 ; 1 Cor. 16:2 ; Apoc. 1:10 ; Actes 13:14 ; 17:2 ; Col. 2:16.
Il ne faut pas croire, toutefois, que nous perdions de vue le
fait important que le sabbat sera de nouveau célébré dans la terre d’Israël et
dans toute la création : « Il reste un repos pour le peuple de
Dieu » (Héb. 4:9). Quand le Fils d’Abraham, Fils de David et Fils de l’homme,
prendra sa place, en gouvernement, sur toute la terre, il y aura un glorieux
sabbat, un repos que le péché n’interrompra jamais plus. Mais maintenant, le
Fils est rejeté, et tous ceux qui le connaissent et qui l’aiment sont appelés à
prendre place avec lui dans sa réjection, à sortir « vers lui hors du
camp, portant son opprobre » (Héb. 13:13). Il n’y aurait pas d’opprobre,
si la terre pouvait célébrer un sabbat ; mais le fait même que l’Église
professante cherche à faire du « premier jour de la semaine »
« le sabbat », met à découvert l’état dans lequel elle est tombée et
le principe même de sa position, qui n’est qu’un effort incessant pour
retourner à un état de choses et à un code de morale terrestres
: il est possible qu’un grand nombre de personnes
ne comprennent pas cela, et que beaucoup de chrétiens observent très
consciencieusement « le jour du sabbat » comme tel ; mais si
nous sommes tenus de respecter la conscience de ces chrétiens, et que nous ne
désirions blesser celle de personne, nous avons le droit, et il est de notre
devoir, de demander sur quel fondement scripturaire reposent de telles
convictions. Toutefois, ce n’est pas avec la conscience et les convictions des
hommes que nous avons affaire, pour le moment, mais avec l’intention de l’Esprit
de Dieu dans le Nouveau Testament ; et nous demandons à tout lecteur
chrétien de se rendre bien compte de sa position quant au « septième
jour » ou « sabbat », et quant « au premier jour de la
semaine » ou « jour du Seigneur » (*).
(*) S’il plaît à Dieu, nous reviendrons sur ce sujet en nous occupant du chapitre 20 de l’Exode. Disons seulement ici, relativement au sabbat, que l’on peut faire beaucoup de mal et de peine à des frères pieux, sous prétexte de zèle pour ce qu’on appelle la liberté chrétienne, en perdant de vue la vraie place que le jour du Seigneur occupe dans le Nouveau Testament. Si des chrétiens, uniquement pour montrer leur liberté, se livrent le dimanche à des travaux de la semaine, ils sont par là, sans nécessité, en achoppement à plusieurs de leurs frères. Une telle manière d’agir ne peut pas provenir de l’esprit de Christ. Si je suis au clair et en liberté à cet égard, dans mon esprit, je dois respecter la conscience de mes frères, qui n’ont pas les mêmes convictions. En outre, je ne crois pas que ceux qui se conduisent ainsi, comprennent réellement les vrais et précieux privilèges liés au jour du Seigneur. Nous devrions être reconnaissants de nous sentir délivrés de toute occupation et de toute distraction séculières, plutôt que de nous y replonger volontairement, dans le but de montrer que nous sommes libres. Dans plusieurs pays, la loi de l’état défend les travaux du dimanche ; nous pensons qu’il en est ainsi par un effet de la providence de Dieu, et que c’est là une grâce pour les chrétiens, car s’il en était autrement, nous savons assez que le cœur avare et cupide des hommes priverait, autant que possible, les chrétiens du doux privilège de pouvoir adorer Dieu avec leurs frères dans le jour du Seigneur. Et qui peut dire quel serait l’effet délétère d’une occupation ininterrompue des affaires de ce monde ? Les chrétiens qui, du lundi matin au samedi soir, respirent la lourde atmosphère des bureaux, des magasins, de la fabrique ou de l’atelier, peuvent s’en former une légère idée.
Occupons-nous maintenant de la liaison qu’il y a entre le « sabbat » et « le fleuve » qui sortait d’Éden. C’est la première fois qu’il est fait mention du « ruisseau de Dieu » dans l’Écriture (Ps. 65:9), et ce sujet est introduit ici en connexion avec le repos de Dieu.
Quand Dieu se reposait dans ses œuvres, l’univers entier en recevait de la bénédiction ; car Dieu ne pouvait pas garder un sabbat sans que l’influence sainte et bénie s’en répandît sur toute la terre. Mais hélas ! les ruisseaux qui coulent d’Éden, la scène du repos terrestre, sont bientôt arrêtés dans leur cours, parce que le péché est venu interrompre le repos de la création. Toutefois, et que Dieu en soit béni, le péché n’a pas arrêté Dieu dans son œuvre ; il n’a fait que lui ouvrir un nouveau champ d’action, et partout où Dieu agit, là aussi on voit couler le fleuve. Ainsi, quand il conduit, à main forte et à bras étendu, les armées qu’il a rachetées, les faisant passer à travers les sables arides du désert, nous voyons couler un fleuve au désert, non d’Éden, mais du rocher entrouvert, belle et juste image du principe en vertu duquel la grâce souveraine agit en faveur des pécheurs et pourvoit à leurs besoins. Il ne s’agit pas ici seulement de création, mais de rédemption. « Le rocher était Christ » (1 Cor. 10:4), Christ frappé pour la guérison de son peuple. Le rocher entrouvert était en relation avec la demeure de l’Éternel dans le tabernacle ; et il y a, dans cette relation, quelque chose de moralement beau : Dieu habitant dans une tente, et Israël buvant l’eau du Rocher ! Quel langage expressif pour toute oreille ouverte, et quelle instruction pour tout cœur séparé pour Dieu !
À mesure que nous avançons dans l’histoire des voies de Dieu, nous voyons le fleuve suivre un autre canal : « En la dernière journée, la grande journée de la fête, Jésus se tint là et cria, disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, selon ce qu’a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son ventre » (Jean 7:37, 38). Nous voyons que le fleuve provient ici d’une autre source et coule dans un autre canal ; en un sens, la source est bien toujours la même, c’est-à-dire Dieu lui-même ; mais, en Jésus, elle est en Dieu connu dans une relation nouvelle et sur un principe nouveau. Le Seigneur Jésus, au chapitre 7 de l’évangile selon Jean, est là, en esprit, en dehors de tout l’ordre de choses existant, et se présente comme la source du fleuve de l’eau de la vie, et la personne du croyant doit devenir le canal de ce fleuve. Éden, autrefois, devait répandre ses eaux au dehors pour arroser et fertiliser la terre ; dans le désert pareillement, dès que le rocher est frappé, il est appelé à donner des eaux rafraîchissantes aux armées altérées d’Israël. Il en est de même maintenant : quiconque croit en Jésus est appelé à laisser couler les fleuves bienfaisants dont il est le canal, en faveur de tous ceux qui l’entourent. Le chrétien doit se considérer comme le canal des grâces diversifiées de Christ, en faveur d’un monde pauvre et misérable ; et plus il sèmera libéralement, plus aussi il recevra libéralement : « Tel disperse, et augmente encore ; et tel retient plus qu’il ne faut, mais n’en a que disette » (Prov. 11:24). Le chrétien est ainsi placé dans une position, où à la fois il jouit des privilèges les plus doux, et où il est sous la responsabilité la plus solennelle. Il est appelé à être témoin constant de la grâce de Celui en qui il croit et à manifester cette grâce incessamment.
Or mieux il comprendra ses privilèges, mieux aussi il s’acquittera de sa responsabilité. Plus il se nourrira habituellement de Christ, plus son regard sera arrêté sur Jésus, plus aussi son cœur sera occupé de la personne adorable du Sauveur ; et sa vie et son caractère rendront un témoignage vrai et non équivoque à la grâce qui lui a été révélée et qu’il goûte. La foi est, en même temps, la puissance du service, la puissance du témoignage et la puissance du culte. Si nous ne vivons pas « dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Gal. 2:20), nous ne serons ni des serviteurs utiles, ni des témoins fidèles, ni de vrais adorateurs. Nous pourrons agir beaucoup, mais sans servir Christ ; parler beaucoup, mais sans rendre témoignage à Christ ; faire parade d’une grande dévotion, mais sans que nous rendions cependant un culte spirituel et vrai.
Enfin, nous trouvons encore, « le fleuve de Dieu »
dans le dernier chapitre de l’Apocalypse. « Et il me montra un fleuve d’eau
vive, éclatant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l’Agneau »
(Apoc. 22:1). Ce sont là les ruisseaux de la rivière dont parle le Psalmiste,
qui réjouissent la ville de Dieu, « le saint lieu des demeures du
Très-Haut » (Psaume 46:4. Comp. aussi Ézé. 47:1-12 ; et Zac. 14:8).
Rien ne peut plus désormais en altérer la source ou interrompre le cours de ses
eaux. « Le trône de Dieu » est l’image de la stabilité
éternelle ; et la présence de « l’Agneau » indique que ce trône
repose sur le fondement immédiat d’une rédemption accomplie. Ce n’est pas ici
le trône du Dieu créateur, ni celui du Dieu qui gouverne dans sa providence,
mais le trône du Dieu rédempteur. Quand je vois « l’Agneau
», je sais quels sont les rapports du trône de Dieu
avec moi, comme pécheur.
Le trône de
Dieu, comme tel, ne ferait que me remplir d’effroi ; mais quand Dieu se
révèle dans la personne de « l’Agneau », le cœur est attiré et la
conscience tranquillisée. Le sang de l’Agneau purifie la conscience de toute
tache de péché, et la met dans une parfaite liberté en la présence d’une sainteté
parfaite qui ne peut tolérer le péché. À la croix, toutes les exigences de la
sainteté divine ont été parfaitement satisfaites ; en sorte que, mieux
nous comprenons cette sainteté, mieux aussi nous apprécions la croix. Plus nous
estimons la sainteté, plus aussi nous estimerons l’œuvre de la croix. La grâce
règne « par la justice, pour la vie éternelle, par Jésus Christ »
(Rom. 5:21). C’est pourquoi le Psalmiste invite les saints à célébrer l’Éternel
en se rappelant la sainteté de Dieu. La louange est un précieux fruit de la
rédemption ; mais avant qu’un chrétien puisse rendre grâce en pensant à la
sainteté de Dieu, il faut qu’il envisage cette sainteté en se plaçant, par la
foi, au-delà de la croix ; non pas du côté des hommes et de la mort, mais
du côté de Dieu et de la résurrection, si je puis dire ainsi.
Après avoir tracé le cours du fleuve depuis la Genèse jusqu’à la
révélation de Jean, nous allons considérer maintenant brièvement la position d’Adam
en Éden. Nous avons vu Adam déjà comme un type de Christ ; or, nous n’avons
pas à le considérer seulement comme type, mais aussi comme personne ; nous
devons l’envisager non seulement comme représentant, d’une manière absolue, le
second homme, « le Seigneur du ciel », mais aussi comme placé dans
une position de responsabilité personnelle. Dieu avait établi un témoignage en
Éden, au milieu de cette belle scène de la création ; et ce témoignage
était, en même temps, une épreuve pour la créature : il parlait de mort
au milieu de la vie,
car Dieu avait dit : « Au
jour que tu en mangeras, tu mourras certainement » (vers. 17). Parole
étrange et solennelle, et pourtant nécessaire ! La vie d’Adam dépendait de
son obéissance parfaite ; le lien qui l’unissait à l’Éternel Dieu (*) était l’obéissance fondée sur une confiance
implicite en la vérité et en l’amour de Celui qui l’avait placé dans la
position élevée qu’il occupait ; ce n’était qu’autant qu’Adam se confiait
en lui qu’il pouvait obéir. Le chapitre 3 nous fera voir, d’une manière plus
développée, la portée et la vérité de ce fait ; mais je désire, ici,
attirer l’attention du lecteur sur l’intéressant contraste qui existe entre le
témoignage établi en Éden, et le témoignage de la présente économie. En Éden,
alors que tout était vie,
Dieu parle
de mort
; maintenant, au
contraire, que tout est mort
, Dieu
parle de vie
: car il fut
dit : « Au jour que tu en mangeras, tu mourras
certainement » ; maintenant, au contraire, il
est dit : « Crois, et tu vivras
! »
Mais comme en Éden l’ennemi chercha à annuler le témoignage de Dieu, quant au
résultat qui devait suivre la désobéissance, l’acte de manger du fruit, de
même, Satan cherche maintenant à annuler le témoignage de Dieu, quant au
résultat de la foi à l’Évangile. Dieu avait dit : « Au jour que tu en
mangeras, tu mourras
certainement » ; — et le serpent dit : « Vous ne mourrez
point certainement ». Et maintenant que l’Écriture annonce clairement que
« celui qui croit au Fils a la vie
éternelle
» (Jean 3:36), ce même serpent cherche à persuader aux
hommes qu’ils n’ont pas la vie,
et qu’avant
d’avoir senti, fait, expérimenté
toute
espèce de choses, ils ne peuvent pas y prétendre. Si vous n’avez pas encore
cru, de tout votre cœur, le témoignage de Dieu, cher lecteur, je vous en
supplie, écoutez la Parole du Seigneur et non les insinuations du serpent.
« Celui qui entend ma parole et qui croit celui qui m’a envoyé, a la vie
éternelle, et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la
vie » (Jean 5:24).
(*) Il est à remarquer
que dans le chap. 2 de la Genèse, l’expression « Dieu » est remplacée
par celle de « Éternel Dieu ». Ce changement est très important.
Quand Dieu agit en rapport avec l’homme, il prend le titre de « Éternel
Dieu » (Jéhovah Élohim), mais ce n’est que lorsque l’homme apparaît sur la
scène, que le nom de « Éternel » (Jéhovah) est introduit. Voici
quelques-uns des nombreux passages dans lesquels ce fait dont nous parlons se
présente d’une manière frappante. « Et ce qui entra, entra mâle et
femelle, de toute chair, comme Dieu
le
lui avait commandé, et l’Éternel
(Jéhovah)
ferma l’arche sur lui » (Gen. 7:16). Élohim allait détruire le monde qu’il
avait créé mais Jéhovah prit soin de l’homme avec lequel il était en relation.
— « Et toute la terre saura qu’il y a un Dieu pour Israël (Élohim) :
et toute cette congrégation saura que ce n’est ni par l’épée, ni par la lance,
que l’Éternel (Jéhovah) sauve », etc (1 Samuel 17:46, 47). Toute la terre
devait reconnaître la présence d’Élohim ; mais Israël était appelé à
reconnaître les faits de Jéhovah, avec lequel il était en relation. Enfin
« Josaphat cria, et l’Éternel
(Jéhovah)
le secourut ; et Dieu
(Élohim) les porta à s’éloigner de lui »
(2 Chr. 18:31) : Jéhovah prit soin de son serviteur égaré ; mais
Élohim, quoique inconnu, agit sur le cœur des Syriens incirconcis.
Cette portion du livre de la Genèse nous présente la ruine complète de l’état de choses qui nous a occupés jusqu’ici. Elle abonde en principes de la plus haute importance, et a été avec raison méditée et utilisée de tout temps par ceux qui ont eu à cœur d’annoncer la vérité, quant à ce qui concerne la ruine de l’homme, et le moyen établi de Dieu pour l’en tirer.
Le serpent entre sur la scène avec une question insolente, qui a pour but de jeter du doute sur la révélation divine ; elle est le modèle effrayant et avant-coureur de toutes les questions impies soulevées par les trop fidèles serviteurs du serpent, dans le monde, questions qui ne peuvent être combattues que par l’autorité suprême et divine des Saintes Écritures.
« Quoi, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tout
arbre du jardin ? » (vers. 1). Telle est l’astucieuse question du
diable. Si la parole de Dieu eût « habité richement » dans le cœur d’Ève
(Col. 3:16), sa réponse eût été simple, directe et décisive. Il n’y a qu’une manière
de répondre aux questions et aux suggestions du diable ; c’est de les
traiter comme venant de lui, et de les repousser par la parole de Dieu. Le
cœur, qui y prête l’oreille un instant seulement, s’expose à perdre la seule
force par laquelle on puisse les combattre. Le diable ne se présente pas
ouvertement à Ève, en disant : « Je suis Satan, l’ennemi de Dieu, et
je viens pour le calomnier et pour vous perdre ». Ce langage n’eût pas été
selon le caractère du serpent : et pourtant il a bien accompli toute cette
œuvre en soulevant des doutes
dans l’esprit
de la créature. C’est de l’incrédulité positive que d’admettre qu’on pose la
question : « Quoi, Dieu a dit ? » quand on sait que Dieu a
parlé et le fait seul qu’on admet la question prouve que l’on est incapable de
la combattre. La tournure même de la réponse d’Ève fait savoir qu’elle
avait admis dans son cœur l’astucieuse
question du serpent ; elle ne s’en tient pas étroitement à la parole de
Dieu, et ajoute à cette Parole. Or, qu’on y ajoute ou qu’on en retranche, on
montre par là que cette Parole n’habite pas dans le cœur et ne gouverne pas la
conscience. Si quelqu’un trouve son bonheur dans l’obéissance ; s’il en
fait son breuvage et sa nourriture ; s’il vit de « toute parole qui
sort de la bouche de Dieu », il apprendra à connaître cette Parole et y
sera attentif ; il n’est pas possible qu’il y soit indifférent. Le
Seigneur Jésus, dans sa lutte avec Satan, applique la Parole avec justesse, et
une parfaite exactitude, parce qu’il s’en nourrissait et l’estimait par-dessus
tout. Il ne pouvait pas la citer à faux ou errer dans l’application qu’il en
faisait, pas plus qu’il ne pouvait y être indifférent. Ève agit
différemment : elle laisse mettre en doute les paroles de Dieu, et elle y
ajoute. Le commandement était simple : « Tu n’en mangeras
pas » ; pourquoi y ajouter « et tu ne le toucheras
pas » ? Dieu n’avait pas parlé de « toucher », et ainsi,
que ce fût par ignorance ou par indifférence, ou en représentant Dieu sous un
jour arbitraire, ou par toutes ces raisons à la fois, il est clair qu’Ève était
en dehors du vrai terrain de la simple confiance en la sainte parole de Dieu et
de la soumission à cette Parole. « Par la parole de tes lèvres, je me suis
gardé des voies de l’homme violent » (Ps. 17:4).
Rien n’est plus important que la manière dont la Parole est citée partout, d’un bout à l’autre des Écritures ; rien n’égale non plus l’importance qui est attachée à la stricte obéissance à cette Parole ; et cette obéissance, nous la devons à la parole de Dieu, simplement parce qu’elle est la parole de Dieu. Soulever un doute, quand Dieu a parlé, est un blasphème. Nous sommes des créatures, Dieu est le créateur ; il peut donc à bon droit réclamer de nous l’obéissance. Que l’incrédule qualifie cette obéissance « d’obéissance aveugle », le chrétien l’appelle « obéissance intelligente », parce qu’elle est fondée sur la connaissance qu’il a que c’est à la parole de Dieu qu’il obéit. Si quelqu’un n’avait pas la parole de Dieu, on pourrait dire de lui avec raison, qu’il est dans les ténèbres, attendu qu’il ne peut pas y avoir un seul rayon de lumière, soit en nous, soit en dehors de nous, qui n’émane de cette Parole pure et éternelle. Tout ce qu’il nous faut, c’est de savoir que Dieu a parlé ; alors l’obéissance devient la sphère la plus élevée de l’activité intelligente. Quand l’âme est parvenue jusqu’à Dieu, elle a atteint la source la plus élevée de l’autorité. Aucun homme ni aucune assemblée d’hommes, n’a le droit de réclamer obéissance à sa parole, parce que cette parole est la sienne. C’est pourquoi les exigences de l’église de Rome sont impies et présomptueuses. En exigeant l’obéissance, elle usurpe la prérogative de Dieu ; et tous ceux qui se soumettent à elle privent Dieu de son droit. L’église de Rome prétend se placer entre Dieu et la conscience ; mais qui peut le faire impunément ? Quand Dieu parle, l’homme est tenu d’obéir : heureux est-il, s’il le fait ; malheur à lui, s’il ne le fait pas ! L’incrédulité peut mettre en doute que Dieu ait parlé, et la superstition peut placer une autorité humaine entre ma conscience et ce que Dieu a dit ; l’une comme l’autre nous privent ainsi réellement de la Parole, et conséquemment du bonheur infini qui accompagne l’obéissance à cette Parole. Chaque acte d’obéissance renferme une bénédiction ; mais du moment que l’âme hésite, l’ennemi a l’avantage sur elle, et il s’en servira pour l’éloigner de plus en plus de Dieu. Ainsi, dans le chapitre que nous méditons, Satan ajoute à sa question : « Quoi, Dieu a dit ? » cette assertion : « Vous ne mourrez point certainement » (vers. 4). D’abord, il met en doute si Dieu a parlé ; puis il contredit ouvertement ce que Dieu a dit. Ce fait solennel suffit pour prouver abondamment combien il est dangereux de donner entrée dans son cœur à un seul doute sur la révélation elle-même et sa plénitude ou son intégrité. Le rationalisme raffiné tient de près à l’incrédulité ouverte ; et l’incrédulité, qui ose juger la parole de Dieu, n’est pas éloignée de l’athéisme qui nie l’existence de Dieu. Si Ève ne fût pas déjà tombée dans le relâchement et l’indifférence à l’égard de la parole de Dieu, jamais elle n’eût prêté l’oreille au démenti donné à Dieu par Satan. Elle aussi eut ses « phases de foi », comme on s’exprime aujourd’hui, ou pour mieux dire ses phases d’incrédulité. Elle supporta d’entendre démentir Dieu par une créature, parce que la parole de Dieu avait perdu sa vraie autorité sur son cœur, sur sa conscience et sur son intelligence ; et son exemple fournit un enseignement des plus solennels à tous ceux qui sont en danger d’être enlacés dans l’impiété du rationalisme. Il n’y a aucune sécurité véritable pour une âme en dehors d’une foi profonde en la pleine inspiration et en la suprême autorité de « toute l’Écriture ». Celui qui possède cette foi aura une réponse victorieuse pour toute objection soulevée contre cette Parole, qu’elle vienne de Rome ou du rationalisme de l’Allemagne. « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil ». Le mal qui, de nos jours, corrompt jusqu’aux sources de la pensée et du sentiment religieux dans les plus belles parties de l’Europe, est le même qui atteignit le cœur d’Ève en Éden et la perdit. Ève prêta l’oreille à la question : « Quoi, Dieu a dit ? » et ce premier pas entraîna sa ruine : pas à pas et degré par degré, elle en vint à se courber devant le serpent et à le reconnaître pour son Dieu et pour la source de la vérité.
Oui, lecteur, le serpent prit la place de Dieu ; et son mensonge, la place de la vérité de Dieu. Or, comme il en a été de l’homme déchu, ainsi en est-il de sa postérité. La parole de Dieu n’a pas d’entrée dans le cœur de l’homme non régénéré ; mais ce cœur est dans un tel état, qu’il est ouvert au mensonge de Satan ; c’est pourquoi le Seigneur dit à Nicodème : « Il vous faut être nés de nouveau ».
Mais il est important de remarquer le moyen employé par Satan
pour ébranler la confiance d’Ève en la vérité de Dieu, et la placer sous la
puissance de la « raison » impie. Satan y parvient en ébranlant la
confiance d’Ève en l’amour de Dieu et en ce que Dieu a dit ; puis en
insinuant à Ève que le témoignage de Dieu n’est pas fondé sur l’amour.
« Car, dit-il, Dieu sait qu’au jour où vous en mangerez vos yeux seront
ouverts, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal » (vers.
5). C’est comme si le diable avait dit : « Il y a un avantage positif
à manger de ce fruit dont Dieu veut vous priver ; pourquoi donc
croiriez-vous le témoignage de Dieu ? Vous ne pouvez pas placer votre
confiance en quelqu’un qui, évidemment, ne vous aime pas ; car s’il vous
aimait, vous empêcherait-il de jouir d’un privilège réel et
positif ? » Si Ève s’était reposée simplement sur la bonté infinie de
Dieu, elle aurait été en sécurité et aurait résisté à l’influence de tout ce
raisonnement ; elle aurait répondu au serpent : « J’ai toute
confiance en la bonté de Dieu, et je tiens pour impossible qu’il me prive d’aucun
bien réel. Si ce fruit était bon pour moi, il me le donnerait assurément, et le
fait que Dieu me le défend prouve que, si j’en mangeais, au lieu de m’en
trouver mieux, je n’en serais que beaucoup moins bien. Je suis convaincue de l’amour
et de la vérité
de Dieu, et je te tiens pour un méchant, venu ici pour
détourner mon cœur de la source de toute bonté et de toute vérité :
Arrière de moi, Satan ! » Cette réponse eût été juste mais Ève ne la
fit pas : sa confiance en l’amour et en la vérité céda, et tout fut perdu.
Le cœur de l’homme déchu n’a plus de place pour l’amour ni pour la vérité de
Dieu ; il est étranger à l’un comme à l’autre, jusqu’à ce qu’il soit
renouvelé par le Saint Esprit.
Il sera intéressant maintenant de passer du mensonge de Satan à l’égard de l’amour de Dieu et de sa vérité, à la mission du Seigneur Jésus, qui vint du sein du Père dans le but de révéler ce que Dieu est véritablement. « La grâce et la vérité », les deux choses que l’homme a perdues par la chute, « vinrent par Jésus Christ » (Jean 1:17), Jésus a été le témoin fidèle de ce que Dieu est (Apoc. 1:5). La vérité révèle Dieu tel qu’il est ; mais cette vérité en Jésus est unie à la révélation de la grâce parfaite. En sorte que la révélation de ce que Dieu est, au lieu d’être pour la perte du pécheur, devient le fondement de son éternel salut. « C’est ici la vie éternelle, qu’ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17:3). Nous ne pouvons pas connaître Dieu et ne pas avoir la vie. La perte de la connaissance de Dieu fut la mort ; mais la connaissance de Dieu est la vie. Ceci place la vie entièrement en dehors de nous, et la fait dépendre de ce que Dieu est. Quel que puisse être le degré de connaissance de soi-même auquel on soit arrivé, il n’est pas dit : « C’est ici la vie éternelle qu’ils se connaissent eux-mêmes », bien que, sans doute, la connaissance de Dieu et la connaissance de soi-même soient, sous beaucoup de rapports, liées l’une à l’autre. La vie éternelle est liée à la première et non à la dernière : Connaître Dieu tel qu’il est, c’est la vie ; et tous « ceux qui ne connaissent pas Dieu… subiront le châtiment d’une destruction éternelle de devant la présence du Seigneur » (2 Thes. 1:9).
Il est de la plus haute importance de reconnaître que ce qui constitue véritablement la condition de l’homme et sa position, c’est sa connaissance ou son ignorance de Dieu. C’est là ce qui est la marque de la condition de l’homme, et ce qui détermine sa destinée future. Si l’homme est mauvais dans ses pensées, dans ses paroles et dans ses actions, cela vient de ce qu’il est sans la connaissance de Dieu ; si, d’un autre côté, il est pur en pensées, saint dans sa conversation, plein de grâce dans ses œuvres, tout cela n’est que le résultat pratique de la connaissance qu’il a de Dieu. Il n’en est pas autrement pour ce qui concerne l’avenir de l’homme. Connaître Dieu est le fondement solide d’un bonheur infini, et d’une gloire éternelle ; ne pas le connaître, la perdition éternelle. Tout donc est renfermé dans la connaissance de Dieu : elle vivifie l’âme, purifie le cœur, tranquillise la conscience, élève les affections et sanctifie entièrement le caractère et la conduite.
Est-il donc étonnant que le grand dessein de Satan ait été de dépouiller la créature de la vraie connaissance du seul vrai Dieu ? Il donna une fausse idée de Dieu en suggérant à Ève que Dieu n’était pas bon : ce fût là la source secrète de tout le mal. Dès lors, peu importe quelle forme le péché ait prise ; par quel canal il ait coulé, sous quel chef il se soit rangé ou quelle apparence il ait revêtue, tout découle toujours de cette seule et même source : l’ignorance de Dieu. Le moraliste le plus raffiné et le plus cultivé, l’homme le plus dévot, le philanthrope le plus bienveillant, s’ils ne connaissent pas Dieu, sont aussi loin de la vie et de la vraie sainteté que le publicain ou la femme de mauvaise vie. Le fils prodigue était tout aussi pécheur et tout aussi éloigné du père au moment où il franchissait le seuil de la maison paternelle, que lorsqu’il paissait les pourceaux dans le pays lointain (Luc 15:13-15). Il en fut de même dans le cas d’Ève. Du moment qu’elle se fut soustraite à la main de Dieu ; qu’elle fut sortie de la position de dépendance absolue de sa Parole et de la soumission à cette Parole, elle s’abandonna à la domination de la convoitise, gouvernée par Satan, pour sa ruine complète.
Le verset 6 nous met en présence de trois choses, dont parle l’apôtre Jean : « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2:16), trois choses qui, comme le dit l’apôtre lui-même, renferment « tout ce qui est dans le monde ». Dès que Dieu eut été exclu, ces choses dominèrent nécessairement. Si nous ne persévérons pas dans l’assurance bienheureuse de l’amour de Dieu et de sa vérité, de sa grâce et de sa fidélité, nous nous livrerons à l’un des principes mentionnés plus haut, ou à tous à la fois, peut-être ; en d’autres termes, nous nous livrerons au gouvernement de Satan.
À proprement parler, le libre arbitre n’existe pas chez l’homme. L’homme qui se gouverne lui-même est, de fait, gouverné par Satan ; sinon, c’est Dieu qui le gouverne. Or, les trois grands agents par lesquels Satan opère, sont : « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie ». Ce sont les trois choses que Satan présenta au Seigneur Jésus dans la tentation. Le diable commence par tenter le second Adam en l’engageant à se soustraire à la position de dépendance absolue de Dieu : « Dis que ces pierres deviennent des pains ! » Il ne demande pas à Jésus de faire comme le premier homme, en s’élevant lui-même au-dessus de ce qu’il était ; mais il lui demande de donner des preuves de ce qu’il était. Ensuite il offre à Jésus tous les royaumes du monde et leur gloire ; et, enfin, il le transporte sur le faîte du temple, et là, il lui suggère de se donner soudainement et miraculeusement en spectacle à l’admiration du peuple rassemblé au pied du temple (comp. Matt. 4:1-11 ; et Luc 4:1-13). Le but évident de chacune de ces tentations était d’induire le Seigneur à dévier de la position d’entière dépendance de Dieu et de la parfaite soumission à sa volonté ; mais tout fut inutile. « Il est écrit », telle fut la réponse invariable de l’homme seul dépendant, seul dépouillé de lui-même, seul parfait. D’autres ont pu entreprendre de se gouverner eux-mêmes : quant à lui, Dieu seul le gouverna. Quel exemple pour les fidèles dans toutes les circonstances dans lesquelles ils peuvent être placés ! Jésus s’en tint à l’Écriture et fut vainqueur ; sans autre épée que celle de l’Esprit, il soutint la lutte et remporta une glorieuse victoire. Quel contraste entre lui et le premier Adam ! À celui-ci, tout parlait pour Dieu ; au second Adam, tout parlait contre Dieu. L’un possédait le jardin avec toutes ses délices : l’autre était au milieu du désert et de toutes ses privations ; le premier mit sa confiance en Satan ; le second se confia en Dieu ; le premier fut complètement vaincu ; le second complètement victorieux. Béni soit le Dieu de toute grâce, qui a placé notre sort entre les mains de Celui qui est si puissant pour vaincre, si puissant pour sauver !
Voyons maintenant jusqu’à quel point Adam et Ève entrèrent dans
la jouissance du privilège que Satan leur avait promis. Cet examen servira à
mettre en lumière un point très important par rapport à la chute de l’homme. L’Éternel
Dieu avait tout ordonné pour que, dans la chute et par la chute, l’homme acquît
quelque chose qu’il n’avait pas possédé antérieurement, savoir : une conscience
; la connaissance du
bien et du mal. Il est évident qu’avant la chute, l’homme ne pouvait pas être
doué de cette connaissance. Il ne pouvait avoir aucune idée du mal aussi
longtemps que le mal n’était pas là pour être connu par lui ; il était
dans un état d’innocence, c’est-à-dire d’ignorance du mal. Dans la chute et par
la chute, l’homme acquit une conscience ; et nous voyons que le premier
effet de cette conscience est de le troubler et de l’effrayer. Satan avait
complètement trompé la femme ; il avait dit : « Vos yeux seront
ouverts et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal », mais il
avait omis une partie importante de la vérité, savoir qu’ils connaîtraient le
bien sans avoir la force de l’accomplir, et qu’ils connaîtraient le mal sans
pouvoir l’éviter. La tentative de s’élever sur l’échelle de l’existence morale
entraînait la perte de la vraie élévation : l’homme devint un être
dégradé, faible, tourmenté par la crainte, poursuivi par sa conscience, un
esclave de Satan. « Leurs yeux furent ouverts », il est vrai ;
mais ce fut pour voir leur propre nudité, leur triste condition. Ils étaient
« malheureux et misérables, et pauvres, et aveugles, et nus », triste
fruit de l’arbre de la connaissance ! Adam et Ève n’acquirent aucune
connaissance nouvelle de la bonté de Dieu, aucun rayon nouveau de la lumière
divine, jaillissant de la source pure et éternelle de cette lumière.
Hélas ! non. Le tout premier résultat de leur désobéissance et de leur
recherche de la connaissance fut la découverte qu’ils étaient nus.
Il est bon de comprendre ceci ; il est bon également de
savoir quelle est l’action de la conscience sur l’âme et d’apprendre qu’elle ne
peut faire de nous que des êtres craintifs, en ce qu’elle nous donne le
sentiment de ce que nous sommes. Beaucoup de gens se trompent à cet égard et
croient que la conscience conduit à Dieu. Voyons-nous qu’elle l’ait fait dans
le cas d’Adam et d’Ève ? Assurément non ; et elle ne le fera pour
aucun pécheur. Et comment le pourrait-elle ? Comment le sentiment de ce
que je suis
pourrait-il jamais me
conduire à Dieu, si ce sentiment n’est accompagné de la foi en ce que Dieu est
? Le sentiment de ce que
je suis produira la honte, les remords, l’angoisse ; il pourra déterminer
aussi certains efforts de ma part, pour remédier à la condition qu’il me
dévoile ; mais ces efforts même, bien loin de m’amener à Dieu, agissent
plutôt comme un rideau qui le dérobera à ma vue. Ainsi pour Adam et pour Ève,
la découverte de leur nudité fut suivie d’un effort de leur part, pour couvrir
cette nudité. « Ils cousirent ensemble des feuilles de figuier, et s’en
firent des ceintures » (vers. 7). C’est ici la première mention d’une
tentative faite par l’homme pour remédier à sa condition par des moyens de sa
propre invention ; et, si nous considérons attentivement ce fait, nous en
retirerons une profonde instruction quant au caractère réel de la religion de l’homme
dans tous les âges. En premier lieu, nous voyons que, non seulement pour ce qui
concerne Adam, mais dans tous les cas possibles, le premier effort de l’homme,
pour remédier à sa condition, provient du sentiment de sa nudité. Il est nu,
sans contredit ; et toutes ses œuvres sont le résultat de ce qu’il est
tel : tous ses efforts ne le tireront jamais de là. Il faut que je sache
que je suis revêtu avant de pouvoir faire quoi que ce soit d’acceptable devant
Dieu ; et en ceci gît la différence entre le vrai christianisme et la
religion de l’homme : le christianisme est fondé sur le fait que l’homme
est revêtu, tandis que la religion de l’homme repose sur le fait que l’homme
est nu. Le christianisme a pour point de départ ce qui constitue le but de la
religion de l’homme. Tout ce que le vrai chrétien fait, il le fait parce qu’il
est revêtu, parfaitement revêtu ; et tout ce que fait l’homme naturel
religieux il le fait afin d’être revêtu. La différence est immense. Plus nous
examinerons la nature de la religion de l’homme, dans toutes ses phases, mieux
aussi nous verrons l’incapacité complète de cette religion pour remédier à l’état
de l’homme, ou même pour satisfaire au sentiment qu’il a lui-même de son état.
La religion de l’homme peut suffire pour un temps ; elle peut suffire
aussi longtemps que la mort, le jugement et la colère de Dieu sont envisagés à
distance, si tant est qu’on y pense ; mais quand on en vient à regarder en
face ces terribles réalités, on éprouve alors qu’en toute vérité la religion de
l’homme est « un lit trop court » pour s’y étendre, « une couverture
trop étroite » pour s’en envelopper.
Dès qu’Adam entendit la voix de l’Éternel Dieu dans le jardin, « il craignit », parce que, ainsi qu’il le confesse lui-même, « il était nu » ; oui, nu, malgré la couverture dont il s’était revêtu. Cette couverture ne satisfait pas même sa propre conscience, cela est évident ; car, si sa conscience eût été divinement satisfaite, il n’eût pas craint. « Si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance envers Dieu » (1 Jean 3:21). Mais si même la conscience de l’homme ne trouve pas de repos dans les efforts de la religion de l’homme, combien moins la sainteté de Dieu en trouverait-elle là ? La ceinture qu’il avait mise ne pouvait cacher Adam aux yeux de Dieu, et il ne pouvait pas non plus se montrer nu en sa présence : c’est pourquoi il s’enfuit pour se cacher. La conscience fait ainsi en tout temps ; elle porte l’homme à se cacher de devant l’Éternel Dieu, et tout ce que sa religion peut donner à l’homme n’est qu’un couvert pour le dérober aux regards de Dieu. C’est un pauvre refuge, car tôt ou tard il faudra que l’homme se rencontre avec Dieu, et s’il ne possède autre chose que le triste sentiment de ce qu’il est, il ne peut qu’être effrayé, il sera nécessairement malheureux. En vérité, plus rien que l’enfer ne manque pour compléter le tourment de celui qui, sachant qu’il doit se rencontrer avec Dieu, ne connaît que sa propre incapacité de paraître devant lui. Adam n’aurait pas craint s’il eût connu l’amour parfait de Dieu, car « il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait chasse la crainte, car la crainte porte avec elle du tourment ; et celui qui craint n’est pas consommé dans l’amour » (1 Jean 4:18). Adam ne savait pas cela, parce qu’il avait cru le mensonge de Satan. Il pensait que Dieu n’était rien moins qu’amour ; aussi eût-il fait tout autre chose plutôt que de se hasarder à paraître en sa présence. Cela était d’ailleurs impossible ; le péché était là, et Dieu et le péché ne peuvent se trouver ensemble. C’est pourquoi aussi longtemps qu’il y a du péché sur la conscience, il y a aussi conscience de l’éloignement de Dieu. « Dieu a les yeux trop purs pour voir le mal » (Hab. 1:13). Le péché, quelque part qu’il se trouve, ne peut que rencontrer la colère de Dieu.
Mais il n’y a pas seulement la
conscience de ce que je
suis ; il y a aussi, Dieu en soit béni, la révélation de ce que Dieu est
;
et c’est la chute de l’homme qui a réellement donné lieu à cette bienheureuse
révélation. Dieu ne s’était pas révélé lui-même pleinement dans la
création ; il avait montré par elle « sa puissance éternelle et sa
divinité » (*) (Rom. 1:20) ; mais il
n’avait pas révélé, dans leur profondeur, tous les secrets de sa nature et de
son caractère. Satan se trompa donc bien en venant s’ingérer dans la création
de Dieu ; il se fit ainsi l’instrument de sa propre ruine et de son
éternelle confusion : « Le trouble qu’il avait préparé retombera sur
sa tête, et sa violence descendra sur son crâne » (Ps. 7:16). Le mensonge
de Satan ne fit que fournir l’occasion pour la pleine manifestation de la vérité
quant à Dieu. La création n’aurait
jamais pu manifester ce que Dieu est. Il y avait en Dieu infiniment plus que de
la sagesse et de la puissance ; il y avait en lui l’amour, la miséricorde,
la sainteté, la justice, la bonté, la tendresse, la longanimité. Où, ailleurs
que dans un monde de pécheurs, toutes ces perfections auraient-elles pu être
manifestées ?
(*) La comparaison du
mot théiotês
(Rom. 1:20) avec le mot théotês
(Col. 2:9), donne lieu à une
pensée profondément intéressante. La plupart de nos versions ont traduit l’un
et l’autre par « Divinité » (Diodati dans les deux passages, met
« Déité »). La version nouvelle a eu raison, selon nous, de rendre le
premier par « divinité », comme ayant pour racine l’adjectif « theios,
divin », et le
second par « Déité », parce qu’il dérive du nom de « theos,
Dieu » : ils présentent
donc une acception différente. Les Gentils pouvaient avoir aperçu qu’il y avait
quelque chose de surhumain, quelque chose de divin, dans la création ; mais
c’était la pure, l’essentielle, l’incompréhensible Déité qui habitait dans la
personne adorable du Fils.
D’abord, Dieu descendit pour créer
;
ensuite, après que le serpent se fut permis de s’immiscer dans la création,
Dieu descendit pour sauver.
C’est ce
que nous révèlent les premières paroles de l’Éternel Dieu, après la chute de l’homme :
« Et l’Éternel Dieu appela l’homme, et lui dit : Où
es-tu ? » (vers. 9). Cette question prouvait deux choses, savoir que
l’homme était perdu et que Dieu était venu pour le chercher ; elle
prouvait le péché de l’homme et la grâce de Dieu. « Où es-tu ? »
Quelle fidélité, quelle grâce merveilleuse dans cette parole qui, par
elle-même, dévoile la réalité de la condition de l’homme, et révèle le vrai
caractère de Dieu et sa disposition à l’égard de l’homme déchu. L’homme était
perdu ; mais Dieu est descendu pour le chercher, pour le faire sortir du
lieu où il s’était caché au milieu des arbres du jardin, afin de lui faire
trouver, dans l’heureuse confiance de la foi, un lieu de refuge en lui-même. C’était
la grâce. Pour créer l’homme de la poussière de la terre, il suffisait de la puissance
; pour chercher l’homme
dans son état de perdition, il fallait la grâce.
Mais qui pourrait exprimer tout ce que renferme l’idée que Dieu cherche,
que Dieu cherche un
pécheur ! Qu’est-ce que le Dieu bienheureux a pu voir dans l’homme déchu
pour l’engager à le chercher ? Il a vu en lui ce que le berger vit dans la
brebis perdue, ce que la femme vit dans la drachme, et ce que le père de l’enfant
prodigue vit dans son fils : le pécheur a du prix aux yeux de Dieu.
Comment donc l’homme pécheur répond-il à la fidélité et à la
grâce du Dieu béni, qui l’appelait et lui disait : « Où
es-tu ? » Hélas ! la réponse d’Adam ne fait que révéler la
profondeur du mal dans lequel il était tombé. « Et il répondit : J’ai
entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, car je suis nu, et je me suis
caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a montré que tu étais nu ? As-tu
mangé de l’arbre dont je t’ai commandé de ne pas manger ? Et l’homme
dit : La femme que tu m’as donnée
pour
être avec moi, — elle, m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé » (vers.
10-12). Nous voyons Adam rejeter, de fait, sa honteuse chute sur les
circonstances dans lesquelles Dieu l’avait placé ; c’est-à-dire
indirectement sur Dieu lui-même. Il en a toujours été ainsi de l’homme
déchu ; il accuse tout le monde et toutes choses, excepté lui-même.
L’âme vraiment humble, au
contraire, demande : « N’est-ce pas moi qui ai péché ? » Si
Adam se fût connu lui-même, son langage eût été bien différent de ce qu’il
fut ; mais Adam ne connaissait ni lui-même, ni Dieu ; c’est pourquoi,
au lieu de s’accuser lui-même tout seul, il jette la faute sur Dieu.
Telle était l’affreuse condition de l’homme. Il avait tout perdu :
sa domination, sa dignité, son bonheur, son innocence, sa pureté, sa paix et,
ce qui était pire encore, il accusait Dieu d’être la cause de sa misère (*). Il était là, un pécheur perdu et coupable, et,
néanmoins, se justifiant lui-même
et accusant Dieu
.
(*) L’homme, non seulement accuse Dieu de sa chute, mais il lui
reproche aussi de le laisser dans cet état. Il y a des gens qui disent qu’ils
ne peuvent pas croire, à moins que Dieu ne leur donne le pouvoir de
croire ; et encore, qu’à moins d’être les objets des décrets éternels de
Dieu, ils ne peuvent pas être sauvés. Or il est certain que nul ne peut croire
l’Évangile, si ce n’est par la puissance du Saint Esprit ; et il est
également vrai que ceux qui croient ainsi l’Évangile sont les bienheureux objets
des conseils éternels de Dieu. Mais tout cela met-il de côté la responsabilité
sous laquelle l’homme se trouve de croire le témoignage clair et simple que l’Écriture
place devant lui ? Non, assurément au contraire, tout révèle la méchanceté
du cœur de l’homme qui le porte à rejeter le
témoignage de Dieu,
qui est clairement révélé ; et à prétexter, comme
motif de ce rejet, le décret de Dieu
,
qui est un profond secret, connu de Dieu seul. Mais cette excuse ne profitera à
personne ; car il est écrit, 2 Thes. 1:8-9, que ceux « qui n’obéissent
pas à l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ, subiront le châtiment d’une
destruction éternelle ». Les hommes sont responsables de croire l’Évangile,
et seront punis pour ne l’avoir pas cru. Ils ne sont pas responsables de
connaître ce qui, dans les conseils de Dieu, n’a pas été révélé, et nul ne peut
être tenu pour coupable d’être dans l’ignorance à cet égard. L’apôtre pouvait
dire aux Thessaloniciens : « Sachant, frères aimés de Dieu, votre
élection ». Comment le savait-il ? Était-ce parce qu’il avait pu lire
les pages du secret de Dieu et de ses desseins éternels ? —
Nullement ; mais « parce que notre Évangile n’est pas venu à vous en
parole seulement, mais aussi en puissance » (1 Thes. 1:4-5). Voilà ce qui
fait connaître les élus ; l’Évangile venant en puissance est la preuve
manifeste de l’élection de Dieu. Ceux qui se font des conseils de Dieu un
prétexte pour rejeter le témoignage de Dieu, ne cherchent au fond qu’une
misérable excuse pour continuer à vivre dans le péché. De fait, ils ne se
soucient pas de Dieu ; et ils montreraient plus de droiture en l’avouant
franchement, qu’en avançant ce prétexte.
Mais c’est précisément quand l’homme en fut venu là que Dieu commença à se révéler lui-même, et à déployer les desseins de son amour rédempteur ; et en cela gît le vrai fondement de la paix, et du bonheur de l’homme. Quand l’homme en a fini avec lui-même, Dieu peut montrer ce qu’il est, et pas avant. Il faut que l’homme disparaisse entièrement de dessus la scène avec toutes ses vaines prétentions, ses vanteries et ses raisonnements blasphématoires, avant que Dieu puisse ou veuille se révéler. Ainsi pour Adam, c’est pendant qu’il est caché derrière les arbres du jardin, que Dieu développe le plan merveilleux de la rédemption, par l’instrumentalité de la semence meurtrie de la femme, et nous apprenons ici ce qui seul peut amener l’homme en paix et avec assurance devant Dieu. Nous avons déjà vu l’incapacité de la conscience à cet égard. La conscience chassa Adam derrière les arbres du jardin ; la révélation de Dieu l’amène en la présence de Dieu. La conscience de ce qu’il était le remplit de terreur ; la révélation de ce que Dieu est le tranquillise.
Il y a là quelque chose de très consolant pour un cœur accablé
sous le poids du péché. La réalité de ce que Dieu est, fait face à la réalité
de ce que je suis, et c’est en cela qu’est le salut. Il faut que Dieu et l’homme
se rencontrent, soit en grâce, soit en jugement, et le point de rencontre est
là où Dieu et l’homme sont révélés tels
qu’ils sont
. Heureux ceux qui y arrivent par la grâce ; malheur à ceux
qui devront se rencontrer avec Dieu en jugement ! Dieu s’occupe de nous et
agit envers nous, selon ce que nous sommes ; et ses voies envers nous
découlent de ce qu’il est lui-même. À la croix, Dieu descend en grâce dans les
profondeurs non seulement de notre condition négative, mais de notre condition
positive, comme pécheurs ; et il nous donne ainsi une parfaite paix. Si
Dieu est venu me trouver, dans la position réelle où je suis, et que lui-même
ait préparé un remède qui soit à la hauteur du mal dans lequel je suis plongé,
tout est pour jamais réglé. Mais tous ceux qui ne voient pas ainsi, par la foi,
Dieu en la croix, se rencontreront bientôt avec lui en jugement pour être
traités par lui selon ce qu’il est, et selon ce qu’ils sont. Dès qu’une âme est
amenée à connaître son état réel, elle n’a pas de repos qu’elle n’ait trouvé
Dieu à la croix ; et alors elle se repose en Dieu lui-même. Dieu est le
repos et l’asile de l’âme fidèle ; que son nom soit béni ! Les œuvres
et la justice de l’homme sont ainsi mises à leur place une fois pour toutes.
Ceux qui se reposent sur leurs œuvres et leur justice, on peut le dire avec
vérité, ne peuvent pas encore être parvenus à la vraie connaissance d’eux-mêmes ;
cela est absolument impossible. Une conscience, réveillée par la puissance
divine, ne peut trouver de repos ailleurs que dans le parfait sacrifice du Fils
de Dieu. Tous les efforts que fait l’homme pour établir sa propre justice proviennent
de l’ignorance dans laquelle il est de la justice de Dieu. Adam pouvait
apprendre, dans la révélation de Dieu concernant « la semence de la
femme », l’inefficacité de sa ceinture de feuilles. La grandeur de l’œuvre
dont il s’agissait faisait voir l’impuissance de l’homme à l’accomplir. — Il
fallait que le péché fût ôté : l’homme pouvait-il accomplir cette
œuvre ? Non certainement ! C’est par lui que le péché était entré. —
Il fallait briser la tête du serpent : l’homme en était-il capable ?
Non, certainement ! Il était devenu l’esclave de Satan. — Il fallait
satisfaire aux exigences de Dieu : l’homme le pouvait-il ? Non, c’était
impossible ! Il les avait déjà foulées aux pieds. — Il fallait détruire la
mort : l’homme en avait-il le pouvoir ? Non, il en était incapable,
car lui-même, par le péché, il l’avait introduite et lui avait donné son
terrible aiguillon. Ainsi de quelque côté que nous nous tournions, nous voyons
l’impuissance complète du pécheur, et, par conséquent, la présomptueuse folie
de tous ceux qui croient pouvoir aider Dieu dans l’œuvre prodigieuse de la
rédemption, comme font tous ceux qui pensent être sauvés autrement que
« par la grâce, par la foi ». Cependant, bien qu’Adam dût voir, et,
par la grâce, sentît en effet son impuissance à accomplir tout ce qui devait
être fait, Dieu néanmoins lui révéla qu’il allait lui-même accomplir l’œuvre
jusqu’à un iota, par la semence de la femme. En un mot, Dieu prend en main l’œuvre
tout entière il en fait une question entre le serpent et lui-même car, quoique
l’homme et la femme dussent, individuellement et de diverses manières,
moissonner les fruits amers de leur péché, cependant c’est au serpent que Dieu
dit : « Parce que tu as fait cela » (vers. 14). Le serpent fut
la cause de la chute et de la misère de l’homme, et la semence de la femme
devait être la source de la rédemption.
Adam ouït et crut ces choses ; et dans l’énergie de sa foi,
« il appela sa femme… la mère de tous
les vivants
» (vers. 20). Au point de vue de la nature, Ève pouvait
être appelée la « mère de tous les mourants
»,
mais par la révélation de Dieu, la foi voyait en elle la mère de tous les vivants
. « Elle appela le nom du
fils Ben-oni (fils de ma peine) ; et son père l’appela Benjamin (fils de
ma droite) » (Gen. 35:18).
Ce fut par l’énergie de la foi qu’Adam supporta les terribles
résultats de son péché ; et c’est dans sa miséricorde infinie que Dieu lui
accorda d’entendre ce qu’il dit au serpent, avant qu’il lui parlât à lui-même.
S’il en eût été autrement, Adam fût tombé dans le désespoir. Il n’y a, en
effet, pour nous que désespoir, si nous sommes appelés à nous considérer
nous-mêmes, tels que nous sommes, sans pouvoir en même temps contempler Dieu,
tel qu’il s’est révélé à la croix, pour notre salut. Aucun enfant d’Adam ne
peut supporter la vue de la réalité de ce qu’il est et de ce qu’il a fait, sans
tomber dans le désespoir, à moins qu’il ne puisse trouver son refuge à la
croix. C’est pourquoi l’espérance ne peut approcher du lieu où tous ceux qui
rejettent Christ doivent finalement être détenus. Là, les hommes auront les
yeux ouverts à la réalité de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont fait, sans être
capables de chercher du soulagement et un asile en Dieu. Alors
ce que Dieu est impliquera pour eux une perdition sans espoir,
aussi certainement que ce qu’il est implique maintenant
le salut éternel. La sainteté de Dieu sera alors
éternellement contre eux ; comme elle fait maintenant la joie de tous ceux
qui croient. Plus nous réalisons la sainteté de Dieu maintenant, mieux nous
connaissons que nous sommes en sûreté ; mais pour les réprouvés, cette
sainteté même, et c’est là une pensée solennelle, sera la ratification de leur
condamnation éternelle !
Portons maintenant un moment notre attention sur l’enseignement renfermé dans le fait qui nous est rapporté au verset 21: « Et l’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des vêtements de peau et les revêtit ». La grande doctrine de la justice de Dieu est ici mise en lumière dans une figure. La robe dont Dieu avait revêtu Adam était une couverture effective, parce que Dieu l’avait préparée ; tout comme la ceinture de feuilles de figuier était une couverture inefficace et inutile, parce qu’elle était l’œuvre de l’homme. De plus, le vêtement dont Dieu couvrit la nudité de l’homme avait pour origine la mort ; le sang avait coulé : il n’en était pas de même de la ceinture d’Adam. De même maintenant, la justice de Dieu est manifestée à la croix ; tandis que la justice de l’homme se montre dans les œuvres de ses mains, ces œuvres souillées par le péché. Revêtu de la robe de peau, Adam ne pouvait pas dire comme autrefois, sous les arbres du jardin : « J’étais nu », et il n’avait plus aucun besoin de se cacher. Le pécheur peut être parfaitement tranquille, quand, par la foi, il sait que Dieu l’a revêtu ; mais jusqu’alors, être tranquille ne peut être que le résultat de la présomption ou de l’ignorance. Savoir que la robe que je porte, et dans laquelle j’apparais devant Dieu, m’a été préparée par lui, doit mettre mon cœur parfaitement à l’aise, comme en dehors de là il ne peut y avoir de repos permanent.
Les derniers versets de notre chapitre sont très instructifs. L’homme déchu ne doit pas manger du fruit de l’arbre de vie, de peur que sa misère ne devienne éternelle dans ce monde. Manger du fruit de l’arbre de vie, et vivre éternellement dans notre présente condition, serait le malheur consommé et sans mélange. On ne peut goûter de l’arbre de vie que dans la résurrection. Vivre toujours dans une frêle tente, dans un corps de péché et de mort serait intolérable. C’est pourquoi l’Éternel Dieu « chassa l’homme d’Éden » ; il le chassa dans un monde qui partout présentait à sa vue les tristes résultats de sa chute. « Les chérubins » et « la lame de l’épée » interdisaient à l’homme de cueillir du fruit de l’arbre de vie, tandis que la révélation de Dieu dirigeait ses regards vers la mort et la résurrection de la semence de la femme, comme vers la source de la vie, d’une vie qui est en dehors de la puissance de la mort. De cette manière, Adam était plus heureux et dans une plus grande sécurité hors du paradis, qu’il ne l’avait été dans le paradis même ; attendu que s’il fût resté dans Éden, sa vie aurait dépendu de lui-même, tandis que, hors du jardin, sa vie dépendait d’un autre, savoir du Christ promis ; et quand Adam levait les yeux en haut et rencontrait « les chérubins et la lame de l’épée », il pouvait bénir la main qui les avait placés là, pour garder le chemin de l’arbre de vie ; parce que cette même main lui avait ouvert un chemin meilleur et plus sûr et plus heureux vers cet arbre. Si les chérubins et la lame de l’épée ont fermé le chemin du paradis, le Seigneur Jésus a ouvert « un chemin nouveau et vivant » qui conduit au Père dans le saint des saints. « Je suis le chemin, et la vérité et la vie ; nul ne vient au Père que par moi » (comp. Jean 14:6 ; Héb. 10:20). C’est dans la connaissance de ces choses que le chrétien s’avance maintenant au travers d’un monde maudit, où les traces du péché sont visibles partout ; il a trouvé, par la foi, le chemin qui le conduit au sein du Père ; et tandis qu’il peut se reposer là en secret, il est réjoui par la bienheureuse certitude que Celui qui l’a amené là est allé lui préparer une place dans « les demeures » de la maison du Père et qu’il reviendra pour le prendre et l’introduire avec lui dans la gloire du royaume du Père. Le croyant trouve ainsi, dès à présent, dans le sein, dans la maison et le royaume du Père, et sa part, et sa demeure future, et sa glorieuse récompense.
Chaque partie du livre de la Genèse nous fournit une nouvelle preuve de ce fait, savoir : que nous parcourons ici, comme « en germe », toute l’histoire de l’homme.
Caïn et Abel nous offrent les premiers types de l’homme religieux du monde et du vrai croyant. Nés tous deux en dehors du paradis, fils d’Adam déchu, il n’y avait rien dans leur nature qui pût établir une différence essentielle entre eux. Tous deux, ils étaient pécheurs, tous deux ils avaient une nature déchue ; ni l’un, ni l’autre, ils n’étaient innocents. Il est important de bien saisir ce point, afin de bien pouvoir discerner aussi ce que sont réellement la grâce divine et la foi. Si la différence qui a existé de fait entre Caïn et Abel eût tenu à leur nature, il en résulterait nécessairement qu’ils ne partageaient pas la nature déchue de leur père et ne participaient pas aux conséquences de sa chute : et alors, il n’aurait pas pu y avoir lieu à la manifestation de la grâce et à l’exercice de la foi.
On a voulu dire que l’homme naît avec des qualités et des capacités
qui, bien employées, le mettraient en état de se frayer un chemin vers Dieu.
Mais l’Écriture nous apprend que Caïn et Abel étaient nés non en dedans, mais en dehors
du paradis : ils étaient
fils non d’Adam innocent, mais d’Adam déchu. Ils sont entrés dans le monde,
participants de la nature de leur père ; et sous quelque apparence que
cette nature, qui était la leur, se soit manifestée, c’était toujours la
nature, une nature déchue et pécheresse. Ce qui est né de la chair, est non pas
seulement charnel, mais chair
;
et ce qui est né de l’Esprit est non pas seulement spirituel, mais esprit (Jean
3:6).
Nulle époque n’offrît jamais d’occasion plus favorable pour la
manifestation des qualités, des capacités, des ressources et des tendances
distinctives de la nature humaine que les temps de Caïn et d’Abel. Si, par
nature, l’homme avait possédé quelque chose qui eût pu lui faire recouvrer son
innocence perdue et le ramener dans le paradis, il avait alors l’occasion d’en
faire preuve : mais Caïn et Abel étaient perdus ;
ils étaient « chair
» ; ils n’étaient pas innocents, car Adam perdit
son innocence et ne la recouvra jamais. Adam n’est que le chef déchu d’une race
déchue ; — par la désobéissance d’un seul, plusieurs furent constitués
« pécheurs » (Rom. 5:19) ; — il devint, pour ce qui le regarde
personnellement, la source corrompue d’une humanité déchue, coupable et
corrompue, le tronc mort de toutes les branches d’une humanité, moralement et
spirituellement morte. Il est vrai que, comme nous l’avons vu plus haut, Adam
devint lui-même un objet de la grâce et montra une foi vivante au Sauveur
promis ; mais cette foi ne tenait pas à sa nature. Il n’était pas non plus
au pouvoir de la nature de la communiquer ; elle n’était en aucune manière
héréditaire ; mais elle était en lui le fruit de l’amour divin, elle avait
été implantée dans son âme par la puissance divine. Adam pouvait, selon les
voies naturelles, communiquer tout ce qui était « naturel », rien de
plus. Or, puisque comme père, il était dans un état déchu, son fils ne pouvait
être dans un autre état, et participait nécessairement de la nature de celui
dont il était issu. Tel « celui qui engendre », tels sont « ceux
qui sont engendrés de lui » (comp. 1 Jean 5:1) ; « tel qu’est
celui qui est poussière, tels aussi sont ceux qui sont poussière » (1 Cor.
15:48).
Rien n’est plus important dans son genre, qu’une intelligence
claire de la doctrine de la « primauté fédérale », comme on l’appelle.
En lisant les versets 12 à 21 du chap. 5 de l’épître aux Romains, sur lesquels
d’ailleurs je ne veux pas m’arrêter ici, le lecteur verra que l’Écriture range
toute la race humaine sous deux chefs. Le chapitre 15 de la première épître aux
Corinthiens nous présente des instructions analogues dans les vers. 44 et
suivants. Dans le premier homme, nous avons devant nous le péché, la
désobéissance et la mort ; dans le second homme, nous avons la justice, l’obéissance
et la vie. De même que nous héritons une nature du premier, nous en héritons
une du second. Sans doute, chacune de ces natures déploiera et manifestera,
dans chaque individu et dans chaque cas particulier, les forces et les facultés
qui lui sont propres ; toutefois, il y a possession véritable d’une nature
réelle, abstraite et positive. Or, comme c’est par la naissance selon la chair
que nous héritons de la nature du premier homme, de même c’est par une nouvelle
naissance que nous héritons de
celle du second homme. L’enfant nouveau-né, bien qu’incapable d’accomplir l’acte
qui réduisit Adam à la condition de créature déchue, n’en est pas moins
participant de la nature d’Adam : il en est de même de l’enfant de Dieu
nouveau-né : l’âme nouvellement régénérée, bien qu’étant restée absolument
étrangère à l’accomplissement de l’œuvre de parfaite obéissance de « l’Homme
Christ Jésus », n’en est pas moins participante de sa nature. Sans doute,
le péché du premier homme ne s’est pas arrêté sur Adam seul, mais il a passé à
toute sa postérité : la justice ne s’est pas arrêtée non plus dans le
second homme, mais elle a abondé sur plusieurs : mais en même temps il y a
une participation vraie et actuelle à une nature réelle, quels qu’en soient les
caractères. La première nature est selon « la volonté de l’homme »
(Jean 1:13) ; la seconde nature est selon « la volonté de
Dieu », comme Jacques aussi nous dit : « De sa propre volonté,
il nous a engendrés par la parole de la vérité » (Jacques 1:18).
Il résulte de tout ce que nous avons dit que, par nature, et par
les circonstances au milieu desquelles il vivait, Abel n’était pas différent de
son frère Caïn : sous ce rapport « il n’y a pas de
différence ! » (Rom. 3:22). Mais ils différaient pourtant l’un de l’autre ;
or, cette différence était tout entière
dans
leurs sacrifices,
et ceci rend l’enseignement
que Dieu veut nous faire trouver ici très simple pour tout pécheur convaincu de
péché, pour quiconque sent réellement que non seulement il est participant de
la nature déchue du premier homme, mais qu’il est lui-même pécheur. L’histoire
d’Abel nous apprend, en effet, par quel chemin un pécheur peut s’approcher de
Dieu, et sur quel fondement il peut se tenir devant lui, et avoir communion
avec lui ; elle nous apprend clairement que, si un pécheur peut s’approcher
de Dieu, ce ne peut être en vertu de quoi que ce soit qui appartienne ou soit
lié à sa nature, et que c’est en dehors
de lui-même
dans la personne et dans l’œuvre d’un autre, qu’il doit
chercher le vrai et éternel fondement de sa relation avec le juste, saint et
seul vrai Dieu. Le chapitre 11 de l’épître aux Hébreux développe ce sujet de la
manière la plus claire : « Par la foi, Abel offrit à Dieu un plus
excellent sacrifice que Caïn, et par ce sacrifice il a reçu le témoignage d’être
juste, Dieu rendant témoignage à ses dons ; et par lui, étant mort, il
parle encore ». Ce n’est pas d’Abel qu’il est question, mais de son
sacrifice ; ce n’est pas de la personne qui apportait l’offrande mais de l’offrande
elle-même : et c’est dans ce qui concerne les offrandes que gît la grande
différence qu’il y a entre Caïn et Abel. Toute la vérité quant à la position d’un
pécheur devant Dieu est renfermée là.
Voyons maintenant quelles étaient les offrandes : « Et il arriva, au bout de quelque temps, que Caïn apporta, du fruit du sol, une offrande à l’Éternel. Et Abel apporta, lui aussi, des premiers-nés de son troupeau, et de leur graisse. Et l’Éternel eut égard à Abel et à son offrande, mais à Caïn et à son offrande il n’eut pas égard » (Gen. 4:3-5). Caïn offrit à l’Éternel le fruit d’une terre maudite, et il l’offrit sans effusion de sang pour ôter la malédiction ; il offrit un sacrifice « non sanglant », parce qu’il n’avait pas de foi. S’il eût possédé la foi, ce principe divin lui aurait enseigné, même dans ces premiers jours de l’histoire de l’homme déchu, que « sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission » (Héb. 9:22) : et c’est là une vérité de première importance. Les gages du péché, c’est la mort : Caïn était pécheur, et comme tel, la mort le séparait de Dieu. Mais dans son offrande, Caïn n’en tient nul compte ; il n’offre point le sacrifice d’une vie, afin de satisfaire aux exigences de la sainteté divine et de répondre à sa propre condition comme pécheur ; il ne tient pas compte que la terre a été maudite à cause du péché. Il agit envers Dieu comme si véritablement Dieu avait été semblable à lui, et comme si Dieu pouvait accepter le fruit entaché de péché d’une terre maudite. Le sacrifice « non sanglant » de Caïn implique tout cela et bien plus encore. La raison dira sans doute : « Mais quel sacrifice plus acceptable l’homme pourrait-il offrir que celui qu’il s’est acquis par le travail de ses mains et à la sueur de son front ? » La raison et même l’esprit religieux de l’homme naturel peuvent penser ainsi, en effet, mais Dieu pense autrement et la foi est sûre qu’elle s’accordera toujours avec les pensées de Dieu. Dieu enseigne, et la foi croit qu’il faut le sacrifice d’une vie pour que l’homme puisse s’approcher de Dieu. Ainsi, quand nous considérons le ministère du Seigneur Jésus, nous voyons bientôt que, s’il ne fût pas mort sur la croix, son service tout entier eût été absolument inutile quant à ce qui concerne l’établissement de nos relations avec Dieu. Jésus a été de lieu en lieu, faisant du bien durant toute sa vie, cela est vrai ; mais sa mort seule déchira le voile (Matt. 27:51), et elle seule pouvait le déchirer. Si Jésus eût continué jusqu’à présent à « aller de lieu en lieu en faisant le bien », le voile serait resté entier pour fermer à l’adorateur l’accès dans le « saint des saints ». Nous voyons ainsi combien était faux le fondement sur lequel Caïn se présentait devant Dieu comme adorateur et sacrificateur : un pécheur non pardonné, se présentant devant l’Éternel, pour lui offrir un sacrifice « non sanglant », ne pouvait être regardé que comme un pécheur coupable d’une présomption sans pareille ; son offrande, sans doute, était le produit de son pénible travail ; mais qu’importe ? Le travail d’un pécheur pouvait-il ôter la malédiction du péché et en faire disparaître la souillure ? Pouvait-il satisfaire aux exigences d’un Dieu infiniment saint ? Pouvait-il fournir au pécheur ce qui lui était nécessaire pour être reçu auprès de Dieu ? Pouvait-il annuler le châtiment dû au péché ? Pouvait-il ôter à la mort son aiguillon ou au sépulcre sa victoire ? Pouvait-il faire cela en tout ou en partie ? — Non, car « sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission ». Le sacrifice « non sanglant » de Caïn, ainsi que tout sacrifice non sanglant, était non seulement sans valeur, mais de fait abominable aux yeux de Dieu : il démontrait non seulement l’ignorance complète de Caïn quant à sa propre condition, mais aussi son ignorance complète à l’égard du caractère de Dieu. « Dieu n’est pas servi par des mains d’hommes, comme s’il avait besoin de quelque chose » (Actes 17:25). Caïn pensait qu’on pouvait s’approcher de Dieu de cette manière ; et tout homme, qui n’a que la religion naturelle, pense de même. De siècle en siècle, Caïn a eu des milliers de disciples. Le culte de Caïn a toujours abondé partout dans le monde : c’est le culte de toute âme inconvertie ; c’est le culte que maintiennent tous les faux systèmes de religion qui existent sous le soleil.
L’homme serait heureux de faire de Dieu son débiteur, mais
« Dieu veut miséricorde et non pas sacrifice », car « il est
plus heureux de donner que de recevoir » (Actes 20:35), et assurément c’est
à Dieu que la première place appartient. « Sans contredit, le moindre est
béni par celui qui est plus excellent » (Héb. 7:7). « Qui lui a donné
le premier
? » (Rom.
11:35). Dieu accepte la plus petite offrande de la part d’un cœur qui a appris
ce qu’exprimait David en ces mots : « Ce qui vient de ta main nous te
le donnons » (1 Chr. 29:14). Mais du moment que l’homme a la prétention de
prendre la place de « premier » donateur, Dieu répond :
« Si j’avais faim, je ne te le dirais pas » (Psaume 50:12), car,
« Dieu n’est pas servi par des mains d’hommes, comme s’il avait besoin de quelque chose
, lui qui donne à tous la
vie et la respiration et toutes choses » (Actes 17:25). Il n’est pas
possible que le grand dispensateur de toutes choses ait « besoin de
quelque chose ». La louange est tout ce que nous pouvons offrir à Dieu, et
nous ne pouvons la lui offrir qu’autant que nous comprenons pleinement que nos
péchés sont effacés, et ceci encore nous ne le savons que par la foi en la
vertu d’une expiation accomplie.
Du sacrifice de Caïn, passons maintenant au sacrifice d’Abel : « Et Abel apporta, lui aussi, des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse » (v. 4). En d’autres termes, il saisit par la foi cette glorieuse vérité que l’homme peut s’approcher de Dieu au moyen d’un sacrifice, que le pécheur peut placer la mort d’un autre entre lui-même et la conséquence de son péché : qu’il peut satisfaire aux exigences de la nature de Dieu et aux attributs de son caractère par le sang d’une victime sans tache, d’une victime offerte pour répondre à la fois à ce que Dieu réclame et aux profonds besoins du pécheur. C’est, en résumé, la doctrine de la croix, dans laquelle seule la conscience d’un pécheur trouve le repos, parce que Dieu est pleinement glorifié dans la croix. Tout homme, divinement convaincu de péché, sent que la mort et le jugement sont la juste récompense de ses crimes (voyez Luc 23:41) et qu’il n’est pas en son pouvoir, quoi qu’il fasse, de changer cette destinée. Il peut travailler et se fatiguer ; il peut, à la sueur de son front, se procurer une offrande : il peut faire des vœux et prendre des résolutions, changer sa manière de vivre, réformer son caractère ; il peut être modéré, moral, droit et, dans l’acception humaine du mot, religieux ; il peut, sans avoir la foi, prier, lire et entendre des sermons ; en un mot, il peut faire tout ce qui rentre dans le domaine de la capacité de l’homme, et malgré tout cela, n’avoir devant lui que la mort et le jugement sans aucune possibilité pour lui de dissiper ces deux lourds nuages qui se sont amoncelés sur son horizon. Ils sont là ; et loin de pouvoir les écarter par toutes ses œuvres, il vit dans l’anticipation continuelle du moment ou l’orage qui le menace viendra frapper sa tête coupable. Il est impossible qu’un pécheur se transporte de l’autre côté de la « mort et du jugement », dans la vie et la gloire, par ses propres œuvres ; ses œuvres mêmes, il ne les accomplit que dans le but de se préparer, si possible, à rencontrer les effrayantes réalités qu’il entrevoit. Mais c’est précisément quand le pécheur en est là, que la croix lui est présentée : elle lui montre que Dieu a pourvu à tout ce dont il a besoin dans sa culpabilité et sa misère. À la croix, il peut voir la mort et le jugement faire place à la vie et à la gloire. Christ a fait disparaître, de dessus la scène, la mort et le jugement, pour ce qui concerne le vrai croyant, et leur a substitué la vie, la justice et la gloire. « Il a annulé la mort, et a fait luire la vie et l’incorruptibilité par l’évangile » (2 Tim. 1:10). Il a glorifié Dieu, en ôtant ce qui nous aurait pour toujours tenus loin de sa sainte et bienheureuse présence. « Il a aboli le péché » (Héb. 9:26).
Tout ceci est représenté en figure dans « le plus excellent sacrifice » d’Abel. Abel n’essaye pas d’annuler la vérité quant à sa condition et quant à la place qui lui appartient comme pécheur ; il n’essaye pas de détourner « la lame d’épée » et de forcer le chemin vers l’arbre de vie ; il n’offre pas présomptueusement un sacrifice « non sanglant », ni ne présente à l’Éternel le fruit d’une terre maudite : il prend la place qui convient à un pécheur, et comme tel, il met la mort d’une victime entre lui et ses péchés et entre ses péchés et la sainteté d’un Dieu qui hait le péché. Abel méritait la mort et le jugement, mais il trouve un substitut.
Il en est de même pour tout pauvre pécheur accusé et condamné
par lui-même. Christ est son substitut, sa rançon, son « plus excellent
sacrifice », son Tout
. Comme Abel, il sent que le fruit de la terre
ne pourra jamais lui profiter ; il sent que, quand il présenterait à Dieu
les plus beaux fruits de la terre, sa conscience n’en resterait pas moins
souillée par le péché, attendu que « sans effusion de sang, il n’y a point
de rémission ». Il n’y a que le parfait sacrifice du Fils de Dieu qui
puisse mettre le cœur et la conscience à l’aise ; et tous ceux qui, par la
foi, saisissent cette divine réalité, jouiront d’une paix que le monde ne peut
ni donner, ni ôter. C’est la foi qui, dès à présent, met l’âme en possession de
cette paix : « Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi,
nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ » (Rom. 5:1).
« Par la foi, Abel offrit à Dieu un plus excellent sacrifice que
Caïn ». Ce n’est pas une affaire de sentiment, comme voudraient le faire
penser beaucoup de personnes ; c’est uniquement une question de foi en un
fait accompli, de foi opérée dans l’âme du pécheur par la puissance du Saint
Esprit. Cette foi diffère complètement de ce qui n’est qu’un sentiment du cœur
ou une adhésion de l’intelligence. Le sentiment n’est pas la foi ; l’adhésion
de l’intelligence n’est pas la foi, quoi qu’on en dise. La foi n’est pas une
chose qui soit un jour, et qui ne soit plus un autre jour ; elle est un
principe impérissable, émanant d’une source éternelle, savoir de Dieu lui-même.
Elle saisit la vérité de Dieu et place l’âme en la présence de Dieu.
Ce qui n’est que sentiment ne peut jamais s’élever au-dessus de
sa propre source, et cette source est le moi
; mais la foi a Dieu
et sa Parole éternelle pour objets, et elle est un lien vivant unissant le cœur
qui la possède à Dieu qui la donne. Les sentiments humains, quelque profonds,
quelque épurés qu’ils soient, ne peuvent jamais unir l’âme à Dieu. Ils ne sont
ni divins, ni éternels, mais humains et passagers. Ils sont comme le kikajon de
Jonas, qui crût dans une nuit et sécha dans une nuit. La foi n’est pas
ainsi ; elle est un principe qui participe de toute la valeur, de toute la
puissance et de toute la réalité de la source dont il émane et de l’objet sur
lequel il agit. Par elle, l’âme est justifiée (Rom. 5:1) ; c’est elle qui
purifie le cœur (Actes 15:9), elle qui opère par l’amour (Gal. 5:6), elle qui
est victorieuse du monde (1 Jean 5:4). Le sentiment appartient à la nature et à
la terre ; la foi est de Dieu et du ciel ; le sentiment s’occupe du
moi et des choses d’en bas ; la foi s’occupe de Christ, porte les regards
sur les choses d’en haut ; le sentiment laisse l’âme dans l’obscurité et
le doute, et l’occupe de son propre état, incertain et changeant ; la foi
introduit l’âme dans la lumière et le repos, et l’occupe de la vérité immuable
de Dieu et du sacrifice de Christ. La foi, sans doute, produit des sentiments
et des pensées ; des sentiments spirituels et des pensées vraies ;
mais il ne faut jamais confondre les fruits de la foi avec la foi elle-même. Je
ne suis pas justifié par des sentiments, ni même par la foi et
des
sentiments ; mais uniquement par la foi. Et pourquoi ? — parce que la
foi croit et tient pour vrai ce que Dieu dit, elle saisit Dieu tel qu’il s’est
révélé dans la personne et l’œuvre du Seigneur Jésus Christ. En cela est la
vie, la justice et la paix. Connaître Dieu tel qu’il est, c’est la somme de
tout bonheur présent et éternel. L’âme qui a trouvé Dieu a trouvé tout ce dont
elle pourra jamais avoir besoin dans le présent et dans l’avenir ; mais
Dieu ne peut être connu que par sa propre révélation et par la foi qu’il
communique lui-même, et qui a toujours la révélation divine pour objet.
Ainsi, nous pouvons comprendre jusqu’à un certain point la force
et la signification de ces paroles : « Par la foi, Abel offrit un
plus excellent sacrifice que Caïn ». Caïn n’avait pas la foi ; c’est
pourquoi il offrit un sacrifice « non sanglant ». Abel avait la foi,
c’est pourquoi il offrit « le sang et la graisse », qui, en type,
représentaient l’offrande de la vie de Christ, et l’excellence inhérente à sa
personne. Le « sang » représentait la vie ; la
« graisse », l’excellence de la personne, c’est pourquoi la loi
mosaïque défendait de manger le sang et la graisse. Le sang, c’est la
vie ; or l’homme, sous la loi n’avait aucun droit à la vie ;
cependant le chapitre 6 de l’évangile selon Jean nous apprend qu’à moins que
nous buvions le sang, nous n’avons point la vie en nous-mêmes. Christ est la
vie. Il n’existe pas une étincelle de vie en dehors de lui ; hors de
Christ tout est mort. « En lui était la vie », et en aucun autre. Or,
à la croix, il laissa sa vie ; et c’est à cette vie que, par imputation,
le péché fut attaché, alors qu’il fut cloué sur le bois maudit. Ainsi, en
laissant sa vie, Christ laissa avec elle le péché qui y était attaché ; en
sorte qu’il a effectivement ôté le péché, l’ayant laissé dans la tombe, d’où il
est ressorti lui-même triomphant, dans la puissance d’une nouvelle vie, à
laquelle la justice se rattache d’une manière aussi distincte que le péché
avait été rattaché à cette autre vie qu’il laissa sur la croix. « L’âme de
la chair est dans le sang ; et moi je vous l’ai donné sur l’autel, pour
faire propitiation pour vos âmes ; car c’est le sang qui fait propitiation
pour l’âme » (Lév. 17:11). Tout ceci mérite la plus sérieuse attention, et
rendra plus profonde dans nos âmes la conscience que la mort de Christ a
parfaitement et complètement ôté le péché. Or, tout ce qui rend plus profonds l’intelligence
et le sentiment que nous avons de cette glorieuse réalité, affermit
nécessairement notre paix et nous rend capables de propager plus efficacement
la gloire de Christ, pour autant que cette gloire est liée à notre témoignage
et à notre service.
L’histoire de Caïn et d’Abel met en relief un point très
important, que nous avons déjà touché plus haut, savoir : l’identification
de chacun de ces deux hommes avec l’offrande qu’il présentait. Pour l’un comme
pour l’autre, c’était le caractère de l’offrande, et non la personne de celui
qui offrait, qui était mis en question. C’est pourquoi nous lisons d’Abel que
Dieu rendit « témoignage à ses dons
».
Dieu ne rendit pas témoignage à Abel,
mais à son sacrifice ; et par ce sacrifice, Abel reçut le témoignage d’être
juste (voyez Héb. 11:4) ; et ceci montre clairement quel est le vrai
fondement de la paix du croyant et de son acceptation devant Dieu.
Il y a dans notre cœur une tendance continuelle à faire reposer
notre paix et notre acceptation sur quelque chose qui est en nous ou qui vient
de nous, bien que nous admettions que ce « quelque chose » soit un
fruit du Saint Esprit. De là vient que nous regardons constamment en
nous-mêmes, tandis que le Saint
Esprit voudrait toujours nous faire regarder en dehors
de nous. La position du croyant ne dépend pas de ce que lui
est, mais de ce que Christ
est. S’étant approché de Dieu
« au nom de Jésus », il est identifié avec lui et accepté en son nom,
et il ne peut pas plus être rejeté que celui au nom duquel il s’est approché de
Dieu. Avant de pouvoir toucher au croyant le plus faible, il faut s’en prendre
à Christ lui-même, en sorte que la sécurité du croyant repose sur un fondement inébranlable.
En lui-même, pauvre et indigne pécheur, le croyant s’est approché de Dieu au
nom de Christ ; il a été identifié avec Christ, accepté en lui et comme
lui, et associé à lui dans sa vie. Dieu rend témoignage non au croyant, mais à
son don ; or, son don, c’est Christ. Il y a là de quoi tranquilliser et
consoler parfaitement ! C’est notre heureux privilège de pouvoir, dans la
confiance de la foi, renvoyer toute accusation et tout accusateur à Christ et à
l’expiation qu’il a accomplie. Tout, pour nous, découle de lui. Nous nous
glorifions en lui continuellement. Nous n’avons aucune confiance en nous-mêmes,
mais en celui qui a accompli toutes choses pour nous. Nous nous attachons à son
nom ; nous nous confions en son œuvre ; nos regards sont arrêtés sur
sa personne, et nous attendons son retour. Mais le cœur charnel montre bien
vite toute l’inimitié dont il est rempli contre une vérité qui réjouit et
satisfait le cœur du fidèle. Caïn en est un exemple : « Il fut très
irrité, et son visage fut abattu » (v. 5). Ce qui remplit Abel de paix,
remplit Caïn de colère. Par incrédulité, Caïn méprise la seule voie par
laquelle un pécheur puisse s’approcher de Dieu : au lieu d’offrir le sang
sans lequel il n’y a pas de rémission, il se présente avec le fruit de ses
œuvres ; puis, parce qu’il n’est pas agréé dans ses péchés,
et qu’Abel est reçu en vertu de son offrande
, « il est très irrité, et son visage
est abattu ». Et comment aurait-il pu en être autrement ? Caïn ne
pouvait être reçu que dans ses péchés ou sans ses péchés ; or Dieu ne
pouvait le recevoir avec ses péchés, et comme il n’a pas voulu apporter le sang
qui seul pouvait en faire l’expiation, il a été rejeté, et étant rejeté, il
fait connaître par ses œuvres quels sont les fruits d’une religion corrompue.
Il persécute et tue le fidèle témoin, l’homme agréé et justifié, l’homme de
foi ; et il devient ainsi le modèle et le précurseur de tous ceux qui,
dans tous les temps, ont fait une fausse profession de piété. En tout temps et
en tout lieu, l’homme s’est montré plus disposé à persécuter son semblable pour
ses principes religieux que pour toute autre raison : ainsi fut Caïn. La
justification, une justification pleine, parfaite, sans réserve, qui est par la
foi seule, fait de Dieu tout et de l’homme, rien. Mais l’homme n’aime pas à n’être
rien, il s’en irrite et son visage en est abattu : non qu’il ait quelque
raison de se mettre en colère, car ce n’est en aucune manière l’homme qui est
en question, mais le principe sur lequel l’homme se présente devant Dieu. Si
Dieu eût reçu Abel en vertu de quelque chose qui fût inhérent à sa personne,
alors Caïn aurait eu quelque raison de s’irriter et d’être abattu de
visage ; mais si Abel fut reçu à cause de son offrande, et si ce ne fut
pas à lui, mais à ses dons que l’Éternel rendit témoignage, la colère de Caïn
est entièrement dépourvue de fondement. C’est ce que démontre la parole de l’Éternel
à Caïn : « Si tu fais bien, ne seras-tu pas agréé ? » (ou
comme disent les Septante : « Si tu offres convenablement »). Ce
« si tu fais bien » se rapporte à l’offrande. Abel fit bien en
cherchant un abri derrière un sacrifice acceptable, Caïn fit mal en offrant un
sacrifice non sanglant ; et toute sa conduite ultérieure ne fut que la
conséquence naturelle de son faux culte.
« Et Caïn parla à Abel son frère ; et il arriva, comme ils étaient aux champs, que Caïn se leva contre Abel, son frère, et le tua » (v. 8). De tout temps, les Caïn ont persécuté et tué les Abel. L’homme et la religion de l’homme sont en tout temps les mêmes, comme aussi la foi et la religion de la foi sont en tout temps les mêmes, et partout où la religion de l’homme et la religion de la foi se rencontrent, il y a lutte. Le crime de Caïn, comme nous venons de le faire remarquer, n’était que la conséquence naturelle de son faux culte : le fondement sur lequel reposait l’édifice de sa religion étant mauvais, tout ce qui était élevé dessus était mauvais ; aussi Caïn ne s’en tint pas au meurtre d’Abel, mais ayant entendu le jugement que Dieu prononçait sur son crime, il désespéra d’être pardonné, parce qu’il ne connaissait pas Dieu, et il sortit « de devant l’Éternel » (v. 16). Puis Caïn bâtit une ville ; et de sa famille sont sortis ceux qui cultivèrent les arts et les sciences utiles et agréables ; les agriculteurs, les joueurs d’instruments et les ouvriers en métal. Ne connaissant pas le caractère de Dieu, Caïn juge que son péché est trop grand pour qu’il puisse lui être pardonné (selon le grec) (*) ; non qu’il connaisse réellement son péché, mais il ne connaît pas Dieu. La pensée même de Caïn à l’égard du caractère de Dieu est un des fruits épouvantables de la chute. Il ne se soucie pas d’être pardonné, parce qu’il ne se soucie pas de Dieu. Il ne connaît pas sa véritable condition, et il ne désire pas Dieu ; il n’a aucune vraie intelligence du principe en vertu duquel le pécheur peut s’approcher de Dieu ; il est radicalement corrompu, foncièrement mauvais et tout ce qu’il désire, c’est de sortir de la présence de l’Éternel, et de se perdre dans le monde et dans les objets qu’il poursuit : il vivra très bien sans Dieu, et se met à embellir le monde de son mieux, afin de pouvoir s’y établir honorablement et s’y attirer de la considération, bien qu’aux yeux de Dieu ce monde soit sous la malédiction et Caïn, un fugitif et un vagabond.
(*) Les Septante
traduisent, en effet, le verset 13 ainsi : « Mon crime est trop grand
pour m’être remis (ou pardonné) ». Le verbe employé par Caïn se retrouve
au Psaume 32:1, avec le même sens : « dont la transgression est
pardonnée » ; et les Septante le rendent aussi par le même verbe grec
aphethênai
, « être remis ».
Tel a été « le chemin de Caïn », cette voie large dans
laquelle des milliers de personnes se précipitent aujourd’hui. Je ne veux pas
dire que ces personnes soient dépourvues de tout sentiment religieux ;
elles aimeraient bien offrir quelque chose à Dieu ; elles trouvent juste
de lui présenter le produit de leur propre labeur, elles ne connaissent ni
elles-mêmes, ni Dieu ; mais avec tout cela, elles font de diligents
efforts pour améliorer
le monde, pour
rendre la vie agréable et l’orner par toutes sortes de moyens. Le remède divin
pour purifier
est rejeté, et l’effort
de l’homme pour améliorer
est mis à
sa place : c’est bien « le chemin de Caïn » (voyez Jude 11).
Ainsi qu’aux jours de Caïn les sons agréables de la harpe et de
la flûte empêchaient que le cri du sang d’Abel ne retentît aux oreilles de l’homme,
de même aujourd’hui d’autres sons enchanteurs étouffent la voix du sang du
Calvaire, et d’autres objets qu’un Christ crucifié captivent les regards. L’homme
déploie toutes les ressources de son génie pour faire de ce monde une serre
chaude, dans laquelle se développent, sous leurs formes les plus rares, tous
les fruits que la chair désire avec tant d’ardeur. Non seulement, on pourvoit
aux besoins réels de l’homme comme créature, mais encore le génie inventif de l’esprit
humain a été mis en œuvre pour créer des choses que le cœur convoite dès qu’il
les a aperçues et sans lesquelles la vie lui semble insupportable. À tout cela on
ajoute beaucoup de prétendue religion, car, hélas ! l’amour même est
obligé de confesser que ce qui passe pour de la religion n’est, en grande
partie, qu’un écrou de la grande machine construite pour l’exaltation de l’homme.
L’homme n’aime pas à être sans religion ; ce ne serait pas
honorable ; c’est pourquoi il voudra bien peut-être consacrer un jour de
la semaine à la religion, ou comme il pense et professe, à ses intérêts
éternels, et puis six jours à ses intérêts temporels ; mais, qu’il
travaille pour le temps ou pour l’éternité, ce sera, en réalité, toujours pour lui-même.
Tel est « le chemin de Caïn ». Pesez bien cela, lecteur, et voyez où commence, où tend et où aboutit cette voie ! Combien est différente la voie de l’homme de foi ! Abel sent et reconnaît la malédiction ; il voit la souillure du péché et, dans l’énergie de sa foi, il offre un sacrifice qui répond à tout cela et y répond parfaitement. Il cherche et trouve un refuge en Dieu même et, au lieu de bâtir une ville sur la terre, il n’y trouve qu’un tombeau. La terre qui, à sa surface, montrait le génie et l’énergie de Caïn et de sa famille, était souillée du sang du juste. Que l’homme du monde, que l’homme de Dieu, que le chrétien mondanisé s’en souviennent : la terre sur laquelle nous marchons est souillée du sang du Fils de Dieu Ce sang justifie l’Église, et il condamne le monde et l’œil de la foi discerne, sous les belles apparences et l’éclat de ce monde éphémère, les noires ombres de la croix de Jésus. « La figure de ce monde passe » (1 Cor. 7:31). Tout ce qui forme la scène, au milieu de laquelle nous vivons, prendra bientôt fin. « Le chemin de Caïn » sera suivi de « l’erreur de Balaam », dans sa forme consommée ; puis viendra « la contradiction de Coré », et alors l’abîme ouvrira sa gueule pour recevoir les méchants et les enfermer à jamais dans l’« obscurité des ténèbres » (Jude 13).
Pour la pleine confirmation de ce que nous venons de dire, nous
n’avons qu’à jeter un coup d’œil sur le contenu du chapitre 5, auquel nous
allons passer maintenant, et qui nous transmet l’humiliant témoignage de la
faiblesse de l’homme et de son assujettissement à la mort. L’homme, en effet,
pourrait vivre durant des siècles et engendrer des fils et des filles, et à la
fin, il faudrait pourtant qu’il fût dit de lui : « il mourut
! » ; « La
mort régna depuis Adam jusqu’à Moïse » ; et encore : « Il
est réservé aux hommes de mourir une fois » (Rom. 5:14 ; Héb. 9:27).
L’homme ne peut échapper à la mort. Il ne peut, ni par la vapeur, ni par l’électricité,
ni par toutes les ressources de son génie, désarmer la mort de son terrible
aiguillon. Il saura trouver les moyens d’augmenter et de propager le bien-être
et les agréments de la vie
, mais
toute son énergie n’est pas capable d’annuler la sentence de la mort
. D’où donc est venue la mort, cette
chose étrange et effrayante ? Paul nous l’apprend : « Par un
seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort »
(Rom. 5:12). Telle est l’origine de la mort : elle est venue par le péché.
Le péché a rompu le lien qui unissait la créature au Dieu vivant, et a
assujetti l’homme à l’empire de la mort sans qu’il puisse absolument s’y
soustraire, preuve, entre beaucoup d’autres, de sa complète incapacité à s’approcher
de Dieu. Il ne peut y avoir de communion entre Dieu et l’homme que dans la
puissance de la vie. Or, l’homme est sous la puissance de la mort ; et il
ne peut, par conséquent, avoir aucune communion avec Dieu dans son état
naturel. La vie ne peut pas plus avoir de communion avec la mort, que la
lumière avec les ténèbres, ou que la sainteté avec le péché. Il faut que l’homme
s’approche de Dieu sur un fondement et un principe tout nouveaux, à
savoir : la foi
; et cette
foi le rend capable de reconnaître sa vraie position d’homme « vendu au
péché » et partant, soumis à la mort ; et lui fait connaître en même
temps le caractère de Dieu comme dispensateur d’une vie nouvelle, d’une vie qui
est en dehors de la puissance de la mort et de l’Ennemi et que nous-mêmes nous
ne pouvons pas perdre. C’est là ce qui fait la sécurité de la vie du croyant.
Christ est sa vie, — Christ ressuscité et glorifié, Christ victorieux de tout
ce qui pouvait nous être contraire. La vie d’Adam dépendait de son obéissance,
c’est pourquoi en péchant il perdit cette vie. Mais Christ, ayant la vie en
lui-même, descendit ici-bas et satisfit à toutes les conséquences du péché de l’homme,
quelles qu’elles fussent ; en se soumettant à la mort, il détruisit celui
qui en avait l’empire et devint, en résurrection, la vie et la justice de tous
ceux qui croient en son nom. Il est impossible désormais que Satan porte
atteinte à cette vie, soit dans sa source, soit dans son canal, soit dans sa
puissance, soit dans sa sphère, soit dans sa durée. Dieu en est la
source ; Christ ressuscité, le canal ; le Saint Esprit la
puissance ; le ciel, la sphère, et l’éternité, la durée. Tout est changé
pour quiconque possède cette vie merveilleuse ; et bien que, dans un sens,
on puisse dire que « au milieu de la vie, nous sommes dans la mort »,
nous pouvons dire aussi que « au milieu de la mort, nous sommes dans la
vie ». Là où le Christ ressuscité introduit son peuple, la mort n’existe
pas. Ne l’a-t-il pas abolie ? La parole de Dieu nous le déclare !
Christ a fait disparaître la mort de dessus la scène et y a introduit la
vie ; ce n’est donc pas la mort, mais la gloire, que le chrétien a devant
lui. La mort est derrière lui pour toujours ; quant à l’avenir, tout est
gloire, gloire sans nuages. Peut-être le croyant s’endormira en Jésus ;
mais dormir en Jésus, ce n’est pas la mort, c’est la vie, en réalité. La
possibilité du délogement pour être avec Christ ne peut pas changer l’espérance
propre du chrétien, qui est d’être enlevé au-devant du Seigneur en l’air, pour
être avec lui et comme lui pour toujours.
Énoch est ici, pour nous, un type magnifique : seul il fait
exception à la règle générale du chapitre 5. « Il mourut », telle est
la règle ; « il ne passa point par la mort », voilà l’exception.
« Par la foi, Énoch fut enlevé pour qu’il ne vît pas la mort ; et il
ne fut pas trouvé, parce que Dieu l’avait enlevé ; car, avant son
enlèvement, il a reçu le témoignage d’avoir plu à Dieu » (Héb. 11:5).
Énoch fut « le septième homme depuis Adam », et Dieu ne permit pas à
la mort de remporter la victoire sur « le septième homme » ;
Dieu intervint et fit de lui un trophée de sa glorieuse victoire sur toute la
puissance de la mort. C’est un fait d’une haute portée. Après avoir entendu six
fois cette sentence : « Il mourut », le cœur est réjoui de
trouver un septième homme qui ne mourut pas. Comment échappa-t-il à la
mort ? — par la foi
.
« Énoch marcha avec Dieu trois cents ans » : cette marche avec
Dieu, dans la foi, le séparait de tout ce qui l’entourait, car marcher avec
Dieu nous place nécessairement en dehors de la sphère des pensées de ce
monde ; et alors déjà, comme de nos jours, l’esprit du monde était opposé
à tout ce qui est de Dieu. L’homme de foi sentait qu’il n’avait rien à faire
avec le monde, au milieu duquel il n’était qu’un témoin patient de la grâce de
Dieu et du jugement à venir. Les fils de Caïn pouvaient user leur intelligence
et dépenser leur force dans le vain espoir d’améliorer un monde maudit ;
Énoch avait trouvé un monde meilleur, et vécut dans la puissance de ce monde à
venir (*). Il n’avait pas reçu la foi pour
améliorer le monde, mais pour marcher avec Dieu.
(*) Il est bien évident qu’Énoch ne connaissait rien du procédé trop commun de tirer le meilleur parti des deux mondes, ou plutôt du monde et du ciel. Pour lui il n’y avait qu’un monde dans ce sens, savoir le ciel. Il doit en être ainsi de nous.
« Il marcha avec Dieu ! » Que ne renferment pas ces quelques mots ! Quelle séparation pour Dieu, et quel renoncement ils supposent ! Quelle sainteté et quelle pureté morale ! Quelle grâce et quelle douceur ! Quelle humilité et quelle tendresse ! Mais aussi quel zèle et quelle énergie ! Quelle patience et quel long support, et en même temps quelle fidélité, quelle fermeté et quelle décision ! Marcher avec Dieu, ce n’est pas seulement vivre d’après des règles et des règlements, ou former des plans et prendre des résolutions d’aller ici ou d’aller là, de faire ceci ou de faire cela ; marcher avec Dieu, c’est infiniment plus que toutes ces choses à la fois ; c’est vivre avec Dieu dans la connaissance du caractère de Dieu tel qu’il a été révélé, et avec l’intelligence des relations dans lesquelles nous nous trouvons avec lui. Cette vie nous conduira parfois tout juste à l’encontre des pensées des hommes et même de nos frères, si ceux-ci ne marchent pas avec Dieu, et elle pourra soulever contre nous l’opposition de tous : on nous accusera de faire trop, d’autres fois de faire trop peu : mais la foi, qui rend capable de marcher avec Dieu, enseigne aussi à ne pas attacher aux pensées des hommes plus de valeur qu’elles n’en ont.
La vie d’Abel et celle d’Énoch nous fournissent, comme nous venons de le voir, un précieux enseignement, à l’égard du sacrifice sur lequel la foi repose, et à l’égard de la perspective que l’espérance anticipe dès maintenant ; tandis que « la marche avec Dieu » nous fait embrasser en même temps tous les détails de la vie de la foi. « L’Éternel donnera la grâce et la gloire » (Psaume 84:11) ; — et entre la grâce qui a été révélée et la gloire qui sera révélée, il y a la bienheureuse assurance qu’il « ne refusera aucun bien à ceux qui marchent dans l’intégrité » (Psaume 84:11). La croix et le retour du Seigneur sont les deux points extrêmes de l’existence de l’Église, et ces deux points extrêmes sont préfigurés dans le sacrifice d’Abel et la transmutation d’Énoch. L’Église sait qu’elle est parfaitement justifiée par la mort et la résurrection de Christ, et elle vit dans l’attente du jour où il viendra pour la recevoir auprès de lui. « Car nous, par l’Esprit, sur le principe de la foi, nous attendons l’espérance de la justice » (Gal. 5:5) ; elle n’attend pas la justice, parce que, par la grâce, elle la possède déjà, mais elle attend l’espérance qui appartient proprement à la condition dans laquelle elle a été introduite.
Il est important de se mettre bien au clair sur ce point. Quelques interprètes de la vérité prophétique sont tombés dans de grandes erreurs, pour n’avoir pas compris quelles sont la position, la part et l’espérance de l’assemblée. Ils ont entouré « l’étoile brillante du matin », qui est l’espérance propre de l’Église, de tant d’obscurité et de si sombres nuages, qu’un grand nombre de saints semblent incapables de s’élever au-dessus de l’espérance du résidu pieux d’Israël, espérance qui consiste à voir se lever le soleil de justice qui apporte la guérison dans ses ailes (Mal. 4:21). Et ce n’est pas tout : beaucoup de chrétiens ont perdu la force morale de l’espérance de l’apparition de Christ, pour avoir été enseignés à attendre divers événements avant la manifestation de Christ à l’Église ; on leur a appris, contrairement aux déclarations nombreuses et explicites du Nouveau Testament, que le rétablissement des Juifs, le développement de la statue de Nebucadnetsar et la révélation de l’homme de péché doivent précéder le retour de Christ. L’assemblée, comme Énoch, sera enlevée de devant le mal qui l’entoure, et de devant celui qui est à venir. Énoch ne fut pas laissé sur la terre pour voir le mal atteindre son apogée et le jugement de Dieu fondre sur elle. Il ne vit pas s’ouvrir « les fontaines de l’abîme et les écluses des cieux » ; il fut enlevé avant ces terribles événements ; et, pour l’œil de la foi, il est ainsi un type admirable de ceux qui ne s’endormiront pas, mais qui seront tous changés en un clin d’œil (1 Cor. 15:51, 52). Énoch n’a pas passé par la mort, il a été transmué, et l’assemblée est appelée à « attendre des cieux son Fils » (1 Thes. 1:10) : c’est là son espérance, l’objet de son attente. Le plus simple chrétien, le plus illettré, peut comprendre ces choses et en jouir ; et il peut, en une certaine mesure, en réaliser la puissance. S’il ne peut faire une étude approfondie de la prophétie, il peut, que Dieu en soit béni, goûter le bonheur, la réalité, la puissance et la vertu sanctifiante de cette espérance céleste qui lui appartient de droit, comme membre de ce corps céleste qui est l’assemblée ; l’espérance dont il jouit ne se borne pas à l’attente de voir se lever « le Soleil de justice », quelque bonne que cette espérance puisse être d’ailleurs, mais à celle de voir l’étoile brillante du matin (Apoc. 2:28). Et comme dans le monde physique l’étoile du matin apparaît à ceux qui veillent avant le lever du soleil, de même Christ apparaîtra à l’Église avant que le résidu d’Israël contemple les rayons du Soleil de justice.
Nous voici arrivés à l’une des parties les plus remarquables de la Genèse. Énoch a disparu de la scène : sa vie d’étranger et de voyageur sur la terre s’est close par sa translation au ciel ; il a été enlevé avant que le mal fût arrivé à son comble et que le jugement de Dieu fût tombé sur les habitants de la terre.
Les deux premiers versets du chapitre 6 nous révèlent le peu d’influence qu’avaient exercé sur le monde la vie et l’enlèvement d’Énoch : « Et il arriva, quand les hommes commencèrent à se multiplier sur la face de la terre et que des filles leur furent nées, que les fils de Dieu virent les filles des hommes, qu’elles étaient belles, et ils se prirent des femmes d’entre toutes celles qu’ils choisirent ». Le mélange de ce qui est de Dieu avec ce qui est de l’homme est une forme spéciale du mal, et un puissant moyen entre les mains de l’Ennemi pour gâter le témoignage de Christ sur la terre. Ce mélange revêt fréquemment de belles apparences ; on le prendrait volontiers pour une expression plus grande de ce qui est de Dieu, pour une opération plus puissante et plus complète de l’Esprit, pour quelque chose de réjouissant, plutôt que pour un mal. Mais nous porterons un jugement bien différent, si nous nous plaçons dans la lumière de la présence de Dieu ; car, devant Dieu, nous ne pourrons pas nous imaginer qu’il y ait profit pour le peuple de Dieu à se mêler avec les enfants de ce monde, ou à corrompre la vérité de Dieu par un alliage humain. Tel n’est pas le moyen dont Dieu se sert pour répandre la vérité, ou pour favoriser les intérêts de ceux qui sont appelés à être sur la terre les témoins de Dieu : le principe de Dieu, c’est la séparation d’avec le mal ; et on n’enfreint pas ce principe sans causer un sérieux dommage à la vérité.
Le passage de l’Écriture qui nous occupe nous fait voir de quelles désastreuses conséquences fut suivie l’union des fils de Dieu avec les filles des hommes.
Au jugement de l’homme, le fruit de cette union paraissait fort
beau, car c’est de lui que nous lisons au verset 4: « Ceux-ci furent les
vaillants hommes de jadis, des hommes de renom ». Mais Dieu juge
différemment ; il ne voit pas comme l’homme voit, ses pensées ne sont pas
nos pensées. « Et l’Éternel vit que la méchanceté de l’homme était grande
sur la terre, et que toute l’imagination des pensées de son cœur n’était que
méchanceté en tout temps ». Telle était la condition de l’homme devant
Dieu, « elle n’était que
méchanceté »,
« méchanceté en tout temps », et l’union de ce qui est saint avec ce
qui est profane n’amènera jamais d’autre résultat. Si la semence sainte ne se
conserve pas pure, tout est perdu quant au témoignage sur la terre. Le premier
effort de Satan fut de rendre inutile le dessein de Dieu en mettant à mort la
semence sainte ; et puis, lorsqu’il n’eut pas réussi il chercha à la
corrompre.
Il est de la plus haute importance que nous comprenions bien le but, le caractère et le résultat de cette union entre les « fils de Dieu et les filles des hommes ». De nos jours, on court grandement le risque de compromettre la vérité pour l’amour de l’union, et nous devons nous en garder avec soin. On n’obtient point de véritable union aux dépens de la vérité. « Maintenir la vérité à tout prix », telle doit être la devise du chrétien. Si, dans cette voie, vous pouvez propager l’union, c’est très bien ; mais avant tout, maintenez la vérité. Le principe des accommodements dit au contraire : « Propagez l’union à tout prix ; et si, dans cette voie, vous pouvez maintenir la vérité, tant mieux ; mais propagez l’union ! » (*). Il n’y a pas de vrai témoignage là où la vérité est compromise : aussi voyons-nous que, dans le monde antédiluvien, l’union impure de ce qui était saint avec ce qui était profane, de ce qui était divin avec ce qui était humain, eut pour unique effet d’amener le mal à son comble ; et alors le jugement de Dieu tomba sur le monde. « Et l’Éternel dit : J’exterminerai de dessus la face de la terre l’homme que j’ai créé ! »
(*) Nous ne devrions
jamais perdre de vue que la « sagesse d’en haut est premièrement pure
, ensuite paisible » (Jacq. 3:17). La sagesse
d’en bas aurait commencé par « paisible », et par cela même, elle ne
peut jamais être pure.
Il n’a fallu rien moins que la destruction de tout ce qui avait
corrompu la voie de Dieu sur la terre : « La fin de toute chair est
venue devant moi ». Dieu ne parle pas seulement d’une partie,
mais de toute
chair,
car elle était tout entière
corrompue
aux yeux de l’Éternel, tout entière irrévocablement mauvaise.
La chair avait été pesée, et trouvée mauvaise ; et alors l’Éternel
annonce à Noé, en ces termes, le moyen de salut qu’il avait préparé pour
lui : « Fais-toi une arche de bois de gopher » (v. 13, 14). Noé
est ainsi fait dépositaire des pensées de Dieu à l’égard de la scène qui l’entoure.
La parole de l’Éternel avait pour effet de mettre à nu jusqu’au fond toutes les
choses sur lesquelles le regard de l’homme peut se reposer avec satisfaction,
et dont il peut se glorifier. Le cœur de l’homme pouvait s’enfler d’orgueil et
palpiter d’émotion, quand il parcourait du regard la foule brillante des hommes
d’art et des hommes de génie, des « hommes vaillants » et des
« hommes de renom » ! Les sons de la musique l’enchantaient,
tandis que l’agriculture pourvoyait abondamment à tous les besoins de sa
vie : tout cela semblait bannir bien loin la pensée d’un jugement
prochain. Mais Dieu dit : « j’exterminerai », et ces solennelles
paroles jettent leur ombre lugubre sur toute la scène. Mais peut-être le génie
de l’homme inventera-t-il quelque moyen d’échapper ! « L’homme
vaillant » ne se délivrera-t-il pas par sa grande force ? Hélas, non,
il n’y a qu’un
moyen d’échapper ; et ce moyen est révélé à la foi,
non à la vue, ni à la raison, ni à l’imagination. « Par la foi, Noé, étant
averti divinement
des choses qui ne se voyaient pas
encore, craignit et
bâtit une arche pour la conservation de sa maison ; et par cette arche il
condamna le monde et devint héritier de la justice qui est selon la foi »
(Héb. 11:7). La parole de Dieu répand sa lumière sur toutes les choses qui trompent
le cœur de l’homme ; elle enlève le voile doré dont le serpent recouvre un
monde passager, vain et trompeur, sur lequel est suspendue l’épée du jugement
de Dieu. Mais la foi seule reçoit « l’avertissement
de Dieu
», lorsque les choses qu’il annonce « ne se voient pas
encore ». La nature est gouvernée par ce qu’elle voit, par les sens. La
foi est gouvernée par la seule parole de Dieu, ce trésor inestimable dans un
monde de ténèbres ! C’est la foi en cette parole qui donne de la fermeté,
quelles que soient d’ailleurs les apparences extérieures des choses qui l’entourent.
Lorsque Dieu parla à Noé d’un jugement prochain, aucun signe ne
l’annonçait. Le jugement « ne se voyait pas encore » ; mais la
parole de Dieu en fit une réalité présente pour le cœur dans lequel cette
parole « était mêlée avec la foi ». La foi n’attend pas de voir
pour croire, car « la foi est
de ce qu’on entend et ce qu’on entend par la parole de Dieu » (Rom.
10:17). Tout ce qu’il faut à l’homme de foi, c’est de savoir que Dieu a parlé.
Le « ainsi a dit l’Éternel » suffit pour communiquer à son âme une
certitude parfaite. Une seule ligne de l’Écriture suffit pour répondre à tous
les raisonnements et à toutes les imaginations de l’esprit humain ; et
celui dont les convictions sont fondées sur la parole de Dieu peut résister aux
flots de l’opinion et des préjugés du monde entier. C’est par la parole de Dieu
que le cœur de Noé fut soutenu pendant tout le temps de son long service ;
et c’est par cette même parole que des milliers de saints ont été soutenus
depuis les jours de Noé jusqu’à maintenant, en face de l’opposition et de la
contradiction du monde. On ne saurait donc trop estimer la parole de Dieu. Sans
elle, tout est incertitude ; avec elle, tout est paix et lumière. Partout
où cette parole vient briller, elle trace à l’homme de Dieu un sentier sûr et
béni ; tandis que celui dont la voie n’est pas éclairée par elle, est
réduit à errer au milieu du labyrinthe de la tradition humaine. Comment Noé
aurait-il été capable de prêcher « la justice » pendant cent vingt
ans, si la parole de Dieu n’avait pas été le fondement de sa prédication ?
Comment aurait-il pu résister aux moqueries et au mépris d’un monde
impie ? Comment aurait-il pu persévérer à proclamer l’approche d’un
« jugement à venir
»,
lorsque aucun nuage n’apparaissait à l’horizon du monde ? La parole de
Dieu était le fondement sur lequel il s’appuyait, et « l’Esprit de
Christ » le rendait capable de demeurer, dans une sainte fermeté, sur ce
fondement inébranlable.
Et nous, lecteurs chrétiens, qu’avons-nous d’autre pour demeurer
fermes dans notre service pour Christ dans les jours mauvais d’à présent ?
Rien, assurément ; la parole de Dieu et le Saint Esprit par lequel seul
cette parole peut être comprise,
appliquée et mise en pratique, sont tout ce qu’il nous faut, pour être
« parfaitement accomplis pour toute bonne œuvre » quelle qu’elle soit
(2 Tim. 3:16, 17). Quel repos pour le cœur ! Quelle délivrance de toutes
les tromperies du diable et de l’imagination de l’homme ! À leur place,
nous avons la parole de Dieu, pure, incorruptible et éternelle :
puissions-nous rendre grâces à Dieu pour ce trésor inestimable ! L’imagination
des pensées du cœur de l’homme n’était que méchanceté en tout temps ; mais
Noé trouvait son refuge, le parfait repos de son cœur, dans la parole de Dieu.
« Et Dieu dit à Noé : La fin de toute chair est venue devant moi… ; fais-toi une arche de bois de gopher ».
Ces paroles nous disent l’état de ruine de l’homme, et le salut
de Dieu. Dieu avait permis que l’homme poursuivît sa carrière jusqu’au bout,
afin que ses principes et ses voies parvinssent à maturité. Le levain avait
opéré et avait fait lever toute la pâte. Le mal avait atteint son apogée.
« Toute chair » était devenue mauvaise et avait corrompu sa
voie ; et la corruption était arrivée à ses dernières limites, en sorte qu’il
ne restait plus d’autre ressource pour Dieu que de détruire complètement
« toute chair » et, en même temps, de sauver tous ceux qui, d’après
ses conseils éternels, se trouvaient unis « au huitième » et seul
homme juste existant alors. Ceci fait ressortir d’une manière saisissante la
doctrine de la croix : d’un côté, le jugement de Dieu sur la nature et
toute sa perversité ; d’un autre côté, la révélation de la grâce salutaire
dans toute sa plénitude et sa parfaite application à ceux qui sont réellement
arrivés au point le plus bas de leur condition morale, telle que Dieu la voit.
« L’Orient d’en haut nous a visités » (Luc 1:78). Et où cela ?
Précisément là où nous nous trouvions
comme pécheurs. Dieu est descendu « dans les parties inférieures de la
terre ». La lumière de l’Orient d’en haut a pénétré jusque dans les
profondeurs des ténèbres du pécheur, et nous a ainsi révélé notre vrai
caractère. La lumière juge tout ce qui n’est pas en accord avec elle ;
mais, tandis qu’elle juge le mal, elle donne aussi « la connaissance du
salut dans la rémission des péchés ».
La croix, en révélant le jugement de Dieu sur « toute
chair », révèle aussi le salut au pécheur coupable et perdu. Le péché est
parfaitement jugé, le pécheur parfaitement sauvé, Dieu parfaitement révélé et
glorifié, à la croix. Si le lecteur ouvre la première épître de Pierre, il y
trouvera des enseignements précieux sur le même sujet. Au chapitre 3, versets
18-22, nous lisons : « Car aussi Christ a souffert une fois pour les
péchés, le juste pour les injustes, afin qu’il nous amenât à Dieu, ayant été
mis à mort en chair, mais vivifié par l’Esprit, par lequel aussi étant allé, il
a prêché aux esprits qui sont en prison, qui ont été autrefois désobéissants,
quand la patience de Dieu attendait dans les jours de Noé, tandis que l’arche
se construisait, dans laquelle un petit nombre, savoir huit personnes, furent
sauvées à travers l’eau ; or cet antitype vous sauve aussi maintenant, c’est-à-dire
le baptême, non le dépouillement de la saleté de la chair (*), mais la demande à Dieu d’une bonne conscience,
par la résurrection de Jésus Christ, qui est à la droite de Dieu (étant allé au
ciel), anges, et autorités, et puissances lui étant soumis ». Ce passage
est de la plus haute importance, et jette une grande lumière sur la doctrine de
l’arche et sa liaison avec la mort de Christ. Comme au déluge, ainsi dans la
mort de Christ, toutes les vagues et tous les flots du jugement de Dieu
passèrent sur ce qui, en soit, était sans péché. La création fut ensevelie sous
les flots de la juste colère de l’Éternel, et l’Esprit de Christ, au Psaume
42:7, s’écrie : « Toutes tes vagues et tes flots ont passé sur
moi ». « Toutes
les vagues
et les flots » de la colère divine ont passé sur la personne pure et sans
tache du Seigneur Jésus, alors qu’il était pendu au bois ; et par
conséquent aucune de ces vagues n’aura à passer sur celui qui croit. Au
Calvaire, nous voyons en toute vérité « les fontaines du grand abîme
rompues et les écluses des cieux ouvertes ». « Un abîme appelle un
autre abîme à la voix de tes cataractes » (Psaume 42:7). Christ but la
coupe et endura la colère, parfaitement. Il prit judiciairement sur lui tout le
poids de la responsabilité de son peuple et satisfit glorieusement à toute
cette responsabilité. L’âme du fidèle trouve ici une paix assurée. Car, si le
Seigneur Jésus a affronté tout ce qui pouvait être contre nous ; s’il a
renversé tous les obstacles ; s’il a ôté le péché ; s’il a vidé la coupe
de la colère du jugement, pour nous ; s’il a dissipé tous les nuages, — ne
jouirons-nous pas d’une paix assurée ? La paix est notre inaliénable
part ; c’est à nous qu’appartiennent le profond et indicible bonheur et la
sainte assurance que l’amour rédempteur peut donner avec justice, en vertu de l’œuvre
parfaitement accomplie de Christ.
(*) On ne saurait trop apprécier la sagesse avec laquelle l’Esprit
Saint traite l’ordonnance du baptême, dans le passage cité plus haut. Nous
savons quel abus on a fait du baptême et quelle fausse place cette institution
occupe dans les pensées de plusieurs ; nous savons que l’efficace
qui n’appartient qu’au seul
sang de Christ a été attribuée à l’eau
du baptême, aussi bien que la grâce régénératrice du Saint Esprit : et
ainsi, nous ne pouvons qu’être frappés de la manière dont l’Esprit de Dieu
sauvegarde cette vérité en établissant que ce n’est pas le dépouillement de la
saleté de la chair, comme par de l’eau, « mais l’engagement envers Dieu d’une
bonne conscience », « engagement » dans lequel nous entrons, non
par le baptême, quelque important qu’il soit à sa place, mais « par la
résurrection de Jésus Christ », « qui a été livré pour nos fautes et
a été ressuscité pour notre justification » (Rom. 4:25).
Il est superflu de dire que, comme institution divine, et lorsqu’on lui laisse la place que Dieu lui a faite, le baptême est très important et profondément significatif ; mais quand on voit des hommes remplacer, d’une manière ou d’une autre, la substance par la figure, nous sommes tenus de mettre à nu l’œuvre de Satan par la lumière de la parole de Dieu.
Noé avait-il aucune crainte des eaux du jugement de Dieu ?
Certainement non. Il savait qu’elles avaient toutes
été répandues, tandis que lui-même, il était élevé, par ces
mêmes eaux, en dehors des atteintes du jugement. Son arche flottait en paix
au-dessus de ces vagues qui avaient servi à la destruction de « toute
chair » : et c’est Dieu lui-même qui l’y avait placé. Il aurait pu,
lui aussi, dire dans le langage triomphant de l’apôtre : « Si Dieu
est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rom. 8:31). L’Éternel
lui-même l’avait invité à entrer dans l’arche : « Entre dans l’arche,
toi et toute ta maison ! » (chap. 7:1). Puis, quand il y eut pris
place, « l’Éternel ferma l’arche sur
lui
». L’arche était un sûr asile pour chacun de ceux que Dieu y avait
appelés. L’Éternel gardait la porte et, sans lui, nul ne pouvait ni entrer, ni
sortir. Il y avait une porte et une fenêtre à l’arche. Le Seigneur, de sa
puissante main, défendait la porte, laissant à Noé la fenêtre par laquelle il
pouvait regarder en haut d’où le jugement était sorti, et voir qu’il était
passé pour lui. La famille sauvée ne pouvait regarder qu’en haut
, car la fenêtre était située dans le haut (chap. 6:16). Noé
et les siens ne pouvaient voir les eaux du jugement, ni la mort et la
désolation causées par ces eaux. Le salut de Dieu, le « bois de
gopher », était entre eux et toutes ces choses. Ils ne pouvaient regarder
qu’en haut et voir un ciel sans nuage, demeure éternelle de Celui qui avait
condamné le monde et les avait sauvés.
Rien n’exprime mieux la parfaite sécurité de celui qui croit en
Christ que ces paroles : « L’Éternel ferma l’arche sur lui ».
Qui pourrait ouvrir quand Dieu a fermé ? La famille de Noé était dans une
sécurité parfaite, telle que Dieu seul peut la donner ; nulle puissance
angélique, humaine ou satanique, n’aurait été capable de forcer la porte de l’arche
pour y faire entrer les eaux. Cette porte avait été fermée par la même main qui
avait ouvert les écluses des cieux et rompu les fontaines du grand abîme. Ainsi
nous lisons de Christ, qu’il est celui « qui a la clef de David, qui ouvre
et nul ne fermera, qui ferme et nul n’ouvrira » (Apoc. 3:7) : lui
aussi, il tient « les clefs de la mort et du hadès » (Apoc. 1:18).
Nul ne peut, sans lui, franchir les portes du tombeau, pour entrer ou sortir.
Il a « toute autorité dans le ciel et sur la terre ». Il est
« chef sur toutes choses à l’assemblée » et en lui
, le croyant est en parfaite sécurité (Matt. 28:18 ;
Éph. 1:22). Qui aurait pu atteindre Noé ? Quelle vague eût pu pénétrer
dans cette arche « enduite de poix en dedans et en dehors ? » Et
maintenant, qui pourrait toucher à ceux qui, par la foi, se sont réfugiés à l’ombre
de la croix ? Tout ennemi a été vaincu et réduit au silence pour toujours.
La mort de Christ a répondu triomphalement à toutes les difficultés, tandis que
sa résurrection est la déclaration de la parfaite satisfaction de Dieu en cette
œuvre, en vertu de laquelle sa justice peut nous recevoir, et qui est le
fondement de notre confiance pour nous approcher de lui. « La porte »
de notre arche étant donc ainsi mise en sûreté par la main de Dieu lui-même,
nous n’avons qu’à jouir de « la fenêtre », ou, en d’autres termes, à
marcher dans une heureuse et sainte communion avec Celui qui nous a sauvés de
la colère qui vient, et nous a faits héritiers de la gloire à venir que nous
attendons. L’apôtre Pierre parle de celui qui « est aveugle et ne voit pas
loin, ayant oublié la purification de ses péchés d’autrefois » (2 Pierre
1:9). C’est là une lamentable condition, et elle est la part de quiconque
néglige d’entretenir, dans un esprit de prière, une communion habituelle avec
Celui qui nous a enfermés en Christ pour l’éternité.
Avant d’aller plus loin dans l’histoire de Noé, jetons un coup d’œil,
non plus sur ceux qui étaient dans
l’arche,
mais sur ceux auxquels Noé a si longtemps prêché la justice, et qui sont restés
en dehors de l’arche. Plus d’un regard inquiet dut suivre le vaisseau de
miséricorde à mesure qu’il s’élevait avec les eaux, mais, hélas !
« la porte était fermée », le jour de grâce était passé, le temps du
témoignage avait pris fin, et pour toujours, pour ceux qu’il concernait. La
même main qui avait fermé la porte sur Noé, en avait exclu ceux qui étaient
dehors. Ceux qui étaient restés en dehors
de l’arche étaient irrévocablement perdus ; les autres, effectivement
sauvés. Le long support de Dieu, aussi bien que le témoignage de son serviteur,
avaient été méprisés par les hommes, absorbés qu’ils étaient dans les choses
présentes. « On mangeait, on buvait, on se mariait, on donnait en mariage,
jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et le déluge vint et les fit
tous périr » (Luc 17:26, 27). En elles-mêmes, toutes ces choses n’étaient
pas mauvaises et le mal n’était pas dans les choses faites, mais dans ceux qui
les faisaient. Chacun des actes qui sont mentionnés peut être accompli dans la
crainte du Seigneur et à la gloire de son saint nom, moyennant la foi. Mais,
hélas ! la foi manquait ; la parole de Dieu était rejetée. Dieu
parlait de péché et de chute, et les hommes n’étaient pas convaincus. Dieu leur
parlait de salut, mais ils n’y prenaient pas garde et poursuivaient leurs plans
et leurs spéculations sans se soucier de Dieu. Ils agissaient comme si la terre
leur eût appartenu en vertu d’un bail à perpétuité, oubliant que le contrat
renfermait une clause de restitution. Ils oubliaient ce mot solennel de « jusqu’à
! ». Dieu était exclu.
« Toute l’imagination des pensées de leurs cœurs n’était que méchanceté en
tout temps », c’est pourquoi ils ne pouvaient faire aucun bien. Ils
pensaient, parlaient et agissaient eux-mêmes, se complaisaient à eux-mêmes,
oubliant Dieu.
Lecteur, souvenez-vous de ces paroles du Seigneur Jésus :
« Comme il arriva aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il aux jours du fils
de l’homme » ; ou, comme dit Matthieu : « à la venue du
fils de l’homme » (Luc 17:26 ; Matthieu 24:37). On voudrait nous
persuader qu’avant l’apparition du Fils de l’homme dans les nuées du ciel, la
justice couvrira la terre d’un pôle à l’autre, et que nous devons vivre dans l’attente
d’un règne de justice et de paix, produit par les instruments actuellement à l’œuvre ;
mais le court passage que nous venons de citer coupe à leur racine toutes ces espérances
vaines et illusoires. La justice couvrait-elle la terre aux jours de Noé ?
La vérité de Dieu dominait-elle ? La terre était-elle remplie de la
connaissance de l’Éternel comme le fond de la mer des eaux qui le
couvrent ? L’Écriture nous répond que « la terre était pleine de
violence » ; que « toute chair avait corrompu sa voie sur la
terre » ; que « la terre, aussi, était corrompue devant
Dieu ». Eh bien ! il en sera ainsi
à « la venue du Fils de l’homme ! » La « justice » et
l’extorsion ou « la violence » ne se ressemblent guère ; non
plus que la méchanceté universelle et la paix universelle. Il n’est besoin que
d’avoir un cœur soumis à la Parole et dépouillé d’opinions préconçues, pour
comprendre le vrai caractère des jours qui précéderont immédiatement « la
venue du Fils de l’homme ». Que le lecteur ne se laisse pas égarer, mais
qu’il s’incline avec respect devant l’Écriture ; qu’il considère quelle
était la condition du monde « dans les jours avant le déluge » ;
et qu’il se souvienne que, « comme
»
il en était alors, « ainsi
»
il en sera à la fin de la période actuelle. L’homme, aux jours de Noé,
déployait, il est vrai, une puissante énergie, pour faire du monde un séjour
commode et agréable ; mais il ne pensait pas à en faire un lieu digne de
Dieu, ce qui eût été bien différent. De même maintenant, l’homme s’applique à
aplanir de toute manière le sentier de la vie humaine et à le rendre aussi uni
que possible ; mais ce n’est pas là aplanir « dans le lieu stérile
une route pour notre Dieu », ni aplanir « les lieux raboteux »,
afin que toute chair voie le salut de l’Éternel (Ésaïe 40:4, 5). La
civilisation domine ; mais la civilisation n’est pas la justice. On
travaille à balayer et à orner la maison, non pour la rendre propre à recevoir
Christ, mais l’antichrist. L’homme use de sa sagesse pour cacher, sous les plis
de ses propres œuvres, les taches et les misères de l’humanité : mais pour
être dissimulées, ces taches ne sont point enlevées ; et bientôt elles
perceront la couverture qui les cache et apparaîtront plus hideuses que jamais.
Bientôt les digues, au moyen desquelles l’homme cherche avec tant de
persévérance à arrêter le torrent de la misère humaine, céderont à la puissance
écrasante du mal ; on verra échouer tous les efforts de l’homme pour
renfermer la dégradation physique, mentale et morale de la postérité d’Adam
dans les limites que la charité humaine a inventées. Dieu a dit :
« la fin de toute chair est venue devant moi ». La fin n’est pas
venue devant l’homme, mais elle est venue devant Dieu ; et, quoique la
voix des moqueurs s’élève, disant : « Où est la promesse de sa
venue ? car, depuis que les pères se sont endormis, toutes choses
demeurent au même état dès le commencement de la création » (2 Pierre
3:4) ; cependant, le moment approche rapidement où ces moqueurs recevront
leur réponse : « Le jour du Seigneur viendra comme un voleur ;
et, dans ce jour-là, les cieux passeront avec un bruit sifflant, et les
éléments embrasés seront dissous, et la terre et les œuvres qui sont en elle
seront brûlées entièrement » (2 Pierre 3:4-10).
Telle est la réponse de Dieu aux moqueries des intelligents de ce monde ; mais non aux affections et à l’attente spirituelle des enfants de Dieu. Ces derniers, que Dieu en soit béni, ont une perspective bien différente : ils attendent de s’en aller à la rencontre de l’Époux dans les airs, avant que le mal soit arrivé à son comble et que le jugement de Dieu tombe sur ce mal. L’attente de l’Assemblée n’est pas de voir le monde détruit par le feu, mais de voir se lever « l’étoile brillante du matin » (Apoc. 22:16).
Mais de quelque côté et à quelque point de vue que nous
considérions l’avenir, que l’objet qui se présente à la vue de notre âme soit l’Église
dans la gloire, ou le monde dans les flammes ; la venue attendue de l’Époux,
ou la venue subite et inopinée du larron dans la nuit ; — l’étoile du
matin, ou le soleil brûlant du midi ; l’enlèvement de l’Église, ou bien le
jugement, nous devons sentir combien il importe que nous nous tenions au
témoignage de Dieu en grâce envers les pauvres pécheurs : « Voici, c’est
maintenant
, le temps agréable ;
voici, c’est maintenant
, le jour du
salut ». « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec
lui-même » (2 Cor. 6:2 ; 5:19). Maintenant, Dieu réconcilie ;
bientôt, il jugera ; maintenant, tout est grâce ; alors il n’y aura
que colère maintenant, Dieu pardonne le péché par la croix ; alors, il
punira par les peines éternelles. Maintenant, Dieu fait publier un message de
grâce, de la grâce la plus pure, la plus abondante et la plus gratuite ;
il parle aux pécheurs d’une rédemption achevée par le précieux sacrifice de
Christ : il déclare que tout
est
accompli ; il attend, pour faire grâce : « La patience de notre
Seigneur est salut » ; « le Seigneur ne tarde pas pour ce qui concerne
la promesse, comme quelques-uns estiment qu’il y a du retardement ; mais
il est patient envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous
viennent à la repentance » (2 Pierre 3:9, 15). Combien tout cela rend le
temps présent solennel ! Une grâce sans mélange est annoncée, mais le
jugement suspendu est prêt à éclater !
Si Dieu nous a rendus attentifs à ces choses, avec quel profond intérêt ne devrions-nous pas suivre le développement de ses desseins ! L’Écriture répand sa lumière sur toutes choses ; par elle nous n’en sommes pas réduits à regarder les événements qui se succèdent avec l’étonnement de ceux qui ne savent ni où ils sont, ni où ils vont. Nous pouvons et nous devrions avoir une connaissance exacte de notre situation ; nous devrions bien connaître la tendance directe de tous les principes qui sont actuellement en jeu, le grand tourbillon vers lequel se précipitent rapidement tous les ruisseaux. Les hommes rêvent un âge d’or ; ils se promettent un millenium des arts et des sciences ; ils se nourrissent de la pensée que « demain sera comme aujourd’hui, et encore bien supérieur » (És. 56:12) ; mais, hélas ! combien sont vaines toutes ces pensées, tous ces rêves et toutes ces espérances ! La foi peut voir les nuages s’amonceler à l’horizon du monde : le jugement s’approche ; le jour de la colère se hâte la porte va se fermer ; « l’énergie d’erreur » (2 Thes. 2:11), va commencer à agir ! Et, en vue de ces choses, ne faut-il pas élever une voix d’avertissement et chercher à contrebalancer, par un témoignage fidèle, la malheureuse propre satisfaction de l’homme ? Sans doute, de même qu’Achab accusait Michée, le monde nous accusera de ne prophétiser, que du mal, mais qu’importe ? Prophétisons ce que prophétise la parole de Dieu, et faisons-le dans l’unique but « de persuader les hommes » (2 Cor. 5:11). La parole de Dieu, elle seule, pourra, au lieu du fondement trompeur sur lequel nous reposons, placer nos pieds sur un fondement immuable et éternel. Elle seule pourra nous ôter un « roseau cassé » et une espérance trompeuse, pour nous donner « le rocher des siècles » et « une espérance qui ne rend point honteux » (Rom. 5:5). L’amour vrai, l’amour de Dieu, ne crie pas : « Paix, paix ! quand il n’y avait point de paix » (Jér. 6:14 ; 8:11), il n’enduit pas non plus le mur « de mauvais mortier » (Ézé. 13:10). Dieu veut que le cœur du pécheur se repose en paix dans l’arche de l’éternelle sécurité, jouissant dès à présent de sa communion et nourrissant avec amour l’espérance de jouir avec lui du repos, dans une création renouvelée, alors que la ruine, la désolation et le jugement auront passé pour toujours.
Revenons maintenant à l’histoire de Noé, et contemplons-le dans une nouvelle position. Nous l’avons vu construisant l’arche ; et nous l’avons vu dans l’arche ; et maintenant nous allons le voir sortir de l’arche et prendre place dans le monde nouveau (*). « Et Dieu se souvint de Noé ». L’œuvre étrange du jugement étant passée, la famille sauvée, avec tout ce qui lui est associé, est remise en mémoire devant Dieu. « Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux baissèrent ; et les fontaines de l’abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie qui tombait du ciel fut retenue » (chap. 8:2). Alors les rayons du soleil commencent à vivifier un monde qui venait d’être baptisé d’un baptême de jugement. Le jugement est « l’œuvre étrange de Dieu », et bien que Dieu soit glorifié par le jugement, il n’y prend pas plaisir. Que son nom en soit béni, il est toujours prêt à laisser le jugement, pour faire miséricorde, parce qu’il se plaît à faire miséricorde.
(*) Je voudrais indiquer ici, en demandant à mes lecteurs de la méditer avec un esprit de prière, une pensée bien comprise de tous ceux qui se sont appliqués à l’étude de la vérité au point de vue des dispensations ou économies. Cette pensée a rapport à Énoch et à Noé. Le premier fut enlevé, comme nous l’avons vu, avant l’exécution du jugement ; tandis que le dernier, tout en étant épargné, dut, en quelque sorte, traverser le jugement. Or, on pense qu’en cela Énoch est une figure de l’assemblée, qui sera enlevée avant que le mal ici-bas arrive à son comble, et avant que le jugement de Dieu tombe sur les méchants. En revanche, Noé serait une figure du résidu d’Israël, qui devra traverser les eaux profondes de la tribulation et le feu du jugement, pour être amené à la pleine jouissance des bénédictions millénaires, en vertu de l’alliance éternelle de Dieu. Je dois ajouter que je partage entièrement cette pensée relativement à ces deux Pères de l’Ancien Testament ; je la regarde comme étant en parfaite harmonie avec le plan général et l’analogie des Saintes Écritures.
« Et il arriva, au bout de quarante jours, que Noé ouvrit le fenêtre de l’arche qu’il avait faite ; et il lâcha le corbeau, qui sortit, allant et revenant jusqu’à ce que les eaux eussent séché de dessus la terre » (v. 6, 7). L’oiseau impur s’échappa et trouva probablement un lieu de refuge sur quelque cadavre flottant ; il ne retourna pas dans l’arche. Mais la colombe « ne trouvant pas où poser la plante de son pied, revint à Noé dans l’arche… ; et il lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. Et la colombe vint à lui au temps du soir, et voici, dans son bec, une feuille d’olivier arrachée » (v. 8-11). N’est-ce pas ici une belle image de l’esprit renouvelé qui, au milieu de la désolation dont il est environné, cherche et trouve son repos et sa part en Christ ; et non seulement cela, mais encore saisit les gages de l’héritage, démontrant ainsi que le jugement est passé et qu’une terre renouvelée commence à apparaître. L’esprit charnel, au contraire, peut se reposer en tout, excepté en Christ : il peut se nourrir de toutes sortes d’impuretés : « la feuille d’olivier » n’a point pour lui d’attrait : il trouve tout ce qu’il lui faut au milieu d’une scène de mort, et par conséquent ne s’occupe pas d’un monde nouveau. Mais le cœur, enseigné et exercé par l’Esprit de Dieu, ne peut se reposer et se réjouir qu’en ce en quoi Dieu trouve son repos et sa joie ; il se repose dans l’arche de son salut « jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses ». Puisse-t-il en être ainsi de vous et de moi, cher lecteur ! que le Sauveur demeure le repos et la part de nos cœurs, afin qu’ainsi nous ne le cherchions pas dans un monde qui est sous le jugement de Dieu ! La colombe retourna à Noé dans l’arche et attendit le moment de son repos ; et nous, nous devrions trouver toujours notre place en Christ jusqu’au temps de son exaltation et de sa gloire dans les siècles à venir ! « Celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas ». Tout ce qu’il nous faut, ce n’est qu’un peu de patience.
« Et Dieu parla à Noé, disant : Sors de l’arche ».
Le même Dieu qui lui avait dit : « Fais-toi une arche » et
« entre dans l’arche », dit maintenant à Noé : « Sors de l’arche ».
« Et Noé sortit… et bâtit un autel à l’Éternel » (v. 15 et suivants).
Noé n’a qu’à obéir : l’obéissance de la foi et le culte de la foi vont
ensemble : un autel est élevé au lieu même où venait de se passer la scène
du jugement. L’arche avait porté Noé et sa famille, sains et saufs, par-dessus
les eaux du jugement : elle les avait fait passer du vieux monde dans le
nouveau, où Noé prend maintenant place comme adorateur (*).
Et, il faut le remarquer, c’est à l’Éternel qu’il bâtit un autel. La
superstition aurait adoré l’arche,
comme
ayant été le moyen de salut. Le cœur est toujours porté à mettre les
ordonnances à la place de Dieu. Or, l’arche était une ordonnance manifeste,
mais la foi de Noé s’élève, de l’arche, au Dieu de l’arche ; c’est
pourquoi, en la quittant, au lieu d’hésiter et de jeter un regard en arrière ou
de considérer l’arche comme un objet de culte ou de vénération, il bâtit un
autel à l’Éternel et adore l’Éternel ; et il n’est plus fait mention de l’arche.
(*) Il est intéressant de considérer le sujet tout entier de l’arche et du déluge dans ses rapports avec le baptême. Le baptême est comparé au passage du vieux monde dans le nouveau, en esprit, en principe et par la foi.
Le vieil homme est comme enseveli sous les eaux — il n’a plus de place dans la nature nouvelle : la chair, avec tout ce qui en dépend, ses péchés, ses iniquités, ses responsabilités, est comme enterrée dans la tombe de Christ, et elle ne peut plus reparaître jamais aux yeux de Dieu. Mais, en tant que Christ ressuscita des morts, dans la puissance d’une nouvelle vie, ayant entièrement ôté nos péchés, l’homme baptisé aussi ressortait de l’eau, proclamant ainsi, en quelque sorte, que, par la grâce de Dieu et par la mort de Christ, il était mis en pleine possession d’une vie nouvelle, à laquelle la justice de Dieu est inséparablement unie. « Nous avons été ensevelis avec lui, par le baptême, pour la mort, afin que comme Christ a été ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, ainsi nous aussi nous marchions en nouveauté de vie » (voir Rom. 6 et Col. 2 ; comp. aussi 1 Pierre 3:18-22).
Tout ceci renferme un enseignement bien simple, mais très
pratique. Du moment que le cœur abandonne la réalité de Dieu lui-même, il n’y a
plus de limite à la décadence de l’homme : il est sur la voie qui conduit
à la plus grossière idolâtrie. Pour la foi, une ordonnance n’a de valeur qu’autant
qu’elle est le moyen par lequel Dieu se communique à l’âme, en puissance
vivante, c’est-à-dire aussi longtemps que la foi peut jouir de Christ dans l’ordonnance
selon l’institution de Dieu lui-même. En dehors de là, une ordonnance n’a
aucune valeur ; et si elle vient se glisser, dans quelque petite mesure
que ce soit, entre le cœur de l’adorateur et l’œuvre et la personne glorieuse
de Christ, elle cesse d’être une ordonnance de Dieu et devient un instrument du
diable. Pour la superstition, l’ordonnance est tout, et Dieu est exclu ;
le nom de Dieu ne sert que pour exalter l’ordonnance, et lui donner prise sur
le cœur et une influence puissante sur l’esprit de l’homme. C’est ainsi que les
enfants d’Israël adorèrent le serpent d’airain. Ce qui, pendant un temps, fut,
dans les mains de Dieu, un moyen de bénédiction pour eux, devint, dès que leurs
cœurs se furent retirés de l’Éternel, un objet de vénération superstitieuse ;
et il fallut qu’Ézéchias le mît en pièces comme un « morceau d’airain »
(Nehushtan). En soi, le serpent n’était qu’un « morceau d’airain » ;
mais, comme instrument de Dieu, il avait été un moyen de grande bénédiction.
Or, la foi le reconnut pour ce que la révélation de Dieu l’avait donné, mais la
superstition, jetant, comme toujours, la révélation par-dessus bord, perdit de
vue le dessein réel de Dieu et fit un Dieu de l’instrument qui, par lui-même, n’avait
aucune valeur (voyez 2 Rois 18:4). Tout ceci ne renferme-t-il pas une
instruction profonde à l’égard du présent siècle ? Nous vivons dans un
siècle d’ordonnances ; l’atmosphère qui enveloppe l’église professante est
imprégnée des éléments d’une religion traditionnelle qui dépouille l’âme de
Christ et de son salut. Non que les traditions humaines nient audacieusement l’existence
de la personne et de la croix de Christ ; car, si elles les niaient, les
yeux de plusieurs s’ouvriraient peut-être ; mais le mal revêt un caractère
infiniment plus perfide et plus dangereux : on ajoute les ordonnances à
Christ et à son œuvre ; le pécheur n’est plus sauvé par Christ seul, mais
par Christ et les ordonnances. Ainsi le pécheur est dépouillé de Christ,
entièrement ; car on verra que Christ
et les ordonnances
, ce sera, en fin de compte, les ordonnances sans Christ
. « Si vous êtes circoncis, Christ ne
vous profitera de rien ! » (Gal. 5:2). On ne peut avoir que Christ
tout entier, ou point de Christ du tout. Le diable persuade aux hommes qu’ils
honorent Christ en préconisant ses ordonnances, et en en faisant beaucoup de
cas ; quoique lui sache fort bien qu’en faisant ainsi, ils mettent en
réalité Christ entièrement de côté, et déifient l’ordonnance. On ne saurait
trop répéter que la superstition fait de l’ordonnance tout
; que l’incrédulité et le mysticisme n’en font rien
; et que la foi en use selon l’institution
divine.
Je me suis étendu plus que je n’avais pensé sur cette partie de notre étude ; je passerai plus rapidement sur le chapitre 9 qui va nous occuper maintenant. L’Écriture nous fait connaître, dans ce chapitre, la nouvelle alliance, sous laquelle la création fut placée après le déluge, en même temps que le signe de cette alliance. « Et Dieu bénit Noé et ses fils, et leur dit : Fructifiez et multipliez, et remplissez la terre ». Le commandement que Dieu donne à l’homme, à son entrée dans la terre restaurée, c’est de remplir la terre, non quelques parties de la terre, mais « la terre ». Sa volonté était que les hommes fussent dispersés sur toute la surface de la terre, et qu’ils ne comptassent pas sur leurs forces concentrées, comme ils ont tenté de le faire, ainsi que nous le rapporte le chapitre 11.
Après le déluge, la crainte de l’homme est placée dans l’âme de
toutes les créatures inférieures, en sorte que le service rendu par elles à l’homme
est le résultat nécessaire de la crainte et de la terreur. La vie, comme la
mort des animaux inférieurs, doit être au service de l’homme. La création tout
entière est délivrée de la crainte d’un second déluge, par l’alliance éternelle
que Dieu a traitée avec elle : le jugement ne revêtira plus jamais la
forme sous laquelle il fut exécuté alors. « Le monde d’alors fut détruit,
étant submergé par de l’eau
. Mais les
cieux et la terre de maintenant sont réservés par sa parole pour le feu
, gardés pour le jour du jugement et
de la destruction des hommes impies » (2 Pierre 3:6). La terre a été une
fois purifiée par l’eau ; et elle sera encore une fois purifiée par le feu
; mais alors, ceux-là seuls
échapperont, qui se seront réfugiés auprès de Celui qui a passé par les
profondes eaux de la mort et qui a traversé le feu du jugement de Dieu.
« Et Dieu dit : C’est ici le signe de l’alliance que je mets entre moi et vous… Je mettrai mon arc dans la nuée… et je me souviendrai de mon alliance » (vers. 12 et suiv.). Toute la création repose sur la stabilité éternelle de l’alliance de Dieu, dont l’arc est le signe ; et elle n’a pas à craindre un second déluge. De plus, et nous devons nous en réjouir, quand l’arc paraît dans la nuée, l’œil de Dieu repose sur lui ; en sorte que la sécurité de l’homme dépend, non de sa propre mémoire imparfaite et incertaine, mais de la mémoire de Dieu. « Je me souviendrai », dit Dieu. Il est doux de penser à ce dont Dieu veut et ne veut pas se souvenir : il se souviendra de son alliance ; mais il ne se souviendra pas des péchés de son peuple. La croix, qui ratifie la première, efface les derniers ; et la foi en saisit la valeur, et donne la paix à l’âme troublée et à la conscience agitée.
« Et il arrivera que quand je ferai venir des nuages sur la
terre, alors l’arc apparaîtra dans la
nuée
» (v. 14). N’est-ce pas là une belle et expressive image ?
Les rayons du soleil reflétés par ce qui menace du jugement et rendus plus
glorieux par les nuages mêmes qui s’amoncellent devant eux, tranquillisent le
cœur en rappelant l’alliance de Dieu, le salut de Dieu, le souvenir de Dieu. L’arc
dans la nue rappelle le Calvaire. Là nous voyons un sombre nuage, un nuage de
jugement, se décharger sur la tête sacrée de l’Agneau de Dieu ; nuage si
épais, qu’au milieu même du jour « il y eut des ténèbres sur tout le
pays » (Luc 23:44). Mais, que Dieu en soit béni, les rayons de l’amour
éternel de Dieu percent l’obscurité, et la foi discerne, dans ce nuage si
sombre, l’arc le plus beau et le plus glorieux qui ait jamais paru ; elle
entend ces paroles : « c’est accompli », sortir du milieu de l’obscurité ;
et, dans ces paroles, elle reconnaît la ratification parfaite de l’alliance
éternelle de Dieu non seulement avec la création, mais avec les tribus d’Israël
et avec l’Église de Dieu.
La dernière portion de ce chapitre présente un spectacle humiliant. Celui qui a été fait seigneur de la création ne sait pas se gouverner lui-même. « Et Noé commença à être cultivateur et il planta une vigne et il but du vin ; et il s’enivra et se découvrit au milieu de la tente » (v. 20 et suiv.). Quel état pour Noé, le seul homme juste, le prédicateur de la justice ! Hélas ! qu’est-ce que l’homme ? Dans quelle position que nous le considérions, nous le voyons toujours faillir. Il manque en Éden, il manque dans la terre restaurée, il manque en Canaan, il manque dans l’Église, il manque en présence de la gloire et du bonheur millénaire. Il manque partout et en tout ; en lui n’existe aucun bien. Quelque grands et quelque étendus que soient ses privilèges, quelque belle que soit sa position, il ne sait produire que fautes et péchés.
Toutefois, nous avons à considérer Noé sous deux points de
vue : comme type
et comme homme.
Or, tandis que le type est plein
de beauté et de signification, l’homme est plein de péché et de folie. Et
pourtant l’Esprit de Dieu a écrit ces paroles : « Noé était un homme
juste… ; Noé marchait avec Dieu » (chap. 6:9). La grâce divine avait
couvert ses péchés, et l’avait revêtu d’une robe de justice sans tache :
« Il avait trouvé grâce aux yeux de l’Éternel » (chap. 6:8). Lors
même que Noé découvrit sa nudité, Dieu ne la vit pas ; car il ne regardait
pas Noé dans la faiblesse de sa propre condition, mais dans la puissance de la
justice divine et éternelle. Ceci nous fait comprendre combien Cham errait,
combien il était éloigné de Dieu et étranger aux pensées de Dieu, en agissant
comme il le fit. Il n’avait évidemment pas goûté le bonheur de « l’homme
dont la transgression est pardonnée et dont le péché est couvert » (Psaume
32:1). En revanche, la conduite de Sem et de Japheth nous fournit un bel
exemple de la manière dont Dieu envisage la nudité de l’homme, et agit envers
elle, aussi héritent-ils d’une bénédiction, tandis que Cham hérite d’une
malédiction.
Ce chapitre contient les générations des trois fils de Noé, et fait spécialement mention de Nimrod, fondateur du royaume de Babel ou de Babylone, dont le nom occupe une place importante dans les pages du saint livre de Dieu. Babylone est un nom et un principe bien connus. Depuis le chapitre 10 de la Genèse jusqu’au chapitre 18 de l’Apocalypse, Babylone reparaît sans cesse sur la scène, et toujours comme ennemie de ceux qui sont appelés à rendre à Dieu un témoignage public sur la terre : il n’en faut pas conclure que la Babylone de l’Ancien Testament soit identique avec celle du Nouveau Testament. La première, nous n’en doutons pas, est une ville ; la dernière, un système ; et l’une et l’autre exercent une puissante influence, hostile au peuple de Dieu. Israël était à peine entré en guerre avec les peuples de Canaan, qu’un « manteau de Shinhar » introduit la souillure et le trouble, la défaite et la confusion dans l’armée (voyez Jos. 7). C’est le récit authentique le plus ancien que nous ayons de l’influence pernicieuse de Babylone sur le peuple de Dieu. Tout lecteur attentif de l’Écriture sait, d’ailleurs, quelle place Babylone occupe dans l’histoire du peuple d’Israël.
Sans citer ici en détail les divers passages qui font mention de
Babylone, nous ferons remarquer que toutes les fois que Dieu a un corps de
témoins sur la terre, Satan y a une Babylone pour corrompre et gâter le
témoignage. Lorsque Dieu unit son nom à une ville du monde, Babylone prend la
forme d’une ville ; lorsque Dieu unit son nom à l’Église, Babylone prend
la forme d’un système religieux corrompu, appelé « la grande
prostituée », « la mère des prostituées et des abominations »,
etc (Apoc. 17:1-6 et suiv.). En d’autres termes, la Babylone de Satan paraît
toujours comme un instrument formé et façonné par sa main, dans le but d’entraver
l’œuvre de Dieu, soit anciennement en Israël, soit maintenant dans l’Église. D’un
bout à l’autre de l’Ancien Testament, on voit Israël et Babylone opposés l’un à
l’autre ; quand l’un monte, l’autre descend. Ainsi, lorsque Israël a
complètement failli comme témoin de l’Éternel, « le roi de Babylone lui a
brisé les os » (Jér. 50:17), et l’engloutit ; et les vaisseaux de la
maison de Dieu, qui devaient demeurer dans la ville
de Jérusalem, sont emportés dans la ville
de Babylone. Mais Ésaïe, dans la sublime prophétie du
chapitre 14 de son livre, nous transporte en face d’un état de choses tout
opposé, et nous fait voir, dans un magnifique tableau, l’étoile d’Israël
croissante et glorieuse et Babylone entièrement renversée : « Et il
arrivera, au jour où l’Éternel te donnera du repos de ton labeur et de ton
trouble et du dur service auquel on t’a asservi, que tu prononceras ce cantique
sentencieux sur le roi de Babylone, et tu diras : Comment l’oppresseur
a-t-il cessé ? Comment l’exactrice a-t-elle cessé ?… Depuis que tu
es tombé, l’abatteur n’est plus monté
contre nous
» (v. 3-8). Voilà
pour ce qui concerne la Babylone de l’Ancien Testament. Quant à celle de l’Apocalypse,
le lecteur n’a qu’à lire les chapitres 17 et 18 de ce livre, pour en connaître
le caractère et voir quelle en est la fin : elle apparaît dans un
contraste frappant avec l’Épouse, la femme de l’Agneau ; elle est jetée
dans la mer comme une grande pierre de meule ; et puis viennent les noces
de l’Agneau et tout le bonheur et la gloire qui s’y rattachent.
« Et Cush engendra Nimrod : lui, commença à être puissant sur la terre
; il fut
un puissant chasseur devant l’Éternel ; c’est pourquoi on dit : Comme
Nimrod, puissant chasseur devant l’Éternel. Et le commencement de son royaume
fut Babel, et Érec, et Accad, et Calné, au
pays de Shinha
r » (v. 8-10). Voilà le caractère du fondateur de
Babylone. Il fut « puissant sur la
terre
», « un puissant chasseur devant l’Éternel » ; et
le caractère de Babylone, d’un bout à l’autre de l’Écriture, correspond d’une
manière remarquable à son origine. Babylone paraît toujours comme une influence
puissante sur la terre, luttant contre tout ce qui est d’origine céleste ;
et ce n’est que quand elle est entièrement détruite, que s’élève dans le ciel,
au milieu de la grande multitude, le cri : « Alléluia ! car le
Seigneur, notre Dieu, le Tout-Puissant, est entré dans son règne » (Apoc.
19:6). Alors Babylone prend fin : toute sa puissance et sa gloire, tout
son orgueil et ses richesses, tout son éclat et ses puissants attraits et sa
vaste influence auront cessé pour toujours. Elle sera balayée et plongée dans
les ténèbres, les frayeurs et la désolation d’une nuit sans fin. — Ô
Éternel ! jusques à quand ?
Le contenu de ce chapitre est du plus haut intérêt pour l’homme
spirituel ; il raconte deux grands faits, savoir : la construction de
Babel, et l’appel d’Abraham ; ou, en d’autres termes, l’effort de l’homme
pour se suffire à lui-même, et la révélation faite à la foi de ce que Dieu a en
réserve pour elle : la tentative de l’homme pour s’établir sur la terre
; et l’appel que Dieu
adresse à l’homme pour l’en faire sortir, et lui faire trouver sa part et sa
demeure dans le ciel.
« Et toute
la terre avait une seule langue et les mêmes paroles. Et il arriva que lorsqu’ils
partirent de l’Orient, ils trouvèrent une plaine dans le pays de Shinhar ;
et ils y habitèrent… Et ils dirent : Allons, bâtissons-nous une ville, et
une tour dont le sommet atteigne jusqu’aux cieux ; et faisons-nous un nom,
de peur que nous ne soyons dispersés sur la face de toute la terre » (v.
1-4). Le cœur humain cherche toujours à se faire un nom, un centre ; — il
veut posséder quelque chose sur la terre. Ses aspirations ne sont pas tournées
vers le ciel, vers le Dieu du ciel, vers la gloire du ciel ; mais toujours
vers un objet d’ici-bas. Lorsqu’il est abandonné à lui-même, l’homme
« bâtit toujours plus bas que le ciel » ; il faut l’appel de
Dieu, la révélation de Dieu et la puissance de Dieu, pour l’élever au-dessus du
monde présent.
Dans la scène que nous avons sous les yeux, Dieu n’est ni reconnu, ni recherché ; le cœur de l’homme ne se préoccupe pas de préparer un lieu où Dieu puisse faire sa demeure, ni d’assembler des matériaux pour lui bâtir un temple : hélas ! non ; le nom de Dieu n’est pas même mentionné. L’homme dans la plaine de Shinhar, avait en vue de s’acquérir une réputation, et dès lors il a toujours fait de même : soit dans la plaine de Shinhar, soit sur les bords du Tigre, nous le voyons toujours se recherchant lui-même, s’exaltant lui-même, excluant Dieu partout et en toutes choses ; et entre ses desseins, ses principes et ses voies, il y a un accord affligeant. — Or, quel que soit le point de vue auquel nous regardions cette association babylonienne, il est très instructif d’y voir le déploiement précoce du génie et des facultés de l’homme. En suivant le cours de l’histoire du monde, nous retrouvons partout, chez les hommes, une forte tendance à former des associations et des confédérations : c’est en grande partie par cette voie qu’ils cherchent à arriver à l’accomplissement de leurs desseins : qu’il s’agisse de philanthropie, de religion ou de politique, rien ne se fait sans une association d’hommes régulièrement organisée. Il est bon de porter son attention sur ce principe, et d’en voir les premiers mouvements, la première application dans la plaine de Shinhar : l’Écriture nous montre à la fois le plan, le but, la tentative elle-même et la ruine de cette association. Si, dans le moment actuel, nous regardons autour de nous, ne rencontrons-nous pas partout aussi des associations ? En vain, nous entreprendrions de les énumérer : elles sont aussi nombreuses que les projets du cœur humain. Mais il est important de noter que la première de toutes fut celle de Shinhar, formée dans le but, que notre siècle éclairé et civilisé ne renierait pas, d’assurer les intérêts de l’humanité et d’exalter le nom de l’homme. Mais la foi discerne un grand défaut dans toutes les associations : Dieu en est exclu. Or, entreprendre d’élever l’homme sans Dieu, c’est l’élever à une hauteur étourdissante où son pied manquera et le fera tomber dans une confusion désespérée et une irrémédiable ruine. Le chrétien ne devrait connaître d’autre association que celle de l’Église du Dieu vivant, formée en un corps par le Saint Esprit, qui est descendu du ciel comme témoin de la glorification de Christ, pour baptiser en un seul corps tous les croyants et en faire l’habitation de Dieu. Babylone est, à tous égards, le contraire de ce qu’est l’Église ; et, à la fin, elle devient « la demeure de démons », comme nous l’apprend le chapitre 18 de l’Apocalypse.
« Et l’Éternel dit : Voici, c’est un seul peuple, et ils n’ont, eux tous, qu’un seul langage, et ils ont commencé à faire ceci ; et maintenant ils ne seront empêchés en rien de ce qu’ils pensent faire. Allons, descendons, et confondons là leur langage, afin qu’ils n’entendent pas le langage l’un de l’autre. Et l’Éternel les dispersa de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la ville » (v. 6-8). Tel fut le sort de la première association d’hommes, et il en sera ainsi jusqu’à la fin. « Associez-vous, peuples, et vous serez brisés… ceignez-vous et vous serez brisés ; ceignez-vous et vous serez brisés » (És. 8:9).
Mais combien tout est différent quand c’est Dieu qui associe les hommes entre eux ! Nous voyons, au chapitre 2 du livre des Actes, le Dieu saint descendre dans sa grâce infinie jusqu’à l’homme, au milieu même des circonstances dans lesquelles le péché a placé celui-ci. Les messagers de la grâce sont doués par le Saint Esprit de la puissance d’annoncer la bonne nouvelle dans la langue de tous ceux auxquels ils s’adressent, car Dieu désirait atteindre le cœur de l’homme par le doux récit de la grâce. Ce n’est pas ainsi que la loi fut promulguée sur le Sinaï en feu : quand Dieu déclarait ce que l’homme devait être, il s’exprimait en une seule langue ; mais quand il révèle ce qu’il est lui-même, il s’exprime en plusieurs langues. La grâce renverse les barrières élevées à cause de l’orgueil et de la folie de l’homme, afin que tout homme puisse entendre et comprendre la bonne nouvelle du salut, « les choses magnifiques de Dieu » (Actes 2:11). Pourquoi cela ? — Dans le but d’associer les hommes selon les principes de Dieu, autour de Dieu comme centre ; dans le but de leur donner en réalité un même langage, un même centre, un même objet, une même espérance, une même vie ; dans le but de les rassembler de telle sorte qu’ils ne fussent plus jamais dispersés et confondus ; dans le but de leur donner un nom et une demeure qui durent à toujours ; de leur bâtir une ville et une tour dont non seulement le sommet atteigne jusqu’au ciel, mais dont le fondement impérissable soit posé dans les cieux par la toute-puissante main de Dieu lui-même ; dans le but de les réunir autour de la glorieuse personne de Christ ressuscité et glorifié, afin que tous ensemble ils le magnifient et l’adorent.
Si mon lecteur veut bien relire le verset 9 du chapitre 7 de l’Apocalypse, il y trouvera une grande foule « de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue », se tenant debout devant l’Agneau, et tous, d’une voix, lui donnant gloire.
Il y a, entre les trois portions de l’Écriture qui viennent de
nous occuper, un rapport instructif et intéressant. Au chapitre 11 de la
Genèse, les diverses langues sont l’expression du jugement
de Dieu ; au chapitre 2 des Actes, elles sont le don
de sa grâce, et au chapitre 7 de l’Apocalypse, toutes ces langues sont réunies
autour de l’Agneau pour lui donner gloire. L’association de Dieu finit par la
gloire ; celle de l’homme par la confusion. La première est introduite par
le Saint Esprit, et a pour objet l’exaltation de Christ ; la dernière, par
l’énergie profane de l’homme déchu, et a pour objet l’exaltation de l’homme.
Que Dieu nous fasse considérer et comprendre toutes ces choses dans la puissance de la foi, car ce n’est qu’ainsi que nos âmes peuvent en retirer du profit. Les doctrines les plus intéressantes, aussi bien que la connaissance la plus approfondie des Écritures, peuvent laisser le cœur stérile et froid : c’est Christ qu’il faut chercher et trouver dans l’Écriture ; et quand nous l’avons trouvé, il faut nous nourrir de lui par la foi, afin que nous recevions la fraîcheur, l’onction, la puissance de vie, dont nous avons un si grand besoin dans ces jours de froid formalisme.
De quel profit peut être une sèche orthodoxie privée d’un Christ vivant, connu dans toute sa puissance et toute l’excellence de sa personne ? La saine doctrine est, sans contredit, d’une immense importance, et tout fidèle serviteur de Christ se sentira impérieusement appelé à conserver « le modèle des saines paroles » que Paul recommandait à Timothée de garder (2 Tim. 1:13). Mais, après tout, c’est un Christ vivant qui est l’âme et la vie, l’essence et la substance de la sainte doctrine. Puissions-nous, par la puissance du Saint Esprit, voir plus de beauté et d’excellence en Christ, afin d’être délivrés de l’esprit et des principes de Babylone !
L’histoire de sept hommes remplit en grande partie le livre de la Genèse, ce sont : Abel, Énoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob et Joseph. Je ne doute pas que l’histoire de chacun d’eux ne représente une vérité particulière. Ainsi, par exemple, en Abel nous trouvons en figure la révélation de cette vérité fondamentale, que l’homme peut s’approcher de Dieu par le moyen de l’expiation, reçue par la foi. Énoch nous montre la part et l’espérance propres à la famille céleste, tandis que Noé nous apprend quelle est la destinée de la famille terrestre ; Énoch fut enlevé au ciel avant le jugement ; Noé fut porté au travers du jugement sur la terre restaurée. Chacun de ces hommes nous représente une vérité distincte, et en conséquence une phase distincte de la foi. Le lecteur peut poursuivre l’étude de ce sujet dans toute son étendue en liaison avec le chapitre 11 de l’épître aux Hébreux, et ce travail ne sera pour lui, ni sans intérêt, ni sans profit.
Mais c’est Abram qui se présente maintenant à nous, et c’est de lui que nous allons nous occuper.
En comparant les versets 1 du chapitre 12 et 31 du chapitre 11
avec les versets 2-4 du chapitre 7 du livre des Actes, nous apprenons une
vérité d’une immense valeur pratique pour l’âme. « L’Éternel avait
dit à Abram : Va-t’en de ton
pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père, dans le pays que je te
montrerai » (v. 1). Telle est la communication que Dieu fit à Abram,
communication parfaitement définie, et par laquelle Dieu voulait agir sur le
cœur et la conscience de celui à qui elle était adressée. « Le Dieu de
gloire apparut à notre père Abraham lorsqu’il était en Mésopotamie, avant qu’il
habitât en Charan… et de là, après que
son père fut mort,
Dieu le fit passer dans ce pays où vous habitez
maintenant » (Actes 7:2-4). Le résultat de cette communication se trouve
au verset 31 du chapitre 11 de la Genèse : « Et Térakh prit Abram son
fils et Lot, fils de Haran, fils de son fils, et Saraï, sa belle-fille, femme d’Abram,
son fils ; et ils sortirent ensemble d’Ur des Chaldéens, pour aller au pays de Canaan
; et
ils vinrent jusqu’à Charan, et habitèrent
là…
et Térakh mourut à Charan ».
De tous ces passages, pris collectivement, nous apprenons que les liens de la
nature empêchèrent que le cœur d’Abram répondît entièrement à l’appel de Dieu.
Bien qu’appelé à se rendre en Canaan, il s’arrêta à Charan jusqu’à ce que la
mort eût rompu le lien de la nature qui le retenait auprès de son père ;
et ensuite, sans se laisser arrêter davantage dans sa route, il se rendit au
lieu où « le Dieu de gloire l’avait appelé ».
Tout ceci est significatif. Les influences de la nature sont toujours contraires à la pleine réalisation et à la puissance pratique de « l’appel de Dieu ». Nous sommes, malheureusement, enclins à nous contenter d’une portion moindre que celle que cette vocation place devant nous. Il faut une foi bien simple et bien intègre pour que l’âme puisse s’élever à la hauteur des pensées de Dieu, et s’approprier les choses qu’il nous révèle.
La prière de Paul, que nous trouvons en Éph. 1:15-22, nous
apprend à quel degré il avait compris les difficultés contre lesquelles l’Église
aurait à lutter en cherchant à saisir quelles sont « l’espérance de l’appel de Dieu
et… les richesses de la
gloire de son
héritage dans les
saints ». Il est évident que nous ne pouvons marcher « d’une manière
digne » de cet appel, si nous ne le comprenons pas. Il faut que nous
sachions où nous sommes appelés avant que de pouvoir nous y rendre. Si Abram
avait été pleinement sous la puissance de cette vérité : que c’était en
Canaan que « Dieu l’appelait », et que là était son héritage, il n’aurait
pas pu s’arrêter à Charan. Il en est de même de nous. Si, par le Saint Esprit,
nous sommes amenés à comprendre que l’appel dont nous sommes appelés, est un
appel céleste, que notre demeure, notre part, notre espérance, notre héritage,
sont là « où Christ est assis à la droite de Dieu », nous ne nous
occuperons jamais à chercher à maintenir une position dans le monde, ni ne
rechercherons la réputation, ou ne nous amasserons un trésor sur la terre. L’appel
céleste n’est pas un vain dogme ou une théorie sans puissance : s’il n’est
pas une réalité divine, il n’est absolument rien. L’appel d’Abram était-il une
simple spéculation de l’esprit, sur laquelle il pouvait raisonner et discuter,
tout en demeurant à Charan ? Assurément non : c’était une vérité
divine, puissante, pratique. Abram était appelé en Canaan, et il était
impossible que Dieu pût l’approuver de rester en arrière. Et comme il en était
d’Abram, ainsi en est-il de nous : si nous désirons jouir de l’approbation
et de la présence de Dieu, il faut que nous cherchions par la foi à agir
conformément à l’appel céleste ; c’est-à-dire que nous devons chercher à
arriver, en expérience, en pratique et en caractère moral, à ce à quoi Dieu
nous appelle, savoir, à une pleine communion avec son Fils unique : une
communion avec lui dans sa rejection ici-bas, — une communion avec lui dans son
acceptation dans le ciel. Mais comme pour Abram, ce fut la mort qui rompit le
lien par lequel la nature l’attachait à Charan, de même, pour nous, c’est la
mort qui rompt le lien par lequel la nature nous enchaîne à ce présent siècle.
Il faut que nous réalisions que nous sommes morts en Christ notre chef et notre
représentant ; que notre place, dans la nature et dans le monde, est parmi
les choses qui étaient,
que la croix
de Christ est pour nous ce que la mer Rouge était pour Israël, savoir : qu’elle
nous sépare pour jamais du pays de la mort et du jugement. Ce n’est qu’ainsi
que nous pourrons marcher en quelque mesure, « d’une manière digne de l’appel
dont nous avons été appelés » (Éph. 4:1), haute, sainte et céleste
vocation, la « vocation de Dieu en Jésus Christ ».
Arrêtons-nous un moment ici, pour contempler la croix de Christ
sous ses deux faces essentielles, savoir comme fondement de notre culte et de
notre service, de notre paix et de notre témoignage, de nos rapports avec Dieu
et de nos rapports avec le monde. Si, convaincu de péché, je regarde la croix
du Seigneur Jésus, je vois, dans la croix, le fondement éternel de ma
paix ; je vois que « mon péché » a été ôté quant à son principe
et à sa racine, et je vois que « mes péchés » ont été portés ;
je vois que Dieu est bien véritablement « pour moi », et qu’il est pour
moi dans la position même dans laquelle je me vois quand ma conscience a été
réveillée. La croix révèle Dieu comme l’ami du
pécheur
; elle le révèle dans son caractère merveilleux de juste
justificateur du pécheur le plus impie. La création et la providence étaient
également impuissantes à cet égard ; en elles, sans doute, je puis
apprendre la puissance de Dieu, sa majesté et sa sagesse. Mais ces choses,
considérées en elles-mêmes, d’une manière abstraite, sont toutes contre moi,
parce que je suis un pécheur, et que la puissance, la majesté et la sagesse ne
peuvent pas ôter mon péché, ni faire que Dieu soit juste, en me recevant à lui.
À la croix, au contraire, je vois Dieu entrant en compte avec le péché, de
telle sorte qu’il se glorifie lui-même infiniment ; je vois la
manifestation glorieuse et la parfaite harmonie de tous les attributs
divins ; je vois l’amour, et un amour tel qu’il captive et persuade mon
cœur en l’affermissant et en le détachant de tout autre objet, à proportion qu’il
réalise cet amour ; je vois la sagesse, et une sagesse qui confond les
démons et étonne les anges ; je vois la puissance, et une puissance qui
renverse tous les obstacles ; je vois la sainteté, et une sainteté qui
repousse le péché jusqu’aux limites les plus reculées de l’univers moral, et
qui est l’expression la plus forte qui pût être donnée de l’horreur que Dieu a
du péché, je vois la grâce, et une grâce qui place le pécheur dans la présence
même de Dieu, — bien plus, dans le sein de Dieu. Où pourrais-je voir ces choses
ailleurs qu’à la croix ? Regardez de tous côtés, vous ne trouverez jamais
rien qui réunisse d’une manière aussi pleine et glorieuse ces deux grandes
choses : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts » et
« paix sur la terre ».
Quelle valeur n’a donc pas la croix à ce premier point de vue, comme fondement de la paix du croyant, de son culte et de sa relation éternelle avec le Dieu que cette croix révèle d’une manière aussi glorieuse ! Quelle valeur n’a-t-elle pas pour Dieu, comme étant la base sur laquelle il peut avec justice déployer en plein toutes ses incomparables perfections, et agir à l’égard du pécheur selon toute l’étendue de sa grâce ! La croix a pour Dieu une valeur telle que, comme l’a très bien dit un écrivain moderne, « tout ce que Dieu a dit, tout ce qu’il a fait, dès le commencement, prouve que la croix occupait la première place dans son cœur. Et faut-il nous en étonner, quand nous savons que le Fils bien-aimé de Dieu devait être cloué à cette croix et, là, être l’objet de la honte et de toutes les souffrances que les hommes et les démons pourraient amonceler sur sa tête, parce qu’il prenait plaisir à faire la volonté de son Père et à racheter les enfants de sa grâce ? La croix sera le grand centre d’attraction, comme l’expression la plus parfaite de son amour pendant toute l’éternité ». Ensuite, comme base de notre service actif et de notre témoignage, la croix réclame, de notre part, la plus sérieuse attention. Il est à peine nécessaire de dire qu’à ce point de vue, la croix est aussi parfaite qu’au point de vue précédent. La croix, qui me met en relation avec Dieu, m’a séparé du monde. Un mort en a fini avec le monde, et le croyant, étant mort en Christ, est crucifié au monde et le monde lui est crucifié (Gal. 6:14), et étant ressuscité avec Christ, il est uni à Lui dans la puissance d’une vie et d’une nature nouvelles. Inséparablement uni à Christ, le croyant partage nécessairement son acceptation auprès de Dieu et sa rejection de la part du monde. Ces deux choses vont ensemble : la première nous constitue adorateurs et citoyens du ciel ; la seconde nous constitue témoins et étrangers sur la terre ; la première nous introduit au-dedans du voile ; la seconde nous fait sortir hors du camp ; et l’une est aussi parfaite que l’autre. Si la croix s’est placée entre moi et mes péchés, et m’a mis en paix avec Dieu, elle s’est placée aussi entre moi et le monde, et elle m’associe à Christ le rejeté des hommes, faisant de moi un objet de leur inimitié, tout en me constituant en même temps l’humble et patient témoin de cette grâce précieuse, insondable et éternelle, qui a été révélée en elle.
Le croyant devrait bien comprendre ces deux aspects de la croix de Christ, et être en état de les distinguer. Il ne devrait pas faire profession de jouir des bénédictions de l’un, tout en refusant d’entrer dans les conditions de l’autre. S’il a l’oreille ouverte pour entendre la voix du Christ en dedans du voile, il devrait l’avoir ouverte aussi pour entendre cette voix hors du camp. S’il saisit l’expiation qui a été accomplie sur la croix, il devrait aussi réaliser de fait la rejection dont elle est nécessairement accompagnée. C’est notre heureux privilège, non seulement d’en avoir fini avec le péché, mais aussi d’en avoir fini avec le monde. Tout est compris dans la doctrine de la croix ; c’est pourquoi un apôtre a pu dire : « Mais qu’il ne m’arrive pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m’est crucifié, et moi au monde » (Gal. 6:14). Paul considérait le monde comme une chose qui devait être clouée à la croix ; et le monde, en crucifiant Christ, avait crucifié tous ceux qui lui appartenaient. Méditons sérieusement ces choses ; méditons-les sincèrement et avec prière, et que le Saint Esprit nous en fasse réaliser la puissance pratique.
Revenons maintenant à notre sujet. Il n’est pas dit combien de temps Abram s’arrêta à Charan : cependant Dieu, dans sa grâce, attendit son serviteur jusqu’à ce que, libre de toute entrave, il obéît en plein à son commandement. Toutefois, il n’y eut pas et il ne pouvait y avoir d’accommodement entre le commandement et les circonstances dans lesquelles Abram se trouvait selon la nature. Dieu aime trop ses serviteurs pour les priver du bonheur complet qui accompagne une entière obéissance.
Il est bon de remarquer qu’Abram ne reçut aucune nouvelle
révélation pendant son séjour à Charan. Pour que Dieu nous donne de nouvelles
lumières, il faut que notre conduite soit à la hauteur de la lumière qu’il nous
a déjà communiquée. « Il sera donné à celui qui a ». Tel est le
principe divin. Souvenons-nous toutefois que Dieu ne nous traînera jamais à la
remorque dans le sentier de l’obéissance et du vrai service ; faire ainsi,
compromettrait cette excellence morale qui caractérise toutes les voies de
Dieu. Dieu ne nous traîne
pas ;
il nous attire,
et nous fait marcher
ainsi dans le chemin qui conduit au bonheur ineffable qui est en
lui-même ; et si nous ne comprenons pas qu’il est de notre intérêt de
renverser toutes les barrières de la nature pour répondre à l’appel de Dieu,
nous manquons à la grâce qui nous a été faite. Mais, hélas ! nos cœurs
comprennent peu ces choses : nous commençons par compter les sacrifices,
les empêchements et les difficultés, au lieu de courir dans le chemin de l’obéissance,
pleins d’ardeur, parce que nous connaissons et aimons Celui dont l’appel a
retenti à nos oreilles.
Chaque pas dans le chemin de l’obéissance est accompagné de bénédictions réelles, parce que l’obéissance est le fruit de la foi, et que la foi nous associe avec Dieu et nous introduit dans une communion vivante avec lui. En considérant l’obéissance à ce point de vue, nous verrons sans peine combien elle diffère du légalisme dans chacun de ses traits. Le principe légal place l’homme, chargé de tout le poids de ses péchés, sur le sentier du service pour servir Dieu en gardant la loi : il en résulte que l’âme est toujours torturée, et que, loin de courir dans le chemin de l’obéissance, elle n’y est point même entrée encore. La vraie obéissance, au contraire, n’est que la manifestation ou le fruit d’une nouvelle nature communiquée par la grâce. Dieu, dans sa bonté, donne à cette nouvelle nature des préceptes pour la guider ; et il est parfaitement certain que la nature divine, guidée par les préceptes divins, ne produit jamais le légalisme. Ce qui constitue le légalisme, c’est la vieille nature essayant de suivre les préceptes divins ; or, essayer de régler la nature déchue de l’homme, par la pure et sainte loi de Dieu, est aussi inutile qu’absurde. Comment la nature déchue pourrait-elle respirer un air aussi pur ? Il faut que tous deux, et la nature et l’air, soient divins.
Mais Dieu ne communique pas seulement au croyant une nature divine et ne le guide pas seulement par ses préceptes divins, il place encore devant lui des espérances conformes à cette nature. Ainsi, pour ce qui concerne Abram, « le Dieu de gloire lui apparut » : et dans quel but ? Dieu voulait placer devant lui un objet désirable, « le pays que je te montrerai ». Il n’y avait pas là de la contrainte, mais Dieu attirait l’âme. Selon l’appréciation de la nouvelle nature ou de la foi, le pays de l’Éternel était bien meilleur que le pays d’Ur ou Charan ; et quoiqu’elle n’eût pas vu ce pays, la foi en appréciait la beauté et la valeur, et estimait que, pour le posséder, il valait la peine d’abandonner les choses présentes. C’est pourquoi nous lisons que « par la foi, Abraham, étant appelé, obéit, pour s’en aller au lieu qu’il devait recevoir pour héritage ; et il s’en alla, ne sachant où il allait », c’est-à-dire que « il marcha par la foi et non par la vue ». Bien qu’il n’eût pas vu de ses yeux, il crut dans son cœur, et la foi devint le grand mobile de son âme. La foi repose sur un fondement bien plus solide que l’évidence de nos sens, et ce fondement est la parole de Dieu : nos sens peuvent nous tromper, la parole de Dieu, jamais.
Le système légal jette par-dessus bord la doctrine tout entière de la nouvelle nature, ainsi que les préceptes qui la guident et les espérances qui l’animent. Il enseigne qu’il faut renoncer à la terre pour obtenir le ciel. Mais comment la nature déchue pourrait-elle abandonner ce à quoi elle est unie ? Comment pourrait-elle être attirée par ce en quoi elle ne voit aucun charme ? Le ciel n’a pas d’attrait pour la nature ; c’est la dernière place où elle aimerait à se trouver. Elle n’a de goût ni pour le ciel, ni pour ce qui occupe le ciel, ni pour les habitants du ciel. S’il était possible que la nature entrât au ciel, elle y serait malheureuse. Elle est incapable de renoncer à la terre et incapable de désirer le ciel. Il est vrai qu’elle serait contente d’échapper à l’enfer et à ses tourments indescriptibles ; mais le désir d’échapper à l’enfer et le désir d’obtenir le ciel, découlent de deux sources bien différentes. Le premier peut exister dans la vieille nature, le dernier ne se trouve que dans la nouvelle. S’il n’y avait point d’« étang de feu » et point de « ver » et de « grincements de dents » dans l’enfer, la nature ne le craindrait pas. Et ce principe est vrai à l’égard de tous les désirs et de toutes les poursuites de la nature. Le système légal enseigne qu’il faut que nous abandonnions le péché avant de pouvoir obtenir la justice ; mais la nature ne peut pas abandonner le péché ; et quant à la justice, elle la hait positivement. Elle aimerait, il est vrai, une certaine mesure de piété, mais dans la pensée seulement et avec l’espoir que la piété la préservera du feu de l’enfer : la nature n’aime pas le christianisme, parce qu’il introduit l’âme dans la jouissance actuelle de Dieu et de ses voies.
Combien « l’évangile de la gloire du Dieu bienheureux » est différent à tous égards de tout ce système de légalisme ! Cet évangile révèle Dieu lui-même, descendant en grâce, ôtant le péché de la manière la plus absolue par le sacrifice de la croix, sur le fondement de la justice éternelle, Christ ayant souffert pour le péché, car il a été fait péché pour nous. Et non seulement Dieu ôte le péché, mais il communique une vie nouvelle, une vie de résurrection qui est la vie même de son propre Fils, ressuscité et glorifié, une vie que tout vrai croyant possède en vertu de ce que, dans le conseil éternel de Dieu, il est uni à Celui qui fut cloué à la croix, mais qui est maintenant sur le trône de la majesté dans les cieux. Cette nouvelle nature, comme nous l’avons déjà fait remarquer, Dieu, dans sa bonté, la guide par les préceptes de sa sainte parole, appliquée par le Saint Esprit ; il l’encourage aussi en lui présentant des espérances indestructibles ; il lui révèle à distance « l’espérance de la gloire », « la cité qui a des fondements », « une meilleure patrie, c’est-à-dire une céleste », les « plusieurs demeures » de la maison du Père, des « harpes », « des palmes » et « des robes blanches », un « royaume inébranlable », une éternelle union avec lui-même dans ces régions du bonheur et de la lumière, où la douleur et l’obscurité ne sauraient entrer, la faveur inexprimable d’être conduit, pendant toute l’éternité, « aux eaux paisibles et dans les verts pâturages » de l’amour rédempteur.
Combien tout cela est différent des idées légales. Au lieu de m’appeler à délaisser les choses de la terre que j’aime, pour obtenir le ciel que je hais ; à développer et à gouverner une nature déchue, Dieu, dans sa grâce infinie et en vertu du sacrifice que Christ a accompli, me communique une nature capable de jouir du ciel et me donne un ciel dont cette nature peut jouir, et non seulement un ciel, mais lui-même, source intarissable de toute la joie du ciel.
Telle est la voie infiniment excellente de Dieu. C’est ainsi qu’il en a usé avec Abraham, avec Saul de Tarse, et c’est ainsi qu’il agit à notre égard. Le Dieu de gloire montra à Abraham un meilleur pays que celui d’Ur et de Charan ; il fit voir à Saul de Tarse une gloire si resplendissante que ses yeux furent fermés à toutes les splendeurs de la terre, et qu’il ne les estima dès lors que comme « des ordures », afin qu’il pût gagner le Christ qui lui était apparu et dont la voix avait retenti jusque dans les profondeurs de son âme. Saul voyait un Christ céleste dans la gloire, et pendant tout le reste de sa course ici-bas, malgré la faiblesse du « vase de terre », ce Christ céleste et cette gloire céleste remplirent toute son âme.
« Et Abram passa au travers du pays, jusqu’au lieu de
Sichem, jusqu’au chêne de Moré. Et le Cananéen était alors dans le pays »
(v. 6). La présence des Cananéens dans le pays de l’Éternel devait
nécessairement être une épreuve pour Abram, un appel à sa foi et à son
espérance, un exercice de cœur, une épreuve de patience. Il avait laissé
derrière lui Ur et Charan pour se rendre au pays dont « le Dieu de
gloire » lui avait parlé ; et là, il trouve « les
Cananéens ». Mais là aussi, il trouve l’Éternel. « Et l’Éternel
apparut à Abram, et dit : Je donnerai ce pays à ta semence » (v. 7).
La liaison de ces deux déclarations est d’une émouvante beauté. « Le
Cananéen était alors dans ce pays », et de peur que les regards d’Abram ne
s’arrêtassent sur ce peuple, possesseur du pays, l’Éternel lui apparaît comme
étant celui qui lui donnait ce pays-là, à lui, et à sa postérité pour jamais.
Les pensées d’Abram étaient ainsi tournées vers l’Éternel, et non vers les
Cananéens : et il y a là une instruction précieuse pour nous. Le Cananéen
dans le pays est l’expression de la puissance de Satan ; mais, au lieu de
nous occuper de la puissance de Satan, qui nous tiendrait loin du pays de notre
héritage, nous sommes appelés à saisir la puissance de Christ qui nous y
introduit. « Notre lutte n’est pas contre le sang et la chair… mais contre
la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes »
(Éphésiens 6:12). La sphère même où nous sommes appelés est la sphère de nos
luttes. Devons-nous en être effrayés ? Mais non, car Christ y est pour
nous ; Christ victorieux dans lequel nous sommes « plus que
vainqueurs ». C’est pourquoi, au lieu de nous livrer à un esprit de
crainte, nous entretenons en nous un esprit d’adoration. « Et Abram bâtit
là un autel
à l’Éternel, qui lui
était apparu ». « Et il se transporta de là vers la montagne, à l’orient
de Béthel, et tendit sa tente
»
(v. 7, 8). L’autel et la tente nous révèlent les deux traits principaux du
caractère d’Abram : il a été adorateur de Dieu et étranger dans le
monde ; il « n’a pas eu où poser son pied » (Actes 7:5), mais il
possédait Dieu et cela lui suffisait.
Mais si Dieu répond à la foi, il l’éprouve aussi. La foi a donc ses épreuves. Il ne faut pas s’imaginer que le croyant n’ait à parcourir qu’une voie facile et unie ; loin de là, au contraire, il rencontre sans cesse des mers houleuses et un ciel orageux ; mais Dieu a voulu qu’il fît ainsi une plus profonde et plus mûre expérience de ce que Dieu est pour le cœur qui se confie en lui. Si le ciel était toujours serein, le sentier toujours uni, le croyant ne connaîtrait pas aussi bien le Dieu auquel il a affaire ; car nous savons combien le cœur est enclin à prendre la paix extérieure pour la paix de Dieu. Quand tout va bien autour de nous, que nos biens sont en sûreté, que nos affaires prospèrent, que nos enfants et nos serviteurs se conduisent bien, que notre habitation est agréable, que nous jouissions d’une bonne santé, que toutes choses, en un mot, répondent à ce que nous pouvons désirer, combien ne sommes-nous pas disposés à confondre la paix qui repose sur un tel état de choses, avec celle qui découle de la présence sentie de Christ ! Le Seigneur le sait ; c’est pourquoi, quand nous nous reposons sur les circonstances, au lieu de nous reposer sur lui, il nous visite et, d’une manière ou d’une autre, il ébranle nos faux appuis.
Il y a plus ; nous sommes souvent portés à croire que telle
voie est droite, parce qu’elle est exempte d’épreuves et vice versa.
C’est une grande erreur. Le sentier de l’obéissance est
souvent tout ce qu’il y a de plus éprouvant pour la chair et le sang. Ainsi
Abram fut non seulement appelé à rencontrer les Cananéens au lieu où Dieu lui
avait dit aller, mais encore « il y eut une famine dans le pays » (v.
10). Abram devait-il en conclure qu’il n’était pas à sa place ? Non,
certainement, car il aurait jugé alors sur la vue de ses yeux, ce que ne fait
jamais la foi. C’est sans aucun doute une épreuve pour son cœur, quelque chose
d’incompréhensible pour sa nature ; mais pour la foi, tout est clair et
facile. Lorsque Paul fut appelé en Macédoine, la prison de Philippes fut
presque la première chose qu’il rencontra. Un cœur, qui n’aurait pas été en
communion avec Dieu, aurait vu, dans cette épreuve, un coup mortel porté à sa
mission. Mais Paul ne mit jamais sa position en question ; et il fut rendu
capable de « chanter les louanges de Dieu » au sein même de la
prison, assuré qu’il était que toutes les choses qui lui arrivaient étaient
telles qu’elles devaient être : et Paul avait raison ; car la prison
de Philippes renfermait un vaisseau de miséricorde qui, humainement parlant, n’eût
jamais entendu l’Évangile, si ceux qui l’annonçaient n’eussent été jetés au
lieu même où il se trouvait. En dépit de lui-même, le diable fut l’instrument
dont Dieu se servit pour faire parvenir l’Évangile aux oreilles de l’un de ses
élus.
Or, Abram aurait dû penser à l’égard de la famine, comme Paul à
l’égard de sa prison. Il se trouvait dans la position même où Dieu l’avait
placé, et il ne reçut aucun ordre d’en sortir. La famine était là, il est
vrai ; de plus, l’Égypte était à sa portée, lui offrant la
délivrance ; mais le sentier du serviteur de Dieu était clair. Mieux vaut mourir de faim en Canaan, s’il le
faut, que de vivre dans l’abondance en Égypte
. Il vaut mieux souffrir dans
la voie de Dieu, que d’être à l’aise dans celle de Satan. Mieux vaut être
pauvre avec Christ, que riche sans lui. Abram en Égypte « eut du menu
bétail et du gros bétail, et des ânes, et des serviteurs et des servantes, et
des ânesses, et des chameaux », preuve évidente, dira le cœur naturel, qu’Abram
fit bien de descendre en Égypte ; mais, hélas ! il n’eut en Égypte ni
autel, ni communion avec Dieu. Le pays du Pharaon n’était pas le lieu de la
présence de l’Éternel, et Abram en y descendant perdit plus qu’il ne gagna. Il
en est toujours de même ; rien ne saurait jamais tenir lieu de la
communion avec Dieu. La délivrance d’une calamité temporaire et l’acquisition
des plus grands biens sont de pauvres équivalents de ce que l’on perd en s’éloignant,
seulement d’un cheveu, du droit sentier de l’obéissance. Sont-ils nombreux ceux
d’entre nous qui peuvent ajouter leur amen à ceci ? Combien n’y en a-t-il
pas qui, pour échapper à l’épreuve et au travail inséparables de la voie de
Dieu, se sont détournés pour suivre le courant du présent siècle mauvais, et
sont ainsi tombés dans un état de stérilité, de sécheresse, de tristesse et de
ténèbres spirituelles ! Il est possible que, selon l’expression vulgaire,
ils aient « fait fortune », qu’ils aient accumulé des richesses,
gagné la faveur du monde, aient été « bien traités » par ses
Pharaons ; mais toutes ces choses peuvent-elles compenser la joie en Dieu,
la communion avec Dieu, un cœur à l’aise, une conscience pure et sans reproche,
un esprit d’adoration et de reconnaissance, un témoignage vivant et un service
efficace ? Malheur à quiconque pourrait penser ainsi ! et cependant
on a vu souvent toutes ces bénédictions vendues pour un peu de bien-être, un
peu d’influence, un peu d’argent.
Veillons contre cette tendance à nous détourner du chemin de l’obéissance
simple et complète ; chemin étroit, mais toujours sûr, quelquefois
rude, mais toujours
heureux et béni. Soyons
vigilants à garder « la foi et une bonne conscience », que rien ne
saurait remplacer. Si l’épreuve survient, au lieu de nous détourner pour aller
en Égypte, attendons-nous à Dieu ; alors l’épreuve, au lieu d’être pour
nous une occasion de chute, sera une occasion de montrer notre obéissance. Et
lorsque nous sommes tentés de suivre le courant du monde, souvenons-nous de
celui « qui s’est donné lui-même pour nos péchés, en sorte qu’il nous
retirât du présent siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et
Père » (Gal. 1:4). Si tel a été son amour pour nous et tel son jugement du
caractère de ce présent siècle, qu’il se soit donné lui-même pour nous, afin de
nous en délivrer, le renierons-nous en allant nous replonger de nouveau dans ce
monde dont il nous a pour jamais délivrés par sa croix ? À Dieu ne
plaise ! Que le Tout-Puissant nous garde dans le creux de sa main et à l’ombre
de ses ailes, jusqu’à ce que nous voyions Jésus tel qu’il est, et que nous
soyons comme lui et avec lui pour toujours !
Le commencement de ce chapitre nous met en présence d’un sujet
qui est du plus grand intérêt pour le cœur. Lorsque, d’une manière ou d’une
autre, l’état spirituel du croyant est venu à baisser et qu’il a perdu la
communion avec Dieu, il court le risque, dès que sa conscience commence à se
réveiller, de ne pas saisir la grâce telle qu’elle est, et de ne pas entrer
pleinement dans la réalité de sa restauration devant Dieu. Or, nous savons que
tout ce que Dieu fait, il le fait d’une manière qui est digne de
lui-même ; soit qu’il crée ou qu’il sauve, soit qu’il convertisse ou qu’il
restaure, il ne peut agir que selon ce qu’il est lui-même : il glorifie
son nom dans toutes ses voies. C’est un grand bonheur pour nous, qui sommes
toujours portés « à affliger le Saint d’Israël » (Psaume 78:41), et
qui le faisons surtout quand il s’agit de sa grâce qui restaure. Dans le
chapitre qui nous occupe, nous voyons qu’Abram fut non seulement retiré du pays
d’Égypte, mais encore ramené « jusqu’au lieu où était sa tente au commencement…
au lieu où était l’autel
qu’il y avait fait auparavant ; et Abram invoqua là le nom de l’Éternel »
(v. 3-4). Dieu ne sera satisfait à l’égard de celui qui s’est égaré ou qui est
resté en arrière, que lorsqu’il l’aura ramené dans le droit chemin et qu’il l’aura
parfaitement rétabli dans sa communion. Nos cœurs, pleins de propre justice,
penseraient volontiers qu’une place moins élevée que celle qu’il occupait
auparavant convient à un tel homme ; et il en serait ainsi, en effet, s’il
était question de nos mérites ou de notre caractère ; mais, comme il s’agit
uniquement de grâce, il appartient à Dieu de déterminer la mesure du
relèvement ; et cette mesure nous est donnée dans le passage que
voici : « Si tu reviens, ô Israël, dit l’Éternel, reviens à moi
! » (Jér. 4:1). Voilà
comment Dieu relève ; et faire autrement serait indigne de lui. Il ne
restaure pas du tout, ou il le fait de manière à exalter et à glorifier les
richesses de sa grâce. Quand le lépreux était ramené dans le camp, il était
conduit « à l’entrée de la tente d’assignation » (Lév. 14:11) ;
quand le fils prodigue revint à la maison paternelle, le père le fit asseoir à
table avec lui ; quand Pierre fut relevé de sa chute, il put dire aux
hommes d’Israël : « Vous avez renié le Saint et le Juste »
(Actes 3:14), les accusant ainsi précisément de ce qu’il avait fait lui-même
dans les circonstances les plus aggravantes. Dans chacun de ces cas, et dans
beaucoup d’autres, nous voyons que Dieu restaure parfaitement : il ramène
toujours l’âme à lui, dans toute la puissance de la grâce, et dans toute la
confiance de la foi. « Si tu reviens, reviens à moi
». « Abraham s’en alla jusqu’au lieu où était sa
tente au commencement
».
En outre, l’effet de la restauration divine de l’âme est
infiniment pratique : si, par son caractère,
elle confond le légalisme, l’effet qu’elle produit confond l’antinomianisme.
L’âme restaurée aura un sentiment vif et profond du mal dont elle aura été
délivrée, et ce sentiment se manifestera par un esprit de vigilance, de prière,
de sainteté et de prudence. Dieu ne nous relève pas pour que nous prenions le
péché plus à la légère encore, et que nous y retombions de nouveau ; il
dit : « Va, dorénavant ne pèche plus ! » (Jean 8:11). Plus
le sentiment de la grâce
de Dieu qui
nous a relevés est profond, plus le sentiment de la sainteté
de ce relèvement sera profond. C’est un principe établi et
enseigné d’un bout à l’autre de l’Écriture, mais spécialement dans deux
passages bien connus, Psaume 23:3 et 1 Jean 1:9 « Il restaure mon
âme ; il me conduit dans des
sentiers de justice
à cause de son nom » ; et : « Si
nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos
péchés et nous purifier de toute iniquité
».
Le sentier qui convient à une âme qui
a été restaurée est « le sentier de la justice ». La jouissance de la
grâce produit une vie juste : parler de grâce, et vivre dans l’injustice,
c’est « changer la grâce de notre Dieu en dissolution » (Jude 4). Si
« la grâce règne par la justice pour la vie éternelle » (Rom. 5:21),
elle se manifeste aussi en œuvres de justice qui sont le fruit de cette vie. La
grâce, qui nous pardonne nos péchés, nous purifie de toute iniquité. Ce sont
deux choses qu’il ne faut jamais séparer ; qui, réunies ensemble,
confondent, comme nous l’avons déjà dit, le légalisme, aussi bien que l’antinomianisme
du cœur humain.
Mais il y eut, pour Abram, une épreuve bien plus grande que celle de la famine qui l’avait fait descendre en Égypte, savoir celle qui provenait de la compagnie de quelqu’un qui, évidemment, ne marchait pas dans l’énergie d’une foi personnelle, ni dans le sentiment de sa responsabilité individuelle. Il semble que, dès le commencement, Lot, dans sa marche, fut plutôt poussé par l’influence et l’exemple d’Abram, que par une foi en Dieu qui lui fût propre ; et dans ce fait est renfermé un principe tout à fait général. En parcourant les saintes Écritures, nous voyons que, dans les grands mouvements produits par l’Esprit de Dieu, certaines personnes, croyantes ou non, se sont associées à ces mouvements sans participer elles-mêmes à la puissance qui les avait produits. Ces personnes poursuivent leur chemin pendant un temps, soit en pesant comme un corps mort sur le témoignage, soit en entravant celui-ci d’une manière positive. Ainsi l’Éternel avait appelé Abram à quitter sa parenté ; mais Abram, au lieu de la quitter, l’emmène avec lui ; Térakh le retarde dans sa marche, jusqu’au moment où il est enlevé par la mort ; Lot l’accompagne un peu plus loin, jusqu’à ce que « les convoitises à l’égard des autres choses » (Marc 4:19) le surmontent et l’accablent entièrement.
On peut faire la même observation dans le grand mouvement de la sortie d’Israël hors d’Égypte : « un ramassis de peuple » suivit les Juifs, et devint pour eux un sujet de corruption, d’affaiblissement et de trouble, comme nous voyons au chapitre 11:4, des Nombres : « Le ramassis de peuple qui était au milieu d’eux s’éprit de convoitise, et les fils d’Israël aussi se mirent encore à pleurer, et dirent : Qui nous fera manger de la chair ? » De même encore aux premiers jours de l’Église, et depuis lors, dans tous les mouvements produits par l’Esprit de Dieu, on a vu un grand nombre de personnes s’associer à ces mouvements sous des influences diverses, mais qui, n’étant pas divines, n’ont été que passagères et ont laissé ces personnes se retirer bientôt et reprendre leur place dans le monde. Rien ne subsistera que ce qui est de Dieu : il faut que nous réalisions le lien qui nous unit au Dieu vivant ; il faut que nous sentions que c’est lui qui nous a appelés à la position que nous occupons, autrement nous n’aurons ni fermeté ni constance dans cette position. Nous ne pouvons pas suivre l’ornière d’un autre, simplement parce que cet autre y marche. Dieu, dans sa grâce, trace à chacun de nous le chemin qu’il doit suivre, donnant à chacun une sphère d’action et des devoirs à remplir ; et nous sommes tenus de connaître quelle est notre vocation et quels sont les devoirs qui se rattachent à cette vocation, afin que, par la grâce qui nous est donnée chaque jour, nous puissions travailler efficacement à la gloire de Dieu. Il importe peu quelle est notre mesure, pourvu qu’elle nous ait été départie de Dieu. Nous pouvons avoir « cinq talents », ou n’en avoir reçu que « un seul » ; mais si nous faisons valoir ce « seul » talent, les yeux arrêtés sur notre Maître, nous entendrons aussi certainement de sa part ces paroles : « cela va bien », que si nous avions fait valoir les « cinq talents ». Paul, Pierre, Jacques et Jean ont eu chacun « leur mesure » particulière, leur ministère spécial, et il en est ainsi pour tous. Nul ne doit intervenir dans le travail de l’autre. Le charpentier a une scie, un rabot, un marteau et un ciseau, et il se sert de chacun de ces instruments, selon qu’il en a besoin. Rien n’a moins de valeur que l’imitation. Dans le monde physique nous n’en voyons point, mais chaque être créé remplit sa propre sphère, ses propres fonctions ; et s’il en est ainsi dans le monde physique, combien plus dans le monde spirituel. Le champ est assez vaste pour tous. Dans une même maison, il y a des vaisseaux de grandeur et de formes différentes, et tous sont nécessaires au maître.
Examinons donc sérieusement, cher lecteur, si nous sommes conduits par une influence divine ou humaine ; si notre foi repose sur la sagesse de l’homme ou sur la puissance de Dieu ; si ce que nous faisons, nous le faisons parce que d’autres l’ont fait, ou parce que le Seigneur nous appelle à le faire ; si nous ne faisons que nous appuyer sur l’exemple et l’influence de ceux qui nous entourent, ou si nous sommes soutenus par une foi qui nous soit personnelle. C’est, sans aucun doute, un privilège que de jouir de la communion des frères ; mais si nous nous appuyons sur eux, nous ferons bientôt naufrage ; — de même, si nous dépassons notre mesure, notre action en souffrira. Il est facile de voir si un homme travaille à sa place et selon sa mesure : sachons être toujours vrais et naturels. Celui qui, sans savoir nager, s’aventure dans une eau profonde, aura à se débattre ; si un vaisseau appareille sans être en état de prendre la mer et sans être équipé convenablement, il sera bientôt repoussé dans le port ou se perdra. Lot quitta « Ur des Chaldéens », mais il tomba dans la plaine de Sodome. L’appel de Dieu n’avait pas atteint son cœur, et son œil était resté fermé à la gloire de l’héritage de Dieu. Il y a pour chacun des serviteurs de Dieu un sentier éclairé de son approbation et de la lumière de sa face, et notre joie devrait être d’y marcher. Son approbation suffit au cœur qui le connaît. Nous n’obtiendrons pas toujours l’approbation et le concours de nos frères, nous serons souvent mal compris ; mais ce sont des choses que nous ne pouvons pas éviter. « Le jour » mettra tout à sa place, et le cœur fidèle attendra, content, l’arrivée de ce jour, sachant qu’alors « Dieu rendra à chacun sa louange » (1 Cor. 3:13 ; 4:5).
Il peut être profitable d’examiner de plus près ce qui engagea
Lot à quitter le chemin du témoignage public. Il y a, dans l’histoire de tout
homme, un moment de crise qui révèle le fondement sur lequel il s’appuie dans
sa marche, les motifs qui le font agir et les objets qu’il poursuit ; et
il en fut ainsi de Lot : il ne mourut pas à Charan, mais il tomba dans
Sodome. La cause apparente de sa chute fut la querelle entre les pasteurs de
son bétail et ceux du bétail d’Abram : mais quand on ne marche pas avec un
œil simple et des affections purifiées, on rencontre facilement une pierre qui
vous fait broncher, si ce n’est pas un jour, ce sera l’autre ; si ce n’est
pas en un lieu, ce sera en un autre. Dans un sens, il importe peu quelle est la
cause apparente qui vous fait quitter le droit chemin ; la cause réelle
reste cachée, bien loin peut-être
de l’attention publique, dans les chambres secrètes des affections du cœur, là
où le monde
, sous ou une forme ou
sous une autre, a trouvé à se loger. La querelle entre les bergers eût été
facile à apaiser sans dommage spirituel, soit pour Lot, soit pour Abram. Elle
ne fit, en réalité, que fournir à ce dernier l’occasion de montrer la
magnifique puissance de la foi, et cette élévation morale et céleste dont la
foi revêt celui qui croit ; tandis qu’elle ne fit que manifester la mondanité
dont le cœur de Lot était rempli. Cette querelle de bergers ne produisit pas
plus la mondanité dans le cœur de Lot, que la foi dans le cœur d’Abram ;
elle ne fit que mettre en lumière, dans l’un et dans l’autre cas, ce qui
existait de fait dans le cœur de chacun d’eux.
Il en est toujours ainsi ; des controverses et des divisions s’élèvent dans l’Église de Dieu, deviennent pour plusieurs une occasion de chute, et les font retourner au monde, d’une manière ou d’une autre ; et alors, ces personnes s’en prennent aux controverses et aux divisions et font retomber sur ces choses la responsabilité qui leur revient à elles-mêmes, tandis qu’en réalité ces choses n’ont été que le moyen de manifester le véritable état des âmes et les penchants des cœurs. Quand le monde est dans le cœur, on en trouve toujours le chemin ; et c’est montrer peu de grandeur morale que de blâmer les hommes et les circonstances quand la racine du mal gît en nous-mêmes, quelque déplorables que soient d’ailleurs les controverses et les divisions. Il est triste et humiliant de voir des frères se quereller en présence même des « Cananéens et des Phéréziens », tandis que leur langage devrait toujours être : « Qu’il n’y ait point, je te prie, de contestation entre moi et toi… car nous sommes frères » (v. 8, 9). Mais encore, pourquoi Abraham ne choisit-il pas Sodome ? pourquoi la querelle ne le poussa-t-elle pas dans le monde et ne devint-elle pas pour lui une occasion de chute ? — Il envisagea la difficulté au point de vue de Dieu. Son cœur n’était pas moins susceptible d’être attiré par des plaines bien arrosées, que celui de Lot ; mais il ne permit pas à son cœur de choisir. Il laissa le choix à Lot, et remit à Dieu le soin de choisir pour lui. Telle est la sagesse qui vient d’en haut. La foi laisse toujours à Dieu le soin de fixer son héritage, comme aussi elle s’en remet à lui du soin de l’y introduire. Elle peut dire : « Les cordeaux sont tombés pour moi en des lieux agréables ; oui, un bel héritage m’est échu » (Ps. 16:6). Peu importe où les « cordeaux » lui sont échus ; la foi juge qu’ils lui échoient en des « lieux agréables », parce que c’est Dieu qui l’y a placée. Celui qui marche par la foi peut laisser le choix volontiers à celui qui marche par la vue ; il dit : « Si tu prends la gauche, j’irai à droite ; et si tu prends la droite, j’irai à gauche ». Il y a là, à la fois, du désintéressement et de l’élévation morale, et aussi quelle sécurité !
On peut compter que, quelque étendus que soient les désirs de la nature et la portion qu’elle prendra, elle ne mettra jamais la main sur le trésor de la foi : elle cherche sa portion dans une direction toute opposée. La foi place son trésor en un lieu que la nature ne songerait jamais à visiter ; elle ne pourrait même pas s’en approcher si elle le voulait ; et quand elle le pourrait, elle ne le voudrait pas ; en sorte que la foi, en laissant le choix à la nature, est en parfaite sécurité aussi bien qu’admirablement désintéressée.
Quel fut donc le choix de Lot, quand il put choisir ? Il
prit pour sa part Sodome, le lieu même sur lequel le jugement allait éclater.
Comment et pourquoi Lot fit-il un pareil choix ? C’est qu’il regarda à l’apparence
extérieure, et non au caractère intrinsèque et à la destinée future du lieu. Le
vrai caractère de Sodome, c’était la méchanceté
(v. 13) ; et sa destinée future, le « jugement », la destruction
par « le feu et le soufre du ciel ». Mais, dira-t-on, Lot ignorait
tout cela : c’était possible, et Abram aussi peut-être ? mais Dieu le
savait, et si Lot eût laissé à Dieu le soin de « lui choisir un
héritage », Dieu ne lui eût certainement pas donné un lieu qu’il allait
lui-même détruire. Mais Lot voulut choisir lui-même et jugea que Sodome lui
convenait, bien que Sodome ne convînt pas à Dieu ; ses yeux s’arrêtèrent
sur « les plaines bien arrosées », et son cœur fut captivé par
elles : « Il dressa ses tentes jusqu’à
Sodome » (v. 10-12). Tel est le choix que fait la nature. « Démas
m’a abandonné, ayant aimé le présent siècle » (2 Tim. 4:10). Lot abandonna
Abram pour la même raison ; il quitta le lieu du témoignage, et passa dans
celui du jugement.
« Et l’Éternel dit à Abram, après que Lot se fut séparé de lui : Lève tes yeux, et regarde, du lieu où tu es, vers le nord, et vers le midi, et vers l’orient, et vers l’occident ; car tout le pays que tu vois, je te le donnerai, et à ta semence, pour toujours » (v. 14-15). La « querelle » et la « séparation », bien loin de causer un dommage spirituel à Abram, servirent à manifester les principes célestes qui le gouvernaient et fortifièrent la vie de la foi dans son âme ; elles servirent, en outre, à éclaircir sa voie et à le délivrer d’une compagnie qui ne pouvait que l’entraver. Toutes choses, ainsi, concoururent au bien d’Abram, et lui procurèrent une moisson de bénédiction.
Souvenons-nous, et c’est là une vérité sérieuse et encourageante à la fois, qu’à la longue chacun trouve son propre niveau, si je puis dire ainsi. Tous ceux qui courent sans être envoyés finissent par tomber d’une manière ou d’une autre, et reviennent aux choses qu’ils faisaient profession d’avoir abandonnées. D’un autre côté, tous ceux qui ont été appelés de Dieu, et qui s’appuient sur lui, sont soutenus par sa grâce. « Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi » (Prov. 4:18). Cette pensée devrait nous rendre humbles et vigilants à prier : « Que celui qui croit être debout prenne garde qu’il ne tombe » (1 Cor. 10:12), car certainement, « il y a des derniers qui seront les premiers, et il y a des premiers qui seront les derniers » (Luc 13:30). « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé » (Matt. 10:22), est un principe qui, quelle qu’en soit l’application particulière, a une portée morale d’une grande étendue, On a vu maint vaisseau sortir fièrement du port, toutes ses voiles tendues, au milieu des acclamations et des applaudissements de la foule, et paraissant promettre une traversée magnifique ; mais, hélas ! les tempêtes, les vagues, les sables et les récifs ont bientôt changé l’aspect des choses, et le voyage, commencé sous les auspices les plus favorables, s’est terminé par un désastre ! Je ne fais allusion ici qu’au service et au témoignage, et nullement à la question de l’acceptation et du salut éternel de l’homme en Christ : ce salut, que Dieu en soit béni, ne dépend en aucune manière de nous, mais de Celui qui a dit : « Je donne à mes brebis la vie éternelle, et elles ne périront jamais ; et personne ne les ravira de ma main » (Jean 10:28). Mais nous voyons fréquemment des chrétiens entrer dans un service ou un témoignage particulier, sous l’impression qu’ils y sont appelés de Dieu ; et, après un temps, faillir dans leur course ; plusieurs, après avoir professé certains principes d’actions particuliers, à l’égard desquels ils n’ont pas été enseignés de Dieu, ou dont ils n’ont pas mûrement pesé les conséquences dans la présence de Dieu, finissent par violer ouvertement ces mêmes principes. Nous devons déplorer ces choses et les éviter avec soin. Il faut que chacun reçoive son appel et sa mission du Maître lui-même. Tous ceux que Christ appelle à un service particulier seront infailliblement soutenus dans ce service, car jamais il n’envoie quelqu’un à la guerre à ses propres dépens. Mais celui qui court, sans être envoyé, non seulement fera l’expérience de sa folie, mais encore la manifestera.
Ce n’est pas à dire toutefois qu’un homme puisse s’ériger jamais
en représentant d’un principe quelconque, ou se présenter comme modèle d’un
caractère spécial de service ou de témoignage. À Dieu ne plaise ! Ce
serait pur orgueil, insigne folie ! L’affaire de celui qui enseigne est d’exposer
les Écritures, et l’affaire d’un serviteur est de faire ressortir la volonté du
maître. Mais tout en comprenant et en admettant ces choses, n’oublions pas qu’il
faut calculer la dépense avant que d’entreprendre de bâtir une tour ou d’aller
à la guerre (Luc 14:28). On verrait moins de confusion et de misères au milieu
de nous, si nous prêtions une plus sérieuse attention à cette exhortation.
Abram fut appelé de Dieu à quitter Ur pour Canaan ; aussi Dieu le
conduisit tout le long du chemin. Lorsque Abram s’arrêta à Charan, Dieu l’attendit ;
lorsqu’il descendit en Égypte, Dieu le ramena ; quand il eut besoin de
direction, Dieu le guida ; lorsqu’il y eut une querelle et une séparation,
Dieu prit soin de lui ; en sorte qu’Abram ne put que dire :
« Oh ! que ta bonté est grande, que tu as mise en réserve pour ceux
qui te craignent ! » (Ps. 31:19). Abram ne perdit rien par la
querelle : il eut, après comme avant, sa tente et son autel. « Et
Abram leva ses tentes,
et vint et
habita auprès des chênes de Mamré, qui sont à Hébron ; et il bâtit là un autel
à l’Éternel » (v. 18). Que
Lot choisisse Sodome, Abram cherche et trouve son tout en Dieu. Il n’y avait
point d’autel à Sodome ; tous ceux, hélas ! qui cheminent dans cette
direction, cherchent tout autre chose qu’un autel. Ce n’est pas pour rendre
culte à Dieu qu’ils vont du côté de Sodome ; c’est l’amour du monde qui
les y conduit. Et, quand bien même ils obtiendraient l’objet de leur recherche,
quelle en serait la fin ? L’Écriture nous le dit « Il leur donna ce
qu’ils avaient demandé, mais il envoya la consomption dans leurs
âmes ! » (Ps. 106:15).
Nous avons vu, dans ce chapitre, l’histoire de la révolte de cinq rois contre Kedor-Laomer et de la bataille qui en fut la suite. Le Saint Esprit peut s’occuper des mouvements des « rois et de leurs armées », quand ces mouvements touchent en quelque manière au peuple de Dieu. Abram n’était pas personnellement impliqué dans cette révolte et dans ses conséquences : sa tente et son autel ne risquaient pas de donner lieu à une déclaration de guerre, ni d’avoir à souffrir de l’explosion ou de l’issue de cette guerre. La part de l’homme céleste ne peut jamais exciter la convoitise ou l’ambition des rois ou des conquérants de ce monde.
Mais si Abram n’était pas intéressé dans la bataille de « quatre rois contre cinq », il n’en était pas de même de Lot, car celui-ci se trouvait, par sa position, enveloppé dans toute cette affaire. Aussi longtemps que, par la grâce, nous marcherons dans le sentier de la foi, nous serons placés en dehors des circonstances qui affectent ce monde ; mais si nous abandonnons notre position sainte et céleste de « bourgeois des cieux » (Phil. 3:20), et que nous recherchions un nom, une place et une part sur la terre, nous devons nous attendre à participer aux convulsions et aux vicissitudes de ce monde. Lot s’était établi dans les plaines de Sodome, et fut par conséquent profondément affecté par les guerres de Sodome. Quel témoignage Lot pouvait-il rendre dans Sodome ? Un témoignage bien faible tout au plus ! Le fait même qu’il s’était établi dans ce lieu avait donné le coup de mort à son témoignage. S’il eût seulement prononcé une parole contre Sodome et son train, il se fût condamné lui-même, car pourquoi y était-il entré ? Mais il ne paraît pas, d’après ce que nous lisons dans l’Écriture, qu’en dressant ses tentes « jusqu’à Sodome », Lot ait eu, en aucune manière, pour but de rendre témoignage à Dieu. Des intérêts personnels et de famille semblent avoir été le mobile déterminant de sa conduite ; et, bien que l’apôtre Pierre nous dise que « Lot tourmentait de jour en jour son âme juste à cause de leurs actions iniques », toujours est-il dit que Lot n’a pu avoir que peu de force pour combattre cette méchanceté, alors même qu’il eût été disposé à le faire.
À un point de vue pratique, il est important de remarquer que nous ne pouvons être gouvernés par deux objets à la fois. Je ne peux pas avoir pour but, en même temps, mes intérêts temporels, et ceux de l’Évangile de Christ. Rien n’empêche, sans doute, que je me propose de vaquer à mes affaires, et de prêcher aussi l’Évangile ; mais il est clair que l’une ou l’autre de ces choses sera mon objet. Paul prêchait l’Évangile tout en faisant des tentes ; mais c’était l’Évangile, non la fabrication des tentes, qui était son but. Si j’ai mes affaires en vue, ma prédication ne sera qu’une œuvre de formalisme sans fruits ; si même elle n’est pas un prétexte pour sanctifier ma cupidité. Notre cœur est perfide et nous trompe souvent d’une manière étonnante, quand nous désirons atteindre un but particulier. Il nous fournit les raisons les plus plausibles pour faire ce que nous désirons, tandis que les yeux de notre entendement, obscurcis par des intérêts personnels, ou par une volonté non jugée, sont incapables de discerner la nature de ces prétextes. Combien ne rencontre-t-on pas de personnes qui, pour se maintenir dans une position qu’elles reconnaissent être fausse, s’appuient sur ce que cette position leur procure un cercle d’activité plus étendu ! « Écouter est meilleur que sacrifice, prêter l’oreille meilleur que la graisse des béliers » (1 Sam. 15:22), telle est la seule réponse de Dieu à tous ces raisonnements. L’histoire d’Abram et de Lot ne prouve-t-elle pas suffisamment que le moyen le plus sûr et le plus efficace de servir le monde, c’est d’être fidèle envers lui, en se séparant de lui et en témoignant contre lui ?
Cependant, souvenons-nous-en, la vraie séparation du monde ne
peut résulter que de la communion avec Dieu. Nous pourrions nous séparer du
monde et faire de notre personne le centre de notre existence, comme un moine
ou un philosophe cynique ; mais la séparation pour Dieu est tout autre chose.
L’une glace et dessèche, l’autre réchauffe et épanouit ; l’une nous
renferme en nous-mêmes, l’autre nous fait sortir de nous-mêmes et nous rend
actifs dans l’amour pour les autres. L’une fait du « moi » et de ses
intérêts notre centre, l’autre donne à Dieu la place qui lui appartient. Ainsi,
pour Abram, nous voyons que le fait même de sa séparation le rendit capable de
rendre un service efficace à celui qui, par sa marche mondaine, s’était trouvé
impliqué dans la calamité : « Et Abram apprit que son frère
avait été emmené captif, et il
mit en campagne ses hommes exercés, trois cent dix-huit hommes, nés dans sa
maison, et poursuivit les rois jusqu’à Dan… Et il ramena tout le bien, et
ramena aussi Lot, son frère, et son bien, et aussi les femmes et le peuple »
(versets 14-16). Après tout, Lot était le frère d’Abram, et l’amour fraternel
doit agir. « Un frère est né pour la détresse » (Prov. 17:17) ;
et il arrive souvent que l’adversité amollit le cœur et le rend insensible à la
bonté de ceux-mêmes dont nous avons dû nous séparer. Il est digne de remarque
également que, tandis que nous lisons au verset 12: « Ils prirent aussi
Lot, fils du frère d’Abram
»,
le verset 14 dit : « Et Abram
apprit que son frère
avait été emmené
captif ». L’affection d’un cœur de frère répond aux besoins d’un frère
dans l’adversité. Ceci est divin. Bien que la vraie foi nous rende toujours
indépendants, elle ne nous rend jamais indifférents ; elle ne s’enveloppe
jamais tranquillement de chauds vêtements, pendant qu’un frère souffre du
froid. La foi fait trois choses : elle « purifie le cœur »
(Actes 15:9) ; elle « opère par l’amour » (Gal. 5:6) ; elle
« est victorieuse du monde » (1 Jean 5:4) ; et ces trois
résultats de la foi apparaissent dans toute leur beauté, en Abram. Son cœur était
purifié des souillures de Sodome ; il montra une vraie affection pour Lot,
son frère ; et, finalement, il remporta une victoire complète sur les
rois. Tels sont les fruits de la foi, ce principe céleste qui glorifie Christ.
Toutefois, celui qui marche par la foi n’est pas à l’abri des assauts de l’ennemi ; souvent, de nouvelles tentations viennent l’assaillir immédiatement après une victoire. C’est ce qui arrive à Abram. « Et comme il s’en revenait après avoir frappé Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome sortit à sa rencontre » (v. 17). Cette démarche cachait évidemment un perfide dessein. « Le roi de Sodome » représente une pensée et une phase de la puissance de l’ennemi bien différentes de celles que nous voyons en « Kedor-Laomer et les rois qui étaient avec lui ». Le premier nous fait entendre comme le sifflement du serpent, ceux-ci comme le mugissement du lion ; mais, soit qu’Abram ait affaire au serpent, ou soit qu’il ait affaire au lion, la grâce du Seigneur lui suffit ; et cette grâce agit en faveur du serviteur de Dieu au moment même du besoin. « Et Melchisédec, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin, (or il était sacrificateur du Dieu Très-Haut) ; et il le bénit, et dit : Béni soit Abram de par le Dieu Très-Haut, possesseur des cieux et de la terre ! et béni soit le Dieu Très-Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains ! » (v. 18-20). Nous avons à remarquer ici, en premier lieu, le moment auquel Melchisédec entre en scène et, en second lieu, le double effet de son ministère. Ce n’est pas pendant qu’Abram est à la poursuite de Kedor-Laomer que Melchisédec vient à sa rencontre ; mais bien quand le roi de Sodome est à la poursuite d’Abram ; ce qui fait, moralement, une très grande différence. Pour entrer dans une lutte d’un caractère plus sérieux que celle dont il venait de sortir, Abram avait besoin d’une communion avec Dieu plus profonde aussi dans son caractère.
Le « pain et le vin » de Melchisédec restaurèrent l’âme d’Abram, après sa lutte avec Kedor-Laomer ; tandis que la bénédiction fortifia son cœur pour la lutte qu’il allait avoir à soutenir contre le roi de Sodome. Bien que victorieux, Abram était à la veille d’avoir à combattre ; c’est pourquoi le sacrificateur royal restaure l’âme du vainqueur et fortifie le cœur du combattant. On éprouve une douce joie à considérer avec attention la manière dont Melchisédec présente Dieu à l’esprit d’Abram. Il l’appelle « le Dieu Très-Haut, possesseur des cieux et de la terre » ; puis il déclare qu’Abram est « béni » de la part de ce même Dieu. C’est une puissante préparation pour la rencontre avec le roi de Sodome. Un homme « béni » de Dieu n’avait pas besoin de ce que l’ennemi pouvait lui offrir ; et si « le possesseur du ciel et de la terre » occupait ses pensées, « les biens » de Sodome ne pouvaient avoir que peu d’attrait pour lui. Aussi, comme on peut s’y attendre, quand le roi de Sodome lui fait cette proposition : « Donne-moi les personnes, et prends les biens pour toi », Abram lui répond : « J’ai levé ma main vers l’Éternel, le Dieu Très-Haut, possesseur des cieux et de la terre : si, depuis un fil jusqu’à une courroie de sandale, oui, si, de tout ce qui est à toi, je prends quoi que ce soit, afin que tu ne dises pas : Moi, j’ai enrichi Abram ! » Abram refuse d’être enrichi par le roi de Sodome. Comment aurait-il pu songer à délivrer Lot de la puissance du monde, si lui-même avait été gouverné par ce monde ? Je ne puis délivrer mon prochain qu’autant que je suis libre moi-même ; aussi longtemps que je suis moi-même dans le feu, il est impossible que j’en retire un autre. Le chemin de la séparation pour Dieu est le chemin de la puissance, comme il est aussi le chemin de la paix et du bonheur.
Le monde, sous toutes ses formes diverses, est le grand instrument dont Satan se sert pour affaiblir les mains et aliéner les affections des serviteurs de Christ ; mais, que Dieu en soit béni, quand le cœur est droit envers lui, il vient toujours réjouir, encourager et fortifier au moment convenable. « Les yeux de l’Éternel parcourent toute la terre, afin qu’il se montre fort, en faveur de ceux qui sont d’un cœur parfait envers lui » (2 Chr. 16:9). Il y a là une vérité encourageante pour nos pauvres cœurs tremblants et craintifs, si nous désirons résister « au monde, à la chair et à Satan ». Christ sera notre force et notre bouclier ; il « enseigne mes mains pour le combat, mes doigts pour la bataille » (Ps. 144:1). Il « a couvert ma tête, au jour des armes » (Ps. 140:7), et finalement « Il brisera bientôt Satan sous nos pieds » (Rom. 16:20). Puisse donc le Seigneur garder nos cœurs dans l’intégrité envers lui, au milieu de la scène qui nous environne !
« Après ces choses, la parole de l’Éternel fut adressée à Abram dans une vision, disant : Abram, ne crains point ; moi, je suis ton bouclier et ta très grande récompense ». L’Éternel ne permettra pas que son serviteur perde rien pour avoir rejeté les offres du monde. Il valait infiniment mieux, pour Abram, se trouver abrité derrière le bouclier de l’Éternel, que de se réfugier sous la protection du roi de Sodome ; attendre sa « grande récompense », que d’accepter « les biens » de Sodome. La position dans laquelle Abram est placé, au premier verset de ce chapitre, représente d’une manière admirable celle dans laquelle l’âme est introduite par la foi en Christ. L’Éternel était son « bouclier », afin qu’il se reposât en lui. L’Éternel était sa « récompense », afin qu’il trouve aussi son repos, sa paix, sa sécurité, son tout, en Christ. Nul dard de l’ennemi ne peut pénétrer le bouclier qui protège le plus faible disciple de Jésus et quant à l’avenir, Christ le remplit. La part ne s’épuise jamais ; l’espérance ne rend jamais honteux ; et l’une et l’autre sont rendues infailliblement sûres par les conseils de Dieu et par l’expiation que Christ a accomplie. Nous jouissons actuellement de ces choses par le ministère de l’Esprit Saint qui demeure en nous ; et puisqu’il en est ainsi, il est évident que le croyant qui poursuit une carrière mondaine, ou qui se laisse aller à des désirs charnels, ne saurait jouir du « bouclier », ni de la « récompense ». Si le Saint Esprit est contristé, il ne nous fera pas jouir de ce qui constitue la part et l’espérance propres du croyant. Aussi voyons-nous dans cette partie de l’histoire d’Abram que, lorsqu’il fut revenu de la bataille et qu’il eut refusé l’offre du roi de Sodome, Dieu se présente à lui seul sous un double caractère : comme « son bouclier et sa grande récompense ». Ceci renferme un volume de vérité pratique à méditer.
La fin du chapitre expose les deux grands principes sur lesquels
reposent la qualité de fils et celle d’héritier. « Et Abram dit :
Seigneur Éternel, que me donneras-tu ? Je m’en vais sans enfants
, et l’héritier de ma maison, c’est Éliézer de Damas.
Et Abram dit : Voici, tu ne m’as pas donné de postérité ; et voici,
celui qui est né dans ma maison est mon héritier
»
(v. 2, 3). Abram désirait un fils, car il savait, par la parole même de Dieu,
que « sa semence » devait hériter du pays (chap. 13:15). Les qualités
de fils et d’héritier sont inséparablement unies dans les pensées de Dieu.
« Celui qui sortira de tes entrailles, lui, sera ton héritier » (v.
4). La qualité de fils est la vraie base de toute chose, et de plus, elle est
le résultat du conseil souverain et de l’opération de Dieu, ainsi que nous
lisons dans l’épître de Jacques, chapitre 1:18: « De sa propre volonté, il
nous a engendrés » ; et, enfin, cette qualité repose sur le principe
éternel et divin de la résurrection. Comment pourrait-il en être
autrement ? Le corps d’Abram était « mort », en sorte que, ici,
comme partout, la qualité de fils n’a pu exister que dans la puissance de la
résurrection. Sa nature est morte et ne saurait ni engendrer, ni concevoir quoi
que ce soit pour Dieu. L’héritage, dans toute son étendue et sa magnificence,
se déployait sous les yeux d’Abram ; mais l’héritier, où était-il ?
Le corps d’Abram, aussi bien que le sein de Saraï, étaient « morts
», mais l’Éternel est le Dieu
de la résurrection, c’est pourquoi un « corps mort » est précisément
ce qu’il faut pour agir sur lui. Si la nature n’eût pas été morte il eût fallu
que Dieu la fît mourir avant de pouvoir manifester pleinement sa
puissance : et une scène de mort, d’où sont bannies toutes les vaines et
orgueilleuses prétentions de l’homme, est le théâtre qui convient le mieux au
Dieu vivant. Voilà pourquoi l’Éternel dit à Abram : « Regarde vers
les cieux, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit :
Ainsi sera ta semence ». Quand c’est le Dieu de résurrection que l’âme
contemple, il n’y a pas de limites aux bénédictions dont elle est l’objet ;
car rien n’est impossible à Celui qui peut donner la vie à un mort.
« Et Abram crut l’Éternel ; et il lui compta cela à justice ». L’imputation de la justice, faite ici à Abram, repose sur la foi d’Abram en Dieu comme en Celui qui vivifie les morts. C’est sous ce caractère que Dieu se révèle dans un monde où règne la mort ; et l’âme qui croit en lui, comme tel, est tenue pour juste devant Dieu. L’homme est, par cela même, nécessairement exclu comme coopérateur, car que peut-il faire au milieu d’une scène de mort ? Ressuscitera-t-il les morts ? Ouvrira-t-il les portes du sépulcre ? Saura-t-il se soustraire à la puissance de la mort et franchir, vivant et libre, les limites de son triste domaine ? Non, assurément ; et par conséquent, il ne peut pas effectuer la justice, ni s’établir dans la relation de fils. « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Marc 12:27) ; c’est pourquoi, aussi longtemps qu’un homme est sous la puissance de la mort et sous la domination du péché, il ne peut connaître ni la relation de fils, ni la condition de la justice. Dieu seul peut donc conférer à l’homme l’adoption d’enfants, comme lui seul peut imputer la justice, et ces deux choses sont liées à la foi en lui comme en celui qui a ressuscité Christ d’entre les morts.
C’est sous cet aspect que l’épître aux Romains nous présente, au
chapitre 4, la foi d’Abram, disant : « Or ce n’est pas pour lui seul
qu’il a été écrit que cela lui a été compté, mais aussi pour nous, à qui il
sera compté, à nous qui croyons en celui
qui a ressuscité d’entre les morts Jésus
notre Seigneur ».
Le Dieu de résurrection nous est présenté, « à
nous aussi », comme l’objet de la foi, et notre foi en lui comme le seul
fondement de notre justice. Si, après avoir élevé ses yeux vers la voûte
céleste parsemée d’innombrables étoiles, Abram les eût ensuite arrêtés sur
« son corps déjà amorti », jamais il n’eût pu réaliser la pensée d’une
semence aussi nombreuse que les étoiles. Mais Abram n’eut pas égard à son
propre corps, mais à la puissance de Dieu en résurrection ; et puisque c’est
cette puissance qui devait faire naître la semence promise, les étoiles des
cieux et le sable qui est sur le bord de la mer n’étaient que de faibles images
pour donner une idée de son effet.
De même, si un pécheur, qui entend la bonne nouvelle de l’Évangile, pouvait voir de ses yeux la pure lumière de la présence de Dieu, et qu’ensuite il descendît dans les profondeurs inexplorées de sa propre nature pécheresse, il pourrait avec raison s’écrier : Comment parviendrai-je jamais en la présence de Dieu ? Comment serai-je jamais en état d’habiter dans cette lumière ? Mais si en lui-même le pécheur se voit absolument sans ressources, Dieu, son nom en soit béni, répond à tous ses besoins dans celui qui est descendu du sein du Père sur la croix et dans la tombe, et a été élevé sur le trône, remplissant ainsi, par sa personne et son œuvre, tout l’espace qui sépare ces deux points extrêmes. Il ne peut rien y avoir de plus élevé que le sein du Père, — la demeure éternelle du Fils ; et rien de plus bas que la croix et le sépulcre ; mais (merveilleuse vérité !) nous trouvons Christ dans le sein de Dieu et dans le sépulcre. Il descendit dans la mort, afin de laisser derrière lui, dans la poussière de la tombe, tout le poids des péchés et des iniquités de son peuple, montrant dans la tombe la fin de tout ce qui est humain, la fin du péché, la dernière limite de la puissance du diable. La tombe de Jésus est la grande fin de tout. Mais la résurrection nous transporte au-delà de ce terme, et constitue le fondement impérissable sur lequel la gloire de Dieu et le bonheur de l’homme reposent pour jamais. Dès que l’œil de la foi contemple le Christ ressuscité, il trouve en lui une réponse triomphante quant à tout ce qui concerne le péché, le jugement, la mort et le sépulcre. Celui qui les a tous divinement vaincus est ressuscité des morts et s’est assis à la droite de la majesté dans les cieux ; et qui plus est, l’Esprit de celui qui est ressuscité et glorifié fait du croyant un fils. Le croyant est sorti vivifié de la tombe de Christ, comme il est écrit : « Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos fautes et dans l’incirconcision de votre chair, il vous a vivifiés ensemble avec lui, nous ayant pardonné toutes nos fautes » (Col. 2:13).
Nous voyons donc que, la qualité de fils étant fondée sur la
résurrection, elle est unie à la justification, à la justice et à la délivrance
parfaite de tout ce qui, en quelque manière, pouvait être contre nous. Dieu ne
pouvait pas nous admettre en sa présence, tant que nous avions du péché sur
nous ; il ne pouvait pas souffrir une seule tache de péché sur ses fils et
ses filles. Le père de l’enfant prodigue ne pouvait admettre son fils à sa
table dans les haillons du pays
étranger. Il pouvait aller au-devant de lui, se jeter à son cou et le baiser,
dans ces haillons : et c’était un acte digne de la grâce
et qui caractérise cette grâce d’une manière admirable ;
mais il était impossible qu’il fît asseoir le fils à sa table, dans ses
haillons. La grâce qui a fait sortir le père au-devant du prodigue, règne par
la justice qui ramena le prodigue dans la maison auprès du père. Si le père eût
attendu que le fils se fût lui-même pourvu d’une robe pour se couvrir, ce n’eût
pas été la grâce, comme aussi il n’eût pas été juste de l’introduire dans la
maison dans ses haillons ; mais quand le père sort au-devant du fils
prodigue et se jette à son cou, la grâce et la justice brillent ensemble de
tout l’éclat et de toute la beauté qui sont propres à chacune d’elles, mais ne
donnent pas cependant au fils une place à la table du père, avant qu’il ne soit
revêtu d’une manière digne de sa haute et bienheureuse position. Dieu en Christ
est descendu jusqu’au degré le plus bas de la condition morale de l’homme, afin
que, par son abaissement, il élevât l’homme au plus haut degré de félicité,
dans la communion avec lui-même. De tout cela, il ressort que notre qualité de
fils, avec toute la gloire et les privilèges qui s’y rattachent, ne tient
absolument rien de nous. Nous n’y sommes pas pour davantage que le corps amorti
d’Abram et le sein mort de Saraï dans une semence nombreuse comme les étoiles
des cieux et comme le sable du bord de la mer. Tout est de Dieu. « Dieu,
le Père », en a conçu la pensée ; « le Fils » en a posé le
fondement, et « le Saint Esprit » a élevé l’édifice ; et sur cet
édifice paraît cette inscription : Par
la grâce, par la foi, sans œuvres de loi
! (Rom. 3:28, et Éph. 2:8).
Mais le chapitre qui nous occupe nous présente aussi un sujet
très important, savoir : la qualité
d’héritier.
La question de la filialité et de la justice étant réglée
entièrement, divinement et sans condition, le Seigneur dit à Abram :
« Je suis l’Éternel, qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens, afin de te
donner ce pays-ci pour le posséder » (v. 7). Ici est présentée et traitée
la grande question de l’héritage, ainsi que le chemin spécial que les héritiers
élus ont à parcourir avant qu’ils parviennent à l’héritage promis. « Et si
nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers ; héritiers de Dieu,
cohéritiers de Christ ; si du moins nous souffrons avec lui, afin que nous
soyons aussi glorifiés avec lui » (Rom. 8:17). Le chemin qui conduit au
royaume passe par la souffrance, l’affliction et la tribulation ; mais
grâces à Dieu, par la foi, nous pouvons dire : « Les souffrances
du temps présent ne sont pas
dignes d’être comparées avec la gloire à venir qui doit nous être
révélée » (Rom. 8:18) ; et encore : « Nous savons que notre
légère tribulation
d’un moment, opère
pour nous, en mesure surabondante, un poids éternel de gloire » (2 Cor.
4:17) ; et enfin : « Nous nous glorifions dans les tribulations,
sachant que la tribulation
produit la patience, et la patience l’expérience, et l’expérience l’espérance »
(Rom. 5:3, 4). C’est un grand honneur et un privilège réel pour nous, qu’il
nous soit donné de pouvoir boire à la coupe de notre bienheureux Maître, et de
pouvoir être baptisés de son baptême ; de traverser, dans une bienheureuse
communion avec lui, le chemin qui conduit directement à notre glorieux
héritage. L’Héritier et les cohéritiers parviennent à cet héritage par le
sentier de la souffrance.
Toutefois, souvenons-nous que les souffrances, auxquelles les
cohéritiers participent, sont dépourvues de tout élément pénal. Ils n’ont pas à
souffrir sous la main de la justice infinie à cause du péché ; cette
souffrance-là, Christ, la sainte victime, l’a pleinement endurée et épuisée sur
la croix pour nous, alors qu’il courba sa tête sacrée sous les coups de la
justice divine. « Car aussi Christ a souffert une fois
pour les péchés » (1 Pierre 3:18), et ce « une
fois », ce fut sur la croix, et nulle
part ailleurs.
Il n’a jamais souffert pour le péché auparavant, et il ne
pourra jamais souffrir de nouveau pour le péché. « En la consommation des
siècles, il a été manifesté une fois
pour
l’abolition du péché, par son sacrifice » (Héb. 9:26). « Le Christ… a
été offert une fois
» (Héb.
9:28).
Il y a deux manières d’envisager le Christ souffrant : d’abord,
comme frappé par l’Éternel ; ensuite, comme rejeté par les hommes. Sous le
premier aspect, il a souffert tout seul ; sous le second, nous avons le
privilège et l’honneur de lui être associés. Frappé de la part de l’Éternel
pour le péché, Christ a souffert tout seul ; car qui eût pu souffrir avec
lui ? Il porta seul la colère de Dieu. Il descendit seul « dans le
torrent qui ne tarit pas, dans lequel on ne travaille ni ne sème » (Deut.
21:4), et régla là pour toujours la question de nos péchés. À cette partie des
souffrances de Christ nous sommes redevables de tout pour l’éternité ;
mais nous n’avons participé à ces souffrances en aucune manière. Christ a
combattu et a remporté la victoire, tout seul ; mais il partage le butin
avec nous. Il était seul dans le puits de la destruction et le bourbier fangeux
(Ps. 40:2) ; mais dès qu’il pose son pied sur le roc
éternel de la résurrection, il nous associe à lui. Il était
seul quand il jeta le grand cri
sur
la croix (Marc 15:37) ; mais il a des compagnons quand il chante le Cantique nouveau
(Ps. 40:2, 3).
La question maintenant est de savoir si nous refuserons de
souffrir avec lui
de la part des
hommes, après qu’il a souffert pour nous
de
la part de Dieu. Que ce soit là une question est, en un sens, évident, à cause
de l’emploi constant que fait le Saint Esprit du mot « si » en
relation avec ce sujet. « Si toutefois nous souffrons avec lui »
(Rom. 8:17) ; « si nous souffrons, nous régnerons » (2 Tim.
2:12). Il n’y a pas de question lorsqu’il s’agit de la qualité de fils ;
nous ne parvenons pas à la haute dignité de fils par la souffrance, mais par la
puissance vivifiante du Saint Esprit, fondée sur l’œuvre accomplie de Christ,
selon le conseil éternel de Dieu. Rien ne peut toucher à cette position. Nous
ne devenons pas membres de la famille
par
la souffrance, et Paul ne dit pas cela aux Thessaloniciens, mais :
« Pour que vous soyez estimés dignes du royaume
de Dieu pour lequel aussi vous souffrez » (2 Thes.
1:5). Les Thessaloniciens faisaient déjà partie de la famille, mais ils étaient
destinés au royaume, et c’est au travers de la souffrance que passe le chemin
qui y conduit ; de plus, la mesure de leurs souffrances pour le royaume
devait être en rapport avec le degré de leur dévouement et de leur conformité
au Roi. Plus nous lui serons semblables, plus aussi nous souffrirons avec
lui ; et plus notre communion avec lui dans ses souffrances sera profonde,
plus aussi le sera notre communion avec lui dans la gloire. Il y a une
différence entre la maison
du Père et
le royaume du Fils ; dans la première, il s’agira d’une position conférée ;
dans la seconde, il s’agira de capacité. Tous mes enfants peuvent être assis à
ma table ; mais la jouissance qu’ils auront de ma société et de ma
conversation dépendra entièrement de leur capacité. L’un d’eux peut être assis
sur mes genoux, dans la pleine jouissance de sa relation d’enfant avec moi,
sans qu’il soit capable néanmoins de comprendre une seule de mes paroles ;
un autre, peut-être, fera preuve d’une rare intelligence dans la conversation,
sans qu’il soit pour cela au moindre degré, plus heureux que le petit enfant
que je tiens sur mes genoux. Mais s’il est question du service de mes enfants
envers moi, ou de leur identification publique avec moi, c’est évidemment tout
autre chose. La comparaison dont je viens de me servir n’est qu’une faible
image, servant à faire ressortir la double idée de capacité dans le royaume du
Fils, et de position conférée dans la maison du Père.
Souvenons-nous, toutefois, que souffrir avec Christ n’est pas le
joug d’un esclave, mais un privilège et un dévouement volontaire ; non une
loi de fer, mais une faveur de la grâce. « À vous il a été gratuitement donné,
par rapport à Christ, non seulement de
croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui » (Phil. 1:29). De plus, il
est bien certain que le vrai secret des souffrances pour Christ, c’est que nos
affections soient concentrées sur lui. Plus nous aimerons Jésus, plus aussi
nous nous tiendrons près de lui ; et plus nous nous tiendrons près de lui,
plus nous l’imiterons fidèlement ; et plus nous l’imiterons fidèlement,
plus aussi nous souffrirons avec lui. Tout découle donc de l’amour pour
Christ ; et c’est une vérité fondamentale, que « nous l’aimons parce
que lui nous a aimés le premier » (1 Jean 4:19). Gardons-nous sur ce
point, comme sur tous les autres, d’un esprit légal ; qu’un homme ne s’imagine
pas souffrir pour Christ sous le joug du légalisme. Hélas ! il serait fort
à craindre qu’un tel homme ne connût pas encore Christ, ni la position bénie de
fils, qu’il ne fût pas encore établi dans la grâce ; mais qu’il cherchât à
entrer dans la famille par des œuvres de loi, plutôt qu’à parvenir au royaume
par le sentier de la souffrance.
D’un autre côté, prenons garde de ne pas reculer devant la coupe et le baptême de notre Maître. Ne faisons pas profession de jouir des bénéfices que sa croix nous assure, tout en refusant de participer à la réjection qu’implique cette croix. Soyons convaincus que le sentier, qui conduit au royaume, n’est pas éclairé par le soleil de la faveur du monde, et qu’il n’est pas semé des roses de son bonheur. Quand un chrétien réussit dans le monde, il y a tout lieu de craindre qu’il ne marche pas en communion avec Christ. « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et où je suis, moi, là aussi sera mon serviteur » (Jean 12:26). Quel était le but de la carrière terrestre de Christ ? A-t-il cherché à obtenir de l’influence et une position élevée dans ce monde ? Non, mais il trouva sa place sur la croix, entre deux brigands condamnés. « Mais, dira-t-on, Dieu et sa main étaient là ! » — cela est vrai, mais l’homme aussi ! Et cette dernière vérité entraîne nécessairement notre réjection de la part du monde, si nous marchons avec Christ. Notre association avec Christ nous ouvre le ciel et nous rejette hors de ce monde ; or, si nous faisons profession d’être au ciel sans que le monde nous rejette, cela prouve qu’il y a quelque chose de faux dans la position que nous avons prise. Si Christ était sur la terre aujourd’hui, quel serait son chemin, où tendrait-il et où se terminerait-il ? Que Dieu nous donne de répondre à ces questions à la lumière de cette Parole, qui est plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants et qui nous place, tels que nous sommes, sous le regard du Tout-Puissant ; et que le Saint Esprit nous rende fidèles envers notre Maître absent, crucifié et rejeté. Celui qui marche selon l’Esprit sera rempli de Christ ; et étant rempli de lui, il sera occupé non de la souffrance, mais de celui pour lequel il souffre. Si le regard est arrêté sur Christ, les souffrances ne seront rien en comparaison de la joie présente et de la gloire à venir.
Jetons maintenant un coup d’œil rapide sur la vision très
significative d’Abram, qui nous est rapportée dans les derniers versets de ce
chapitre : « Et, comme le
soleil se couchait
, un profond sommeil tomba sur Abram ; et voici, une
frayeur, une grande obscurité, tomba sur lui. Et l’Éternel dit à Abram :
Sache certainement que ta semence séjournera dans un pays qui n’est pas le
sien, et ils l’asserviront, et l’opprimeront pendant quatre cents ans. Mais
aussi je jugerai, moi, la nation qui les aura asservis ; et après cela ils
sortiront avec de grands biens… Il arriva que le soleil s’étant couché, il y
eût une obscurité épaisse ; et voici une fournaise fumante, et un brandon
de feu qui passa entre les pièces des animaux ».
On peut dire que l’histoire entière d’Israël est résumée dans ces deux figures de la fournaise fumante et du brandon. La première représente les diverses époques pendant lesquelles les Israélites ont été mis à l’épreuve et ont souffert : leur longue servitude en Égypte, les temps de leur assujettissement aux rois de Canaan, ceux de leur captivité à Babylone, et ceux, enfin, de leur dispersion actuelle. On peut considérer Israël comme passant au travers de la fournaise fumante pendant toutes ces différentes périodes (voyez Deut. 4:20 ; 1 Rois 8:51 ; Ésaïe 48:10). Le brandon, au contraire, est l’image de ces phases de l’histoire d’Israël, dans lesquelles l’Éternel apparaît en grâce pour secourir les siens : telles sont la délivrance d’Égypte, par la main de Moïse ; la délivrance de la puissance des rois de Canaan, par le ministère des Juges ; le retour de Babylone, en vertu du décret de Cyrus, et enfin, la délivrance finale du peuple, quand Christ apparaîtra dans sa gloire. On ne parvient à l’héritage qu’au travers de la fournaise fumante et plus la fumée du four est épaisse, plus aussi sera brillant le « brandon » ou « la lampe » du salut de Dieu.
L’application de ce principe n’est pas bornée au seul peuple de
Dieu, dans son ensemble ; mais elle concerne encore chacun de ceux qui le
composent. Tous ceux qui sont jamais parvenus à une position éminente, comme
serviteurs, ont passé par la fournaise fumante avant que d’être appelés à jouir
du brandon ou de la lampe. « Une frayeur, une grande obscurité »
traversa l’esprit d’Abram ; Jacob eut à supporter vingt années de rudes
travaux dans la maison de Laban ; Joseph trouva le four fumant de l’affliction
dans les prisons d’Égypte ; Moïse passa quarante ans dans le désert. L’Écriture
nous montre l’application de ce principe relativement aux diacres ou
« serviteurs » et aux évêques ou « surveillants ». Que les
« serviteurs
» soient
premièrement « mis à l’épreuve » ; et qu’ensuite ils
« servent », étant trouvés « irréprochables » (1 Tim.
3:10) ; « Que le surveillant ne soit pas nouvellement converti, de
peur qu’étant enflé d’orgueil, il ne tombe dans la faute du diable » (1
Tim. 3:6). Être enfant de Dieu
est une chose ; être
serviteur de Christ
en est une autre
et une toute différente. Si je place mon enfant dans mon jardin, il y fera
peut-être plus de mal que de bien. Pourquoi ? Est-ce parce qu’il n’est pas
un enfant bien-aimé ? Non, mais parce qu’il n’est pas un serviteur exercé.
Là gît toute la différence. Une relation et un emploi sont deux choses
distinctes ; non que tout enfant de Dieu n’ait quelque chose à faire, à
souffrir, à apprendre, mais il demeure toujours vrai que le service public
et la discipline secrète
sont intimement unis dans les voies de Dieu.
Il faut que celui qui paraît beaucoup en public ait cette disposition humble,
ce jugement mûr, cet esprit soumis et mortifié, cette volonté brisée, ce ton
doux, qui sont les beaux et sûrs résultats de la discipline secrète de Dieu. En
général, on verra que ceux qui se mettent en avant sans posséder, plus ou
moins, les qualités morales dont nous parlons, défaillent tôt ou tard.
Seigneur Jésus, tiens tes faibles serviteurs bien près de toi, et dans ta main !
Ici nous voyons l’incrédulité s’emparer de l’esprit d’Abram et,
encore une fois, le détourner pour un temps du sentier de l’heureuse et simple
confiance en Dieu. « Et Saraï dit à Abram : Tu vois que l’Éternel m’a
empêchée d’avoir des enfants » (v. 2). Ces paroles sont l’expression de l’impatience
ordinaire de l’incrédulité ; Abram aurait dû les traiter en conséquence et
attendre patiemment du Seigneur l’accomplissement de la promesse ; mais
notre pauvre cœur naturel préfère tout autre chose à une position d’attente
: il aura recours à des
expédients, à un plan ; il usera d’une ressource quelconque plutôt que de
rester dans une position qui lui pèse. Ce sont deux choses fort différentes que
croire une promesse ou bien en attendre patiemment l’accomplissement. La
conduite d’un enfant nous en fournit de nombreux exemples : quand nous
promettons quelque chose à l’un de nos enfants, il n’a aucune idée de douter de
notre parole ; néanmoins nous pouvons le voir grandement agité, et
impatient de savoir quand et comment nous accomplirons notre promesse. Or, la
conduite d’un enfant est un miroir dans lequel l’homme le plus sage peut
contempler sa propre image. Abram montre de la foi au chapitre 15 ; et
cependant il manque de patience au chapitre 16: et ainsi nous comprenons mieux
le sens et la beauté de ce que nous lisons au chapitre 6 de l’épître aux
Hébreux : « Afin que vous ne deveniez pas paresseux, mais imitateurs
de ceux qui, par la foi et par la
patience,
héritent ce qui avait été promis ». Dieu fait une promesse
et la foi croit cette promesse ; — l’espérance anticipe la promesse et la
patience en attend tranquillement l’accomplissement.
Il y a dans le commerce ce qu’on appelle « la valeur
actuelle » d’une lettre de change ou d’un billet à ordre : il en est
de même dans le monde de la foi ; il y a aussi une valeur présente
des promesses de Dieu, et la
mesure qui règle cette valeur est la connaissance expérimentale de Dieu dans le
cœur : car c’est de notre appréciation de Dieu que dépendra l’évaluation
que nous ferons de ses promesses ; de plus, l’âme soumise et patiente
trouve une riche et pleine récompense en s’attendant ainsi à Dieu pour l’accomplissement
de tout ce qu’il a promis.
Quand à Saraï, ce qu’elle dit à Abram revenait réellement à ceci : « L’Éternel m’a manqué ; peut-être que ma servante égyptienne me sera une ressource ». Tout, excepté Dieu, convient au cœur incrédule ; et on est souvent étrangement surpris de voir à quelles futilités le croyant peut s’attacher, quand une fois il a perdu le sentiment de la présence de Dieu, et qu’il oublie que sa fidélité ne fait jamais défaut et que lui-même suffit à tout. L’âme perd ainsi cette disposition paisible et cet équilibre, si nécessaires pour le témoignage fidèle de celui qui marche par la foi ; comme le monde, elle a recours à toute espèce d’expédients, pour atteindre son but ; et elle appelle cela : « faire un usage louable des moyens ».
Mais c’est une chose amère, et dont les conséquences sont
toujours funestes, que de se soustraire à une dépendance absolue de Dieu. Si
Saraï avait dit : « La nature m’a fait défaut, mais Dieu est ma
ressource », tout eût été bien différent ; elle fût restée sur un
terrain vrai, car, de fait, la nature lui avait fait défaut. Mais c’était la
nature sous une forme ; et Saraï, qui n’avait pas encore appris à
détourner ses regards de la nature sous toutes
ses formes, voulut en essayer une autre. Au jugement de Dieu, comme à celui
de la foi, la nature ne valait pas mieux en Agar qu’en Sara : la nature,
qu’elle soit vieille ou jeune, est la même aux yeux de Dieu et, partant, aux
yeux de la foi. Mais cette vérité n’a de puissance sur nous qu’autant que,
expérimentalement, Dieu est devenu le centre de notre existence. Du moment que
nous détournons nos regards de ce Dieu glorieux, nous sommes capables de nous
livrer aux inventions les plus viles de l’incrédulité ; et ce n’est qu’autant
que nous nous appuyons sérieusement sur le Dieu vivant, seul vrai et seul sage,
que nous pouvons renoncer à tout ce qui est de la créature. Non que nous
méprisions les instruments dont Dieu se sert : ce serait de l’indifférence
et non de la foi. La foi fait cas de l’instrument, non à cause de lui-même,
mais à cause de celui qui l’emploie ; tandis que l’incrédulité ne regarde
que l’instrument et fait dépendre le succès de la puissance apparente de cet
instrument, au lieu d’en juger d’après la vertu toute-puissante de celui qui,
en, grâce, se sert de lui. Saül, regardant David, et puis le Philistin, dit au
premier : « Tu ne saurais aller contre ce Philistin, pour combattre
contre lui ; car tu n’es qu’un jeune garçon ». Mais pour David, la
question n’est pas de savoir s’il pourra vaincre le Philistin, mais si l’Éternel
en a le pouvoir.
Le sentier de la foi est un sentier très simple et très étroit. La foi ne déifie, ni ne méprise les moyens ; elle les apprécie pour autant que c’est Dieu réellement qui les emploie, et non pas au delà. Or, il y a une différence très grande entre l’emploi que Dieu fait de la créature pour me servir, et l’emploi que l’homme en fait pour exclure Dieu ; on n’y prend pas assez garde. Dieu se servit des corbeaux pour nourrir Élie, mais Élie ne se servit pas d’eux pour exclure Dieu. Quand le cœur est réellement occupé de Dieu, il ne se préoccupe pas des moyens ; il compte sur Dieu, dans la douce assurance que, quels que soient les moyens dont Dieu usera, il bénira, il aidera, il pourvoira.
Or, dans le cas qui nous occupe, il est évident qu’Agar n’était pas un instrument employé de Dieu pour accomplir la promesse qu’il avait faite à Abram. Dieu avait promis un fils à Abram, mais il n’avait pas dit que ce fils serait celui d’Agar, et le récit biblique nous apprend qu’Abram et Saraï, l’un et l’autre, augmentèrent leur peine, en ayant recours à Agar ; car, Agar, « voyant qu’elle avait conçu, méprisa sa maîtresse », et ce ne fut même là que le commencement de tous les chagrins qui furent le résultat de leur empressement à recourir à des moyens humains. La dignité de Saraï fut foulée aux pieds par une esclave égyptienne ; car Agar voyant l’état de faiblesse dans lequel était sa maîtresse, la méprisa. On ne conserve réellement sa dignité et son autorité qu’autant que l’on demeure dans une position de dépendance. Nul n’est aussi indépendant de tout ce qui l’entoure, que celui qui marche vraiment par la foi et qui ne s’attend qu’à Dieu ; mais dès que l’enfant de Dieu se rend débiteur de la nature ou du monde, il perd la dignité de sa position et ne tarde pas à le sentir. On ne comprend pas assez la perte qui résulte du plus petit écart dans le chemin de la foi. Tous ceux qui suivent ce chemin rencontreront, sans aucun doute, des épreuves et du travail, mais aussi ils peuvent être assurés qu’ils seront plus que dédommagés par la joie et le bonheur qui deviendront leur partage ; tandis que ceux qui s’écartent de ce chemin, rencontreront des épreuves bien plus grandes, sans compensation aucune.
« Et Saraï dit à Abram : Le tort qui m’est fait est sur toi
». Quand nous avons manqué,
nous sommes souvent portés à jeter le blâme sur un autre : Saraï ne
faisait que recueillir le fruit de sa proposition, cependant elle dit à
Abram : « Le tort qui m’est fait est sur toi
» ; puis, avec la permission d’Abram, elle
cherche à se débarrasser de l’épreuve que son impatience lui a attirée.
« Et Abram dit à Saraï : Voici, ta servante est entre tes mains,
fais-lui comme il sera bon à tes yeux. Et Saraï la maltraita, et elle s’enfuit
de devant elle » (v. 5-6). Mais on ne réussit pas ainsi ; on ne se
débarrasse pas de la « servante » par de mauvais traitements. Quand
nous faisons des fautes et que nous sommes appelés à en subir les conséquences,
nous ne pouvons pas nous soustraire à ces conséquences en usant d’orgueil et de
violence. Nous essayons souvent de ce moyen, mais nous ne faisons qu’aggraver
le mal. Quand nous avons manqué, nous devrions nous humilier, confesser notre
faute et attendre de Dieu la délivrance. Mais nous ne voyons rien de semblable
dans la conduite de Saraï ; tout au contraire : elle n’a pas la
conscience d’avoir mal fait ; et loin d’attendre de Dieu la délivrance,
elle cherche à se délivrer elle-même, à sa manière. Mais tous les efforts que
nous faisons pour redresser nos erreurs, avant de les avoir pleinement
confessées, ne tendent qu’à rendre notre sentier plus difficile. C’est pourquoi
Dieu a voulu qu’Agar revînt à sa maîtresse, et mît au monde un fils, qui ne fut
pas le fils de la promesse, mais une épreuve pour Abram et pour sa maison,
comme nous le verrons par la suite.
Tout ceci doit être considéré à un double point de vue : en premier lieu, comme manifestation d’un principe pratique d’une haute importance ; ensuite sous le point de vue de la doctrine. D’abord, nous apprenons que, quand, par l’incrédulité de nos cœurs, nous sommes tombés dans quelque faute, ce n’est ni en un moment, ni par nos propres artifices, que nous pouvons remédier à ces fautes. Il faut que les choses suivent leur cours : « Ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera. Car celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption ; mais celui qui sème pour l’Esprit moissonnera de l’Esprit la vie éternelle » (Gal. 6:7-8). C’est là un principe invariable que nous rencontrons partout dans l’Écriture, et dans notre propre histoire. Dieu pardonne le péché et restaure l’âme ; mais il faut que nous recueillions ce que nous avons semé. Abram et Saraï eurent à supporter pendant des années la présence de la servante et de son fils, et ils ne purent se débarrasser d’eux que conformément à la volonté de Dieu. Il y a une bénédiction particulière à s’abandonner à Dieu. Si Abram et Saraï eussent fait ainsi dans le cas qui nous occupe, ils n’auraient jamais été tourmentés par la présence de la servante et de son fils ; mais puisqu’ils avaient eu recours à la nature, il fallait qu’ils en subissent les conséquences. Souvent, hélas ! nous sommes « comme un taureau indompté », tandis que notre bonheur serait de soumettre et faire taire notre âme comme un enfant sevré auprès de sa mère (Ps. 131:2). Le taureau indompté nous représente celui qui se débat follement sous le joug des circonstances, rendant son joug d’autant plus douloureux par les efforts qu’il fait pour s’en débarrasser ; un enfant sevré est l’image de celui qui courbe humblement la tête sous chaque dispensation et qui rend son lot d’autant plus agréable, par l’entière soumission de son esprit.
Ensuite, au point de vue de la doctrine, nous sommes autorisés à considérer Agar et son fils comme des figures de l’alliance des œuvres et de tous ceux qui, par elle, sont nés pour la servitude. « Car il est écrit qu’Abraham a eu deux fils, l’un de la servante, et l’autre de la femme libre. Mais celui qui naquit de la servante naquit selon la chair, et celui qui naquit de la femme libre naquit par la promesse. Ces choses doivent être prises dans un sens allégorique : car ce sont deux alliances, l’une du mont Sina, enfantant pour la servitude, et c’est Agar… » (Gal. 4:22-25). Dans cet important passage, la chair est mise en contraste avec la promesse, et nous apprenons ainsi quelle est la pensée de Dieu non seulement quant à la signification du mot chair, mais encore quant à l’effort que fait Abram pour obtenir la semence promise, par le moyen d’Agar, au lieu de se confier en la promesse de Dieu. Les deux alliances sont figurées par Agar et Sara, et sont diamétralement opposées l’une à l’autre. « L’une enfantant pour la servitude », en ce qu’elle soulevait la question de la capacité de l’homme « à faire » et « à ne pas faire », et faisant dépendre la vie entièrement de cette capacité : « Celui qui aura fait ces choses, vivra par elles ». C’est l’alliance d’Agar. Mais l’alliance de Sara révèle Dieu comme le Dieu de la promesse, promesse entièrement indépendante de l’homme et fondée sur le bon vouloir et le pouvoir de Dieu pour l’accomplir. Dieu n’attache aucun « si » à ses promesses. Il les fait sans conditions, et est décidé à les accomplir ; et la foi compte sur lui, dans une parfaite liberté de cœur. Aucun effort de la nature n’est nécessaire à l’accomplissement des promesses de Dieu : et c’est précisément à cet égard qu’Abram et Saraï faillirent. Ils tentèrent d’atteindre un certain but qui leur avait été absolument assuré par une promesse de Dieu. Ainsi fait l’incrédulité. Par son activité inquiète, elle soulève des nuages qui enveloppent l’âme et empêchent que les rayons de la gloire de Dieu ne l’atteignent. « Et il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité » (Matt. 13:58). Un des caractères distinctifs de la foi, c’est qu’elle laisse toujours à Dieu le champ libre pour la manifestation de lui-même ; et assurément, quand Dieu se manifeste, la place qui convient à l’homme est celle d’un heureux adorateur.
L’erreur, dans laquelle les Galates s’étaient laissés entraîner,
consistait à ajouter quelque chose qui était de « la nature », à ce
que Christ avait déjà accompli sur la croix. L’Évangile que Paul leur avait
annoncé, et que les Galates avaient reçu, était la simple présentation de la
grâce de Dieu, absolue, sans réserve et sans condition. « Jésus Christ
avait été dépeint crucifié au milieu d’eux » (Gal. 3:1). Ce n’était pas
simplement une promesse de Dieu, mais une promesse divinement et glorieusement
accomplie. Un Christ crucifié réglait tout quant aux droits de Dieu et aux
besoins de l’homme ; mais les faux docteurs renversaient ou cherchaient à
renverser tout l’évangile de Christ, en disant : « Si vous n’avez pas
été circoncis selon l’usage de Moïse, vous ne pouvez être sauvés » (Actes
15:1) ; et ainsi, selon la déclaration de l’apôtre lui-même, ils
annulaient réellement la grâce de Dieu ; et Christ était mort pour rien
(Gal. 2:21). Il faut que Christ soit un Sauveur complet
, sinon il n’est pas un Sauveur du tout. Dès que quelqu’un
dit : « À moins que vous
ne
soyez ceci ou cela, vous ne pourrez être sauvés », il renverse de fond en
comble l’évangile de Christ, attendu que cet évangile me révèle Dieu descendant
jusqu’à moi, tel que je suis
, pécheur
coupable, misérable et perdu par ma propre faute ; et de plus m’apportant
une entière rémission de tous
mes
péchés, et une pleine délivrance de mon état de perdition, en vertu de l’œuvre
accomplie par lui-même sur la croix. C’est pourquoi si quelqu’un dit :
« Il faut que vous soyez ceci ou cela, pour être sauvé », il
dépouille la croix de toute sa gloire et nous enlève toute notre paix ;
car, si le salut dépend de ce que nous
soyons, ou de ce que nous fassions quelque chose, nous serons inévitablement
perdus. Mais, Dieu en soit béni, il n’en est pas ainsi. Le grand principe
fondamental de l’Évangile, c’est que Dieu est Tout
et l’homme Rien
:
ce n’est pas un mélange de Dieu et de l’homme ; tout est de Dieu. La paix
que donne l’Évangile ne repose pas en partie sur l’œuvre de Christ, et en
partie sur l’œuvre de l’homme ; mais entièrement
et uniquement sur l’œuvre de Christ, parce que cette œuvre est parfaite,
parfaite pour toujours, et qu’elle rend parfaits comme elle-même tous ceux qui
mettent leur confiance en elle.
Sous la loi, Dieu se tenait, en quelque sorte, tranquille pour
voir ce que l’homme pourrait faire : tandis que, dans l’Évangile, nous
voyons Dieu agissant et l’homme appelé à se tenir tranquille pour voir la
délivrance de Dieu (2 Chr. 20:17). Cela étant, l’apôtre n’hésite pas à dire aux
Galates : Vous avez rompu vos liens avec Christ, vous tous qui vous
justifiez par la loi (en nomô
) ;
vous êtes déchus de la grâce (Gal. 5:4). Si l’homme a quelque chose à faire
dans l’œuvre du salut, Dieu est exclu ; et si Dieu est exclu, le salut est
impossible, attendu qu’il est impossible que l’homme accomplisse un salut par
ce qui démontre qu’il est un être perdu ; si donc le salut est une
question de grâce
, il faut que tout
soit grâce. Il ne peut pas être moitié loi et moitié grâce ; les deux
alliances sont parfaitement distinctes. C’est Sara ou Agar : si c’est
Agar, Dieu reste en dehors ; si c’est Sara, l’homme reste en dehors, et il
en est ainsi depuis le commencement jusqu’à la fin. La loi s’adresse à l’homme ;
elle le met à l’épreuve, elle manifeste quelle est réellement sa valeur, elle
démontre qu’il est déchu, elle le place et le tient sous la malédiction aussi
longtemps qu’il a affaire avec elle, c’est-à-dire aussi longtemps qu’il est
vivant. « La loi a autorité sur l’homme aussi longtemps qu’il vit »
(Rom. 7:1), mais quand il est mort, son autorité cesse nécessairement pour ce
qui est de lui (voyez Rom. 7:1-6 ; Gal. 2:19 ; Col. 2:20 ; 3:3),
bien qu’elle conserve cette autorité dans toute sa force pour maudire tout
homme vivant.
L’Évangile, au
contraire, affirmant que l’homme est perdu, déchu, mort, révèle Dieu tel qu’il
est, comme le Sauveur de ceux qui sont perdus ; comme celui qui pardonne aux
coupables, qui vivifie ceux qui sont morts ; il ne nous présente pas Dieu
comme exigeant quoi que ce soit de l’homme (car que pourrait-on attendre d’un
homme qui est mort en faillite ?), mais comme manifestant sa libre grâce
en rédemption.
La différence entre les deux alliances, de la loi et de la
grâce, est donc immense, et fait comprendre la force extraordinaire du langage
de l’apôtre dans l’épître aux Galates : « Je m’étonne » ; —
« Qui vous a ensorcelés ? » — « Je crains pour vous ».
— « Je suis en perplexité à votre sujet ». — « Je voudrais que
ceux qui vous bouleversent se retranchassent même ! » — Tel est le
langage du Saint Esprit qui connaît la valeur d’un Christ complet, d’un salut
complet, et qui sait aussi combien la connaissance de l’un et de l’autre est
nécessaire à un pécheur perdu. Nous ne retrouvons ce même langage dans aucune
autre épître, pas même dans celle aux Corinthiens, bien qu’il y eût parmi
ceux-ci des désordres de la nature la plus grossière à réprimer. Toute faute et
toute erreur de l’homme peuvent être corrigées par l’introduction de la grâce
de Dieu ; mais les Galates, comme Abram dans ce chapitre, se détournaient
de Dieu et revenaient à la chair. Quel remède imaginer pour un pareil
cas ? Comment corriger une erreur qui consiste à abandonner ce qui seul
peut remédier à tout ? Déchoir de la grâce, c’est retourner sous la loi,
de laquelle on ne peut recueillir que « la malédiction
».
Puisse le Seigneur nous affermir dans sa grâce excellente !
Ce chapitre nous fait voir comment Dieu remédie à la faute d’Abram.
« Et Abram était âgé de quatre vingt dix-neuf ans ; et l’Éternel
apparut à Abram, et lui dit : Je
suis le Dieu Tout-puissant
; marche devant ma face,
et sois parfait
»
(*). Ce passage a une signification d’une
grande portée. Il est évident que, lorsque Abram accepta l’expédient de Saraï,
il ne marchait pas devant la face du Dieu Tout-puissant. La foi seule nous rend
capables de vivre librement devant la face du Tout-puissant ; au lieu que
l’incrédulité introduit toujours plus ou moins le moi
, les circonstances, les causes secondaires, et autres choses de
cette nature, et nous prive ainsi de cette joie et de cette paix, de cette
sérénité et de cette sainte indépendance, qui sont le partage de celui qui s’appuie
sur le bras du Tout-puissant. Pensons-y bien : Dieu n’est pas pour nos
âmes cette constante réalité, qu’il devrait être ou qu’il serait pour nous, si
nous marchions avec une foi plus simple et dans une dépendance plus entière de
lui.
(*) Quand Abraham est appelé à être « parfait », cela ne signifie pas qu’il dut être parfait en lui-même, ce qui est et a toujours été impossible, mais simplement parfait quant à l’objet de ses affections, c’est-à-dire que son espérance et son attente devaient être parfaitement et sans partage concentrées sur le « Dieu Tout-puissant ».
Le mot « parfait » est employé au moins dans quatre
sens différents dans le Nouveau Testament. Nous lisons en Matt. 5:48:
« Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Le
contexte ici nous apprend que le mot « parfait » se rapporte au
principe de notre marche, car un peu plus haut, dans le même chapitre, au
verset 44, nous lisons : « Aimez vos ennemis… en sorte que vous soyez
les fils de votre père qui est dans cieux : car il fait lever son soleil
sur les méchants et sur les bons, et envoie sa pluie sur les justes et sur les
injustes ». Être « parfait » dans le sens du verset 48, signifie
donc : agir d’après un principe de grâce envers tous, même envers ceux qui
nous injurient et nous font du mal. Un chrétien, qui entre en procès et en
contestation pour soutenir ses droits, n’est pas « parfait comme son
Père » ; car son Père agit en grâce
,
tandis qu’il agit en justice
.
Il n’est pas question de savoir s’il est juste ou injuste d’entrer en procès avec les gens du monde (pour ce qui regarde les frères, 1 Cor. 6 est concluant), mais tout ce que nous voulons établir, c’est que tout chrétien qui entre en procès agit d’une manière entièrement opposée au caractère de son Père ; car son Père n’entre pas en procès avec le monde. Il ne siège pas maintenant sur un trône de jugement, mais sur un trône de miséricorde et de grâce. Il répand ses bénédictions sur ceux qui, s’il entrait en procès avec eux, seraient déjà condamnés. Il est donc évident qu’un chrétien qui fait comparaître un homme en justice n’est pas « parfait, comme son Père qui est dans les cieux est parfait ».
La parabole, à la fin de Matt. 18, nous apprend que celui qui
veut maintenir ses droits ne connaît ni le vrai caractère, ni les effets de la
grâce. Le serviteur n’était pas injuste
,
en réclamant ce qui lui était dû, mais il était impitoyable
. Il différait complètement de son maître. Dix mille
talents lui avaient été remis, et il pouvait néanmoins étrangler son compagnon
de service pour cent misérables deniers ! Quelle en fut la
conséquence ? Il fut livré aux bourreaux ; il perdit le sentiment
béni de la grâce, et dut recueillir les fruits amers de son insistance à
soutenir ses droits
, alors qu’il
était lui-même un objet de la grâce
.
Remarquez, en outre, qu’il est appelé « un méchant serviteur », non
parce qu’il devait « dix mille talents », mais parce qu’il n’avait
pas remis les « cent deniers ». Il y avait suffisamment de grâce
chez le maître
pour acquitter les dix mille talents ; mais le serviteur
n’en avait pas assez pour
acquitter les cent deniers. Cette parabole a une voix solennelle pour tous les
chrétiens qui entrent en procès ; car bien que dans l’application il soit
dit : « Ainsi aussi mon Père céleste vous fera, si vous ne pardonnez
pas de tout votre cœur, chacun à son
frère
» ; cependant le principe est d’une application générale,
et nous démontre que celui qui a recours à la justice perd le sentiment
de la grâce.
Le chapitre 9 de l’épître aux Hébreux nous présente un autre
sens du mot « parfait », et ici encore c’est le contexte qui
détermine ce sens. Il s’agit de perfection « quant à la conscience »
(comp. vers. 9), et cet emploi du mot « parfait » est d’une haute
importance. L’adorateur sous la loi ne pouvait jamais avoir une conscience
parfaite, par la raison bien simple qu’il n’avait jamais un sacrifice parfait.
Le sang d’un taureau ou d’un bouc ne pouvait pas « ôter les péchés »,
et la valeur qu’il pouvait avoir n’était jamais que pour un temps
, mais non pas pour
toujours
; en sorte qu’il ne pouvait rendre la conscience parfaite.
Maintenant le plus faible croyant a le privilège d’avoir une conscience
parfaite. Pourquoi ? Est-il meilleur
que l’adorateur sous la loi ? Nullement, mais il a un meilleur sacrifice
. Si le sacrifice de Christ est parfait, et s’il
est parfait pour toujours, la conscience du croyant est parfaite et parfaite
pour toujours (comp. versets 9-14 ; 25-26 ; 10:14). Le chrétien qui n’a
pas une conscience parfaite, déshonore le sacrifice de Christ ; car c’est
comme s’il disait que ce sacrifice n’a pas aboli le péché, et que les effets du
sacrifice de Christ ne sont que temporaires et non point éternels ; or, qu’est-ce
autre chose, sinon rabaisser le sacrifice de Christ au niveau des sacrifices de
l’économie mosaïque ?
Il est nécessaire de bien distinguer entre la perfection dans la
chair et la perfection quant à la conscience. Prétendre à la première, c’est
exalter le moi
; rejeter la
dernière c’est déshonorer Christ. L’enfant en Christ devrait avoir une conscience
parfaite ; tandis que Paul n’avait ni ne pouvait avoir une chair parfaite.
La chair n’est pas présentée dans l’Écriture comme une chose qui doive être
perfectionnée, mais crucifiée. La différence est immense. Le chrétien a du
péché en
lui, mais non sur
lui. Pourquoi ?
Parce que Christ, qui n’eut jamais de péché en
lui, avait du péché sur
lui, lorsqu’il fut cloué à la croix.
Enfin, au chapitre 3 de l’épître aux Philippiens, nous trouvons
deux autres sens du mot « parfait ». L’apôtre dit : « Non
que j’aie déjà reçu le prix ou que je sois déjà parvenu à la perfection »,
après quoi il dit, un peu plus loin : « Nous tous donc qui sommes parfaits
, ayons ce même
sentiment ». Le mot « parfait » dans le premier passage se
rapporte à la pleine et éternelle conformité de l’apôtre avec Christ dans la
gloire, et dans le dernier il se rapporte au fait que Christ est l’objet
exclusif de nos cœurs.
« Marche devant ma
face
». La vraie puissance consiste à marcher devant la face du Dieu
fort ; pour cela, il faut que le cœur ne soit occupé d’aucun autre objet
que de Dieu lui-même. Si nous nous reposons sur la créature, nous ne marchons
pas devant Dieu, mais devant la créature. Il est de la dernière importance pour
nous que nous sachions devant qui nous marchons et quel est l’objet que nous
poursuivons. Qu’avons-nous en vue et sur qui nous reposons-nous, dans ce moment
même ? Dieu remplit-il notre avenir tout
entier
; les hommes et les circonstances n’y entrent-ils pour
rien ? La créature n’y a-t-elle point de place ? Le seul moyen de s’élever
au-dessus du monde, c’est de marcher par la foi, parce que la foi remplit la
scène si complètement de Dieu, qu’il ne reste plus de place pour la créature et
pour le monde. Si Dieu remplit tout le champ de ma vue, tout autre objet disparaît,
et je puis dire avec le Psalmiste : « Mais toi, mon âme, repose-toi
paisiblement sur Dieu
; car mon
attente est en lui
. Lui seul est mon
rocher et mon salut, ma haute retraite : je ne serai pas ébranlé »
(Ps. 62:5-6). La nature parle autrement, non qu’elle veuille exclure Dieu
entièrement, à moins qu’elle ne soit sous l’influence directe d’un scepticisme
audacieux et blasphémateur ; mais son regard et son attente seront
toujours partagés.
Il est bon d’observer que Dieu ne partage pas plus sa gloire
avec la créature, quant à ce qui concerne les détails de notre vie actuelle de
tous les jours que pour ce qui concerne le salut. Depuis le commencement jusqu’à
la fin il faut que ce soit lui réellement, et lui seul. Il ne suffit pas que
nous dépendions de Dieu en paroles, tandis que, de fait, notre cœur se repose
sur la créature. Dieu mettra tout en lumière, il éprouvera le cœur, et placera
la foi dans la fournaise. « Marche devant ma face, et sois parfait ».
Tel est le chemin qui conduit au vrai but. — Quand, par la grâce, l’âme cesse
de s’attendre à la créature, alors, et alors seulement, elle est dans les
dispositions voulues pour que Dieu puisse agir ; et quand Dieu agit, tout
va bien. Il ne laisse rien inachevé : il règle parfaitement tout ce qui
concerne ceux qui mettent en lui leur confiance. Quand la souveraine sagesse,
la toute-puissance et l’amour infini agissent ensemble, le cœur croyant peut
jouir d’un doux repos. À moins que nous ne puissions trouver quelque
circonstance trop grande ou trop petite pour « le Dieu
Tout-puissant », nous n’avons aucune raison de nous inquiéter de quoi que
ce soit ; et c’est là une vérité puissante et bien propre à placer tous
ceux qui croient dans la bienheureuse position où nous trouvons Abram dans ce
chapitre. Dès que Dieu lui eut positivement dit : Abandonne-moi tout,
et je pourvoirai à tout, au-delà
de tes plus ambitieux désirs et de tes plus chères espérances : la
semence, l’héritage et tout ce qui en découle, sont parfaitement et
éternellement assurés selon l’alliance du Dieu Tout-puissant, — alors « Abram tomba sur sa face
» (v. 3).
Bienheureuse position ! la seule qui, devant le Dieu vivant, créateur du
ciel et de la terre, possesseur de toutes choses, « le Dieu
Tout-puissant », convienne à un pécheur faible, dénué et inutile.
« Et Dieu parla avec lui ». C’est quand l’homme est dans la poussière que Dieu peut lui parler en grâce. La position que prend ici Abram est l’expression de l’abaissement complet en la présence de Dieu : il se tient devant Dieu dans le sentiment de sa faiblesse et de son néant, et cet abaissement est le sûr précurseur de la révélation de Dieu lui-même à l’âme. C’est quand la créature se tient ainsi devant Dieu, que Dieu peut se montrer tel qu’il est, dans toute la gloire de sa personne. Il ne donnera pas sa gloire à un autre. Il peut se révéler, et permettre à l’homme d’adorer en présence de cette révélation ; mais jusqu’à ce que l’homme prenne la place qui lui convient, Dieu ne peut pas déployer son caractère. Quelle différence entre les positions d’Abraham dans ces deux chapitres ! Dans l’un, il a la nature devant lui ; dans l’autre, il est dans la présence du Dieu Tout-puissant. Là, il agissait ; ici, il adore ; là, il avait recours à ses propres combinaisons et à celles de Sara ; ici, il s’abandonne avec tout ce qui le concerne, son présent et son avenir, dans les mains de Dieu, et il lui permet d’agir en lui, pour lui, et par lui. C’est pourquoi Dieu peut dire : « Je te ferai », « Je t’établirai », « Je te donnerai », « Je te bénirai ». En un mot, Dieu seul et son œuvre sont en cause et là est le vrai repos du pauvre cœur qui a appris à se connaître un peu.
L’alliance de la circoncision est maintenant introduite. Il faut que chacun des membres de la famille de la foi, sans exception aucune, porte dans son corps le sceau de son alliance. « On ne manquera point de circoncire celui qui est né dans ta maison et celui qui est acheté de ton argent ; et mon alliance sera en votre chair comme alliance perpétuelle. Et le mâle incirconcis, qui n’aura point été circoncis en la chair de son prépuce, cette âme sera retranchée de ses peuples : il a violé mon alliance » (v. 9-14). Le chapitre 4 de l’épître aux Romains nous apprend que la circoncision était « le sceau de la justice de la foi » (v. 11). « Abram crut Dieu, et cela lui fut compté à justice ». Étant ainsi tenu pour juste, Dieu met son « sceau » sur lui.
Le sceau par lequel, maintenant, le croyant est scellé n’est
pas, comme alors, une marque en la chair, mais ce « Saint Esprit de la
promesse, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption »
(Éph. 4:30). Ceci est fondé sur l’éternelle relation du croyant avec Christ et
sur sa parfaite identification avec lui dans la mort et la résurrection, ainsi
qu’il est écrit (Col. 2:10-13) : « Et vous êtes accomplis en lui, qui
est le chef de toute principauté et autorité, en qui aussi vous avez été circoncis
d’une circoncision qui n’a pas
été faite de main, dans le dépouillement du corps de la chair par la
circoncision du Christ, étant ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel
aussi vous avez été ressuscités ensemble par la foi en l’opération de Dieu qui
l’a ressuscité d’entre les morts. Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos
fautes et dans l’incirconcision de votre chair, il vous a vivifiés ensemble
avec lui, nous ayant pardonné toutes nos fautes ». Ce magnifique passage
nous apprend ce que la circoncision représentait réellement. Tout croyant est
de « la circoncision » en vertu de son association vivante avec celui
qui, par sa croix, a pour toujours aboli tout ce qui s’opposait à la parfaite
justification de son Église. Il n’y a pas eu une seule tache de péché sur la
conscience des siens, ni un principe de péché dans leur nature, dont Christ n’ait
porté le jugement sur la croix ; et maintenant, les croyants sont
envisagés comme étant morts avec Christ, comme ayant été couchés dans la tombe
avec lui et ayant été ressuscités avec lui, et rendus agréables en lui ;
leurs péchés, leurs iniquités, leurs transgressions, leur inimitié, leur incirconcision,
ayant été complètement ôtés par la croix. La sentence de mort est inscrite sur
la chair ; mais le croyant possède une vie nouvelle unie au Chef
ressuscité dans la gloire.
Dans le passage que nous venons de citer, l’apôtre nous apprend que l’Église est sortie vivifiée de la tombe de Christ ; et de plus, que le pardon des péchés de l’Église est aussi complet et aussi entièrement l’œuvre de Dieu que l’a été la résurrection de Christ d’entre les morts. Or nous savons que la résurrection de Christ a été le résultat de l’intervention de l’excellente grandeur de la force de Dieu, ou selon l’opération de la puissance de sa force (voyez Éph. 1:19). Quelle expression énergique pour dire la grandeur et la gloire de la rédemption, aussi bien que le solide fondement sur lequel elle repose.
Quel repos, quel parfait repos le cœur et la conscience trouvent
ici ! Quelle délivrance complète pour une âme fatiguée et chargée ! Tous
nos péchés sont ensevelis dans la
tombe de Christ ; pas un seul, même le plus petit, n’est resté en
dehors ! Dieu a fait cela pour nous. Tout ce que son œil pénétrant a pu
découvrir en nous, il l’a placé sur la tête de Christ lorsqu’il était attaché à
la croix ! Ce fut alors, et sur cette croix, que Dieu jugea Christ, au
lieu de nous juger pour toujours en nous plongeant dans les peines de l’enfer !
Tels sont les précieux fruits des conseils merveilleux, insondables et éternels
de l’amour rédempteur. Nous sommes « scellés », non pas d’un sceau
extérieur, en la chair, mais du Saint Esprit. Toute la famille de la foi est
scellée de ce sceau. La valeur et l’invariable efficace du sang de Christ sont
telles que le Saint Esprit, la troisième personne de la Trinité éternelle, peut
venir faire sa demeure dans chacun de ceux qui ont mis en elles leur confiance.
Que reste-t-il donc à faire à ceux qui savent ces choses, sinon de « demeurer fermes, inébranlables, abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur » ? Ô Seigneur, qu’il en soit ainsi par la grâce de ton Saint Esprit !
Ce chapitre nous fournit un bel exemple des résultats d’une vie de séparation et d’obéissance : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui » (Jean 14:23). Ce passage, mis en rapport avec le contenu du chapitre qui nous occupe, montre que le genre de communion dont jouit une âme obéissante est absolument inconnu à celui qui se meut dans une atmosphère mondaine.
Ceci ne touche en aucune manière la question du pardon ou de la justification. Tous les croyants sont revêtus de la même robe de justice ; ils sont tous placés devant Dieu, sous une seule et même justification. La même vie descend de la Tête qui est au ciel, et se répand dans tous les membres sur la terre. Cette importante doctrine, développée à plusieurs reprises déjà dans les pages qui précèdent, est établie de la manière la plus claire dans les Écritures. Mais nous avons à nous souvenir que la justification et les fruits de la justification sont deux choses entièrement différentes. Être un enfant est une chose ; être un enfant obéissant en est une autre. Or, un père aime un enfant obéissant et fera de lui le dépositaire de ses pensées et de ses plans. N’en serait-il pas de même de notre Père céleste ? Les paroles de notre Seigneur (Jean 14:23-24) mettent cette question hors de doute, et démontrent, de plus, que prétendre aimer Christ, et ne pas « garder sa parole », est de l’hypocrisie : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». Si donc nous ne gardons pas sa parole, c’est la preuve évidente que nous ne marchons pas dans l’amour du nom de Christ. Notre amour pour Christ se montre en ce que nous faisons les choses qu’il nous a commandées, et non en ce que nous disions : Seigneur, Seigneur ! À quoi sert de dire : J’y vais, Seigneur, tandis que le cœur ne songe pas à aller ? (comp. Matt. 21:28-32).
Bien qu’Abraham soit tombé dans des fautes de détail, nous
voyons cependant en lui quelqu’un qui, à tout prendre, se distingue par une vie
avec Dieu élevée, vraie, intime, et qui, dans la partie de son histoire que
nous méditons dans ce moment, jouit de trois privilèges particuliers, savoir :
d’offrir à
Dieu quelque chose qui lui
est agréable ; d’être en pleine communion avec
Dieu, et d’intercéder pour les autres devant
Dieu. Ce sont là autant de glorieux privilèges qui
accompagnent une marche sainte, une vie de séparation et d’obéissance. L’obéissance
est agréable à l’Éternel comme étant le fruit de sa propre grâce dans nos
cœurs. Nous voyons comment le seul homme parfait qui ait jamais existé faisait
les délices du Père : à plusieurs reprises Dieu lui rend témoignage du
ciel, en disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai
trouvé mon plaisir » (Matt. 3:17). La vie de Christ sur la terre était,
pour le ciel, un sujet de joie continuelle ; toutes ses voies faisaient
monter sans cesse un encens de bonne odeur devant le trône de Dieu. De la
crèche à la croix, il a toujours fait les choses qui étaient agréables à son
Père. Il n’y avait dans ses voies ni interruption, ni variation, ni point
saillant. Il fut le seul parfait. En lui seul le Saint Esprit a pu tracer une
vie parfaite ici-bas. Quand nous suivons le cours de l’histoire sacrée, nous
rencontrons çà et là une âme qui, occasionnellement, a réjoui le ciel. Ainsi,
dans le chapitre qui nous occupe, nous trouvons l’étranger à Mamré, dans sa
tente, offrant à l’Éternel ce qui peut le satisfaire : — les dons sont
offerts avec amour et acceptés avec bon vouloir.
Ensuite nous voyons Abraham jouissant d’une communion intime avec
l’Éternel, intercédant auprès de
lui, d’abord pour ce qui le concerne personnellement (v. 9-15), puis pour les
habitants de Sodome (v. 22-33). Quel affermissement pour le cœur d’Abraham dans
la promesse de Dieu : « Sara
aura un fils ! » Cependant, cette promesse ne fit que produire un
sourire chez Sara, comme elle avait fait pour Abraham au chapitre précédent.
L’Écriture parle de deux sortes de « rire » ; d’abord, il y a celui dont l’Éternel remplit la bouche de son peuple, alors que, dans un moment de grande épreuve, il leur vient en aide d’une manière signalée : « Quand l’Éternel rétablit les captifs de Sion, nous étions comme ceux qui songent. Alors notre bouche fut remplie de rire, et notre langue de chants de joie ; alors on dit parmi les nations : l’Éternel a fait de grandes choses pour ceux-ci » (Ps. 126:1-2). Ensuite, il y a le rire que l’incrédulité met dans notre bouche, lorsque les promesses de Dieu sont trop glorieuses pour être reçues dans nos cœurs étroits, ou quand les moyens extérieurs dont Dieu se sert sont trop petits, à notre jugement, pour l’accomplissement de ses grands desseins. Nous n’avons pas honte du premier de ces rires et nous ne craignons pas de l’avouer. Les fils de Sion n’ont pas honte de dire : « Alors notre bouche fut remplie de rire ». Nous pouvons rire de bon cœur quand c’est l’Éternel qui nous fait rire. « Et Sara le nia, disant : je n’ai pas ri, car elle eut peur ». L’incrédulité fait de nous des lâches et des menteurs ; la foi nous donne de la hardiesse et nous rend vrais ; elle nous rend capables de « nous approcher avec confiance », et « avec un cœur vrai » (Héb. 4:16 ; 10:22).
Mais il y a plus : Dieu fait d’Abraham le dépositaire de ses pensées et de ses desseins à l’égard de Sodome ; car, bien que Sodome ne concerne pas personnellement Abraham, il est assez près de Dieu pour que Dieu l’instruise de ses secrets desseins à l’égard de cette ville. Si nous voulons connaître les intentions de Dieu à l’égard du présent siècle mauvais, il faut que nous soyons entièrement séparés de celui-ci et que nous ne prenions aucune part à ses projets et à ses spéculations. Plus nous nous tiendrons près de Dieu, plus nous serons soumis à sa Parole, plus aussi nous connaîtrons ses pensées à l’égard de toutes choses. Nous n’avons pas besoin d’étudier les journaux pour apprendre ce qui va arriver dans le monde : l’Écriture nous révèle tout ce qu’il nous importe d’en savoir. Ses pures et saintes pages nous font connaître tout ce qui concerne le caractère, le cours et la destinée de ce monde. Si, au contraire, nous avons recours aux hommes du monde pour nous instruire de ces choses, Satan s’en servira peut-être pour nous tromper et nous empêcher de voir. Si Abraham fût allé à Sodome pour se mettre au fait de ce qui s’y passait ; s’il se fût adressé à quelqu’un de ses chefs les plus intelligents pour savoir ce qu’il pensait de l’état de Sodome et de ses perspectives d’avenir dans ce moment-là, que lui aurait-il répondu ? Sans aucun doute, il eût dirigé l’attention d’Abraham sur les entreprises agricoles et architecturales de ses compatriotes, ainsi que sur les immenses ressources du pays ; il lui aurait fait voir une foule de vendeurs et d’acheteurs, de gens qui bâtissaient et qui plantaient, qui mangeaient et qui buvaient, de gens qui se mariaient et qui donnaient en mariage. Ces hommes de Sodome n’eussent même pas rêvé d’un jugement ; et si quelqu’un leur en eût parlé, on eût pu voir sur leurs lèvres le rire de l’incrédulité. Il est évident que ce n’est pas à Sodome qu’il fallait aller pour apprendre quelle serait la fin de cette ville. Non, le lieu où Abraham s’était tenu devant l’Éternel (Gen. 19:27) était le seul d’où le regard pût embrasser toute la scène. Là, Abraham dominait tous les nuages qui s’étaient amoncelés sur Sodome. Là, dans la sérénité et le calme de la présence de Dieu, tout était devenu clair pour lui, par la révélation même de Dieu.
Quel usage Abraham fit-il de ce que Dieu lui avait révélé et de
la position bienheureuse dont il jouissait ? De quoi était-il occupé dans
la présence de l’Éternel ? Il intercède pour les autres devant
l’Éternel : et c’est ici le
troisième privilège accordé à Abraham dans ce chapitre. Abraham pouvait
intercéder pour ceux qui se trouvaient mêlés au peuple corrompu de Sodome et
qui étaient en danger d’être enveloppés dans le même jugement que cette ville
coupable. Comme il arrive toujours en pareil cas, Abraham fit un bon et saint
usage de sa position auprès de Dieu. L’âme qui peut s’approcher de Dieu
dans une pleine assurance de foi, ayant le cœur
et la conscience parfaitement en paix, se reposant sur Dieu pour le passé, le
présent et l’avenir, sera aussi en état d’intercéder pour les autres et
intercédera pour eux. Celui qui a revêtu « l’armure complète de
Dieu » peut prier « pour tous les saints » (Éph. 6:18) ; et
sous quel aspect ceci ne nous fait-il pas entrevoir l’intercession de notre
« grand Souverain Sacrificateur qui a traversé les cieux ! »
(Héb. 4:14). Quel repos infini ne trouve-t-il pas dans tous les conseils de
Dieu ? Avec quel sentiment profond de son acceptation ne siège-t-il pas
dans les cieux, au milieu de la gloire du trône de la Majesté ? Avec
quelle efficacité toute-puissante ne plaide-t-il pas, devant cette Majesté,
pour ceux qui travaillent et se fatiguent au milieu de la corruption qui règne
dans le monde ? Oh ! que bienheureux sont ceux qui sont les objets de
son intercession toute-puissante ! Qu’ils sont heureux à la fois et en
sécurité ! Plût à Dieu que nous eussions des cœurs pénétrés de ces choses,
des cœurs élargis par une communion personnelle avec Dieu, capables de recevoir
une plus grande mesure de la plénitude infinie de sa grâce et de comprendre
davantage combien il a pourvu à tout, pour nous et pour nos besoins.
Nous voyons dans ce passage que, quelque bénie que pût être l’intercession
d’Abraham, cette intercession était cependant limitée, parce que l’intercesseur
n’était qu’un homme
; elle n’atteignait
pas à la hauteur du besoin. Abraham dit : « Je parlerai encore une seule fois
», puis il s’arrête,
comme s’il craignait d’avoir présenté au trésor de la grâce une traite trop
considérable ou comme s’il oubliait que le mandat de la foi a toujours été
honoré à la banque de Dieu. Ce n’est pas que Dieu le tînt à l’étroit ; —
il y avait abondance de grâce et de patience en Lui pour écouter les requêtes
de son cher serviteur, s’il eût persévéré à intercéder pour l’amour de trois et
même d’un seul ; mais c’est le serviteur lui-même qui fait défaut. Il
craint de dépasser le montant de son crédit ; il cesse de demander, et
Dieu cesse de donner. Il n’en est pas ainsi de notre bienheureux
Intercesseur ; de lui on peut dire : « Il peut sauver entièrement…
étant toujours
vivant pour intercéder » (Héb. 7:25). Puissions-nous
nous attacher à Lui dans tous nos besoins, dans toute notre faiblesse et dans
tous nos combats.
Avant de terminer ce chapitre, je voudrais faire une réflexion qui, soit qu’on la considère ou non comme en découlant directement, est dans tous les cas digne d’attention. Quand on étudie les Écritures, il est très important de distinguer le gouvernement moral de Dieu à l’égard du monde d’avec l’espérance particulière de l’Église. Toutes les prophéties de l’Ancien Testament et une grande partie de celles du Nouveau, traitent du gouvernement moral de Dieu sur le monde et offrent ainsi à tout chrétien un sujet d’étude d’un haut intérêt. Il est en effet intéressant de savoir ce que Dieu fait et fera à l’égard de toutes les nations de la terre ; de lire ses pensées à l’égard de Tyr, de Babylone, de Ninive et de Jérusalem ; à l’égard de l’Égypte, de l’Assyrie et du pays d’Israël. Mais souvenons-nous que ces prophéties ne contiennent pas l’espérance particulière de l’Église ; car, si l’existence elle-même de l’Église n’y est pas révélée d’une manière directe, comment son espérance s’y trouverait-elle ? — Ce n’est pas que les prophéties de l’Ancien Testament ne renferment une riche moisson de principes divins et moraux, dont l’Église peut tirer profit ; mais c’est là tout autre chose que de vouloir trouver dans ces prophéties la révélation de l’existence et de l’espérance particulière de l’Église. Et cependant une grande partie de ces prophéties a été appliquée à l’Église, et on a ainsi tellement obscurci et embrouillé le sujet tout entier, que les esprits simples reculent devant une étude pourtant si pleine d’enseignements, et négligent même ce qui en est tout à fait distinct, savoir l’espérance de l’Église. Cette espérance, nous n’avons pas besoin de le répéter encore, n’a aucun rapport avec ce qui concerne les voies de Dieu à l’égard des nations, mais elle consiste à aller à la rencontre du Seigneur Jésus dans les airs, pour être toujours avec lui et comme lui (voyez 1 Thes. 4:13 et suivants).
Plusieurs disent, hélas : « Je n’ai pas de tête
pour la prophétie ! » Il
est possible, mais avez-vous du cœur
pour
Christ ? Si vous aimez Christ, vous aimerez aussi sa venue, lors même que
vous seriez incapable de toute recherche prophétique. Une femme qui aime son
mari peut manquer de tête pour entrer dans les affaires de son mari ;
mais, s’il est absent, elle aura le cœur occupé de son retour ; elle peut
ne rien comprendre à son journal ou à son grand livre, mais elle connaît son
pas et reconnaît sa voix. Le chrétien le plus illettré, s’il aime la personne
du Seigneur Jésus, peut nourrir le désir le plus vif de le voir, et telle est l’espérance
de l’Église. L’apôtre pouvait dire aux Thessaloniciens : « Vous vous
êtes tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils
» (1
Thes. 1:9-10). Or, évidemment, les saints de Thessalonique ont pu n’avoir, au
moment de leur conversion, qu’une connaissance bien incomplète de la prophétie
ou du sujet spécial dont elle s’occupe et, pourtant, ils ont été mis, dès lors,
en pleine possession et sous la puissance de l’espérance particulière de l’Église,
qui est d’attendre la venue du Fils. Il en est ainsi d’un bout à l’autre du
Nouveau Testament, là aussi nous trouvons des prophéties et le gouvernement moral
de Dieu ; mais un grand nombre de passages viennent nous prouver que l’espérance
commune des chrétiens des temps apostoliques, espérance simple, sans entrave,
ni empêchement, était la venue du Fils,
le retour de l’Époux
.
Puisse le Saint Esprit ranimer cette « bienheureuse espérance » (Tite 2:13) dans l’Église, rassembler les élus, et « préparer au Seigneur un peuple bien disposé ! » (Luc 1:7).
Le Seigneur, dans sa grâce, use de deux méthodes pour détourner
le cœur de l’homme des choses de ce monde : d’abord, il révèle le prix et
l’immutabilité des choses qui sont en
haut
; ensuite il fait connaître la vanité et la nature périssable des
choses qui sont sur la terre
(Col.
3:1-2). La fin du chapitre 12 de l’épître aux Hébreux nous offre un magnifique
exemple de chacune de ces deux méthodes. Après avoir établi cette vérité, que
nous sommes venus à la montagne de Sion, à toutes les joies et à tous les
privilèges qui s’y rattachent, l’apôtre poursuit en disant : « Prenez
garde que vous ne refusiez pas celui qui parle : car si ceux-là n’ont pas
échappé qui refusèrent celui qui parlait en oracles sur la terre, combien moins
échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux,
duquel la voix ébranla alors la terre ; mais maintenant il a promis,
disant : « Encore une fois je secouerai non seulement la terre, mais
aussi le ciel ». Or ce « Encore une fois » indique le changement
des choses muables, comme ayant été faites, afin que celles qui sont immuables
demeurent ». Or, il vaut mieux être attirés
par les joies du ciel, qu’être poussés
en haut par les chagrins de la terre. Le croyant ne devrait pas attendre
que le monde l’abandonne pour abandonner le monde ; il devrait laisser les
choses de la terre, par la puissance de la communion des choses qui sont en
haut. Quand, par la foi, on a saisi Christ, il n’est pas difficile de laisser
le monde ; la difficulté alors serait plutôt de rester attaché au monde.
Un balayeur de rues, devenu possesseur d’une grande fortune, ne continuerait
pas longtemps son métier. De même, si nous saisissons par la foi la valeur et
la réalité des biens immuables qui sont dans les cieux et la part que nous y
avons, nous n’aurons pas de peine à abandonner les joies trompeuses de la
terre.
Portons maintenant notre attention sur la partie solennelle de l’histoire
sacrée à laquelle nous sommes arrivés. Lot est « assis à la porte de
Sodome », la place d’autorité. Il a fait des progrès ; il a
« fait son chemin dans le monde », il a eu du succès, au point de vue
humain. Au commencement, il avait « dressé ses tentes jusqu’à
Sodome » ; plus tard, il pénétra jusque dans la
ville et y habita ; et maintenant nous le trouvons « assis à la
porte », dans ce lieu où se tenaient les hommes influents. Combien tout
ceci diffère de la scène par laquelle s’ouvre le chapitre précédent ! La cause,
cher lecteur, en est hélas ! évidente : « Par la foi,
Abraham demeura dans la terre de la promesse, comme
dans une terre étrangère,
demeurant
sous des tentes ». Nous n’apprenons rien de semblable au sujet de Lot. On
ne pourrait dire : Par la foi, Lot s’assit à la porte de Sodome.
Hélas ! non ; Lot n’a point de place dans les nobles rangs des
confesseurs de la foi, cette grande nuée des témoins de la puissance de la foi.
Le monde fut pour lui un piège, et les choses présentes sa perte. Il ne tint
pas « ferme, comme voyant celui qui est invisible » (Héb. 11:27). Ses
regards étaient fixés sur « les choses qui se voient et qui sont pour un
temps », tandis que les regards d’Abraham restaient attachés sur les
choses qui ne se voient pas et qui sont éternelles (2 Cor. 4:18). La différence
entre ces deux hommes était immense et, bien qu’ils eussent commencé leur
carrière ensemble, ils arrivèrent à un résultat différent, du moins pour ce qui
touche à leur témoignage. Sans doute Lot fut sauvé, mais ce fut « comme à
travers le feu » (1 Cor. 3:15), car son œuvre fut brûlée. Abraham, au
contraire, obtint une riche entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur
Jésus Christ (2 Pierre 1:11). En outre, nous ne voyons nulle part qu’il soit
accordé à Lot de jouir des honneurs et des privilèges dont jouit Abraham. Au
lieu de recevoir sous sa tente la visite du Seigneur, il « tourmentait de
jour en jour son âme juste » (2 Pierre 2:8) ; au lieu de jouir de la
communion du Seigneur, il est à une distance désolante de lui ; au lieu,
enfin, d’intercéder pour les autres, c’est tout ce qu’il peut faire que d’intercéder
pour lui-même. Dieu reste avec Abraham pour lui communiquer ses pensées, tandis
qu’il n’envoie à Sodome que ses anges, et encore ceux-ci ne consentent-ils qu’avec
peine à entrer dans la maison de Lot et à accepter son hospitalité :
« Non, disent-ils ; mais nous
passerons la nuit sur la place
». Quel reproche ! combien cette
réponse est différente de celle que le Seigneur adresse à Abraham, en lui
disant : « Fais ainsi, comme tu l’as dit ! »
Recevoir l’hospitalité chez quelqu’un est un acte très
significatif et l’expression d’une entière communion avec celui duquel on la
reçoit. « J’entrerai chez lui, et je souperai avec lui
et lui
avec moi
». « Si vous jugez
que je suis fidèle au Seigneur, entrez dans ma maison et demeurez-y »
(Apoc. 3:20 et Actes 16:15). La réponse que les anges font à Lot renferme donc
une condamnation positive de la position que celui-ci occupait à Sodome :
ils aiment mieux passer la nuit dans la rue que d’entrer sous le toit de quelqu’un
qui se trouve dans une fausse position. De fait, leur unique but en allant à
Sodome était, semble-t-il, de délivrer Lot, et cela à cause d’Abraham, ainsi qu’il
est écrit. « Et il arriva, lorsque Dieu détruisit les villes de la plaine,
que Dieu se souvint d’Abraham
et
renvoya Lot hors de la destruction, quand il détruisit les villes dans
lesquelles Lot habitait » (v. 29). Cette déclaration prouve que ce fut
pour l’amour d’Abraham que Lot fut épargné. Le Seigneur ne sympathise pas avec
un cœur mondain : et c’est cet amour du monde qui entraîna Lot à s’établir
au milieu de la corruption de la criminelle Sodome. Ce ne fut ni la foi, ni l’esprit
du ciel, ni « son âme juste », mais bien l’amour de ce présent siècle
mauvais, qui entraîna Lot, d’abord à « choisir
»,
ensuite à « dresser ses tentes jusqu’à Sodome », et finalement à s’asseoir
« à la porte de Sodome ». Quel choix, hélas ! Une « citerne
crevassée », qui ne pouvait point contenir d’eau ; « un roseau
cassé », qui lui perça la main (Jér. 2:13 ; Ésa. 36:6). C’est une
chose amère que de vouloir, en quelque manière, se gouverner soi-même ; on
ne peut ainsi que commettre les fautes les plus graves. Il vaut infiniment
mieux laisser à Dieu le soin de nous tracer notre route ; lui remettant,
comme de petits enfants, tout ce qui nous concerne, parce qu’il est celui qui
peut et qui veut prendre soin de nous selon sa sagesse et son amour infinis.
Nul doute que Lot croyait bien faire ses affaires et celles de sa famille en allant à Sodome ; mais la suite prouva combien il s’était trompé, et la fin de son histoire fait retentir à nos oreilles un avertissement solennel de prendre garde aux premiers mouvements de l’esprit du monde en nous, pour ne pas lui céder. Soyez « contents de ce que vous avez présentement » (Héb. 13:5). Pourquoi ? Est-ce parce que vous êtes à l’aise dans le monde ; parce que les désirs vagabonds de vos cœurs sont satisfaits ; parce qu’il n’y a pas dans vos circonstances une seule brèche qui puisse susciter en vous un désir ? Serait-ce là ce qui doit être le fondement de notre contentement ? Non, en aucune manière : mais ce que « lui-même a dit : je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point ». Bienheureuse part ! Si Lot s’en fût contenté, jamais il n’eût recherché les plaines bien arrosées de Sodome.
Si nous avions besoin encore d’autres motifs pour nous engager à cultiver en nous le contentement d’esprit, nous les trouverions dans ce chapitre. Qu’est-ce que Lot a obtenu en fait de bonheur et de satisfaction ? Bien peu de chose : les hommes de Sodome environnent sa maison, menaçant d’en forcer l’entrée ; et il essaye en vain de les apaiser par la plus humiliante des propositions. Il faut que celui qui se mêle avec le monde, dans des vues d’agrandissement, prenne son parti de subir les fâcheuses conséquences de sa conduite. Nous ne pouvons nous servir du monde en vue de notre intérêt et, en même temps, témoigner efficacement contre lui. « Cet individu est venu pour séjourner ici, et il veut faire le juge ! » (v. 9). Cela est impossible. On ne peut exercer d’influence sur le monde qu’en se tenant séparé de lui, dans la puissance morale de la grâce, bien entendu, non dans l’esprit hautain du pharisaïsme. Entreprendre de convaincre le monde de péché, tout en lui restant associé dans des vues d’intérêt, est vanité : le monde attache peu d’importance à un pareil témoignage et à de semblables répréhensions. Il en fut de même du témoignage de Lot auprès de ses gendres. « Et il sembla aux yeux de ses gendres qu’il se moquait » (v. 14). Il est inutile de parler d’un jugement qui approche, aussi longtemps que nous trouvons notre place, notre part et nos jouissances au milieu même de la scène sur laquelle le jugement va tomber. Abraham était dans une position bien meilleure pour parler du jugement, car il n’était pas descendu dans la plaine, et Sodome pouvait être en flammes sans que les tentes de l’étranger de Mamré fussent en danger ! Puissent nos cœurs rechercher avec plus d’ardeur les fruits bienheureux qui accompagnent la vie de ceux qui font profession d’être « étrangers et voyageurs sur la terre », afin que, au lieu d’avoir besoin qu’on nous fasse sortir du monde, comme le malheureux Lot, qui fut emmené de force par les anges et mis par eux hors de la ville, nous courions avec un saint zèle dans la lice, « regardant au but » (Phil. 3:14).
Lot, évidemment, regrettait le lieu que la main des anges le
forçait à abandonner ; car non seulement il fallut que ceux-ci le prissent
par la main et le pressassent de fuir de devant le jugement suspendu, et prêt à
éclater, mais encore, quand l’un d’eux l’exhorta à sauver sa vie
(la seule chose qu’il pût sauver du désastre), et à s’enfuir
sur la montagne, il répondit : « Non, Seigneur, je te prie !
Voici, ton serviteur a trouvé grâce à tes yeux, et la bonté dont tu as usé à
mon égard en conservant mon âme en vie a été grande ; et je ne puis me
sauver vers la montagne, de peur que le mal ne m’atteigne, et que je ne meure.
Voici, je te prie, cette ville-là
est
proche pour y fuir, et elle est petite ; que je m’y sauve donc (n’est-elle
pas petite ?) et mon âme vivra » (v. 19-20). Quel tableau ! Ne
dirait-on pas un homme qui se noie et qui tend la main vers une plume flottante
pour s’y cramponner ? Bien que l’ange lui ordonne de se sauver sur la
montagne, il refuse, et s’attache encore à une « petite ville », à un
petit lambeau du monde. Il craint de rencontrer la mort dans un lieu que la
miséricorde de Dieu lui indique ; il appréhende toute sorte de mal et ne
voit d’espérance de salut que dans une « petite ville », dans un lieu
de son propre choix. « Que je m’y
sauve et mon âme vivra
! » Voilà ce que fait Lot au lieu de s’abandonner
entièrement à Dieu ! Ah ! c’est qu’il a marché trop longtemps loin de
Dieu, et a trop longtemps respiré l’épaisse atmosphère d’une
« ville », pour pouvoir apprécier l’air pur de la présence de Dieu,
ou s’appuyer sur le bras du Tout-Puissant. Son âme est troublée ; le nid
qu’il s’était fait sur la terre a été brusquement détruit, et Lot n’a pas assez
de foi pour se réfugier dans le sein de Dieu. Il n’a pas vécu dans une
communion habituelle avec le monde invisible, et maintenant, le monde visible
lui échappe. Le « feu et le soufre du ciel » allaient tomber sur
toutes les choses sur lesquelles il avait concentré ses espérances et ses
affections. Le larron l’a surpris, et Lot semble avoir perdu toute énergie
spirituelle et tout empire sur lui-même. Il est à bout de ressources, et le
monde, qui a pris dans son cœur de profondes racines, le surmonte et le pousse
à chercher un refuge dans « une petite ville ». Mais là même, il ne
se sent pas à son aise, et s’en va sur la montagne, faisant par crainte ce qu’il
a refusé de faire d’après le commandement du messager de Dieu. Aussi, quelle
est sa fin ! Ses propres enfants l’enivrent ; et dans l’état affreux
dans lequel il est ainsi plongé, il devient l’instrument par lequel sont
appelés à l’existence les Ammonites et les Moabites, ces ennemis déclarés du
peuple de Dieu. Que de solennelles instructions dans tout ceci ! Quel commentaire
que cette histoire de Lot, à cet avertissement si court, mais d’une si grande
portée : « N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le
monde » (1 Jean 2:15). Toutes les Sodome et les Tsoar de ce monde se
ressemblent ; le cœur ne trouve dans leur enceinte ni sécurité, ni paix,
ni repos, ni satisfaction durable. Le jugement de Dieu est suspendu sur la
scène tout entière ; et Dieu seul, dans sa longue et miséricordieuse
patience, retient encore l’épée du jugement, ne voulant pas qu’aucun périsse,
mais que tous viennent à la repentance (2 Pierre 3:9).
Efforçons-nous donc de poursuivre une voie sainte, en dehors du
monde et de tout ce qui s’y tient, nourrissant et chérissant l’espérance du
retour de notre Maître. Que les plaines bien arrosées de la terre n’aient aucun
attrait pour nos cœurs ; que nous envisagions ses honneurs, ses
distinctions et ses richesses à la lumière de la gloire à venir de
Christ ; et que, comme Abraham, nous sachions nous élever dans la présence
du Seigneur et, d’auprès de lui, voir cette terre comme un vaste champ de
ruines et de désolation, afin que, par le regard de la foi, elle soit pour nous
une ruine fumante ; car telle elle
sera
! « La terre et les œuvres qui sont en elle seront brûlées
entièrement » (2 Pierre 3:10). Toutes les choses pour lesquelles les
enfants de ce monde se tourmentent et qu’ils recherchent avec tant d’ardeur,
pour lesquelles ils combattent avec tant d’acharnement, toutes ces choses
seront brûlées. Et qui peut dire dans combien peu de temps ? Où sont
Sodome et Gomorrhe ? Où sont les villes de la plaine jadis remplies de
vie, d’animation et de mouvement ? Elles ont passé ! Elles ont été
balayées par le jugement de Dieu, consumées par le feu et le soufre du
ciel ! Eh bien, maintenant, les jugements de Dieu sont suspendus sur ce
monde coupable ; le jour est proche ; en attendant, la bonne nouvelle
de la grâce est annoncée à plusieurs. Heureux ceux qui entendent et qui croient
ce message ! Heureux ceux qui se sauvent sur le rocher inébranlable du
salut de Dieu, qui se réfugient sous la croix du Fils de Dieu et y trouvent le
pardon et la paix !
Que le Seigneur donne à ceux qui liront ces lignes de faire l’expérience de ce que c’est que d’attendre le Fils du ciel, avec une conscience purifiée du péché et des affections délivrées de l’influence corruptrice de ce monde !
Ce chapitre nous présente deux choses distinctes, savoir :
la dégradation morale dans laquelle l’enfant de Dieu se laisse tomber
quelquefois devant le monde ; puis, la dignité morale dont il est toujours
revêtu aux yeux de Dieu.
Abraham montre de nouveau cette crainte des circonstances, que le cœur comprend
si bien. Il séjourne à Guérar et craint les hommes du pays. Jugeant que Dieu n’est
pas au milieu d’eux, il oublie que Dieu est toujours avec lui. Il semble être
plus occupé des habitants de Guérar que de Celui qui est plus puissant qu’eux
tous. Oubliant que Dieu a le pouvoir de protéger Sara, il a recours à la même
ruse dont il s’était déjà servi en Égypte, plusieurs années auparavant. Tout
ceci renferme un sérieux avertissement. Le père des croyants est entraîné dans
le mal, parce qu’il a détourné de Dieu son regard. Il abandonne pour un temps
son état de dépendance de Dieu, et cède à la tentation ; tant il est vrai
que nous ne sommes forts qu’autant que nous nous tenons attachés à Dieu, dans
le sentiment de notre entière faiblesse. Rien ne peut nous nuire, aussi
longtemps que nous marchons dans le sentier de ses commandements. Si Abraham se
fût simplement appuyé sur Dieu, les hommes de Guérar ne se fussent pas occupés
de lui ; et il eût eu le privilège de justifier la fidélité de Dieu, au
milieu des circonstances les plus difficiles. De plus, il eût conservé sa
propre dignité, comme croyant.
C’est une source de tristesse pour le cœur que de voir combien
les enfants de Dieu déshonorent leur Père, et, conséquemment, s’abaissent
eux-mêmes devant le monde, dans toutes les circonstances. Aussi longtemps que
nous réalisons dans notre conduite cette vérité, que « toutes nos sources »
sont en Dieu (Ps. 87:7), nous demeurons au-dessus du monde sous toutes ses
formes. Rien n’élève l’être moral tout entier que la foi ; elle nous
transporte au-delà des atteintes des pensées de ce monde ; car comment l’homme
du monde, ou même le chrétien mondain, comprendrait-il la vie de la foi ?
La source à laquelle elle s’abreuve est inaccessible pour leur intelligence.
Vivant à la surface des choses présentes, ils sont pleins d’espoir et de
confiance, aussi longtemps qu’ils voient
ce qu’ils estiment un fondement raisonnable d’espérance et de confiance ;
mais ils ignorent ce que c’est que de compter uniquement sur la présence d’un
Dieu invisible. Le croyant, au contraire, reste calme au milieu de
circonstances et d’événements dans lesquels la nature ne voit
rien sur quoi elle puisse se reposer. C’est pourquoi la foi
paraît, au jugement de la chair, insouciante, imprévoyante et visionnaire.
Ceux-là seuls qui connaissent Dieu peuvent approuver les actes de la foi,
attendu qu’eux seuls sont capables d’en comprendre les motifs solides et
vraiment raisonnables.
Dans ce chapitre, nous voyons l’homme de Dieu, sous la puissance de l’incrédulité, s’exposer, par sa manière d’agir, à la réprimande et aux reproches des gens du monde. Il ne peut pas en être autrement ; car, comme nous venons de le dire, il n’y a que la foi qui communique une vraie élévation au caractère et à la conduite d’un homme. On rencontre, il est vrai, des personnes d’un caractère naturellement bon et honorable ; mais on ne peut se fier à ces vertus naturelles ; elles reposent sur un mauvais fondement et sont sujettes à céder, au premier moment, à la pression des circonstances. La foi seule unit l’âme en puissance vivante, à Dieu, la source unique de tout ce qui est vraiment moral. De plus, et c’est un fait remarquable, lorsque ceux que Dieu a miséricordieusement adoptés se détournent du chemin de la foi, ils tombent même plus bas que les autres hommes. Nous trouvons dans ce fait l’explication de la conduite d’Abraham dans cette partie de son histoire.
Mais nous faisons ici une autre découverte : Abraham avait, pendant des années, gardé de l’interdit dans son cœur. Il semble, dès le début, avoir retenu par devers lui quelque chose par manque d’une confiance entière et sans réserve en Dieu. S’il avait su se confier pleinement en Dieu à l’égard de Sara, il n’eût pas eu besoin de recourir à un subterfuge et à des réserves mentales : l’Éternel aurait garanti Sara de tout mal ; et qui pourrait nuire à ceux qui sont sous la garde de Celui qui ne sommeille jamais ? Toutefois, par la grâce, Abraham est appelé à découvrir la racine de tout ce mal, à le confesser, à le juger à fond et à s’en débarrasser ; et il ne peut y avoir en effet ni bénédiction, ni puissance, aussi longtemps que tout reste de levain n’a pas été mis à découvert et foulé aux pieds dans la lumière. La patience de Dieu est infatigable ; il attend, il supporte ; mais jamais il n’élève une âme au comble de la bénédiction et de la puissance, tant qu’elle garde quelque reste de levain connu et non jugé.
Voilà ce qui concerne Abimélec et Abraham. Considérons, maintenant, la dignité morale de ce dernier aux yeux de Dieu. On est souvent frappé, en étudiant l’histoire des enfants de Dieu, — qu’on les considère comme un tout, ou individuellement, — de la différence immense qui existe entre ce qu’ils sont aux yeux de Dieu, et ce qu’ils sont aux yeux des hommes. Dieu voit les siens en Christ ; il les voit au travers de la personne de Christ ; en sorte qu’ils sont devant lui « sans tache, ni ride, ni rien de semblable ». Ils sont devant Dieu tels que Christ est lui-même. Ils sont parfaits pour toujours, quant à leur position en lui. « Vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit » (Éph. 5:27 ; 1:4-6 ; 1 Jean 4:17 ; Rom. 8:9).
En eux-mêmes, ils sont des êtres pauvres, faibles, imparfaits, sujets à l’erreur et à toute sorte d’inconséquences, et c’est parce que le monde prend connaissance de ce qu’ils sont par eux-mêmes, et de cela seul, que la différence paraît si grande entre la pensée de Dieu et celle du monde à leur sujet. Mais à Dieu appartient le privilège de manifester la beauté, la dignité et la perfection de son peuple ; lui seul a cette prérogative, parce que c’est lui qui a dispensé aux siens toutes ces choses. Ils n’ont de beauté que celle qu’il a mise sur eux ; il n’appartient donc qu’à lui de proclamer ce qu’est cette beauté, et il le fait d’une manière qui est digne de lui-même, et d’autant plus glorieuse que l’ennemi s’avance pour injurier, accuser ou maudire. Ainsi, quand Balak cherche à maudire la semence d’Abraham, l’Éternel dit : Je n’ai point aperçu d’iniquité en Jacob, ni n’ai vu d’injustice en Israël. « Que tes tentes sont belles, ô Jacob ! et tes demeures, ô Israël ! » (Nomb. 23:21 ; 24:5). Et encore, quand Satan se tient debout à la droite de Joshua pour s’opposer à lui, l’Éternel lui dit : « Que l’Éternel te tance, Satan !… Celui-ci n’est-il pas un tison sauvé du feu ? » (Zac. 3:2).
Le Seigneur se place toujours entre les siens et toute bouche qui s’ouvre pour les accuser. Il ne répond pas à l’accusation en tenant compte de ce qu’ils sont par eux-mêmes, ou de ce qu’ils sont aux yeux des hommes du monde ; mais en tenant compte de ce qu’il les a fait être lui-même et de la position dans laquelle il les a placés. Il en est ainsi d’Abraham : celui-ci s’abaisse aux yeux d’Abimélec, roi de Guérar, et Abimélec le reprend mais quand Dieu se lève pour lui, Il dit à Abimélec : « Voici, tu es mort ! » — et d’Abraham, il dit : « Il est prophète, et il priera pour toi » (v. 3, 7). Oui, malgré toute l’intégrité de son cœur et l’innocence de ses mains, le roi de Guérar n’est « qu’un homme mort ». De plus, il faut que ce soit aux prières de l’étranger égaré et inconséquent qu’il doive le rétablissement de sa santé et de celle de toute sa maison. C’est ainsi que Dieu agit : il peut avoir en secret plus d’un démêlé avec son enfant au sujet de sa conduite pratique ; mais dès qu’un ennemi soulève une action contre lui, l’Éternel plaide la cause de son serviteur. « Ne touchez pas à mes oints, et ne faites pas de mal à mes prophètes ». « Qui vous touche, touche la prunelle de mon œil ». « C’est Dieu qui justifie qui est celui qui condamne ? » (1 Chr. 16:22 ; Zac. 2:8 ; Rom. 8:34). Nul trait de l’ennemi ne peut pénétrer le bouclier à l’abri duquel l’Éternel cache le plus faible agneau du troupeau qu’il s’est acquis au prix du sang de Christ. Il tient les siens cachés dans le secret de son tabernacle ; il met leurs pieds sur le rocher des siècles ; il élève leur tête par-dessus leurs ennemis tout alentour et remplit leur cœur de la joie éternelle de son salut (Ps. 27). Son nom soit à jamais loué !
« Et l’Éternel visita Sara comme il avait dit, et l’Éternel fit à Sara comme il en avait parlé » : c’est ici l’accomplissement de la promesse, le fruit bienheureux de l’attente patiente. Nul ne s’est jamais attendu à Dieu en vain. L’âme qui, par la foi, saisit la promesse de Dieu, est en possession d’une ferme réalité qui ne lui fera jamais défaut. Il en fut ainsi d’Abraham et de tous les fidèles, de siècle en siècle ; et il en sera de même de tous ceux qui, en quelque mesure, se confient au Dieu vivant. Quel bonheur que d’avoir Dieu lui-même pour partage et pour lieu de repos, au milieu des ombres trompeuses et illusoires que nous traversons ; quelle consolation, quelle tranquillité pour nos âmes que de pouvoir nous appuyer sur cette « ancre qui pénètre jusqu’au-dedans du voile », et d’avoir pour soutien ces deux choses immuables : la Parole et le serment de Dieu !
Lorsque Abraham eut devant lui la promesse de Dieu accomplie, il
put apprendre la futilité de ses propres efforts pour en amener l’accomplissement.
Ismaël était absolument inutile pour ce qui concernait la promesse de Dieu. Il
put être et fut en effet un objet d’attachement pour les affections naturelles
du cœur d’Abraham, rendant la tâche de celui-ci d’autant plus difficile, par la
suite ; mais il ne servit en rien à l’accomplissement du dessein de Dieu
ou à l’affermissement de la foi d’Abraham, bien au contraire. La nature ne peut
faire quoi que ce soit pour Dieu. Il faut que Dieu « visite », que
Dieu « fasse » ; et il faut que la foi attende et que la nature
se tienne tranquille ; bien plus, qu’elle soit mise entièrement de côté
comme une chose morte et inutile : alors la gloire divine peut resplendir,
et la foi peut trouver dans cette manifestation sa riche et excellente
récompense. « Sara conçut, et enfanta à Abraham un fils dans sa
vieillesse, au temps fixé
dont Dieu
lui avait parlé ». Il existe un « temps fixé » de Dieu, un
« temps convenable » de Dieu, et il faut que le fidèle sache l’attendre
patiemment. Le temps peut paraître long, et l’espoir différé faire languir le
cœur ; mais l’homme spirituel sera toujours soulagé par l’assurance que
tout a pour but la manifestation finale de la gloire de Dieu. « Car la
vision est encore pour un temps déterminé, et elle parle de la fin
, et ne mentira pas. Si elle tarde, attends-la, car elle
viendra sûrement, elle ne sera pas différée… mais le juste vivra par sa
foi » (Hab. 2:3, 4). C’est une chose merveilleuse que la foi ! Elle
introduit dans notre présent toute la puissance de l’avenir de Dieu, et se
nourrit des promesses de Dieu comme d’une réalité présente. Par sa puissance, l’âme
reste attachée à Dieu, alors que tout ce qui est extérieur semble être contre
elle, et « au temps fixé » Dieu remplit sa bouche de rire. « Et
Abraham était âgé de cent ans lorsque Isaac, son fils, lui naquit ». La
nature n’avait donc rien là pour se glorifier. Quand l’homme était absolument
sans ressources, le temps de Dieu était venu ; et Sara dit : « Dieu
m’a donné lieu de rire ». Tout
est joie, joie triomphante, quand Dieu peut se montrer.
Mais si la naissance d’Isaac remplit de joie la bouche de Sara,
elle introduit aussi un élément tout nouveau dans la maison d’Abraham. Le fils
de la femme libre accéléra le développement du vrai caractère du fils de l’esclave.
De fait, Isaac fut en principe, pour la maison d’Abraham, ce qu’est l’implantation
de la nouvelle nature dans l’âme d’un pécheur. Ismaël
n’était pas changé,
mais
Isaac était né.
Le fils de l’esclave
ne pouvait jamais être autre chose que ce qu’il était. Qu’il devienne une
grande nation ; qu’il demeure au désert ; qu’il soit tireur d’arc ;
qu’il devienne le père de douze princes, il n’en reste pas moins toujours le
fils de l’esclave. D’un autre côté, quelque faible et méprisé que pût être
Isaac, il était le fils de la femme libre ; il tenait tout du Seigneur, sa
position, son rang, ses privilèges et ses espérances. « Ce qui est né de
la chair est chair ; et ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jean
3:6).
La régénération n’est pas un changement de la vieille nature, mais l’introduction d’une nouvelle nature ; c’est l’implantation de la nature ou de la vie du second Adam, par l’opération du Saint Esprit, fondée sur la rédemption accomplie de Christ en parfait accord avec la volonté et le conseil souverains de Dieu. Du moment qu’un pécheur croit de cœur au Seigneur Jésus et le confesse de ses lèvres, il entre en possession d’une vie nouvelle ; et cette vie, c’est Christ : il est né de Dieu ; il est enfant de Dieu ; il est fils de la femme libre (voyez Rom. 10:9 ; Col. 3:4 ; 1 Jean 3:1-2 ; Gal. 3:26 ; 4:31).
L’introduction de cette nouvelle nature ne change pas en quoi que ce soit le caractère essentiel de la vieille nature. Celle-ci demeure ce qu’elle était, sans amélioration à aucun égard : bien plus, son mauvais caractère se manifeste pleinement en opposition avec l’élément nouveau. « La chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair, et ces choses sont opposées l’une à l’autre » (Gal. 5:17). Ces deux éléments sont parfaitement distincts, et l’un n’est que mis en relief par l’autre.
La doctrine de l’existence des deux natures dans le croyant est
généralement peu comprise ; et aussi longtemps qu’elle est ignorée, l’esprit
ne peut qu’errer dans le vague quant à ce qui concerne la vraie position et les
privilèges de l’enfant de Dieu. Les uns croient que la régénération est un
changement graduellement opéré dans la vieille nature, jusqu’à ce que l’homme
tout entier ait subi une complète transformation. Il est facile de démontrer,
par divers passages du Nouveau Testament, que cette opinion est erronée. Ainsi
nous lisons : « La pensée de la chair est inimitié contre Dieu »
(Rom. 8:7). Ce qui est ainsi « inimitié contre Dieu » serait-il
susceptible d’amélioration ? C’est pourquoi l’apôtre continue en
disant : « Car elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, car aussi elle ne le peut pas
». Si elle ne peut pas
se soumettre à la loi de
Dieu, comment pourrait-elle être améliorée ? Et ailleurs il est
écrit : « Ce qui est né de la chair est chair » (Jean 3:6).
Traitez la chair comme vous voudrez, elle n’en reste pas moins toujours chair.
« Quand tu broierais le fou dans un mortier, au milieu du grain, avec un
pilon, sa folie ne se retirerait pas de lui », dit Salomon (Proverbes
27:22). On travaille en vain à rendre sage la folie : il faut introduire
la sagesse d’en haut dans le cœur qui n’a jusqu’ici été gouverné que par la
folie. Et puis ceci : « Ayant dépouillé le vieil homme » (Col. 3:9).
L’apôtre ne dit pas : vous avez amélioré, ou vous cherchez à améliorer le
« vieil homme » ; mais vous l’avez dépouillé ; et c’est là
une chose toute différente, aussi différente que le sont l’acte de raccommoder
un habit, et celui de mettre de côté un vieux vêtement. Dans la pensée de l’apôtre,
il s’agit en effet de dépouiller un vieil habit et d’en revêtir un nouveau. On
pourrait multiplier les citations pour prouver que la théorie de l’amélioration
graduelle de la vieille nature est fausse et erronée, pour prouver que cette
vieille nature est morte dans le péché et absolument incorrigible ; et de
plus, que la seule chose que nous puissions faire d’elle, c’est de la tenir
sous nos pieds dans la puissance de cette vie nouvelle que nous possédons par
notre union avec notre Chef ressuscité dans les cieux.
La naissance d’Isaac n’améliora pas Ismaël, elle ne fit que mettre en évidence son opposition réelle contre l’enfant de la promesse. Il avait pu avoir une conduite très paisible et réglée jusqu’à l’arrivée d’Isaac ; mais, alors, il montra ce qu’il était en se moquant de l’enfant de la résurrection, et en le persécutant. Où était le remède à ce mal ? Était-il peut-être dans l’amélioration d’Ismaël ? Non, en aucune manière ; mais : « Chasse cette servante et son fils ; car le fils de cette servante n’héritera pas avec mon fils, avec Isaac » (v. 8-10). Tel est l’unique remède. « Ce qui est tordu ne peut être redressé » (Eccl. 1:15), et par conséquent il faut se débarrasser de ce qui est tordu pour s’occuper de ce qui est divinement droit. Tout effort, tendant à améliorer la nature, est vain pour ce qui regarde Dieu. Les hommes peuvent trouver un avantage à cultiver et à améliorer ce qui leur est utile à eux-mêmes ; mais Dieu a donné à ses enfants quelque chose d’infiniment meilleur à faire, à savoir de cultiver ce qui est sa propre création ; et les fruits de cette création, — tandis qu’ils n’élèvent jamais la chair, — sont entièrement à la louange et à la gloire de Dieu.
L’erreur dans laquelle les églises de Galatie tombèrent était de
vouloir faire dépendre le salut de quelque chose que l’homme pouvait être, ou
faire, ou garder : « Si vous n’avez pas été circoncis selon l’usage
de Moïse, vous ne pouvez être sauvés » (Actes 15:1). On renversait ainsi
le glorieux édifice de la rédemption, qui repose exclusivement sur ce que
Christ est et sur ce qu’il a fait ; car faire dépendre le salut, dans la
plus petite mesure, de quoi que ce soit dans l’homme ou qui soit fait par l’homme,
c’est anéantir le salut. En d’autres termes : il faut qu’Ismaël soit
chassé et que les espérances d’Abraham reposent sur ce que Dieu a fait et donné
dans la personne d’Isaac. Ce salut, il va sans dire, ne laisse rien à l’homme
de quoi il puisse se glorifier. Si le bonheur présent ou futur dépendait d’un
changement, même divin, opéré dans la nature, la chair, — le moi pourrait se
glorifier, et Dieu n’aurait pas toute
la
gloire. Mais si je suis introduit dans une nouvelle création, je vois que tout
est de Dieu, le dessein, l’œuvre et son accomplissement. C’est Dieu qui agit,
et moi j’adore ; c’est lui qui bénit, et moi je suis béni ; il est
« le plus excellent », et moi « le moindre » (Héb. 7:7). Il
est le donateur, et moi celui qui reçoit. Voilà ce qui fait du christianisme ce
qu’il est, et ce qui, en même temps, le distingue de tout système religieux
humain, existant sous le soleil, romanisme, puseyisme, etc. La religion de l’homme
donne toujours, plus ou moins, une place à la créature ; elle garde dans
la maison l’esclave et son fils, et laisse à l’homme de quoi se glorifier. Le
christianisme, au contraire, exclut la vieille nature et ne lui accorde aucune
part dans l’œuvre du salut ; il chasse l’esclave et son fils, et rend
toute gloire à Celui seul auquel elle appartient.
Voyons maintenant ce que sont, en réalité, cette esclave et son
fils, et ce qu’ils préfigurent. Le chapitre 4 de l’épître aux Galates nous en
instruit amplement, et le lecteur trouvera du profit à l’étudier avec soin. L’esclave
représente l’alliance de la loi ; et son fils, tous ceux qui sont
« des œuvres de loi » ou sur ce principe de loi (ex ergôn nomou
).
L’esclave
n’enfante que pour la servitude, et ne peut mettre au monde un homme libre. La
loi n’a jamais pu donner la liberté, car elle avait autorité sur l’homme aussi
longtemps qu’il était en vie (Rom. 7:1). Tant que je suis sous la domination d’un
autre, quel qu’il soit, je ne suis pas libre ; or, pendant que je suis en
vie, la loi a domination sur moi, et la mort seule peut me soustraire à son
empire, comme nous le savons par la bienheureuse doctrine du chapitre 7 de l’épître
aux Romains. « C’est pourquoi, mes frères, vous aussi, vous avez été mis à
mort à la loi par le corps du Christ, pour être à un autre, à celui qui est
ressuscité d’entre les morts, afin que nous portions du fruit pour Dieu ».
Voilà la liberté, car « si donc le Fils vous affranchit, vous serez
réellement libres » (Jean 8:36). « Ainsi, frères, nous ne sommes pas
enfants de la servante, mais de la femme libre » (Gal. 4:31).
Or, c’est dans la puissance de cette liberté que nous pouvons obéir au commandement : « Chasse la servante et son fils ». Si je ne sais pas que je suis libre, je chercherai à parvenir à la liberté par la voie la plus étrange, savoir en conservant l’esclave dans la maison ; en d’autres termes, je m’efforcerai d’obtenir la vie en gardant la loi, en cherchant à établir ainsi ma propre justice. Sans doute, pour rejeter cet élément de servitude, il faudra une lutte, car le légalisme est naturel au cœur de l’homme : « Et cela fut très mauvais aux yeux d’Abraham, à cause de son fils » (v. 11). Cependant, quelque douloureux que puisse être cet acte, dont nous parlons, il est selon la volonté de Dieu que nous nous tenions fermes dans la liberté dans laquelle Christ nous a placés en nous affranchissant, et que nous ne soyons pas de nouveau retenus sous un joug de servitude (Gal. 5:1).
Puissions-nous, cher lecteur, entrer expérimentalement dans la pleine possession des bénédictions que Dieu a renfermées pour nous en Christ, afin que nous en ayons fini avec la chair et tout ce qu’elle peut être, opérer ou produire. Il y a en Christ une plénitude qui rend absolument superflu et vain tout appel à la nature.
Abraham se présente maintenant à nous dans un état moral qui permet
que son cœur soit mis à une épreuve des plus douloureuses. Il a, au chapitre
20, confessé et jugé la réserve qu’il avait longtemps nourrie dans son
cœur ; au chapitre 21, il a mis hors de la maison la servante et son
fils ; et maintenant il se présente à nous dans la position la plus
favorisée dans laquelle une âme puisse être placée : nous le voyons dans l’épreuve
sous la main de Dieu lui-même. Il y a divers genres d’épreuves : l’épreuve
dont le diable est l’auteur ; l’épreuve qui vient des circonstances
extérieures ; mais la plus grande de toutes, dans son caractère, c’est l’épreuve
qui vient directement de Dieu, lorsqu’il place son enfant bien-aimé dans la
fournaise pour éprouver la réalité de sa foi. Dieu le fait, parce qu’il veut de
la réalité. Il ne suffit pas de dire : « Seigneur, Seigneur »,
ou : « J’y vais, Seigneur » ; il faut que le cœur soit
éprouvé jusqu’au fond, afin qu’aucun élément d’hypocrisie ou de fausse
protection ne s’y abrite. Dieu dit : « Mon fils, donne-moi ton cœur
» (Prov. 23:26) ; non
pas : « donne-moi ta tête, ou ton intelligence, ou tes talents, ou ta
langue, ou ton argent » ; mais : « donne-moi ton
cœur » ; et afin d’éprouver la sincérité de notre réponse aux ordres
de sa grâce, il met la main sur ce qui touche le plus directement notre cœur.
Il dit à Abraham : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes,
Isaac, et va-t-en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste, sur une des
montagnes que je te dirai » (v. 2). C’était visiter de bien près le cœur d’Abraham ;
c’était le faire passer au creuset jusqu’au fond. Dieu « aime la vérité
dans l’homme intérieur » (Ps. 51:6). Il peut y avoir beaucoup de vérité
sur les lèvres et dans l’intelligence ; mais Dieu la cherche dans le cœur.
Des preuves ordinaires d’amour ne le satisfont pas ; lui-même ne s’est pas
contenté de nous donner une preuve ordinaire de son amour envers nous ; il
a donné son Fils ! Et nous, ne devrions-nous pas aspirer à donner des
preuves marquantes de notre amour pour Celui qui nous a ainsi aimés, alors même
que nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés ?
Il est bon, toutefois, que nous nous rendions compte qu’en nous éprouvant ainsi, Dieu nous honore hautement. Nous ne lisons pas que « Dieu éprouva Lot » ; — non, mais Sodome éprouva Lot. Il ne parvint jamais assez haut pour pouvoir être éprouvé par la main de l’Éternel : l’état de son âme était trop évident, pour que la fournaise fût nécessaire pour le mettre au jour. Sodome n’eût présenté aucune tentation à Abraham ; son entrevue avec le roi de Sodome, au chapitre 14, en est une preuve manifeste. Dieu savait bien qu’Abraham l’aimait infiniment plus que Sodome, mais il voulut mettre en évidence que son serviteur l’aimait par-dessus tout, en portant la main sur l’objet qui lui était le plus cher. « Prends ton fils, ton unique, Isaac ». Oui, Isaac, l’enfant de la promesse ; Isaac, l’objet de l’espérance longtemps différée, l’objet de l’amour du père, et celui en qui toutes les familles de la terre devaient être bénies. Il faut que cet Isaac soit offert en holocauste ! C’était là, assurément, mettre la foi à l’épreuve, afin que cette épreuve, bien plus précieuse que celle de l’or qui périt et qui, toutefois, est éprouvé par le feu, soit trouvée tourner à louange, à honneur et à gloire (1 Pierre 1:7). Si Abraham ne se fût pas appuyé, simplement et de tout son cœur, sur l’Éternel, il n’eût pas pu obéir, sans hésiter, à un commandement qui le mettait à l’épreuve si profondément. Mais Dieu lui-même était le soutien vivant et permanent de son cœur ; c’est pourquoi Abraham était prêt à tout abandonner pour Lui.
L’âme, qui a trouvé en Dieu « toutes
ses sources » (Ps. 87:7), peut, sans hésiter,
abandonner toutes
les citernes
humaines. Nous pouvons renoncer à la créature en proportion de la connaissance
que nous acquérons du Créateur, et nous ne pouvons pas au delà : et
vouloir abandonner les choses visibles, autrement que dans l’énergie de la foi
qui saisit les choses invisibles, est le travail le plus stérile qui se puisse
imaginer. L’âme retiendra son Isaac jusqu’à ce qu’elle ait trouvé son tout en
Dieu ; mais quand nous pouvons dire par la foi : « Dieu est
notre refuge et notre force, un secours dans les détresses », nous pouvons
ajouter aussi : « C’est pourquoi nous ne craindrons point, quand la
terre serait transportée de sa place, et que les montagnes seraient remuées et
jetées au cœur des mers » (Ps. 46:1, 2).
« Et Abraham se leva de bon matin, etc ». Abraham ne tarde pas ; il obéit promptement. « Je me suis hâté, et je n’ai point différé de garder tes commandements » (Ps. 119:60). La foi ne s’arrête jamais pour considérer les circonstances, ou pour réfléchir au résultat ; elle ne regarde qu’à Dieu et dit : « Mais quand il plut à Dieu, qui m’a mis à part dès le ventre de ma mère et qui m’a appelé par sa grâce, de révéler son Fils en moi, afin que je l’annonçasse parmi les nations, aussitôt, je ne pris pas conseil de la chair ni du sang » (Gal. 1:15, 16). Dès que nous prenons conseil de la chair et du sang, nous portons préjudice à notre témoignage et à notre service, car la chair et le sang ne peuvent pas obéir. Pour être heureux et pour que Dieu soit glorifié, il faut nous lever matin et, par la grâce, accomplir le commandement de Dieu. Si la parole de Dieu est la source de notre activité, elle nous donnera de la force et de la fermeté pour agir ; tandis que, si nous agissons seulement par impulsion, dès que l’impulsion tombe, l’action tombe avec elle.
Deux choses sont nécessaires à une vie active, conséquente et ferme, savoir le Saint Esprit comme puissance, et l’Écriture comme guide. Or Abraham possédait ces deux choses ; il avait reçu de Dieu la puissance pour agir ; et de Dieu aussi le commandement d’agir. Son obéissance avait un caractère très explicite, et ceci est très important. On rencontre souvent ce qui ressemble à du dévouement, mais n’est, en réalité, que l’activité inconstante d’une volonté non soumise à la puissante action de la parole de Dieu. Tout dévouement de ce genre n’a que l’apparence et point de valeur ; et l’esprit qui le produit se dissipe promptement. On peut établir en principe, que toutes les fois que le dévouement dépasse les limites tracées par Dieu, il est suspect ; s’il n’atteint pas ces limites, il est imparfait ; et s’il va au delà, il erre. Il y a, sans doute, des opérations et des voies extraordinaires de l’Esprit de Dieu, dans lesquelles il proclame sa propre souveraineté et s’élève au-dessus des limites ordinaires ; mais, en pareil cas, l’évidence de l’action divine est assez puissante pour convaincre tout homme spirituel. Ces cas exceptionnels ne contredisent non plus, en aucune manière, cette vérité, que la fidélité et le vrai dévouement sont toujours fondés sur un principe divin et gouvernés par un principe divin. On peut trouver que sacrifier un fils est un acte de dévouement extraordinaire : mais il faut se souvenir que ce qui donna à cet acte toute sa valeur aux yeux de Dieu, c’est le simple fait qu’il était fondé sur le commandement de Dieu.
Il y a encore une autre chose qui s’unit au vrai
dévouement : c’est l’esprit d’adoration. « Moi et l’enfant nous irons
jusque-là, et nous adorerons
»
(v. 5). Un serviteur vraiment dévoué tient ses yeux, non sur son service,
quelque considérable qu’il puisse être, mais sur le Maître ; et c’est ce
qui produit l’esprit d’adoration. Si j’aime mon maître selon la chair, il m’importera
peu d’être appelé à nettoyer ses souliers ou à conduire sa voiture ; mais
si je pense à moi-même plus qu’à lui, je préférerai être chauffeur que
décrotteur. Il en est exactement de même dans le service de notre divin
Maître : si je ne pense qu’à lui, il n’y aura pas de différence pour moi
entre fonder des assemblées ou faire des tentes. Nous pouvons faire la même
observation quant au ministère des anges. Il importe peu à un ange d’être
envoyé pour détruire une armée, ou pour protéger la personne de quelqu’un des
héritiers du salut ; c’est le Maître qui occupe ses pensées. Si, comme l’a
très bien dit quelqu’un, deux anges étaient envoyés du ciel, l’un pour
gouverner un empire, l’autre pour balayer les rues, ils ne se querelleraient
pas au sujet de leurs emplois respectifs. Et si cela est vrai des anges, ne
devrait-il pas en être de même pour nous ? Le caractère de serviteur et
celui d’adorateur devraient toujours être unis, comme aussi l’œuvre de nos
mains devrait respirer toujours la bonne odeur des fervents soupirs de nos
esprits. En d’autres termes, nous devrions mettre la main à l’œuvre dans l’esprit
de ces paroles : « Moi et l’enfant nous irons jusque-là et nous
adorerons ». Nous serions ainsi gardés de ce service purement machinal
dans lequel nous sommes si enclins à tomber, travaillant pour l’amour du
travail et étant plus occupés de notre œuvre que de notre Maître. Il faut que
tout découle d’une foi simple en Dieu et de l’obéissance à sa parole.
« Par la foi, Abraham, étant éprouvé, a offert Isaac ; et celui qui avait reçu les promesses offrit son fils unique » (Héb. 11:17). Ce n’est qu’autant que nous marchons par la foi que nous pouvons commencer, poursuivre et achever nos œuvres selon Dieu. Abraham ne se mit pas seulement en route, pour offrir son fils, mais il poursuivit sa route jusqu’à l’endroit que Dieu lui avait désigné. « Et Abraham prit le bois de l’holocauste, et le mit sur Isaac, son fils ; et il prit dans sa main le feu et le couteau ; et ils allaient les deux ensemble » ; et plus loin, nous lisons : « Et Abraham bâtit là l’autel, et arrangea le bois, et lia Isaac, son fils, et le mit sur l’autel, sur le bois. Et Abraham étendit sa main et prit le couteau pour égorger son fils » (v. 6-10). Il y avait là une œuvre réelle, une « œuvre de foi » et un « travail d’amour », dans le sens le plus élevé, non pas une fausse apparence seulement. Abraham ne s’approchait pas de Dieu avec ses lèvres, tandis que son cœur était bien éloigné de lui ; il ne disait pas : « J’y vais, Seigneur », et n’y allait point. Tout était profonde réalité, une de ces réalités que la foi se plaît toujours à produire et que Dieu se plaît à accepter. Il est facile de faire parade de dévouement, quand on n’est pas appelé à en montrer ; il est facile de dire : « Si tous étaient scandalisés en toi, moi, je ne serai jamais scandalisé en toi… ; quand même il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai point » (Matt. 26:33, 35) ; mais la question dont il s’agit, c’est de demeurer ferme et de surmonter la tentation. Quand Pierre fut mis à l’épreuve, il fut terrassé. La foi ne parle jamais de ce qu’elle veut faire ; mais elle fait ce qu’elle peut par la force du Seigneur. Rien n’est plus misérable que l’orgueil et les prétentions ; ils sont aussi vils que la base sur laquelle ils reposent ; mais la foi agit quand elle est éprouvée ; et jusqu’alors, elle est heureuse de demeurer dans le silence et l’obscurité.
Or Dieu est glorifié par cette sainte activité de la foi ;
c’est lui qui en est l’objet, comme lui aussi est la source dont elle émane. De
tous les actes de la vie d’Abraham, il n’en est aucun par lequel Dieu soit
glorifié davantage que par la scène du mont Morija. Là, Abraham put rendre le
témoignage que « toutes ses sources » étaient en Dieu, — qu’il les y
avait trouvées, non seulement avant, mais après la naissance d’Isaac. Se
reposer sur les bénédictions de Dieu est autre chose que de se reposer sur Dieu
lui-même ; se confier en Dieu, quand on a sous les yeux les canaux par
lesquels la bénédiction doit couler, est tout autre chose que de se confier en
lui alors que ces canaux sont arrêtés. Abraham démontra l’excellence de sa foi
en faisant voir qu’il savait compter sur Dieu et la promesse d’une innombrable
postérité, non seulement pendant qu’Isaac était devant lui plein de santé et de
force, mais encore tout autant, quand il voyait Isaac, comme victime sur l’autel.
Glorieuse confiance ! — confiance sans mélange, non pas appuyée en partie
sur le Créateur et en partie sur la créature, mais fondée sur un fondement
solide, sur Dieu lui-même. Il estima que Dieu
pouvait
; et ne pensa jamais qu’Isaac pût. Isaac, sans Dieu, n’était
rien ; Dieu, sans Isaac, était tout. Il y a là un principe de la plus
haute importance et une pierre de touche pour éprouver le cœur jusqu’au fond.
Ma confiance diminue-t-elle quand je vois le canal apparent de mes bénédictions
se dessécher ? Est-ce que je demeure assez près de la source, — là où elle
jaillit, pour qu’il me soit possible de voir, dans un esprit d’adoration, tous
les ruisseaux humains tarir ? Est-ce que je crois, avec assez de
simplicité, que Dieu suffit à tout, pour pouvoir, en quelque sorte,
« étendre ma main et prendre le couteau pour égorger mon
fils ? » Abraham en fut rendu capable, parce qu’il regardait au Dieu
de résurrection : « Ayant estimé que Dieu pouvait le ressusciter même
d’entre les morts » (Héb. 11:17-19).
En un mot, c’est à Dieu qu’il avait affaire, et cela suffisait. Dieu ne permit pas qu’il portât le coup de mort. Il était allé jusqu’aux dernières limites : le Dieu de grâce ne pouvait le laisser aller au-delà : il épargna au cœur du père l’angoisse qu’il ne s’est point épargnée à lui-même, la douleur de frapper son fils. Lui, il est allé jusqu’au bout, que son nom en soit béni ! « Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous ». « Mais il plut à l’Éternel de le meurtrir ; il l’a soumis à la souffrance » (Rom. 8:32 ; Ésa. 53:10). Aucune voix ne se fit entendre du ciel, alors que, sur le Calvaire, le Père offrait son Fils unique. Non, le sacrifice fut parfaitement accompli, et dans son accomplissement notre éternelle paix a été scellée.
Néanmoins, le dévouement d’Abraham fut entièrement démontré et
pleinement accepté. « Car maintenant je sais que tu crains Dieu, et que tu
ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (v. 12). Prêtez attention à ces
paroles : « Maintenant
je
sais ». Jusqu’alors la preuve n’avait pas été donnée ; la foi
existait, et Dieu le savait ; mais le point important ici, c’est que Dieu
fait dépendre la connaissance qu’il a de cette foi, de la preuve palpable qu’Abraham
en a donnée lui-même devant l’autel sur le mont Morija. La foi se montre
toujours par ses œuvres, et la crainte de Dieu par les fruits qui en découlent.
« Abraham, notre père, n’a-t-il pas été justifié par des œuvres, ayant
offert son fils Isaac sur l’autel ? » (Jacques 2:21). Qui songerait à
mettre sa foi en question ? Dépouillez Abraham de sa foi, et il n’apparaît
sur le mont Morija que comme un meurtrier et un insensé. Tenez compte de sa
foi, et il apparaît comme un adorateur fidèle et dévoué, comme un homme
craignant Dieu et justifié par des œuvres, ayant son fils. « Mes frères,
quel profit y a-t-il si quelqu’un dit
qu’il
a la foi, et qu’il n’ait pas d’œuvres ? » (Jacques 2:14). Une
profession sans puissance et sans fruits ne satisfait ni Dieu, ni les hommes.
Dieu cherche de la réalité et l’honore partout où il la trouve ; et quant
aux hommes, ils ne comprennent que l’expression vivante et intelligible d’une
foi qui se montre par des œuvres. Nous vivons dans une atmosphère de piété de
nom ; le langage de la foi est sur toutes les lèvres ; mais la foi
elle-même est une perle aussi rare que possible ; cette foi qui rend
capable de quitter le rivage des circonstances présentes et d’aller affronter
les vagues et les vents, et non seulement de les affronter, mais de leur tenir
tête, alors même que le Maître semblerait dormir.
Il ne sera pas superflu de dire ici un mot de l’harmonie admirable qui existe entre l’enseignement de Jacques et celui de Paul sur la justification. Le lecteur intelligent et spirituel, qui s’incline devant l’inspiration plénière des Saintes Écritures, sait fort bien que ce n’est pas à Jacques ou à Paul, mais à l’Esprit Saint, que nous avons affaire dans cette importante question. Le Saint Esprit s’est miséricordieusement servi de chacun de ces hommes honorés de Dieu, comme d’une plume pour écrire ses pensées ; tout comme nous pourrions nous-mêmes nous servir d’une plume d’oie ou d’une plume d’acier pour écrire nos pensées, sans que pour cela on pût, à moins de tomber dans l’absurde, parler de contradiction entre ces deux plumes, puisque l’écrivain serait un. Il est aussi impossible que deux hommes divinement inspirés se contredisent, qu’il est impossible que deux corps célestes, se mouvant chacun dans l’orbite que Dieu leur a tracé, se rencontrent et se heurtent. Il y a en réalité, et on pouvait s’y attendre, la plus complète et la plus parfaite harmonie entre ces deux apôtres ; pour ce qui regarde la question de la justification, l’un est la contrepartie, l’interprète de l’autre. L’apôtre Paul nous donne le principe intérieur ; Jacques, le développement extérieur du principe. Le premier nous occupe de la vie cachée ; le dernier, de la vie manifestée ; le premier envisage l’homme en connexion avec Dieu ; le dernier le considère dans ses rapports avec ses semblables. Nous avons besoin de l’un aussi bien que de l’autre, car le principe intérieur ne va pas sans la vie extérieure ; tout comme celle-ci n’aurait ni valeur, ni puissance, sans le principe intérieur. « Abraham fut justifié » alors « qu’il crut Dieu », et « Abraham fut justifié » alors « qu’il offrit son fils Isaac ». Le premier de ces deux cas nous dit le secret de la position d’Abraham ; le second nous montre Abraham publiquement reconnu du ciel et de la terre. Il est bon de comprendre cette différence. Il n’y eut point de voix du ciel alors qu’« Abraham crut Dieu », quoique Dieu l’ait vu là, alors, et l’ait tenu ainsi pour juste ; mais « quand il eut offert son fils Isaac sur l’autel », Dieu put lui dire : « Maintenant j’ai connu », et le monde entier eut la puissante et irrécusable preuve du fait qu’Abraham était un homme justifié. Il en sera toujours de même. Là où le principe intérieur existe, là aussi il y aura l’action extérieure, et toute la valeur de celle-ci découle de son rapport avec le premier. Séparez, pour un moment, l’œuvre d’Abraham, telle que Jacques nous la présente, de la foi d’Abraham, telle que Paul l’expose, et demandez-vous quelle vertu justifiante elle posséderait ? Aucune quelconque ! Toute sa valeur, toute son efficacité découlent du fait qu’elle est la manifestation extérieure de cette foi, en vertu de laquelle Abraham a déjà été tenu pour juste devant Dieu.
Telle est l’harmonie parfaite qui existe entre Jacques et Paul ; ou telle est, plutôt, l’unité de la voix du Saint Esprit, soit qu’il se fasse entendre par l’instrumentalité de Paul ou par celle de Jacques.
Nous en revenons maintenant au sujet du chapitre qui nous occupe. Il est fort intéressant de voir comment, par l’épreuve de sa foi, Abraham est conduit à une connaissance plus profonde du caractère de Dieu. Quand il nous est donné de supporter l’épreuve que Dieu lui-même nous dispense, nous sommes sûrs de faire de nouvelles expériences relativement au caractère de Dieu, et d’apprendre ainsi à apprécier la valeur de l’épreuve. Si Abraham n’eût pas étendu sa main pour égorger son fils, jamais il n’eût connu toute l’excellente grandeur des richesses exquises du nom qu’il donne ici à Dieu : « Jéhovah-Jiré » ou « l’Éternel y pourvoira ». Ce n’est que quand nous sommes véritablement mis à l’épreuve, que nous découvrons ce que Dieu est. Sans épreuves nous ne pouvons jamais être que des théoriciens ; mais Dieu ne veut pas que nous ne soyons que cela ; il veut que nous pénétrions dans les profondeurs de la vie qui est en lui-même, dans les réalités d’une communion personnelle avec lui. Avec quelles convictions et quels sentiments différents Abraham ne dut-il pas retourner sur ses pas, de Morija à Beër-Shéba ! Combien ses pensées à l’égard de Dieu, à l’égard d’Isaac, à l’égard de toutes choses, devaient être différentes !
Nous pouvons dire, en vérité : « Bienheureux est l’homme qui endure la tentation » (Jacques 1:12). L’épreuve est un honneur conféré par l’Éternel lui-même, et il serait difficile d’apprécier tout le bonheur qui résulte de l’expérience qu’elle produit. C’est quand les hommes sont amenés à parler le langage du Psaume 107 (voyez v. 27) : « Toute leur sagesse est venue à néant », qu’ils font la découverte de ce que Dieu est.
Que Dieu nous donne d’endurer l’épreuve, afin que son œuvre paraisse et que son nom soit glorifié en nous !
Avant de terminer ce chapitre, arrêtons encore un moment notre
attention sur la bienveillance avec laquelle l’Éternel rend témoignage à
Abraham d’avoir accompli l’acte qu’il s’était montré si bien préparé à
accomplir. « J’ai juré par moi-même, dit l’Éternel : parce que tu as
fait cette chose-là,
et que tu n’as
pas refusé ton fils, ton unique, certainement je te bénirai, et je multiplierai
abondamment ta semence comme les étoiles des cieux et comme le sable qui est
sur le bord de la mer ; et ta semence possédera la porte de ses ennemis.
Et toutes les nations de la
terre se béniront en ta semence, parce que tu as écouté ma voix » (v.
16-18). Ceci correspond d’une manière admirable avec la manière dont le Saint
Esprit rapporte l’œuvre d’Abraham, au chapitre 11 de l’épître aux Hébreux, et
dans l’épître de Jacques au chapitre 2. Dans l’une et l’autre de ces portions
de l’Écriture, Abraham est considéré comme ayant offert son fils sur l’autel.
Le grand principe qui ressort de tous ces témoignages, c’est qu’Abraham
démontra qu’il était prêt à tout
abandonner, excepté Dieu ; et c’est ce même principe qui, à la fois, le constitua
homme juste et prouva
qu’il était juste. La foi peut se
passer de tout, excepté de Dieu ; elle a la pleine conscience que Dieu
suffit à tout. C’est pourquoi Abraham pouvait apprécier à leur juste valeur ces
paroles : « J’ai juré par
moi-même
». Oui, cette merveilleuse parole :
« moi-même », était tout pour l’homme de foi. « Car lorsque Dieu
fit la promesse à Abraham, puisqu’il n’avait personne de plus grand par qui
jurer, il jura par lui-même… Car les hommes jurent par quelqu’un qui est plus
grand qu’eux, et le serment est pour eux un terme à toute dispute, pour rendre
ferme ce qui est convenu. Et Dieu, voulant en cela montrer plus abondamment aux
héritiers de la promesse l’immutabilité de son conseil, est intervenu par un
serment » (Héb. 6:13, 16, 17). La parole et le serment du Dieu vivant
devraient mettre fin à toutes les contestations et à toutes les opérations de
la volonté de l’homme, et être l’ancre immuable de l’âme au milieu de la houle
et du tumulte de ce monde orageux.
Nous avons à nous juger sans cesse, à cause du peu de puissance que la promesse de Dieu exerce sur nos cœurs. La promesse est là, et nous faisons profession d’y croire, mais, hélas ! elle n’est pas pour nous cette immuable et puissante réalité qu’elle devrait être toujours ! aussi, n’en retirons-nous pas cette « ferme consolation » qu’elle a pour but de communiquer. Combien peu nous sommes prêts à sacrifier, dans la puissance de la foi, notre Isaac ! Demandons à Dieu qu’il daigne nous accorder une connaissance plus profonde de la bienheureuse réalité d’une vie de foi en lui, afin que nous comprenions ainsi mieux la portée de ces paroles de Jean : « C’est ici la victoire qui a vaincu le monde, savoir notre foi ». Ce n’est que par la foi que nous pouvons surmonter le monde. L’incrédulité nous place sous la puissance des choses présentes, ou, en d’autres termes, donne au monde la victoire sur nous ; tandis que l’âme qui, par l’enseignement du Saint Esprit, a appris à connaître que Dieu suffit parfaitement, est entièrement indépendante des choses d’ici-bas.
Puissions-nous, cher lecteur, en faire l’expérience pour notre paix et notre joie en Dieu, et pour qu’il soit glorifié en nous !
Ce court chapitre de l’Écriture renferme plus d’un enseignement utile pour l’âme. Le Saint Esprit nous y trace un beau tableau de la manière dont le croyant devrait toujours se conduire envers ceux de dehors. S’il est vrai que la foi rend celui qui la possède indépendant des hommes du monde, il n’est pas moins vrai qu’elle lui enseigne toujours à marcher honnêtement envers eux. Nous sommes exhortés, dans la première épître aux Thessaloniciens, chapitre 4:12, à « marcher honorablement envers ceux du dehors » ; dans la seconde aux Corinthiens, chapitre 8:21, à « veiller à ce qui est honnête, non seulement devant le Seigneur, mais aussi devant les hommes » ; et dans celle aux Romains, chapitre 13:8: « à ne rien devoir à personne ». Ce sont là d’importants préceptes, des préceptes qu’ont dûment observés, dans tous les âges, tous les fidèles serviteurs de Christ, avant même que ces préceptes eussent été clairement énoncés ; mais, hélas ! on n’y prête que peu d’attention dans les temps modernes.
Le chapitre 23 de la Genèse mérite donc une attention spéciale. Ce chapitre, ouvert par la mort de Sara, nous fait voir Abraham sous un caractère nouveau, sous le caractère de quelqu’un qui mène deuil : « Abraham vint pour mener deuil sur Sara, et pour la pleurer ». L’enfant de Dieu est appelé à passer par le deuil ; mais non pas comme les autres. Le grand fait de la résurrection le console et communique à sa douleur un caractère tout particulier (1 Thes. 4:13-14). Le croyant peut se trouver devant la tombe d’un frère ou d’une sœur, dans l’heureuse assurance que cette tombe ne retiendra pas longtemps son captif, « car si nous croyons que Jésus mourut et qu’il est ressuscité, de même aussi, avec lui, Dieu amènera ceux qui se sont endormis par Jésus ». La rédemption de l’âme assure la rédemption du corps ; nous possédons la première et nous attendons la seconde (Rom. 8:23).
En achetant Macpéla pour en faire un sépulcre, Abraham exprime,
ce nous semble, sa foi en la résurrection. « Il se leva
de devant son mort ». La foi ne reste pas longtemps
à contempler la mort ; elle possède un objet plus élevé, grâce au
« Dieu vivant » qui le lui a donné ! La foi contemple la
résurrection, sa vue en est absorbée ; et, dans la puissance de la
résurrection, elle peut se lever de devant son mort. Cet acte d’Abraham est
très significatif et nous avons besoin d’en mieux comprendre la portée, attendu
que nous ne sommes que trop enclins à nous occuper de la mort et de ses
conséquences. La mort est la limite de la puissance de Satan ; mais où
Satan finit, Dieu commence. Abraham l’avait compris lorsqu’il se leva et acheta
la caverne de Macpéla afin d’en faire un lieu de repos pour Sara. Cet acte
était l’expression de la pensée d’Abraham à l’égard de l’avenir. Il savait que,
dans les siècles à venir, la promesse de Dieu relativement à la terre de Canaan
s’accomplirait ; ainsi il put déposer le corps de Sara dans la tombe,
« dans l’espérance sûre et certaine d’une glorieuse résurrection ».
Les fils incirconcis de Heth ignoraient ces choses. Les pensées
qui remplissaient l’âme du patriarche leur étaient étrangères. Pour eux, c’était
une affaire de peu d’importance qu’Abraham ensevelît son mort dans un endroit
plutôt que dans un autre ; mais pour Abraham il en était autrement.
« Je suis étranger, habitant parmi vous ; donnez-moi la possession d’un
sépulcre parmi vous, et j’enterrerai mon mort de devant moi ». Les
Héthiens devaient trouver, et trouvèrent évidemment étrange, qu’Abraham fît
autant de difficultés pour un tombeau ; « mais le monde ne nous
connaît pas, parce qu’il ne l’a pas connu ». Les traits les plus beaux et
les plus caractéristiques de la foi sont ceux que le monde comprend le moins.
Les Cananéens n’avaient aucune idée des espérances qui caractérisaient les
actes d’Abraham dans cette occasion. Ils ne se doutaient pas qu’Abraham, en
cherchant un coin de terre dans lequel il pût, comme Sara morte, attendre le
temps précis de Dieu, c’est-à-dire le Matin
de la Résurrection,
avait en vue la possession future du pays. Abraham
sentait que lui
n’avait rien à
démêler avec les enfants de Heth, en sorte qu’il était prêt à se coucher comme
Sara dans la tombe, laissant à Dieu le soin d’agir pour lui, sur lui et par
lui.
« Tous ceux-ci sont morts dans la foi (katà pistin
),
n’ayant pas
reçu les choses promises, mais les ayant vues de loin et saluées, ayant
confessé qu’ils étaient étrangers et forains sur la terre » (Héb. 11:13).
C’est là un trait de la vie divine d’une exquise beauté. Ces
« témoins » dont parle l’épître aux Hébreux, dans le chapitre 11, non
seulement vécurent par la foi, mais encore témoignèrent que les promesses de
Dieu étaient aussi réelles et satisfaisantes pour leurs âmes, à la fin de leur
carrière, qu’elles l’avaient été au commencement. L’acquisition d’un sépulcre
dans le pays était, ce nous semble, une démonstration de la puissance de la
foi, non seulement pour vivre, mais aussi pour la mort. Pourquoi Abraham
était-il si scrupuleux dans cette transaction de l’achat d’un sépulcre ?
Pourquoi désirait-il si vivement fonder ses droits au champ et à la caverne d’Éphron
sur des principes de justice ? Pourquoi était-il si décidé à payer le
poids entier du prix « ayant cours entre les marchands » ? La
réponse est renfermée dans ce mot : la « foi
». C’est par la foi qu’il fit tout cela. Il savait que le
pays lui appartenait dans l’avenir et que, dans la gloire de la résurrection,
sa postérité le posséderait encore ; et, jusqu’alors, il ne voulait pas
être le débiteur de ceux qui devaient de toute manière être dépossédés.
Ce chapitre peut donc être considéré sous un double point de vue d’abord, comme nous présentant un principe simple et pratique de conduite envers les gens du monde ensuite, comme nous exposant la bienheureuse espérance dont le croyant devrait toujours être animé. L’espérance qui nous est proposée dans l’Évangile est une immortalité glorieuse qui, tout en élevant le cœur au-dessus des influences de la nature et du monde, nous fournit un saint et noble principe qui doit régler toute notre conduite envers ceux du dehors. « Nous savons que quand il sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est ». Voilà notre espérance. Quel en est l’effet moral ? « Et quiconque a cette espérance en lui, se purifie, comme lui est pur » (1 Jean 3:2-3). Si bientôt je dois être semblable à Christ, je m’efforcerai de lui être aussi semblable que possible dès maintenant. Le chrétien devrait donc s’exercer à marcher toujours dans la pureté, l’intégrité et la grâce morale devant tous ceux qui l’entourent. C’est ce que fit Abraham dans les rapports qu’il eut avec les fils de Heth ; il montra dans toute sa conduite, telle qu’elle nous est présentée dans ce chapitre, une grande noblesse et un vrai désintéressement. Il était parmi eux « un prince de Dieu », et ils eussent été heureux de lui faire une faveur ; mais Abraham avait appris à ne recevoir des faveurs que du Dieu de résurrection ; et tandis qu’il payait les Héthiens pour Macpéla, il s’attendait à Dieu pour la terre de Canaan. Les fils de Heth connaissaient fort bien la valeur de « l’argent ayant cours entre les marchands », et Abraham savait aussi ce que valait la caverne de Macpéla ; elle avait pour lui une valeur bien plus grande que pour eux qui la lui cédaient. Si la terre valait pour eux « quatre cents sicles d’argent », pour Abraham elle était sans prix ; car elle était les arrhes d’un héritage éternel qui, parce qu’il était éternel, ne pouvait être possédé que dans la puissance de la résurrection. La foi transporte l’âme par avance dans l’avenir de Dieu ; elle voit les choses comme Dieu les voit, elle les estime selon le sicle du sanctuaire. C’est donc dans l’intelligence de la foi, qu’Abraham se leva de devant son mort et acheta un sépulcre, montrant ainsi son espérance de la résurrection et de l’héritage qui en dépend.
La liaison qui existe entre ce chapitre et les deux précédents est digne de remarque. Au chapitre 22, le fils est offert sur l’autel ; au chapitre 23, Sara est mise de côté ; et au chapitre 24, le serviteur reçoit la charge de chercher une femme pour celui qui avait été, en figure, recouvré d’entre les morts. La succession de ces événements coïncide d’une manière frappante avec l’ordre des faits relatifs à l’appel de l’Église. On peut mettre en question si ce rapprochement vient de Dieu ; mais, quoi qu’il en soit, la coïncidence est tout au moins frappante.
Les grands faits que nous rencontrons dans le Nouveau Testament
sont, en premier lieu : la réjection et la mort de Christ ; ensuite,
la réjection d’Israël selon la chair ; et enfin, l’appel de l’Église à la
glorieuse position d’Épouse de l’Agneau. Or, tout cela correspond exactement
avec le contenu de ce chapitre et des deux chapitres précédents. Il fallait que
la mort de Christ fût un fait accompli, avant que l’Église, à proprement
parler, pût être appelée. Il fallait que le « mur mitoyen de
clôture » fût aboli, avant que le « seul homme nouveau
» pût être formé. Il est important que nous
comprenions bien ceci, afin que nous sachions quelle est la place que l’Église
occupe dans les voies de Dieu. Aussi longtemps que l’économie juive subsistait,
Dieu avait établi et voulait maintenir la plus stricte séparation entre les
Juifs et les Gentils ; c’est pourquoi l’idée d’une union des Juifs et des
Gentils en un seul homme n’entrait pas dans l’esprit d’un Juif. Il était porté
à se considérer comme occupant une position supérieure en tous points à celle
du Gentil, à envisager ce dernier comme entièrement impur et comme un homme
avec lequel toute relation était interdite (Actes 10:28).
Si Israël avait marché avec Dieu dans l’intégrité des rapports
dans lesquels Dieu l’avait placé par sa grâce, il aurait été maintenu dans
cette position spéciale de séparation et de supériorité qui lui avait été
faite ; mais Israël suivit une autre voie ; c’est pourquoi, lorsqu’il
eut comblé la mesure de ses iniquités, en crucifiant le Prince de la vie, le
Seigneur de gloire, et en rejetant le témoignage du Saint Esprit, Paul fut
suscité pour être l’administrateur d’un nouvel ordre de choses qui avait été
caché de tout temps en Dieu, pendant que le témoignage d’Israël se
poursuivait : « C’est pour cela que moi, Paul, le prisonnier du
Christ Jésus pour vous, les nations — si du moins vous avez entendu parler de l’administration
de la grâce de Dieu qui m’a été donnée envers vous : comment, par
révélation, le mystère m’a été donné a connaître… lequel, en d’autres
générations, n’a pas été donné à connaître aux fils des hommes, comme il a été maintenant
révélé à ses
saints apôtres et prophètes, par l’Esprit », c’est-à-dire les prophètes du
Nouveau Testament (tois hagiois
apostolois autou kai prophêtais
) « que les nations seraient
cohéritières et d’un même corps et coparticipantes de sa promesse dans le
christ Jésus, par l’Évangile » (Éph. 3:1-6). Voilà qui est concluant. Le
mystère de l’Église, composée de Juifs et de Gentils baptisés en un seul corps
par un même Esprit, unie au Chef glorieux dans les cieux, n’avait point été
révélé jusqu’aux jours de Paul. « Duquel mystère, continue l’apôtre, je
suis devenu serviteur, selon le don de la grâce de Dieu qui m’a été donné selon
l’opération de sa puissance » (v. 7). Les apôtres et prophètes du Nouveau
Testament furent, pour ainsi dire, la première assise de ce glorieux édifice
(voyez Éphésiens 2:20). Cela étant, il est clair que le bâtiment ne pouvait
avoir été commencé auparavant (comp. aussi Matt. 16:18 ; « je
bâtirai »). Si le bâtiment eut daté des jours d’Abel, l’apôtre eût
dit : « édifié sur le fondement des saints de l’Ancien
Testament », mais il a dit autrement ; d’où nous concluons que,
quelle que soit la position assignée aux saints de l’Ancien Testament, il est
impossible qu’ils puissent appartenir à un corps qui, jusqu’à la mort et à la
résurrection de Christ et à la descente du Saint Esprit, résultat de cette
résurrection, n’avait d’existence que dans les desseins de Dieu. Ces saints
étaient sauvés, que Dieu en soit béni ! sauvés par le sang de Christ, et
destinés à jouir de la gloire céleste avec l’Église ; mais ils ne
pouvaient faire partie d’un corps qui, plusieurs siècles après eux, n’existait
pas encore.
Nous le répétons, on peut mettre en doute, s’il faut voir dans
cette intéressante portion de l’Écriture comme un type de l’appel de l’Église.
Pour notre part, nous aimons mieux la considérer comme une image
de cette œuvre glorieuse. Nous ne pouvons admettre que le
Saint Esprit ait voulu nous occuper, dans un chapitre d’une longueur peu
ordinaire, des seuls détails d’un pacte de famille, si ce pacte n’était typique
ou figuratif de quelque grande vérité : « Car toutes les choses qui
ont été écrites auparavant ont été écrites pour notre instruction » (Rom.
15:4). Ce passage a une portée très étendue. Ainsi, bien que l’Ancien Testament
ne contienne aucune révélation directe du grand mystère de l’Église, il est
important d’observer qu’il renferme néanmoins des scènes et des circonstances
qui le préfigurent d’une manière remarquable, témoin celles que nous présente
le chapitre qui va nous occuper. Le fils, comme nous l’avons déjà dit, ayant,
en figure, été offert en sacrifice et rendu à la vie, et le tronc duquel le
fils était issu étant en quelque sorte mis de côté, le père envoie le serviteur
à la recherche d’une épouse pour le fils.
Pour donner une intelligence claire et complète du contenu de ce
chapitre, nous considérerons les points suivants : le
serment, le témoignage
et
le
résultat
de la mission d’Éliézer.
Il est beau de voir que l’appel et l’élévation de Rebecca
étaient fondés sur le serment qui scellait l’accord du serviteur et d’Abraham.
Rebecca ignorait ces choses, bien que dans les desseins de Dieu elle fût l’objet
de cet accord. Il en est ainsi de l’Église de Dieu, considérée comme un tout,
ou dans chacune de ses parties constitutives. « Mes os ne t’ont point été
cachés… et dans ton livre mes membres étaient tous écrits ; de jour en
jour ils se formaient, lorsqu’il n’y en avait encore aucun » (Ps.
139:15-16). « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ,
qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en
Christ ; selon qu’il nous a élus en lui avant la fondation du monde, pour
que nous fussions saints et irréprochables devant lui en amour » (Éph.
1:3-4). « Car ceux qu’il a préconnus, il les a aussi prédestinés à être
conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit premier-né entre plusieurs
frères. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il
a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a
aussi glorifiés » (Romains 8:29-30). Il y a une harmonie admirable entre
ces passages et le sujet qui nous occupe. L’appel, la justification et la
gloire de l’Église, tout est fondé sur le dessein éternel de Dieu, sur sa
parole et son serment, ratifiés par la mort, la résurrection et l’exaltation du
Fils. C’est dans les profondeurs de l’éternelle pensée de Dieu, au-delà des
limites les plus reculées du temps, que reposait ce merveilleux dessein, qui
avait l’Église pour objet, et qui est indissolublement lié à la pensée de Dieu
à l’égard de la gloire du Fils. Le serment du serviteur d’Abraham avait pour
objet l’acquisition d’une compagne pour le fils. Ce fut au désir d’Abraham pour
son fils que Rebecca dut la haute position qu’elle occupa dans la suite.
Heureux qui comprend ces choses ; heureux qui voit que la sécurité et le
bonheur de l’Église sont inséparablement liés à Christ et à sa gloire !
« Car l’homme ne procède pas de la femme, mais la femme de l’homme ;
car aussi l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause
de l’homme » (1 Cor. 11:8-9). Et encore : « Le royaume des cieux
a été fait semblable à un roi qui fit des noces pour son fils » (Matt.
22:2). Le Fils
est l’objet principal
de toutes les pensées et de tous les conseils de Dieu ; et si quelqu’un
est amené au bonheur, ou à la gloire, ou à une dignité, ce ne peut être qu’en
rapport avec le Fils. Par le péché, l’homme a perdu tout droit à ces choses et
à la vie elle-même ; mais Christ prit sur lui le châtiment dû au
péché ; il se rendit responsable de tout pour les siens ; il fut
cloué à la croix comme leur représentant ; il porta leurs péchés en son
propre corps sur le bois, et descendit dans la tombe chargé de ce pesant
fardeau. Rien donc ne peut être plus complet que la délivrance dont les saints
sont l’objet, quant à tout ce qui était contre eux. L’Église sort vivifiée de
la tombe de Christ, dans laquelle tous les péchés de ceux qui la composent ont
été déposés ; la vie qu’elle possède est le triomphe sur la mort et sur
tout ce qui pouvait faire obstacle ; en sorte que cette vie est liée à la
justice divine et fondée sur cette justice, les droits de Christ lui-même à la
vie étant fondés sur ce qu’il a complètement anéanti la puissance de la
mort ; et lui est la vie de l’Église. Ainsi l’Église jouit de la vie
divine ; elle est revêtue de la justice divine ; et l’espérance qui l’anime
est l’espérance de la justice (voyez entre autres les passages suivants :
Jean 3:16, 36 ; 5:39-40 ; 6:27, 40, 47, 68 ; 11:25 ;
17:2 ; Rom. 5:21 ; 6:23 ; 1 Tim. 1:16 ; 1 Jean 2:25 ;
5:20 ; Jude 21 ; Éph. 2:1-6, 14-15 ; Col. 1:12-22 ; 2:10-15 ;
Rom. 1:17 ; 3:21-26 ; 4:5, 23-25 ; 2 Cor. 5:21 ; Gal. 5:5).
Ces passages établissent parfaitement les trois points suivants
la vie, la justice et l’espérance de l’assemblée ; et toutes, elles
découlent du fait que l’assemblée est une avec Celui qui a été ressuscité d’entre
les morts. Or, rien n’est propre à affermir le cœur comme la conviction que l’existence
de l’assemblée est essentielle à la gloire de Christ. « La femme est la
gloire de l’homme » (1 Cor. 11:7). L’assemblée est appelée « la
plénitude de Celui qui remplit tout en tous » (Éph. 1:23). Cette dernière
expression est remarquable ! le mot traduit par « plénitude »
signifie le complément,
ce qui, étant
ajouté à une autre chose, compose un seul tout avec elle. C’est ainsi que
Christ la tête, et l’assemblée le corps, composent le « seul homme
nouveau » (Éph. 2:15). Si nous considérons le sujet à ce point de vue,
nous ne serons pas étonnés que l’assemblée ait été l’objet des conseils
éternels de Dieu : il y avait, par grâce, de merveilleuses raisons pour
que le corps, l’épouse, la compagne de son Fils unique, occupât les pensées de
Dieu dès avant la fondation du monde. Rebecca était nécessaire à Isaac, c’est
pourquoi elle était l’objet d’un conseil secret, lorsque elle-même était encore
dans l’ignorance la plus profonde de sa future et haute destinée. Toutes les
pensées d’Abraham se rapportaient à Isaac : « Je te ferai jurer par l’Éternel,
le Dieu des cieux et le Dieu de la terre, que tu ne prendras pas de femme pour mon fils
d’entre les filles
des Cananéens, parmi lesquels j’habite ». « Une femme pour mon
fils » est ici, comme nous le voyons, le point important. « Il n’est
pas bon que l’homme soit seul ». Nous apprenons ainsi ce qu’est l’assemblée :
dans les conseils de Dieu, elle est nécessaire à Christ ; et, dans l’œuvre
accomplie de Christ, il a été divinement pourvu à tout, pour qu’elle pût être
appelée à l’existence. Une fois qu’on envisage la vérité à ce point de vue, ce
n’est plus la puissance de Dieu pour sauver de pauvres pécheurs qui est en
question ; mais Dieu veut « faire des noces pour son Fils », et
l’assemblée est l’épouse qui lui est destinée ; elle est l’objet des
desseins du Père, l’objet de l’amour du Fils et du témoignage du Saint Esprit.
Elle est destinée à partager la dignité et toute la gloire du Fils, comme elle
a part à tout l’amour dont il a été l’éternel objet. Écoutez les propres
paroles du Fils : « Et la gloire que tu m’as donnée, moi, je la leur
ai donnée, afin qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un ; moi en eux,
et toi en moi ; afin qu’ils soient consommés en un, et que le monde
connaisse que toi tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as
aimé » (Jean 17:22, 23). Ces paroles nous font connaître les pensées du
cœur de Christ à l’égard de l’assemblée. Elle est non seulement destinée à être
telle qu’il est lui-même, mais elle est déjà dès à présent, comme lui est,
ainsi qu’il est écrit : « En ceci est consommé l’amour avec nous,
afin que nous ayons toute assurance au jour du jugement, c’est que, comme il
est, lui, nous sommes, nous aussi, dans
ce monde »
(1 Jean 4:17). Cette précieuse vérité donne à l’âme une
pleine confiance. « Nous sommes dans le Véritable, savoir dans son Fils
Jésus Christ » (1 Jean 5:20). Toute incertitude est bannie, car tout est
assuré à l’Épouse dans l’Époux. Tout ce qui appartenait à Isaac devint la
propriété de Rebecca, parce qu’Isaac était à elle ; de même aussi, tout ce
qui appartient à Christ est la part de l’Église : « Toutes choses
sont à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit monde, soit vie, soit
mort, soit choses présentes, soit choses à venir : toutes choses sont à
vous, et vous à Christ, et Christ à Dieu » (1 Cor. 3:21, 22). Christ est
« chef sur toutes choses à l’assemblée » (Éph. 1:22). Ce sera la joie
de Christ pendant toute l’éternité de manifester l’Église dans la gloire et la
beauté dont il l’aura revêtue, car la gloire et la beauté de l’Église ne seront
que le reflet de sa gloire et de sa beauté à lui. Les anges et les principautés
contempleront dans l’assemblée le merveilleux déploiement de la sagesse, de la
puissance et de la grâce de Dieu en Christ.
Examinons maintenant le second point dont nous avons parlé plus
haut, savoir le témoignage.
Le
serviteur d’Abraham était porteur d’un témoignage clair et précis. « Et il
dit : Je suis serviteur d’Abraham. Or l’Éternel a béni abondamment mon
seigneur, et il est devenu grand ; et il lui a donné du menu bétail, et du
gros bétail, et de l’argent, et de l’or, et des serviteurs, et des servantes,
et des chameaux, et des ânes. Et Sara, femme de mon seigneur, a dans sa
vieillesse enfanté un fils à mon seigneur ; et il lui a donné tout ce qu’il
a » (v. 34-36). Il révèle le père et le fils ; tel est son
témoignage. Il parle des immenses richesses du père, et raconte que celui-ci a
donné tous ses biens au fils, en vertu de ce qu’il est « le fils unique »
et l’objet de l’amour du père. Au moyen de ce témoignage, le serviteur cherche
à obtenir une épouse pour le fils.
Il est presque superflu de dire que l’Écriture nous représente
ici, en figure et d’une manière frappante, le témoignage du Saint Esprit envoyé
du ciel sur la terre, le jour de la Pentecôte. « Quand le Consolateur sera
venu, lequel, moi je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui
procède du Père, celui-là rendra témoignage de moi » (Jean 15:26). Et
encore : « Mais quand celui-là, l’Esprit de vérité, sera venu, il
vous conduira dans toute la vérité : car il ne parlera pas de par
lui-même ; mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera
les choses qui vont arriver. Celui-là me glorifiera ; car il prendra de ce
qui est à moi, et vous l’annoncera. Tout
ce qu’a le Père est à moi ;
c’est pourquoi j’ai dit qu’il prend du
mien, et qu’il vous l’annoncera » (Jean 16:13-15). La coïncidence entre
ces paroles et le témoignage du serviteur d’Abraham est aussi instructive qu’intéressante :
c’est en parlant d’Isaac que le serviteur cherche à gagner le cœur de
Rebecca ; et c’est en leur parlant de Jésus que le Saint Esprit cherche à
détourner les pauvres pécheurs d’un monde de péché et de folie, pour les faire
entrer dans la bienheureuse et sainte unité du corps de Christ. « Il
prendra du mien, et vous l’annoncera ». Le Saint Esprit ne porte jamais
une âme à regarder à lui-même ou à son œuvre, mais toujours et uniquement à Christ.
Aussi, plus une âme est
réellement spirituelle, plus elle sera exclusivement occupée de Christ.
Contempler sans cesse son propre cœur et s’appesantir sur ce qu’on
peut y découvrir, encore que ce soit l’œuvre de l’Esprit, paraît à certaines
personnes une grande preuve de spiritualité. C’est là une grave erreur ;
et loin qu’on trouve une preuve de spiritualité dans cette préoccupation de
soi, elle démontre tout le contraire, car Jésus a expressément déclaré, en
parlant de l’Esprit : « Il ne parlera pas de lui-même », mais
« Il prendra du mien et vous l’annoncera ». C’est pourquoi, toutes
les fois qu’une personne regarde au-dedans d’elle-même et bâtit sur les
évidences de l’œuvre de l’Esprit, qu’elle y découvre, elle peut compter qu’en
cela elle n’est pas conduite par l’Esprit de Dieu. L’Esprit attire les âmes à
Dieu en leur présentant Christ. Connaître Christ est la vie éternelle ; et
la révélation que le Père fait du Fils par le Saint Esprit constitue le
fondement de l’Église. Lorsque Pierre confesse que Christ est le Fils du Dieu
vivant, Christ lui répond : « Tu es bienheureux, Simon Barjonas, car
la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais mon Père qui est dans les
cieux. Et moi aussi, je te dis que tu es Pierre ; et sur ce roc je bâtirai
mon assemblée, et les portes du hadès ne prévaudront pas contre elle »
(Matt. 16:17, 18). Quel rocher ? — Pierre ? À Dieu ne plaise !
« Ce rocher » (tautê tê petra
)
est simplement la révélation de Christ, par le Père, comme « le Fils du
Dieu vivant », et cette révélation est le seul moyen par lequel une âme
puisse être introduite dans l’assemblée de Christ. Nous apprenons ici quel est
le vrai caractère de l’Évangile. L’Évangile est, avant tout et par excellence,
une révélation, non seulement d’une doctrine, mais d’une personne, de la
personne du Fils ; et cette révélation reçue par la foi attire le cœur à
Christ et devient la source de la vie et de la puissance, le fondement de notre
union avec Christ comme membres de son corps, comme elle est aussi la puissance
de la communion. « Quand il a plu à Dieu… de révéler son Fils en moi
», dit Paul. — Le vrai principe qui
constitue « le rocher », c’est donc : « Dieu révélant son
Fils ». C’est ainsi que l’édifice est élevé ; c’est sur ce fondement
solide qu’il repose, selon le dessein éternel de Dieu.
Il est donc particulièrement intéressant pour nous que nous trouvions, dans ce chapitre 24 de la Genèse, une image aussi belle de la mission et du témoignage spécial du Saint Esprit. En cherchant à procurer une épouse à Isaac, le serviteur d’Abraham développe toute la gloire et toutes les richesses qui ont été conférées à Isaac par son père ; l’amour dont celui-ci est l’objet, et tout ce qui était propre à toucher le cœur de Rebecca et à le détacher des choses au milieu desquelles elle avait vécu. Il montre à Rebecca un objet éloigné, et lui révèle le bonheur qu’il y avait pour elle à devenir une avec cet objet bien-aimé et si hautement favorisé. Tout ce qui appartient à Isaac appartiendrait à Rebecca aussi, dès qu’elle serait une avec lui ; tel est le témoignage du serviteur. Tel est aussi le témoignage du Saint Esprit. Il parle de Christ, de la gloire de Christ, de la beauté, de la plénitude, de la grâce, des « richesses insondables de Christ », de la dignité de sa personne et de la perfection de son œuvre. De plus, il révèle le bonheur indicible qu’il y a à être un avec un tel Christ, « membre de son corps, de sa chair et de ses os ».
Tel est toujours le témoignage de l’Esprit ; il nous fournit une excellente pierre de touche pour éprouver toute espèce d’enseignement et de prédication. L’enseignement le plus spirituel sera toujours caractérisé par une pleine et constante présentation de Christ. L’Esprit ne peut s’arrêter que sur Jésus ; parler de Christ fait ses délices ; il prend plaisir à publier ses perfections, ses vertus, sa beauté. Si donc quelqu’un sert dans l’Évangile par la puissance de l’Esprit de Dieu, il y aura toujours plus de Christ que de tout autre chose dans son ministère. Les raisonnements de la logique humaine n’y trouveront guère de place ; ils ne conviennent que là où l’homme désire se mettre en avant lui-même ; mais tous ceux qui servent dans l’Évangile ont à se souvenir que l’unique objet de l’Esprit sera toujours de présenter Christ.
En dernier lieu, nous avons à nous occuper du résultat
du témoignage. La vérité, et l’application
pratique de la vérité sont deux choses fort différentes. C’est une chose que de
parler des gloires particulières de l’Église, et une autre chose que d’être
dirigé d’une manière pratique par ces gloires. Pour ce qui concerne Rebecca, le
résultat du témoignage, rendu par le serviteur, est des plus prononcés et des
plus positifs. Elle entend de ses oreilles, elle croit du cœur le témoignage,
et ainsi elle est détachée de tout ce qui l’entoure. Elle est prête à tout
quitter et à poursuivre le but, afin de saisir ce pour quoi elle a été saisie
(comp. Phil. 3:12-13). Il était impossible qu’elle se crût l’objet d’une aussi
glorieuse destinée, et qu’elle continuât, cependant, à demeurer au milieu des
circonstances dans lesquelles la nature l’avait placée. Si le témoignage
concernant son avenir était vrai, rester attachée au présent eût été pour elle
la pire des folies. Si l’espérance d’être l’épouse d’Isaac, et cohéritière avec
lui de toute sa gloire, était pour elle une réalité, continuer à garder les
brebis de Laban eût été, de la part de Rebecca, mépriser en pratique tout ce
que Dieu, dans sa grâce, avait placé devant elle.
Mais non, l’espérance qu’elle a en vue est trop glorieuse pour que Rebecca l’abandonne aussi légèrement. Elle n’a pas encore vu Isaac, il est vrai, non plus que l’héritage ; mais elle a cru le témoignage qui lui a été rendu d’Isaac et elle a, en quelque sorte, reçu les arrhes de l’héritage : cela suffit à son cœur. C’est pourquoi, sans hésiter, elle se lève et déclare qu’elle est prête à partir : « J’irai », dit-elle (v. 58). Elle est prête à entrer dans un chemin inconnu en compagnie de celui qui lui a révélé un objet éloigné et une gloire unie à cet objet, gloire à laquelle elle va être élevée. « J’irai » ; et, oubliant les choses qui sont derrière et tendant avec effort vers celles qui sont devant, elle court, regardant au but, vers le prix de sa haute vocation (voyez Phil. 3:14). Belle et touchante image de l’assemblée qui, sous la conduite du Saint Esprit, s’avance à la rencontre de son céleste Époux. C’est là du moins ce que l’Église devrait être ; mais, hélas ! elle en est bien loin. On voit en elle bien peu de cette sainte joie qui rejette tout fardeau et tout obstacle, dans la puissance de la communion avec son céleste guide et compagnon de voyage, dont l’office et le plaisir sont de prendre ce qui est à Jésus et de nous l’annoncer, tout comme le serviteur d’Abraham prenait des choses qui étaient à Isaac et les montrait à Rebecca, prenant plaisir aussi, sans aucun doute, à lui faire entendre de nouveaux témoignages au sujet du fils, à mesure qu’ils avançaient vers la consommation de la joie et de la gloire qui attendaient l’épouse. Notre guide céleste, lui au moins, prend plaisir à parler de Jésus. « Il prendra du mien et il vous l’annoncera », et encore : « Il vous annoncera les choses qui vont arriver ». Nous avons un besoin réel de ce ministère de l’Esprit qui révèle Christ à nos âmes, nous faisant ardemment désirer de le voir tel qu’il est et de lui être faits semblables pour toujours : lui seul a le pouvoir de détacher nos cœurs de la terre et de tout ce qui appartient à la nature. Quoi, si ce n’est l’espérance d’être unie à Isaac, eût jamais pu engager Rebecca à dire : « j’irai », quand son frère et sa mère disaient : « Que la jeune fille reste avec nous quelques jours, dix au moins » ? De même quant à nous, il n’y a que l’espérance de voir Jésus tel qu’il est et de lui être semblables qui puisse nous rendre capables de nous purifier, et nous engager à le faire, afin d’être purs comme lui est pur (1 Jean 3:3).
Ce chapitre s’ouvre par le second mariage d’Abraham, événement qui n’est pas sans intérêt pour l’homme spirituel, si on le considère dans ses rapports avec le contenu du chapitre précédent. Les écrits prophétiques du Nouveau Testament nous apprennent que la semence d’Abraham reparaîtra sur la scène après la consommation et l’enlèvement de l’Épouse élue de Christ. De même, après le mariage d’Isaac, le Saint Esprit nous occupe de l’histoire de la postérité d’Abraham, en connexion avec un nouveau mariage ; puis de quelques incidents particuliers de la vie de ce patriarche, ainsi que de l’histoire de sa postérité, selon la chair. Sans vouloir imposer une interprétation particulière de tout le contenu de ce chapitre, je n’estime pas cependant qu’il soit sans intérêt pour un lecteur attentif.
Le livre de la Genèse, ainsi que nous l’avons déjà dit, renferme, comme en germe, les grands principes élémentaires de l’histoire des relations de Dieu avec l’homme, dont les livres suivants, et le Nouveau Testament, en particulier, contiennent le développement. Dans la Genèse, il est vrai, ces principes sont présentés en figure, tandis que dans le Nouveau Testament ils sont développés d’une manière didactique ; les figures, néanmoins, sont fort intéressantes et bien propres à faire pénétrer puissamment la vérité dans le cœur.
La fin de ce chapitre 25 nous révèle quelques principes
importants et d’un caractère très pratique. Le caractère et la vie de Jacob
passeront, Dieu voulant, bientôt sous nos yeux ; mais avant d’aller plus
loin, donnons quelque attention à la conduite d’Ésaü, quant à ce qui concerne
le droit d’aînesse, et tout ce qu’il impliquait. Le cœur naturel n’attribue
aucune valeur aux choses de Dieu ; comme il ne connaît pas Dieu, les
promesses de Dieu sont pour lui quelque chose de vague, qui est sans valeur et
sans puissance. De là vient que les choses présentes ont tant de poids dans l’estimation
des hommes, et qu’elles exercent sur eux une si grande influence. L’homme
apprécie ce qu’il voit,
parce qu’il
est conduit par la vue et non par la foi. Pour lui, le présent est tout ;
le futur comme une chose de rien, incertaine et sans influence. Ainsi est Ésaü.
Écoutons son insidieux raisonnement : « Voici, je m’en vais
mourir ; et de quoi me sert le droit d’aînesse ? » Étrange
raisonnement, en effet ! Le présent
va
m’échapper, c’est pourquoi je méprise et j’abandonne entièrement l’avenir
! Le temps disparaît à ma
vue, donc je renonce à toute part dans l’éternité ! « Ainsi Ésaü
méprisa son droit d’aînesse » ; — ainsi les Israélites
« méprisèrent le pays désirable » ; ainsi ils méprisèrent
Christ ; ainsi encore ceux qui avaient été conviés aux noces méprisèrent l’invitation
(Ps. 106:24 ; Zac. 11:13 ; Matt. 22:5). L’homme n’a pas de goût pour
les choses de Dieu ; un « potage de lentilles » vaut plus pour
lui qu’un droit au pays de Canaan. La raison pour laquelle Ésaü ne se soucia
pas de son droit d’aînesse, était précisément celle qui aurait dû l’engager à y
attacher un grand prix. Plus je vois l’incertitude et la vanité du présent de l’homme,
plus je m’attacherai à l’avenir de Dieu. Ainsi raisonne la foi. « Toutes ces choses devant donc se dissoudre,
quelles
gens devriez-vous être en sainte conduite et en piété, attendant et hâtant la
venue du jour de Dieu, à cause duquel les cieux en feu seront dissous et les
éléments embrasés se fondront. Mais, selon
sa promesse,
nous attendons de nouveaux cieux et une nouvelle terre, dans
lesquels la justice habite » (2 Pierre 3:11-13). Voilà les pensées de
Dieu, et, partant, les pensées de la foi. Les choses présentes seront
dissoutes : mépriserons-nous donc celles qui ne se voient pas ? Non
assurément. Le jour présent est comme une ombre qui passe. Quelle est notre
ressource ? L’Écriture nous le dit : « Attendant et hâtant la
venue — du jour de Dieu ». Tout autre raisonnement n’est que celui d’un
« profane comme Ésaü, qui pour un seul mets vendit son droit de,
premier-né » (Héb. 12:16).
Que le Seigneur nous donne de juger de toutes choses comme lui-même en juge ; et la foi seule nous en rend capables.
Le premier verset de ce chapitre se rattache au chapitre 12.
« Il y eut une famine dans le pays, outre la première famine qui avait eu
lieu aux jours d’Abraham ». Les épreuves, que les enfants de Dieu
rencontrent pendant leur course ici-bas, sont toutes à peu près de même nature
et tendent toujours à manifester jusqu’à quel point leur cœur a trouvé son tout
en Dieu. C’est une chose difficile
et à laquelle on parvient rarement, que de marcher avec Dieu dans une intimité
de communion telle que l’âme soit entièrement indépendante et des hommes et des
choses. Les Égypte et les Guérar, qui sont à notre droite et à notre gauche,
nous offrent de puissantes tentations, soit pour nous détourner du droit
chemin, soit pour nous faire demeurer au-dessous de notre véritable position
comme serviteurs du Dieu vivant et vrai.
« Et Isaac s’en alla vers Abimélec, roi des Philistins, à
Guérar ». Il y a entre l’Égypte et Guérar une différence manifeste. L’Égypte
est l’expression du monde avec ses ressources naturelles et son indépendance de
Dieu. « Ma rivière est à moi », disait un Égyptien qui ne connaissait
pas l’Éternel, et ne songeait pas à regarder à lui pour quoi que ce fût. Par sa
situation, l’Égypte était plus éloignée de Canaan que Guérar, et moralement,
elle exprimait un état d’âme plus éloigné de Dieu. Il est fait mention de
Guérar au chapitre 10, en ces termes : « Et les limites des Cananéens
furent depuis Sidon, quand tu viens vers Guérar, jusqu’à Gaza ; quand tu
viens vers Sodome et Gomorrhe et Adma et Tseboïm, jusqu’à Lésha » (v. 19).
Nous apprenons aussi que « de Guérar à Jérusalem, il y avait le chemin de
trois jours ». Guérar était donc rapprochée, comparativement à l’Égypte ;
mais elle était dans les limites de bien dangereuses influences. Abraham y
rencontra des difficultés et du travail ; il en est de même pour Isaac.
Abraham renia sa femme, Isaac en fait autant. C’est quelque chose de solennel
que de voir le père et le fils tomber l’un après l’autre dans le même péché, et
y tomber au même lieu ; ce fait prouve que l’influence de ce lieu n’était
pas bonne. Si Isaac n’était pas allé vers Abimélec, roi de Guérar, il ne se
serait pas trouvé dans le cas de renier sa femme ; mais la plus petite
déviation dans la voie droite est accompagnée de faiblesse spirituelle. Ce fut
pendant que Pierre se chauffait près du feu, dans le palais du souverain
sacrificateur, qu’il renia son Maître. Quant à Isaac, il est évident qu’il n’était
pas réellement heureux à Guérar. L’Éternel lui dit : « Demeure dans
le pays », c’est vrai ; mais combien n’arrive-t-il pas souvent que l’Éternel
donne aux siens des ordres moralement adaptés à l’état dans lequel il les voit,
et propres à les amener à un juste sentiment de cet état ? L’Éternel
ordonna à Moïse (Nomb. 13) d’envoyer des hommes pour reconnaître le pays de
Canaan ; mais si l’état moral du peuple n’eût pas été bien bas, cette
démarche n’eût pas été nécessaire. Nous savons que la foi n’a pas besoin
« de reconnaître
» ce que
la promesse de Dieu lui assure. De même l’Éternel ordonne à Moïse (Nomb. 11:16)
de choisir et d’assembler soixante et dix hommes d’entre les anciens d’Israël,
pour qu’ils portent avec lui la charge du peuple ; mais si Moïse avait
pleinement compris sa haute position et le bonheur qui y était attaché, ce
commandement n’eût pas été nécessaire. Il en est de même de l’ordre que l’Éternel
donne à Samuel d’établir un roi sur le peuple d’Israël (1 Sam. 8). Le peuple n’aurait
pas dû être dans le cas d’avoir besoin d’un roi. Il est donc nécessaire, pour
bien juger d’un ordre donné, soit à un individu, soit à un peuple, de prendre
en considération l’état de cet individu ou de ce peuple.
Mais, dira-t-on peut-être, si Isaac était dans une fausse position à Guérar, pourquoi lisons-nous qu’il « sema dans cette terre ; et il recueillit cette année-là le centuple ; et l’Éternel le bénit » ? (v. 12). Nous répondrons que la prospérité extérieure ne prouve pas que l’on soit dans la position voulue de Dieu. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il y a une grande différence entre la bénédiction du Seigneur et sa présence. Bon nombre de personnes jouissent de la première sans jouir de la dernière ; néanmoins, le cœur est porté à prendre l’une pour l’autre, à confondre la bénédiction avec la présence de Dieu, ou tout au moins à se persuader que l’une doit nécessairement accompagner l’autre. C’est là une grande erreur. Combien ne voyons-nous pas de personnes qui, bien qu’entourées des bénédictions de Dieu, ne jouissent pas de sa présence et ne la désirent même pas ? Il est important de discerner ceci. Un homme peut grandir et aller grandissant de plus en plus, jusqu’à ce qu’il soit fort grand ; et qu’il ait des troupeaux de menu bétail, et des troupeaux de gros bétail et beaucoup de serviteurs (v. 13, 15), sans que pour tout cela il jouisse pleinement et librement de la présence de Dieu. Du gros et du menu bétail ne sont pas le Seigneur : ces biens pouvaient exciter l’envie des Philistins, ce que n’eût pas fait la présence du Seigneur. Isaac aurait pu jouir de la communion la plus heureuse avec Dieu sans que les Philistins y eussent pris garde, par la raison toute simple qu’ils étaient incapables d’en comprendre et d’en apprécier la valeur.
Cependant, à la fin, Isaac s’éloigna des Philistins et monta à
Beër-Shéba. « Et l’Éternel lui
apparut
cette nuit-là et dit : Je suis le Dieu d’Abraham ton
père ; ne crains pas, car je suis
avec toi
; et je te bénirai » (v. 24). Ce n’était pas seulement
la bénédiction du Seigneur, mais le Seigneur lui-même, qui était avec lui. Et
pourquoi ? Parce qu’Isaac s’en était allé, laissant derrière lui les
Philistins avec toute leur envie, et leurs démêlés, et leurs contestations,
pour se rendre à Beër-Shéba. Là, l’Éternel pouvait se manifester à son
serviteur, tandis qu’il ne pouvait l’accompagner de sa présence à Guérar, bien
que, d’une main libérale, il eût répandu sur lui ses bénédictions pendant qu’il
était en ce lieu. Pour jouir de la présence de Dieu, il faut être là où il est,
et ce n’est pas au milieu des querelles et des contestations d’un monde impie
que nous le trouverons ; aussi, plus l’enfant de Dieu se hâtera de quitter
ces choses, mieux il s’en trouvera. Ce fut l’expérience que fit Isaac. Aussi
longtemps qu’il séjourna parmi les Philistins, il n’exerça aucune influence
salutaire sur eux et n’eut pas de repos dans son âme.
Le véritable moyen d’être utile aux hommes de ce monde, c’est de se tenir séparé d’eux, dans la puissance de la communion avec Dieu, leur montrant ainsi le modèle d’un « chemin plus excellent ».
Le progrès spirituel qu’a fait Isaac se manifeste ici avec l’effet moral produit par sa marche. De là, il monta à Beër-Shéba. Et l’Éternel lui apparut, et il bâtit là un autel ; il invoqua l’Éternel, il y dressa ses tentes, et ses serviteurs y creusèrent un puits. Il y a là un heureux progrès. Dès qu’Isaac eut fait le premier pas dans la voie droite, il marcha de force en force ; il entra dans la joie de la présence de Dieu et goûta les douceurs d’un vrai culte ; il montra qu’il était étranger et voyageur, et trouva paix et repos, et un puits incontesté que les Philistins ne pouvaient lui boucher, car ils n’étaient pas là. Ces résultats, heureux pour Isaac lui-même, produisirent aussi un salutaire effet sur les autres : « Et Abimélec alla de Guérar vers lui, avec Akhuzzath, son ami, et Picol, chef de son armée. Et Isaac leur dit : Pourquoi venez-vous vers moi, puisque vous me haïssez et que vous m’avez renvoyé d’auprès de vous ? Et ils dirent : Nous avons vu clairement que l’Éternel est avec toi, et nous avons dit : qu’il y ait donc un serment entre nous », etc. Pour pouvoir agir sur le cœur et la conscience des gens du monde, il faut vivre dans une séparation complète d’avec eux, tout en usant d’une parfaite grâce. Aussi longtemps qu’Isaac demeura à Guérar, il n’y eut entre lui et eux que querelles et contestations ; Isaac recueillit du chagrin pour lui et ne fit aucun bien à ceux qui l’entouraient. Mais dès qu’il les eut quittés, leurs cœurs furent touchés, ils le suivirent et voulurent conclure une alliance avec lui.
L’histoire des enfants de Dieu offre de nombreux exemples du
même genre. Ce qui doit nous importer avant tout, c’est de savoir que nous
sommes dans la position dans laquelle Dieu
nous veut,
et que nous sommes en règle avec lui non seulement dans notre
position, mais dans la condition morale de notre âme. Si nous sommes en règle
avec Dieu, nous pouvons espérer d’agir sur les autres d’une manière salutaire.
Dès qu’Isaac fut monté à Beër-Shéba, dès qu’il eut pris la position d’adorateur,
son âme fut restaurée et Dieu se servit de lui pour agir sur ceux qui l’entouraient.
La pauvreté spirituelle nous prive de beaucoup de bénédictions et nous fait
faillir à notre témoignage et à notre service. Nous ne devons pas non plus,
quand nous nous trouvons dans une fausse position, nous arrêter, comme il
arrive souvent, pour nous demander : Où trouverons-nous quelque chose de
meilleur ? Le commandement de Dieu est : « Cessez de mal faire » ;
puis, quand nous avons obéi à ce saint commandement, Dieu nous en fait entendre
un autre : « Apprenez à bien faire » (Ésa. 1:16). Nous sommes
dans une complète erreur si nous comptons « apprendre à bien faire »,
avant que de « cesser de mal faire ». « Réveille-toi, toi qui dors,
et relève-toi d’entre les morts (ek tôn
nekrôn
),
et le Christ luira sur
toi » (Éph. 5:14).
Lecteur, si vous faites ce que vous savez être mal, ou si vous participez en quelque manière que ce soit à ce que vous savez être contraire à l’Écriture, écoutez (avec attention) la parole du Seigneur : « Cessez de mal faire » ; et soyez sûr que si vous obéissez à cette parole, vous ne serez pas longtemps dans l’ignorance quant à la route que vous avez à suivre. L’incrédulité seule nous conduit à penser que nous ne pouvons pas cesser de mal faire avant d’avoir trouvé quelque chose de mieux à faire.
Que le Seigneur nous donne un œil simple et un esprit docile.
Ces chapitres nous font connaître l’histoire de Jacob, ou tout au moins les principaux événements de sa vie ; l’Esprit de Dieu nous y donne un enseignement profond sur les conseils de la grâce de Dieu, ainsi que sur l’entière incapacité et la corruption absolue de la nature humaine.
Au chapitre 25, j’ai, avec intention, laissé de côté un passage qui se rapporte à Jacob, et qui sera mieux à sa place ici où nous allons nous occuper de lui : « Et Isaac pria instamment l’Éternel au sujet de sa femme, car elle était stérile ; et l’Éternel se rendit à ses prières, et Rebecca sa femme conçut. Et les enfants s’entre-poussaient dans son sein ; et elle dit : S’il en est ainsi, pourquoi suis-je là ? Et elle alla consulter l’Éternel. Et l’Éternel lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples se sépareront en sortant de tes entrailles ; et un peuple sera plus fort que l’autre peuple, et le plus grand sera asservi au plus petit » (voyez les vers. 19 et suiv). Malachie fait allusion à ce passage : « Je vous ai aimés, dit l’Éternel ; et vous dites : En quoi nous as-tu aimés ? Ésaü n’était-il pas frère de Jacob ? dit l’Éternel et j’ai aimé Jacob ; et j’ai haï Ésaü » (Mal. 1:2, 3) ; et ces paroles du prophète sont citées par l’apôtre Paul (Rom. 9:11-12) : « Car avant que les enfants fussent nés et qu’ils eussent rien fait de bon ou de mauvais, afin que le propos de Dieu selon l’élection demeurât, non point sur le principe des œuvres, mais de celui qui appelle, il lui fut dit : Le plus grand sera asservi au plus petit », ainsi qu’il est écrit : « J’ai aimé Jacob, et j’ai haï Ésaü ».
Le conseil éternel de Dieu, selon l’élection de la grâce,
nous est ainsi clairement présenté. Cette
expression : l’élection de la grâce
a
une immense portée. Elle anéantit toutes les prétentions de l’homme et proclame
le droit de Dieu à agir comme il lui plaît. Ceci est de la plus haute
importance. L’homme ne peut jouir d’aucun bonheur réel aussi longtemps qu’il n’a
pas été amené à courber sa tête devant la grâce souveraine. Il lui convient de
faire ainsi, attendu qu’il est pécheur et que, comme tel, il est absolument
sans titre pour agir, ou pour prescrire à Dieu quelque chose. Le grand avantage
qui résulte pour nous de cette position, c’est que quand nous sommes sur ce
terrain, il ne s’agit plus pour nous de ce que nous méritons, mais de ce qu’il
plaît à Dieu de nous donner. Le fils prodigue petit vouloir, comme par
humilité, se faire serviteur ; mais du moment qu’il est question de
mérite, il n’est, de fait, pas digne d’occuper une place de serviteur, et il ne
lui reste qu’à accepter ce que le père trouve bon de lui donner, savoir la
position la plus élevée, celle de la communion avec lui-même. Il ne peut pas en
être autrement, car la grâce couronnera toute l’œuvre dans tous les siècles des
siècles. Heureux sommes-nous qu’il en soit ainsi ! À mesure que nous
avançons, faisant jour après jour de nouvelles découvertes au sujet de ce que
nous sommes, nous avons besoin, pour être soutenus, de l’inébranlable fondement
de la grâce. La ruine de l’homme est sans espoir ; il faut, par
conséquent, que la grâce soit infinie ; or elle est infinie ; Dieu
lui-même en est la source, Christ le canal et le Saint Esprit la puissance qui
l’applique à l’âme et en communique la jouissance. La Trinité est manifestée
dans la grâce et par la grâce qui sauve un pauvre pécheur. « La grâce
règne par la justice pour la vie éternelle, par Jésus Christ, notre
Seigneur » (Rom. 5:21). La grâce ne pouvait régner qu’en rédemption. Dans
la création, nous pouvons contempler la sagesse et la puissance ; dans la
providence, la bonté et la longanimité ; mais ce n’est que dans la
rédemption que nous voyons le règne de la grâce, et ce règne fondé sur le règne
de la justice.
Or, nous voyons en Jacob la puissance de la grâce divine, parce que nous trouvons en lui un exemple remarquable de la puissance de la nature humaine. La nature apparaît en Jacob dans toute l’obliquité de ses voies, et ainsi la grâce se montre dans toute sa puissance et sa beauté morales. Il semble, d’après les faits qui nous sont rapportés que, déjà avant sa naissance, au moment de sa naissance et après sa naissance, l’énergie extraordinaire de sa nature se soit montrée. Avant sa naissance, nous lisons que « les enfants s’entre-poussaient dans son ventre » ; — à sa naissance : « et sa main tenait le talon d’Ésaü » ; — et après sa naissance, nous ne voyons d’un bout à l’autre de sa carrière, sans en excepter la phase du chapitre 32, que des manifestations de la nature la moins aimable ; mais tout cela, comme un fond noir, ne sert qu’à faire ressortir la grâce de celui qui condescend à s’appeler du nom de « Dieu de Jacob », de ce nom qui est la touchante expression de la grâce.
Nous avons à nous occuper maintenant de l’examen des chapitres 27 à 35.
Au chapitre 27, nous trouvons le plus humiliant tableau de sensualité, de perfidie et de ruse : et combien ces choses apparaissent sous un jour plus triste et plus affreux quand on les trouve, comme ici, chez un enfant de Dieu. Cependant, le Saint Esprit est toujours vrai et fidèle ! Il faut qu’il dévoile tout : quand il raconte l’histoire d’un homme, il ne peut pas nous en faire un tableau incomplet ; il le peint tel qu’il est, et non pas tel qu’il n’est pas. Pareillement, quand il révèle le caractère et les voies de Dieu, il nous montre Dieu tel qu’il est, et c’est précisément ce dont nous avons besoin. Il nous faut cette révélation d’un Dieu parfait en sainteté, et en même temps parfait en grâce et en miséricorde, qui a pu descendre dans toute la profondeur de la misère et de la dégradation de l’homme, et là même entrer en relation avec lui, et le faire sortir de sa triste condition pour l’élever jusqu’à la libre et pleine communion avec lui-même, dans toute la réalité de ce qu’il est. Voilà ce que l’Écriture nous révèle. Dieu savait de quoi nous avions besoin, et il nous l’a donné ; que son nom en soit béni !
Souvenons-nous que, en mettant sous nos yeux, dans la fidélité de son amour, tous les traits du caractère de l’homme, le Saint Esprit a simplement en vue de magnifier les richesses de la grâce de Dieu, et de nous instruire en nous avertissant. Son but n’est pas de perpétuer le souvenir du péché, à jamais effacé aux yeux de Dieu. Les souillures, les fautes, les erreurs d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ont été parfaitement lavées et effacées, et ces hommes ont pris place au milieu « des esprits des justes consommés » (Héb. 12:23) ; mais leur histoire reste dans les pages du livre inspiré pour manifester la grâce de Dieu et pour servir d’avertissement à ses enfants dans tous les âges, comme aussi pour nous faire voir clairement que ce n’est pas avec des hommes parfaits que Dieu a eu affaire dans les temps qui ont précédé ; mais avec des hommes « ayant les mêmes passions que nous », et chez lesquels il a eu à supporter les mêmes fautes, les mêmes infirmités, les mêmes erreurs dont nous gémissons chaque jour.
Tout cela est bien propre à fortifier le cœur. Les biographies écrites par le Saint Esprit forment un contraste frappant avec celles qu’écrivent la majorité des biographes humains, qui racontent non l’histoire d’hommes tels que nous, mais celle d’êtres exempts d’erreurs et d’infirmités. Les biographies de ce genre sont plus nuisibles qu’elles ne sont utiles ; plus propres à décourager qu’à édifier ceux qui les lisent ; elles racontent plutôt ce que l’homme devrait être que ce qu’il est en réalité. Rien ne peut édifier que la manifestation des voies de Dieu envers l’homme tel qu’il est réellement, et c’est ce que l’Écriture nous donne.
Nous trouvons ici le vieux patriarche Isaac sur le seuil de l’éternité :
la terre et tout ce qui appartient à la nature s’évanouissait rapidement de
devant lui, et cependant il était occupé de « mets savoureux » et
était sur le point d’agir en opposition directe avec le conseil de Dieu en
bénissant l’aîné au lieu du plus jeune. Voilà bien la nature, et la nature avec
les yeux déjà affaiblis
. Si Ésaü a
vendu son droit d’aînesse pour un potage aux lentilles, nous voyons Isaac prêt
à donner la bénédiction pour une pièce de venaison. Combien cela est
humiliant ! Toutefois, il faut que le dessein de Dieu demeure et Dieu
accomplira toute sa volonté. La foi le sait et, dans l’énergie de cette
connaissance, elle peut attendre le temps arrêté de Dieu ; tandis que la
nature, incapable d’attendre, en est réduite à chercher à arriver à ses fins
par les moyens de sa propre invention.
Les deux grands points que fait ressortir l’histoire de Jacob sont : d’un côté, le dessein de Dieu en grâce, et, d’un autre, la nature faisant des plans et des projets pour amener ce que, sans plans ni projets, le conseil de Dieu aurait infailliblement fait arriver. Cette observation vient simplifier singulièrement toute l’histoire de ce patriarche et en augmenter l’intérêt. Aucune grâce ne nous manque peut-être autant que celle de l’attente patiente et de la dépendance entière de Dieu. La nature agit toujours d’une manière ou d’une autre, empêchant ainsi, autant qu’il est en elle, la manifestation de la grâce et de la puissance divines. Dieu, pour accomplir ses desseins, n’avait pas besoin d’éléments tels que la ruse de Rebecca et la grossière fourberie de Jacob. Il avait dit : « Le plus grand sera asservi au plus petit », et cela était suffisant, suffisant pour la foi, non pas pour la nature qui, ne sachant ce que c’est que de dépendre de Dieu, en est toujours réduite à ses propres moyens.
Or, il n’y a pas de position plus bénie que celle d’une âme qui,
avec la simplicité d’un petit enfant, vit dans une dépendance entière de Dieu,
parfaitement satisfaite d’attendre son
temps. Cette position apporte des épreuves avec elle, cela est vrai ; mais
l’âme renouvelée apprend les leçons les plus profondes, et fait les expériences
les plus douces, pendant qu’elle s’attend ainsi au Seigneur ; et plus la
tentation de nous soustraire au gouvernement de Dieu sera puissante, plus sera
abondante aussi la bénédiction si nous savons demeurer dans cette position
bienheureuse. C’est quelque chose d’infiniment doux que de dépendre de quelqu’un
pour qui bénir est une joie. Ceux qui, en quelque mesure, ont goûté la réalité
de cette merveilleuse position, peuvent seuls l’apprécier, et le seul qui l’ait
jamais occupée parfaitement et sans interruption, c’est le Seigneur Jésus. Il
fut toujours dépendant de Dieu et rejeta absolument toute proposition de l’ennemi
à sortir de cette dépendance. Son langage était « Je me confie en
toi ; — C’est à toi que je fus remis dès la matrice » (Ps.
16:1 ; 22:10). Et quand le diable le tenta et voulut l’amener à user d’un
moyen extraordinaire pour satisfaire sa faim, il répondit : « Il est
écrit : l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui
sort de la bouche de Dieu ». Quand Satan le tenta, voulant qu’il se
précipitât du faîte du temple, sa réponse fut : « Il est encore
écrit : tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ». Quand Satan voulut
lui faire recevoir les royaumes du monde de la main d’un autre que de Dieu et
rendre hommage à un autre qu’à Dieu il répond encore : « Il est
écrit : tu rendras hommage au Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui
seul ». En un mot, rien ne peut le séduire, lui, l’Homme parfait, ni le porter
à se soustraire à la dépendance absolue de Dieu. Assurément, il était dans les
desseins de Dieu de nourrir et de soutenir son Fils ! il était dans ses
desseins qu’il vînt « soudain à son temple » (Mal. 3:1) ; comme
aussi il lui destinait les royaumes du monde ; mais c’était là précisément
la raison pour laquelle le Seigneur Jésus voulut, simplement et avec
persévérance, se confier en Dieu, pour l’accomplissement de ses desseins, au
temps et en la manière voulus par lui. Il ne cherche pas à accomplir sa propre
volonté ; il s’abandonne entièrement à Dieu. Il ne mangera que lorsque
Dieu lui donnera du pain ; il n’entrera dans le temple que quand Dieu l’y
enverra, et il ne montera sur le trône que lorsque Dieu le voudra.
« Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce
que je mette
tes ennemis pour le marchepied de tes pieds » (Ps.
110:1).
Ce complet assujettissement du Fils au Père est admirable au-delà de toute expression. Bien que parfaitement égal à Dieu, il prit, comme homme, la position de la dépendance ; il trouvait toujours son plaisir dans la volonté du Père ; rendant grâces, alors même que les choses semblaient tourner contre lui ; faisant toujours ce qui était agréable au Père ; ayant toujours pour grand et invariable but de glorifier le Père. Et quand, finalement, tout fut accompli, quand il eut parfaitement achevé l’œuvre que le Père lui avait donnée à faire, il remit son esprit entre les mains du Père, tandis que sa chair reposait dans l’espérance de la gloire et de l’exaltation promises. C’est donc à bon droit que l’apôtre nous dit : « Qu’il y ait donc en vous cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus, lequel, étant en forme de Dieu, n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des hommes ; et, étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou des êtres célestes, et terrestres, et infernaux, et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Phil. 2:5-11).
Combien peu, au début de sa carrière, Jacob connaissait ce sentiment béni ! Combien peu il était disposé à s’en remettre à Dieu pour le temps et le choix des moyens. Il aimait mieux parvenir à la bénédiction et à l’héritage par toutes sortes de ruses et de fraudes, que par la simple dépendance de Dieu et la soumission à ce Dieu qui, par sa grâce l’avait élu, pour le faire héritier des promesses, et qui, par sa sagesse et sa force toute-puissante, accomplirait infailliblement en sa faveur toutes les choses qu’il lui avait promises.
Mais, hélas ! nous ne savons que trop combien le cœur est opposé à cette dépendance et à cette soumission ! Il préfère tout à cette position de l’attente patiente. L’homme naturel, qui n’aurait que Dieu pour ressource, tomberait infailliblement dans le désespoir. Ce fait suffit pour nous apprendre le vrai caractère de la nature humaine ; et il n’est pas nécessaire pour connaître cette nature, de pénétrer dans ces lieux où règnent librement le vice et le crime. Non, il n’est besoin que de l’éprouver en la plaçant pour un temps dans une position de dépendance : on verra bien vite comment elle s’y comporte ! Ne connaissant pas Dieu, elle ne peut pas se confier en lui ; c’est en cela que gît le secret de sa misère et de sa dégradation morale. Elle ignore totalement le vrai Dieu, et ne peut être, par conséquent, qu’une chose misérable et inutile. La connaissance de Dieu est la source de la vie ; bien plus, c’est la vie elle-même ; et qu’est-ce que l’homme est ou qu’est-ce qu’il peut être, jusqu’à ce qu’il ait la vie ?
Nous voyons, dans Rebecca et dans Jacob, la nature prendre avantage de la nature en Isaac et en Ésaü. La conduite de Rebecca et de Jacob n’est pas autre chose : il n’y a chez eux aucune dépendance de Dieu, ni confiance en Dieu. Il était facile de tromper Isaac, car ses yeux étaient ternis : et Rebecca et Jacob se proposent de faire ainsi, au lieu de regarder à Dieu qui aurait rendu complètement vain le dessein qu’Isaac avait formé de bénir celui que Dieu ne voulait pas bénir, ce dessein d’Isaac qui avait sa source dans la nature et dans la nature la moins aimable, car « Isaac aimait Ésaü », non parce qu’il était l’aîné, mais « car le gibier était sa viande ». Combien tout cela est humiliant !
Mais quand nous voulons soustraire à Dieu nos personnes, nos circonstances ou notre destinée, nous n’attirons jamais sur nous que le tourment (*). C’est ce qui arriva à Jacob, comme nous le verrons par la suite. Quelqu’un a fait la remarque que « si l’on considère la vie de Jacob, depuis qu’il eut frauduleusement obtenu la bénédiction de son père, on verra qu’il n’eut dès lors que très peu de bonheur dans ce monde ». Son frère forma le dessein de le tuer et l’obligea ainsi à fuir la maison de son père ; Laban, son oncle, le trompa, comme il avait lui-même trompé son père, et le traita avec rigueur ; après vingt et un ans de servitude, il fut obligé de quitter clandestinement son oncle, non sans courir le risque d’être ramené au lieu qu’il avait quitté, ou d’être tué par son frère irrité ; il ne fut pas plutôt délivré de ces craintes, qu’il fut rempli d’amertume par la conduite honteuse et criminelle de son fils Ruben ; après cela, il eut à déplorer la trahison et la cruauté de Siméon et de Lévi envers les habitants de Sichem, et eut le chagrin de perdre sa femme bien-aimée ; puis ses propres fils lui mentent, et il se voit réduit à mener deuil sur la prétendue mort de Joseph ; et enfin, pour mettre le comble à toutes ces misères, la famine l’oblige à descendre en Égypte, où il meurt dans la terre étrangère. Telles sont les voies de la providence, toujours justes, merveilleuses et pleines d’instruction.
(*) Quand nous sommes dans l’épreuve, n’oublions jamais que ce dont nous avons besoin, c’est non pas de voir changer nos circonstances, mais de remporter la victoire sur nous-mêmes.
Tel est Jacob ! Mais ce n’est ici qu’un côté de sa vie, et le côté sombre ; il y en a un autre, que Dieu en soit béni, car Dieu avait affaire avec Jacob ; et, comme nous le verrons, dans chacun des événements de la vie du patriarche, dans lesquels il eut à recueillir les fruits de ses propres machinations et de sa fausseté, le Dieu de Jacob tira le bien du mal et fit abonder sa grâce par-dessus le péché et la folie de son pauvre serviteur.
Il est très intéressant de voir, au commencement de ce chapitre, comment, malgré l’excessive faiblesse de sa chair, Isaac conserve, par la foi, la dignité dont Dieu l’a revêtu. Il prononce la bénédiction dans tout le sentiment du pouvoir qui lui a été conféré pour bénir, et il dit : « Je l’ai béni : aussi il sera béni… voici, je l’ai établi ton maître, et je lui ai donné tous ses frères pour serviteurs, et je l’ai sustenté avec du froment et du moût ; que ferai-je donc pour toi, mon fils ? » Il parle comme un homme qui, par la foi, a tous les trésors de la terre à sa disposition. Il n’y a point chez lui de fausse humilité ; il ne descend pas de la place élevée qu’il occupe, à cause des manifestations de la nature. Il est sur le point de commettre une fâcheuse erreur et d’agir en opposition directe avec le conseil de Dieu, cela est vrai ; toutefois, il connaît Dieu et prend la place qui lui appartient en conséquence, dispensant des bénédictions dans toute la dignité et l’énergie de la foi. « Je l’ai béni : aussi il sera béni… Je l’ai sustenté avec du froment et du moût ». C’est le propre de la foi de nous élever au-dessus de toutes nos fautes et de leurs conséquences, pour nous faire prendre la place que la grâce de Dieu nous a faite.
Quand à Rebecca, elle eut à endurer les tristes résultats de ses artifices. Elle s’imaginait, sans doute, conduire toutes choses fort adroitement ; mais, hélas ! elle ne revit plus Jacob ! Combien le résultat eût été différent, si elle eût tout laissé dans les mains de Dieu ! « Qui d’entre vous, par le souci qu’il se donne, peut ajouter une coudée à sa taille ? » (Luc 12:25). Nous ne gagnons rien à nous inquiéter et à former des projets ; nous ne faisons qu’exclure Dieu, ce qui, certes, n’est pas un gain. Et lorsque nous recueillons les fruits de nos propres conseils, rien de plus triste à voir qu’un enfant de Dieu, oubliant sa position et ses privilèges, au point de vouloir prendre dans ses propres mains la direction de ses affaires. Les « oiseaux des cieux et les lis des champs » peuvent nous instruire, quand nous oublions à ce point notre position de dépendance entière de Dieu.
Enfin, pour ce qui touche Ésaü, l’apôtre appelle celui-ci : « un profane… qui pour un seul mets vendit son droit de premier-né » (Héb. 12:15-17), et qui « plus tard, désirant hériter de la bénédiction, fut rejeté (car il ne trouva pas lieu à la repentance), quoiqu’il l’eût recherchée avec larmes ». Nous apprenons par là qu’un « profane » est l’homme qui voudrait posséder à la fois la terre et le ciel, jouir du présent sans perdre son droit à l’avenir : tout professant mondain, dont la conscience n’a jamais ressenti les effets de la vérité et dont le cœur est toujours resté étranger à l’influence de la grâce, est dans ce cas, et le nombre en est grand.
Nous allons maintenant suivre Jacob loin du toit paternel, lorsqu’il
erre solitairement et sans asile sur la terre. Dieu commence ici à s’occuper de
lui d’une manière spéciale, et Jacob commence à recueillir, en quelque mesure,
les fruits amers de sa conduite à l’égard d’Ésaü ; tandis que nous voyons
en même temps Dieu passer par-dessus toute la faiblesse et la folie de son
serviteur et déployer sa grâce souveraine et sa sagesse infinie dans ses voies
envers lui. Dieu accomplira ses desseins, quels que soient d’ailleurs les
moyens qu’il emploiera ; mais si, dans son impatience et son incrédulité,
l’enfant de Dieu veut se soustraire au gouvernement de son Dieu, il doit s’attendre
à faire de tristes expériences et à passer par une douloureuse discipline. C’est
ce qui arriva à Jacob : il n’aurait pas eu besoin de s’enfuir à Charan, s’il
eût laissé à Dieu le soin d’agir pour lui. Dieu se serait certainement occupé d’Ésaü
pour lui faire trouver la place et la portion qui lui étaient destinées ;
et Jacob aurait pu jouir de cette douce paix qui ne se trouve que dans une
entière soumission à Dieu et à ses conseils, en toutes choses. Mais c’est ici
que se manifeste constamment l’excessive faiblesse de nos cœurs. Au lieu de
nous tenir passivement sous la main de Dieu, nous voulons agir ; et en
agissant, nous empêchons que Dieu ne déploie sa grâce et sa puissance en notre
faveur. « Tenez-vous tranquilles,
et
sachez que je suis Dieu » (Ps. 46:10), est un précepte auquel nul ne
saurait obéir que par la puissance de la grâce. « Que votre douceur soit
connue de tous les hommes ; le Seigneur est proche (eggus)
; ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses,
exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des
actions de grâces ». Et quel en sera le résultat ? — « Et la
paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera (phrourêsei)
vos cœurs et vos pensées
dans le Christ Jésus » (Phil. 4:5-7).
Toutefois, tandis que nous recueillons les fruits de nos voies, de notre impatience et de notre incrédulité, Dieu, dans sa grâce, se sert de notre faiblesse et de notre folie pour nous faire mieux connaître sa tendre grâce et sa parfaite sagesse. Ceci, sans autoriser en aucune manière l’incrédulité et l’impatience, fait ressortir d’une manière admirable la bonté de notre Dieu, tout en réjouissant notre cœur, alors même que nous passons peut-être par les circonstances pénibles qu’ont amenées nos égarements. Dieu est au-dessus de tout, et de plus, c’est la prérogative exclusive de Dieu de faire sortir le bien du mal ; « de celui qui mange est sorti le manger, et du fort est sortie la douceur » (Jug. 14:14) ; et ainsi, s’il est parfaitement vrai que Jacob fut obligé de vivre dans l’exil, en conséquence de son impatience et de sa supercherie, d’un autre côté il est également vrai que si Jacob fût paisiblement resté sous le toit paternel, il n’eût jamais appris ce que signifiait « Béthel ». Les deux côtés du tableau sont ainsi fortement dessinés dans chacune des scènes de l’histoire de Jacob. Ce fut quand sa propre folie l’eut chassé de la maison de son père, qu’il fut amené à goûter, en quelque mesure, la félicité et la solennité de la « maison de Dieu ».
« Et Jacob sortit de Beër-Shéba, et s’en alla à Charan ; et il se rencontra en un lieu où il passa la nuit, car le soleil était couché ; et il prit des pierres du lieu, et s’en fit un chevet, et se coucha en ce lieu-là » (v. 10-11). Ici, Jacob, errant et fugitif, se trouve précisément dans la position dans laquelle Dieu peut se rencontrer avec lui et déployer envers lui ses conseils de grâce et de gloire. Rien n’exprime mieux le néant et l’impuissance de l’homme que la condition à laquelle Jacob se trouve ici réduit : dans la faiblesse du sommeil, sous la voûte des cieux, n’ayant qu’une pierre pour oreiller. « Et il songea : et voici une échelle dressée sur la terre, et son sommet touchait aux cieux ; et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient sur elle. Et voici, l’Éternel se tenait sur elle, et il dit : Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham, ton père, et le Dieu d’Isaac ; la terre, sur laquelle tu es couché, je te la donnerai, et à ta semence ; et ta semence sera comme la poussière de la terre et tu t’étendras à l’occident, et à l’orient, et au nord, et au midi ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta semence. Et voici, je suis avec toi ; et je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai dans cette terre-ci, car je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie fait ce que je t’ai dit » (v. 12-15).
Voilà comment le Dieu de Béthel révèle à Jacob ses desseins
envers lui et envers sa postérité. C’est bien réellement « la grâce et la
gloire ». Cette échelle « dressée sur
la terre
» porte naturellement le cœur à méditer sur la manifestation
de la grâce de Dieu, dans la personne et l’œuvre du Fils. C’est sur la terre
que fut accomplie l’œuvre merveilleuse qui forme la base, le solide et éternel
fondement de tous les conseils de Dieu à l’égard d’Israël, de l’Église et du
monde. Ce fut sur la terre que Jésus vécut, travailla et mourut, afin que, par
sa mort, il ôtât tout ce qui mettait obstacle à l’accomplissement des desseins
de Dieu pour la bénédiction de l’homme.
Mais « le sommet de l’échelle touchait aux cieux ». Elle formait le moyen de communication entre le ciel et la terre ; et « voici, les anges de Dieu montaient et descendaient sur elle », belle et frappante image de Celui par lequel Dieu descendit dans toute la profondeur de la misère de l’homme, et par lequel aussi il a élevé l’homme et l’a établi en sa présence pour jamais, dans la puissance de la justice divine ! Dieu a pourvu à tout ce qui était nécessaire pour l’accomplissement de ses plans, en dépit de la folie et du péché de l’homme, et c’est pour la joie éternelle de toute âme, quand, par l’enseignement du Saint Esprit, elle peut se voir ainsi enserrée dans les limites des desseins de la grâce de Dieu.
Le prophète Osée nous transporte au temps où les choses, représentées par l’échelle de Jacob, auront leur accomplissement. « Et je ferai pour eux, en ce jour-là, une alliance avec les bêtes des champs, et avec les oiseaux des cieux, et avec les reptiles du sol ; et j’ôterai du pays, en les brisant, l’arc et l’épée et la guerre ; et je les ferai reposer en sécurité. Et je te fiancerai à moi pour toujours ; et je te fiancerai à moi en justice, et en jugement, et en bonté, et en miséricorde ; et je te fiancerai à moi en vérité ; et tu connaîtras l’Éternel. Et il arrivera, en ce jour-là, que j’exaucerai, dit l’Éternel, j’exaucerai les cieux, et eux exauceront la terre, et la terre exaucera le froment et le moût et l’huile, et eux exauceront Jizreël. Et je la sèmerai pour moi dans le pays, et je ferai miséricorde à Lo-Rukhama, et je dirai à Lo-Ammi : tu es mon peuple, et il me dira : Mon Dieu ! » (Os. 2:18-23). Les paroles du Seigneur lui-même (Jean 1:52) renferment une allusion à la vision de Jacob : « En vérité, en vérité, je vous dis : Désormais vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme ».
Or cette vision de Jacob est une merveilleuse révélation de la
grâce de Dieu envers Israël. Nous avons vu quels étaient le vrai caractère et l’état
réel de Jacob, et l’un et l’autre prouvent jusqu’à l’évidence que tout devait
être grâce envers lui, s’il devait être béni. Ni son caractère, ni sa naissance
ne lui donnaient droit à quoi que ce soit. Ésaü aurait pu, en vertu de sa
naissance et de son caractère, prétendre à quelque chose, à la condition,
toutefois, que le droit souverain de Dieu serait mis de côté ; mais Jacob
n’avait droit à rien. Ainsi, si Ésaü ne pouvait revendiquer ses droits qu’aux
dépens de la souveraineté de Dieu, Jacob ne pouvait en avoir d’autres que ceux
qu’il pouvait tenir de cette souveraineté même ; et, pécheur comme il l’était,
il ne pouvait se reposer sur autre chose que sur la seule souveraine et pure
grâce de Dieu. La révélation du Seigneur au serviteur qu’il s’est choisi,
rappelle ou annonce simplement à Jacob ce que lui-même, l’Éternel, accomplirait
encore : « Je
suis l’Éternel… ;
je
te donnerai la terre… ; je
te garderai… ; je
te ramènerai… ; je
ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie
fait ce que je
t’ai dit » (v. 13-15). Tout est de Dieu lui-même, sans
condition quelconque. Quand c’est la grâce qui agit, il n’y a, il ne peut y
avoir ni « si », ni « mais » ! La grâce ne règne pas
où il y a un « si » ; non pas que Dieu ne puisse placer l’homme
dans une position de responsabilité, dans laquelle il faut nécessairement qu’il
s’adresse à lui avec un « si » ; mais Jacob, dormant sur un
oreiller de pierre, loin d’être dans une position de responsabilité, se trouve
au contraire dans le dénuement et la faiblesse la plus complète ; et c’est
pourquoi Jacob se trouvait précisément dans une position où il pouvait recevoir
une révélation de la grâce la plus entière, la plus riche et la plus
inconditionnelle.
Nous ne pouvons qu’apprécier le bonheur infini qu’il y a pour
nous à être dans une position telle que nous n’avons rien sur quoi nous
puissions nous appuyer que Dieu lui-même, et que, de plus, toute vraie
bénédiction et toute joie véritable reposent pour nous sur les droits
souverains de Dieu et sa fidélité à son propre caractère. D’après ce principe,
ce serait donc pour nous une perte irréparable que d’avoir quelque chose par
devers nous sur quoi nous puissions nous reposer, attendu que nous aurions
alors affaire avec Dieu sur le pied de la responsabilité et tout serait
inévitablement perdu pour nous. Jacob était si mauvais, que Dieu
seul pouvait suffire à ce que son
état réclamait. Et, prenons-y garde, ce fut faute de reconnaître habituellement
cette vérité que Jacob se plongea dans tant de chagrins et de calamités.
La révélation que l’Éternel fait de lui-même est une chose ; et s’en tenir à cette révélation en est une autre. L’Éternel se révèle à Jacob, dans sa grâce infinie ; mais Jacob n’est pas plutôt réveillé de son sommeil que nous le voyons mettre en évidence son vrai caractère, montrant combien peu il connaissait, en pratique, le Dieu béni qui venait de se révéler à lui d’une manière aussi merveilleuse. « Et il eut peur, et dit : Que ce lieu-ci est terrible ! Ce n’est autre chose que la maison de Dieu, et c’est ici la porte des cieux ! » (v. 17). Jacob n’avait pas le cœur à l’aise dans la présence de Dieu ; car ce n’est que quand le cœur est entièrement brisé et l’homme dépouillé de lui-même, qu’on peut être à l’aise avec Dieu. Dieu se plaît auprès d’un cœur brisé, son nom en soit béni ; et le cœur brisé est heureux près de Dieu. Mais le cœur de Jacob n’était pas encore dans cette position ; et Jacob n’avait pas encore appris à se reposer comme un petit enfant sur l’amour parfait de Celui qui a pu dire : « J’ai aimé Jacob ! » (voyez Mal. 1:2 ; Rom. 9:13). « L’amour parfait chasse la crainte ». Là où cet amour n’est pas pleinement connu et réalisé, il y a toujours du trouble et du malaise, et il ne peut en être autrement. La maison et la présence de Dieu n’inspirent aucune frayeur à l’âme qui connaît l’amour de Dieu tel qu’il s’est montré dans le parfait sacrifice de Christ. Cette âme est plutôt portée à dire : « Éternel ! j’ai aimé l’habitation de ta maison, et le lieu de la demeure de ta gloire » (Ps. 26:8). Et encore : « Combien sont aimables tes demeures, ô Éternel des armées ! Mon âme désire, et même elle languit après les parvis de l’Éternel » (Ps. 84:1). Quand le cœur est affermi dans la connaissance de Dieu, on aime la maison de Dieu, quel qu’en soit d’ailleurs le caractère, que ce soit Béthel, ou le temple de Jérusalem, ou l’Église, qui est formée maintenant de tous les vrais croyants, « édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit » (Éph. 2:22). Quoi qu’il en soit, la connaissance que Jacob avait de Dieu et de sa maison était bien bornée, à cette époque de son histoire ; et nous en avons une nouvelle preuve dans le marché qu’il veut faire avec Dieu, aux derniers versets de ce chapitre 28.
« Et Jacob fit un vœu, en disant : Si Dieu est avec
moi et me garde dans ce chemin où je marche, et qu’il me donne du pain à manger
et un vêtement pour me vêtir, et que je retourne en paix à la maison de mon
père, l’Éternel sera mon Dieu. Et cette pierre que j’ai dressée en stèle sera
la maison de Dieu ; et de tout ce que tu me donneras, je t’en donnerai la
dîme ». Jacob dit : « Si
Dieu est avec moi », quand le Seigneur venait de lui dire
expressément : Je suis
avec toi,
et je te garderai partout
où tu iras,
et je te ramènerai en ce pays, etc. En dépit de ce témoignage, le pauvre cœur
de Jacob est incapable de s’élever au-delà d’un « si », ou d’avoir,
de la bonté de Dieu, des pensées plus élevées que celles qui se rapportent à
« du pain à manger » et à « des habits pour se vêtir ».
Telles étaient les pensées d’un homme qui venait de voir la vision magnifique
de l’échelle touchant à la terre et au ciel, et au-dessus de laquelle l’Éternel
se tenait, lui promettant une innombrable postérité et un éternel héritage.
Jacob était évidemment incapable d’entrer dans la réalité et la plénitude des
pensées de Dieu ; il mesurait Dieu à sa mesure, et se trompait ainsi
complètement dans l’idée qu’il se faisait de Dieu. En un mot, Jacob n’en avait
pas encore fini avec lui-même, et n’avait, par conséquent, pas encore commencé
avec Dieu.
« Et Jacob se mit en marche, et s’en alla au pays des fils de l’orient ». Ainsi que nous venons de le voir au chapitre 28, Jacob ne sait pas saisir le vrai caractère de Dieu, et reçoit l’abondance de la grâce de Béthel avec un « si », accompagné d’un misérable marché pour du pain et des vêtements ; et nous avons à suivre Jacob maintenant dans une succession non interrompue de marchés. « Ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6:7). Il est impossible d’échapper à cette conséquence. Jacob n’avait pas encore trouvé son niveau devant Dieu, et il faut que Dieu emploie des circonstances pour le châtier et l’humilier. Là est le secret de beaucoup de nos chagrins et de nos épreuves dans ce monde. Nos cœurs n’ont jamais été réellement brisés devant Dieu, nous ne nous sommes jamais jugés et n’avons jamais été dépouillés de nous-mêmes ; et de là vient que nous sommes toujours de nouveau comme des gens qui se heurteraient la tête contre un mur. Nul ne peut jouir réellement de Dieu avant que d’en avoir fini avec le « moi », par la raison bien simple que Dieu commence à se manifester là, précisément, où la chair a son terme. Si donc je n’en ai pas fini avec ma chair par une profonde et positive expérience, il est moralement impossible que j’aie une intelligence tant soit peu exacte du caractère de Dieu. Mais il faut que, d’une manière ou d’une autre, j’apprenne à connaître ce que vaut la nature ; et pour m’amener à cette connaissance, le Seigneur emploie différents moyens qui, quels qu’ils soient, ne sont efficaces qu’autant que c’est lui qui les emploie pour révéler à nos yeux le vrai caractère de tout ce qu’il y a dans nos cœurs. Combien souvent n’arrive-t-il pas que, comme dans le cas de Jacob, le Seigneur vient tout près de nous et nous parle à l’oreille sans que nous discernions sa voix, et sans que nous sachions prendre notre vraie place devant lui. « L’Éternel est dans ce lieu, et moi je ne le savais pas… que ce lieu-ci est terrible ! » Jacob ne reçut aucune instruction de tout cela, en sorte qu’il lui fallut une discipline de trente années à une dure école, qui ne suffit même pas pour le dompter.
Cependant, il est remarquable de voir comment il rentre dans une atmosphère si parfaitement adaptée à sa constitution morale. Le faiseur de marchés, Jacob, rencontre le faiseur de marchés, Laban, et on les voit faisant assaut de ruse et d’adresse pour se tromper l’un l’autre. De la part de Laban, ceci ne doit pas nous étonner, car Laban n’avait pas été à Béthel ; il n’avait pas vu le ciel ouvert, ni l’échelle qui touchait la terre et le ciel ; il n’avait point entendu les promesses glorieuses de la bouche de l’Éternel, lui assurant la possession de la terre de Canaan et une innombrable postérité. Laban, l’homme du monde, n’a d’autre ressource que son esprit bas et cupide ; et il en use. Comment tirerait-on le pur de l’impur ? Mais rien n’est plus humiliant que de voir Jacob, après tout ce qu’il a vu et entendu à Béthel, lutter avec un homme du monde, et s’efforcer d’accumuler des biens par des moyens semblables à ceux qu’il emploie,
Hélas ! ce n’est point une chose rare que de voir des enfants de Dieu oublier leur haute destinée et leur héritage céleste au point de descendre dans l’arène avec les enfants de ce monde, et, là, lutter avec ceux-ci pour les richesses et les honneurs d’une terre frappée de la malédiction du péché. Cela est si vrai que, chez un grand nombre de personnes, il est difficile de découvrir quelques traces de ce principe, dont l’apôtre Jean dit qu’il est « victorieux du monde » (1 Jean 5:5). En considérant et en jugeant Jacob et Laban au point de vue des principes de la nature, il serait difficile de découvrir la moindre différence entre eux. Il faudrait être derrière la scène, et entrer dans les pensées de Dieu à l’égard de chacun d’eux, pour voir à quel degré ils différaient. Mais c’est Dieu qui a mis de la différence entre eux, ce n’est pas Jacob ; et il en est de même maintenant. Bien qu’il puisse être difficile de la découvrir, il existe une immense différence entre les enfants de lumière et les enfants de ténèbres ; une différence fondée sur le fait solennel que les premiers sont des « vases de miséricorde que Dieu a préparés d’avance pour la gloire », tandis que les derniers sont des vases de colère tout préparés (non par Dieu, mais par le péché) pour la destruction (Rom. 9:22-23) (*). Les Jacob et les Laban diffèrent essentiellement, et différeront toujours, bien que les premiers puissent manquer d’une manière effrayante à réaliser et à manifester leur vrai et glorieux caractère.
(*) Tout homme spirituel remarquera, non sans un profond intérêt, avec quel soin l’Esprit de Dieu, en Rom. 9 et ailleurs, dans l’Écriture, nous met en garde contre l’affreuse induction que l’esprit humain a trop souvent tirée de la doctrine de l’élection de Dieu. Quand il parle des « vases de colère », il se borne à dire qu’ils étaient ou sont « tout préparés pour la destruction ». Il ne dit pas que c’est Dieu qui les « y a préparés ».
En revanche, quand il fait allusion aux « vases de miséricorde », il dit : « qu’il les a préparés d’avance pour la gloire ». Cette distinction est fort remarquable.
Si mon lecteur lit Matthieu 25:34-41, il y trouvera un autre
exemple aussi frappant et aussi beau de la même doctrine. — Quand le Roi s’adresse
à ceux qui sont à sa droite, il dit : « Venez, les bénis de mon Père
, héritez du royaume
qui vous est préparé
dès la fondation
du monde » (vers. 34). — Mais quand il parle à ceux qui sont à sa gauche,
il dit : « Allez-vous-en loin de moi, maudits ». Il ne dit
pas : « Maudits par mon Père ». Puis il ajoute :
« Dans le feu éternel qui est préparé — non pour vous
, mais — pour le diable et ses anges » (vers. 41). En un
mot donc, il est évident que Dieu a « préparé » un royaume de gloire,
et des « vases de miséricorde » pour hériter de ce royaume ;
mais qu’il n’a pas préparé « le feu éternel » pour des hommes, mais
« pour le diable et ses anges » ; et que ce n’est pas lui qui a
préparé les « vases de colère », mais qu’ils se sont préparés
eux-mêmes.
Si donc la parole de Dieu établit clairement « l’élection
», elle repousse tout
aussi soigneusement la « réprobation
».
En se voyant au ciel, chacun des bienheureux aura à en rendre grâces à Dieu
seul ; et quiconque se trouvera en enfer ne pourra en accuser que
lui-même.
Quant à Jacob, toute sa peine et tout son travail, ainsi que son misérable marché du chapitre précédent, ne sont que le résultat de son ignorance de la grâce et de son incapacité à se confier implicitement en la promesse de Dieu. Celui qui, après avoir reçu de Dieu la promesse sans réserve qu’il lui donnerait la terre de Canaan, pouvait dire : « Si Dieu me donne du pain à manger et un vêtement pour me vêtir », ne devait avoir qu’une bien faible idée de Dieu et de ce qu’était sa promesse. Aussi le voyons-nous s’efforcer de faire ses propres affaires de la manière la plus avantageuse pour lui. Il en est toujours ainsi quand la grâce n’est pas comprise. La profession que nous pouvons faire des principes de la grâce n’est pas la mesure de l’expérience que nous avons de la puissance de la grâce. Qui n’aurait cru que la vision aurait révélé à Jacob ce qu’était la grâce ? Mais la révélation de Dieu à Béthel et la conduite de Jacob à Charan sont bien différentes ! Cependant celle-ci n’était que l’expression de l’intelligence qu’il avait de la première. Le caractère et la conduite d’un homme sont la mesure réelle de l’expérience et de la conviction de son âme, quelque profession qu’il fasse d’ailleurs. Jacob n’avait pas encore été amené à se voir tel qu’il était devant Dieu, par conséquent, il ignorait ce que c’était que la grâce ; et il montra son ignorance en se mesurant avec Laban, et en adoptant ses maximes et ses voies.
On ne peut qu’être frappé du fait que ce fut parce qu’il n’avait pas appris à connaître et à juger devant Dieu le caractère inhérent à sa chair, que Jacob fut conduit par la providence de Dieu au milieu d’une sphère spécialement propre à manifester ce caractère en plein dans ses traits les plus saillants. Il fut conduit à Charan, le pays de Laban et de Rebecca, à l’école même d’où les principes qu’il mettait si habilement en pratique étaient sortis, et où ils étaient enseignés, appliqués et maintenus. Pour savoir ce que Dieu est, il fallait aller à Béthel ; pour savoir ce qu’était l’homme, il fallait aller à Charan : or Jacob n’ayant pas pu saisir la révélation que Dieu lui fit de lui-même à Béthel, il dut aller à Charan pour que ce qu’il était fût manifesté ; et là, hélas ! que d’efforts pour réussir ! que de subterfuges ! que de ruses ! que d’artifices ! Point de sainte et glorieuse confiance en Dieu ! point de simplicité, ni de patience de foi ! Dieu était avec Jacob, cela est vrai, car rien ne peut empêcher la grâce de resplendir. De plus, Jacob, en quelque mesure, reconnaissait la présence et la fidélité de Dieu ; cependant, il ne sait rien faire sans plan et sans projet. Il ne peut pas laisser à Dieu le soin de décider pour lui ce qui regarde ses femmes et ses gages ; il essaie de tout arranger par sa ruse et ses artifices. En un mot, du commencement à la fin, Jacob est « celui qui supplante ». Où trouver un exemple de ruse plus consommée que celui qui nous est rapporté au chapitre 30:37-42 ? C’est un portrait parfait de Jacob. Au lieu de laisser à Dieu le soin de multiplier les brebis marquetées et tachetées et les agneaux foncés, ainsi que Dieu l’eût certainement fait si Jacob se fût confié en lui, Jacob, pour arriver à ses fins, se sert d’un moyen que l’esprit seul d’un Jacob aurait pu imaginer. Il agit de la même manière pendant les vingt années de son séjour chez Laban ; et, à la fin, « il s’enfuit », restant ainsi en toutes choses conséquent avec lui-même.
Or, c’est en suivant Jacob et en observant son caractère, d’une période à l’autre de son histoire extraordinaire, que nous pouvons contempler les merveilles de la grâce de Dieu. Nul autre que Dieu n’aurait pu supporter un Jacob, comme aussi nul autre que Dieu n’eût voulu s’intéresser à lui. La grâce vient à nous dans notre plus bas état. Elle prend l’homme tel qu’il est, et agit envers lui dans la pleine intelligence de ce qu’il est. Il est de la plus haute importance de bien comprendre, dès le début, ce caractère de la grâce, afin d’être en état de supporter d’un cœur ferme les découvertes subséquentes que nous faisons de notre propre indignité, ces découvertes qui, si souvent, ébranlent la confiance et troublent la paix des enfants de Dieu.
Bon nombre de personnes ne comprennent pas d’abord la ruine complète de la nature, telle qu’elle apparaît à la lumière de la présence de Dieu, bien que leurs cœurs aient été réellement attirés par la grâce et que leurs consciences aient été tranquillisées en quelque degré par l’application du sang de Christ. Il en résulte que, à mesure qu’elles avancent dans la vie chrétienne, et qu’elles font des découvertes plus profondes du mal qui est en elles, cette connaissance de la grâce de Dieu et de la valeur du sang de Christ leur faisant défaut, elles doutent qu’elles soient réellement des enfants de Dieu. Elles sont ainsi détachées de Christ et rejetées sur elles-mêmes ; alors elles ont recours aux ordonnances pour maintenir le ton de leur piété ; ou bien elles retombent dans un état complet de mondanité. Tel est le sort de celui dont le cœur n’a pas été « affermi par la grâce » (Héb. 13:9).
Ce même fait donne à l’étude de l’histoire de Jacob un intérêt
profond et une grande utilité. Nul ne peut lire les trois chapitres que nous
méditons, sans être frappé de la grâce merveilleuse qui a pu s’intéresser à un
être tel que Jacob, et qui a pu dire encore, après avoir découvert tout ce qui
était en lui : « Il n’a pas aperçu d’iniquité en Jacob, ni n’a vu d’injustice
en Israël » (comp. Nombres 23:21). Dieu ne dit pas qu’il n’y a pas en
Jacob d’iniquité, ni d’injustice en Israël ; une pareille assertion ne
serait pas vraie et ne donnerait pas au cœur cette assurance que Dieu a
par-dessus tout en vue de communiquer. Dire à un pauvre pécheur qu’il n’y a point de péché en lui,
ne lui donnera
jamais d’assurance il sait, hélas ! trop bien qu’il y a en lui du péché
mais si Dieu lui dit qu’il ne voit pas de péché en lui, à cause du parfait
sacrifice de Christ, la paix entrera infailliblement dans son cœur et sa
conscience. Si Dieu eût pris à lui Ésaü, nous n’aurions pas vu le même déploiement
de la grâce, par la raison qu’Ésaü ne nous apparaît pas sous un jour aussi
défavorable que Jacob. Plus l’homme descend à ses propres yeux, plus la grâce
de Dieu s’élève et est magnifiée. À mesure que, dans mon appréciation, ma dette
s’accroît de cinquante à cinq cents deniers, mon appréciation de la grâce s’élève
en proportion, ainsi que l’expérience que j’ai de cet amour qui, alors que nous
« n’avions pas de quoi payer »,
nous « quitta notre dette » (Luc 7:42). C’est donc avec raison
que l’apôtre dit : « Il est bon que le cœur soit affermi par la
grâce, non par les viandes, lesquelles n’ont pas profité à ceux qui y ont
marché » (Héb. 13:9).
« Et Jacob alla son chemin. Et les anges de Dieu le
rencontrèrent ». En dépit de tout, la grâce de Dieu accompagne Jacob. Rien
ne saurait changer l’amour de Dieu ; il aime d’un amour invariable. Celui
qu’il aime, il l’aime jusqu’à la fin ; son amour est semblable à lui-même,
« le même hier, aujourd’hui et éternellement » (Héb. 13:8). Mais
combien peu d’effet « l’armée de Dieu » eut sur Jacob, nous pouvons l’apprendre
par ce que ce chapitre nous rapporte ici de lui. « Et Jacob envoya devant
lui des messagers à Ésaü, son frère, au pays de Séhir, dans la campagne d’Édom ».
Jacob, évidemment, se sent mal à l’aise en pensant à sa rencontre avec Ésaü, et
il y avait de quoi : il avait très mal agi envers son frère et sa
conscience n’était pas tranquille ; mais, au lieu de se jeter dans les
bras de Dieu, sans réserve, il a de nouveau recours, pour détourner la colère d’Ésaü,
à ses moyens habituels. Il essaie de faire
façon
d’Ésaü, au lieu de s’appuyer sur Dieu.
« Il leur commanda, disant : Vous parlerez ainsi à mon seigneur Ésaü
: Ainsi a dit ton serviteur
Jacob : j’ai séjourné
chez Laban, et je m’y suis arrêté jusqu’à présent » (v. 4). Tout ceci
annonce une âme éloignée de son centre en Dieu. « Mon seigneur
» et « ton
serviteur
» n’est pas le langage d’un frère à son frère, ni de quelqu’un
qui a le sentiment de la dignité que donne la présence de Dieu. C’est le
langage de Jacob, et de Jacob avec une mauvaise conscience.
« Et les messagers revinrent vers Jacob, disant : Nous
sommes allés vers ton frère, vers Ésaü, et même il vient à ta rencontre, et
quatre cents hommes avec lui. Et Jacob craignit beaucoup » (v. 6-7). Que
va-t-il faire ? S’abandonnera-t-il à Dieu ? — Non, il commence par
combiner des arrangements. « Et il partagea le peuple qui était avec lui,
et le menu bétail et le gros bétail, et les chameaux, en deux bandes ; et
il dit : Si Ésaü vient à l’une des bandes et la frappe, la bande qui
restera pourra échapper ». La première pensée de Jacob est toujours un plan
, et en cela il n’est que la trop
véritable image du pauvre cœur humain. Il est vrai qu’après avoir formé son
plan, il se tourne vers l’Éternel et crie à lui pour qu’il le délivre, mais il
n’a pas plus tôt cessé de prier qu’il revient à ses arrangements. Or, prier et
faire des plans sont deux choses qui ne vont pas ensemble : quand je fais
des combinaisons, je me repose plus ou moins sur elles ; quand je prie, je
dois me reposer exclusivement sur Dieu. Quand mon regard est absorbé par mes
propres opérations, je ne suis pas préparé à voir Dieu intervenir en ma
faveur ; et alors, la prière n’est pas l’expression du besoin dans lequel
je me trouve, mais l’aveugle accomplissement de quelque chose que je crois
devoir être fait, ou, peut-être, la demande à Dieu de sanctifier mes propres
desseins. Mais Dieu ne veut pas que je lui demande de sanctifier et de bénir
mes plans et mes moyens, mais que je remette tout entre ses mains, afin que lui
intervienne en ma faveur (*).
(*) Sans doute, quand la foi laisse Dieu agir, Dieu emploiera ses propres moyens ; mais c’est là tout autre chose que de reconnaître et de bénir les plans et les dispositions de l’incrédulité et de l’impatience. On ne comprend pas assez cette différence.
Quoique Jacob ait demandé à Dieu de le délivrer de son frère Ésaü, il est évident qu’il n’avait pas confiance en son intervention, car il essaie d’« apaiser Ésaü par un présent ». Sa confiance repose dans « son présent » et non en Dieu seul. « Le cœur est trompeur par-dessus tout, et incurable » (Jér. 17:9). Il est souvent difficile de découvrir quel est le vrai fondement de notre confiance. Nous nous imaginons, ou nous voudrions nous persuader à nous-mêmes, que nous nous appuyons sur Dieu, alors que, de fait, nous avons placé notre confiance en quelque arrangement de notre invention. Celui qui aurait entendu Jacob faire à Dieu cette prière : « Délivre-moi, je te prie, de la main de mon frère, de la main d’Ésaü, car je le crains, de peur qu’il ne vienne et ne me frappe — la mère avec les fils », aurait-il imaginé que Jacob pût dire encore : « Je l’apaiserai avec un présent » ? Jacob avait-il oublié sa prière ? Se faisait-il un dieu de son présent ? Mettait-il plus de confiance en ses bestiaux, qu’en ce Dieu entre les mains duquel il venait de remettre son sort ?
Ces questions découlent naturellement de tout ce qui nous est rapporté ici de Jacob, et nous pouvons en lire les réponses dans le miroir de notre propre cœur. Ce cœur nous apprend, aussi bien que l’histoire de Jacob, combien nous sommes plus disposés à nous appuyer sur les combinaisons de notre propre sagesse que sur Dieu ; mais on n’arrive ainsi à rien de bon. Nous sommes souvent très contents de nous-mêmes, lorsque nos arrangements ont été accompagnés de prière, ou que nous avons employé tous les moyens permis et demandé à Dieu de les bénir ; mais, en pareil cas, nos prières ne valent guère mieux que nos plans, attendu que nous nous reposons sur elles, plutôt que sur Dieu. Il faut que nous soyons, de fait, amenés au terme de tout ce qui est le produit du moi, avant que Dieu puisse se montrer ; et, pour que nous en finissions avec nos plans, il faut que nous en ayons fini avec nous-mêmes ; il faut que nous apprenions à reconnaître que « toute chair est de l’herbe, et toute sa beauté comme la fleur des champs » (Ésa. 40:6).
Jacob est amené là, dans le chapitre qui nous occupe. Après qu’il
eut pris toutes ses prudentes dispositions, la Parole nous dit : « Et
Jacob resta seul ; et un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore »
(v. 24). Ici commence une nouvelle phase de l’histoire de cet homme
remarquable. Il faut que nous nous soyons trouvés seuls avec Dieu, pour que
nous arrivions à une juste connaissance de nous-mêmes et de nos voies. Pour
connaître la valeur réelle de la nature et de ses opérations, il faut que nous
les ayons pesées à la balance du sanctuaire. Peu importe ce que nous pensons de
nous-mêmes ou ce que les hommes peuvent en penser, l’important est de savoir ce
que Dieu en pense ; et, pour l’apprendre, il faut que nous soyons laissés
« seuls
», loin du monde,
loin du moi, loin de toutes les pensées, de tous les raisonnements et de toutes
les émotions de la nature, « seuls
»
avec Dieu.
« Jacob resta seul, et un homme lutta avec lui ». L’Écriture
ne nous dit pas, il faut le remarquer, que Jacob lutta avec un homme, mais qu’un
homme lutta avec Jacob. On a souvent, et bien à tort, présenté ce fait comme un
exemple de l’énergie avec laquelle Jacob priait. Dire que je lutte avec un
homme, ou qu’un homme lutte avec moi, sont deux idées très différentes. Si c’est
moi qui lutte avec un autre, c’est que je veux obtenir quelque chose de
lui ; si un autre, au contraire, lutte avec moi, c’est lui qui veut
obtenir quelque chose de moi. Dieu lutte avec Jacob, afin de lui faire sentir
qu’il n’est qu’une faible et misérable créature ; puis, voyant que Jacob
soutient la lutte contre lui avec tant d’opiniâtreté, « il toucha l’emboîture
de sa hanche ; et l’emboîture de la hanche fut luxée ». Il faut que
la sentence de mort soit écrite sur toute chair ; il faut que nous ayons
saisi la portée de la croix de Christ, avant de pouvoir marcher avec Dieu avec
fermeté et bonheur. Nous avons suivi Jacob jusqu’ici au travers de tous les
détours et de toutes les opérations de son caractère extraordinaire ; nous
l’avons vu faire des plans et des arrangements pendant les vingt années de son
séjour chez Laban, mais ce n’est que lorsqu’il est « laissé seul »,
qu’il acquiert une juste idée de l’être faible et impuissant — qu’il est par
lui-même. Alors le siège de sa force étant atteint, il apprend à dire :
« Je ne te
laisserai
point ».
Dès lors commence une ère nouvelle dans la vie de Jacob. Jusqu’ici,
il a persévéré dans ses propres voies ; maintenant, il est amené à
dire : « Je ne te
laisserai
point ». Remarquez, cher lecteur, que Jacob ne parle ainsi que du moment
où l’emboîture de l’os de sa hanche fut démise. Ce simple fait nous donne la
clef de toute cette scène. C’est dans le but de l’amener là que Dieu lutte avec
Jacob. Pour ce qui est de la puissance, déployée par lui dans la prière, nous
avons vu que, après avoir adressé à Dieu quelques paroles de supplications,
Jacob met à nu le secret de sa confiance en disant : « J’apaiserai la
colère d’Ésaü par un présent ». Aurait-il pu parler ainsi, s’il eût
réellement compris ce que c’est que prier ou ce qu’est la vraie dépendance de
Dieu ? Non, assurément ; il faut que Dieu et la créature conservent
chacun leur place distincte, et il en sera ainsi de toute âme qui connaît la
sainte réalité d’une vie de foi.
Mais, hélas ! c’est précisément par là que nous péchons, si
en pareille matière on peut parler pour d’autres. Nous cachons l’incrédulité
positive de nos cœurs rusés sous la formule plausible et en apparence pieuse qu’il
faut employer des moyens, et nous croyons nous attendre à Dieu pour bénir ces
moyens ; tandis que, en réalité, nous nous appuyons, non sur Dieu, mais
sur les moyens. Puissions-nous comprendre combien est mauvaise une pareille
voie et apprendre à nous attacher à Dieu seul
avec plus de simplicité, afin que notre vie soit caractérisée davantage par
cette sainte élévation qui nous tient au-dessus des circonstances par
lesquelles nous passons. Ce n’est pas chose facile que d’en venir à reconnaître
le néant de la créature, au point de pouvoir dire : « Je ne te
laisserai point aller sans que tu m’aies béni » (v. 26). Dire ainsi du
cœur et demeurer dans la puissance de ce que cette parole exprime, est le
secret de toute vraie force. Jacob ne parla ainsi que lorsque l’emboîture de sa
hanche eut été atteinte, et pas avant. Il lutta longtemps avant de céder, parce
que sa confiance en la chair était forte. Mais Dieu peut abattre jusque dans la
poussière le caractère le plus obstiné. Il peut atteindre le ressort de la
force naturelle et écrire sur elle la sentence de mort ; jusqu’alors on ne
peut avoir de puissance auprès de Dieu et des hommes. Il faut être
« faible » avant de pouvoir être « fort ». « La puissance
de Christ » ne peut reposer « sur moi » qu’en proportion de la
connaissance que j’ai de mes infirmités (2 Cor. 12:9). Christ ne peut mettre le
sceau de son approbation sur l’énergie de la nature, sur sa sagesse ou sur sa
gloire : il faut que toutes ces choses diminuent, afin que lui croisse.
Jamais la nature ne servira de piédestal à la puissance de la grâce de
Christ ; si elle le pouvait, la chair aurait de quoi se glorifier devant
Dieu, et nous savons que cela est impossible. Or, puisque la manifestation de
la gloire de Dieu et du nom ou du caractère de Dieu est liée à l’annulation de
la nature, il est évident que l’âme ne peut jouir de cette manifestation avant
que la nature ne soit réellement mise de côté. C’est pourquoi, bien que Jacob
soit appelé à déclarer son nom : « Jacob » ou « celui qui
supplante », il n’obtient aucune révélation du nom de celui qui a lutté
avec lui et qui l’a abattu jusque dans la poussière. Il reçoit pour lui-même le
nom d’« Israël », « prince », et c’était là un grand progrès ;
mais quand il dit : « Je te prie, déclare-moi ton nom », il
reçoit pour réponse : « Pourquoi demandes-tu mon nom ? »
Dieu refuse de lui dire son nom, bien qu’il ait amené Jacob à lui dire la
vérité quant à lui-même, et qu’en conséquence il le bénisse. Que de cas pareils
les annales de la famille de Dieu ne renferment-elles pas ? Le moi est mis
à nu dans toute sa difformité morale ; mais on manque à saisir
pratiquement ce que Dieu est, lors même qu’il soit venu si près de nous et qu’il
nous ait bénis selon la découverte que nous avons faite de nous-mêmes.
Jacob reçut le nom nouveau d’« Israël » lorsque l’emboîture de sa hanche eut été atteinte. Il devint un prince puissant quand il eut appris et reconnu qu’il n’était qu’un homme faible. Cependant l’Éternel dut lui dire : « Pourquoi demandes-tu mon nom ? » et il ne lui révéla pas le nom de celui qui avait mis à découvert le vrai nom et la vraie condition de Jacob.
Ceci nous apprend qu’être béni de Dieu est tout autre chose que de recevoir par l’Esprit la révélation du caractère de Dieu. « Il le bénit là », mais il ne lui révéla pas son nom. Il y a toujours une bénédiction à être amené à se connaître soi-même en quelque mesure ; nous sommes ainsi conduits sur un chemin dans lequel nous sommes rendus capables de discerner plus clairement ce que Dieu est pour nous dans tous les détails. Ainsi en fut-il de Jacob ; dès que l’emboîture de sa hanche eut été touchée, il se trouva dans une condition à laquelle Dieu seul pouvait suffire. Un pauvre boiteux ne pouvait faire grand-chose ; il lui était donc avantageux de s’attacher à Celui qui était tout-puissant.
Pour terminer ce chapitre, nous remarquerons que le livre de Job
est, dans un certain sens, un commentaire de cette scène de l’histoire de Jacob
que nous venons de considérer. D’un bout à l’autre des trente et un premiers
chapitres, Job lutte avec ses amis et soutient sa thèse contre tous leurs
arguments ; mais au chapitre 32, Dieu, se servant d’Élihu, entre en lutte
avec lui ; et au chapitre 38, il l’attaque directement dans toute la
manifestation de sa grandeur et de sa gloire, et fait sortir de sa bouche ces
paroles bien connues : « Mon oreille avait entendu parler de toi,
maintenant mon œil t’a vu : c’est pourquoi j’ai horreur de moi, et je me
repens dans la poussière et dans la cendre » (Job 42:5-6). Dieu avait
touché l’emboîture de sa hanche ! Et, remarquez l’expression :
« mon œil t’a vu ». Job ne dit pas seulement : « Je me vois
moi-même », mais : « je t’ai vu, toi
! » Il n’y a que la vue de ce que Dieu est qui puisse
produire une véritable repentance et l’horreur de soi-même. Il en arrivera
ainsi au peuple d’Israël, dont l’histoire a une grande analogie avec celle de
Job. Quand « ils regarderont vers celui qu’ils ont percé, ils se
lamenteront » ; alors Dieu les bénira et les restaurera pleinement et
entièrement. Ils apprendront tout ce que signifient ces paroles : « C’est
ta destruction, Israël, que tu aies été contre moi, contre ton secours »
(Osée 13:9).
Nous allons voir combien toutes les craintes de Jacob étaient dénuées de fondement et tous ses plans inutiles. Malgré la lutte, et quoi que Dieu eût touché l’emboîture de sa hanche et l’eût rendu boiteux, Jacob continue à former des plans. « Et Jacob leva ses yeux, et regarda ; et voici, Ésaü venait, et quatre cents hommes avec lui. Et il partagea les enfants entre Léa et Rachel et les deux servantes. Et il mit à la tête les servantes et leurs enfants, et puis Léa et ses enfants, et puis Rachel et Joseph ». Les craintes de Jacob n’ont pas cessé. Il s’attend encore à ce qu’Ésaü se venge, et il expose aux premiers coups ceux auxquels il tient le moins. Étonnantes profondeurs du cœur humain ! Qu’il est lent à se confier en Dieu ! Si Jacob se fût réellement reposé sur Dieu, jamais il n’eût craint d’être détruit, lui et sa famille. Mais, hélas ! nous savons combien le cœur a de peine à se reposer simplement, dans une paisible confiance, sur un Dieu toujours présent, tout-puissant et infiniment miséricordieux.
Dieu nous montre ici combien toute cette inquiétude du cœur est
vaine : « Et Ésaü courut à sa rencontre, et l’embrassa, et se jeta à
son cou, et le baisa ; et ils pleurèrent ». Le présent de Jacob n’était
pas nécessaire, et son plan était inutile. Dieu
« apaisa » Ésaü, comme déjà il avait apaisé Laban. Dieu prend
ainsi plaisir à nous faire sentir la lâcheté et l’incrédulité de nos pauvres
cœurs, et à dissiper toutes nos craintes. Au lieu de rencontrer l’épée d’Ésaü,
Jacob rencontre les bras ouverts d’un frère ! au lieu d’avoir à combattre
l’un contre l’autre, ils confondent leurs larmes ! Telles sont les voies
de Dieu ! Qui ne se confierait en lui ? D’où vient que, malgré toutes
les preuves que nous avons de sa fidélité envers ceux qui se confient en lui,
nous soyons, à chaque nouvelle occasion, si disposés à douter et à
hésiter ? Hélas ! — c’est que nous ne connaissons pas assez Dieu.
« Réconcilie-toi avec Lui, je te prie, et sois en paix » (Job 22:21).
Ceci est vrai et de l’homme inconverti et de l’enfant de Dieu. Connaître Dieu
réellement, lui être véritablement attaché, c’est la vie et la paix. « Et
c’est ici la vie éternelle, qu’ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que
tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17:3). Plus nous connaîtrons Dieu
intimement, plus aussi notre paix sera solide et plus nous serons élevés
au-dessus de toute dépendance de la créature. « Dieu est un rocher »,
et nous n’avons qu’à nous appuyer sur lui pour savoir combien il est disposé à
nous soutenir et puissant pour le faire.
Après cette manifestation de la bonté de Dieu envers lui, nous voyons Jacob s’établir à Succoth, et, contrairement aux principes et à l’esprit de la vie de pèlerin, y bâtir une maison, comme s’il avait été chez lui. Or, il est évident que Succoth n’était pas le lieu que Dieu lui avait destiné. L’Éternel ne lui avait pas dit : « Je suis le Dieu de Succoth », mais « Je suis le Dieu de Béthel ». C’est donc Béthel et non Succoth que Jacob aurait dû avoir en vue, comme but principal. Mais, hélas ! nos cœurs sont toujours portés à se contenter d’une position et d’une part inférieures à celles que Dieu, dans sa bonté, voudrait nous donner.
Ensuite, Jacob s’avance jusqu’à Sichem et y achète une pièce de terre, restant toujours en deçà des limites que Dieu lui avait assignées, et indiquant, par le nom même qu’il donne à son autel, l’état moral de son âme. Il l’appelle : « Dieu, le Dieu d’Israël » ; or, sans doute, nous avons le privilège de le connaître comme notre Dieu, mais c’est plus encore de le connaître comme le Dieu de sa propre maison, en pouvant nous considérer nous-mêmes comme faisant partie de cette maison. Le croyant a le privilège de connaître Christ comme son « Chef » ; mais c’est un privilège plus grand encore de connaître Christ comme le « Chef » de son corps, l’Église, et de savoir que nous sommes les membres de ce corps.
Nous verrons, au chapitre 35, Jacob amené à se faire de Dieu une
idée bien plus grande et plus glorieuse ; mais à Sichem, il est évidemment
dans une situation morale peu élevée ; et il en souffre, comme il arrive
toujours quand nous ne savons pas saisir la position que Dieu nous a faite. Les
deux tribus et demie qui s’établirent en deçà du Jourdain tombèrent les
premières entre les mains de l’ennemi : il en fut de même pour
Jacob : le chapitre 34 nous apprend quels furent les fruits amers de son
séjour à Sichem, quelle tache en résulta pour sa famille, malgré les efforts de
Siméon et de Lévi qui avaient voulu l’effacer par la violence et l’énergie de
la nature, et qui avaient commis ainsi un acte qui ajoute un surcroît de
chagrin à la peine de Jacob. Jacob est même plus vivement affecté de leur
violence que de l’insulte faite à sa fille. « Et Jacob dit à Siméon et à
Lévi : Vous m
’avez troublé, en me
mettant en mauvaise odeur auprès des
habitants du pays, les Cananéens et les Phéréziens, et moi je n’ai qu’un petit
nombre d’hommes ; et ils s’assembleront contre moi
, et me
frapperont, et
je serai détruit, moi et ma maison » (v. 30). Ce sont les conséquences qui
pourront résulter de cette affaire pour lui-même et pour sa maison qui
affectent le plus Jacob. Il semble avoir vécu dans une crainte constante de
quelque danger pour lui-même et pour sa famille, montrant partout un esprit
inquiet, craintif, calculateur, incompatible avec une vie de foi réelle en
Dieu.
Ce n’est pas à dire que Jacob ne fût pas un croyant ; nous savons qu’il a sa place au milieu de « la grande nuée de témoins » (Hébreux 11) ; mais il ne marcha pas dans l’exercice habituel de ce principe divin, et en conséquence il fit de tristes chutes. La foi l’aurait-elle conduit à dire : « Je serai détruit moi et ma maison » ? alors que Dieu lui avait fait cette promesse : « Je te garderai… ; je ne t’abandonnerai pas » (chap. 28:14-15). La promesse de Dieu eût dû tranquilliser son cœur ; mais, dans le fait, Jacob était plus occupé du danger qu’il courait au milieu des Sichémites, que de la sécurité dans laquelle il se trouvait entre les mains du Dieu de la promesse. Il eût dû savoir que pas un cheveu de sa tête ne serait touché ; et au lieu de regarder à Siméon et à Lévi, ou aux conséquences de leur action précipitée, il eût dû se juger lui-même, car pourquoi s’était-il établi à Sichem ? S’il ne l’eût pas fait, Dina n’eût pas été déshonorée, et la violence de ses fils n’eût pas été manifestée. Que de chrétiens ne voit-on pas se plonger dans le chagrin et la peine par leur propre infidélité, puis accuser les circonstances au lieu de se juger eux-mêmes !
Un grand nombre de parents chrétiens sont dans l’angoisse et
gémissent en voyant la turbulence, l’insubordination et la mondanité de leurs
enfants ; mais en général ils n’ont à blâmer qu’eux-mêmes de tout cela,
parce qu’ils n’ont pas marché fidèlement devant Dieu à l’égard de leur famille.
Il en fut ainsi de Jacob. Il n’aurait pas dû s’établir à Sichem ; et comme
il manquait de cette sensibilité délicate qui lui aurait fait découvrir sa
fausse position, Dieu, dans sa fidélité, se sert des circonstances pour le
châtier. « On ne se moque pas de Dieu ; car ce qu’un homme sème, cela
aussi il le moissonnera » (Gal. 6:7). C’est là un principe qui découle du
gouvernement moral de Dieu, et à l’application duquel nul ne saurait
échapper ; et, pour l’enfant de Dieu, c’est une grâce positive qu’il soit
appelé à recueillir les fruits de ses erreurs. C’est une grâce que d’être amené
à sentir, d’une manière ou d’une autre, combien c’est une chose amère que de s’éloigner
ou de se tenir à distance du Dieu vivant. Il faut que nous apprenions qu’ici n’est
pas le lieu de notre repos ; car Dieu ne veut pas nous donner un repos
souillé. Que son nom en soit béni ! Le désir de Dieu est que nous
demeurions en
lui
et avec
lui. Telle est
la perfection de sa grâce. Et quand nous nous égarons ou que nous restons en
arrière, il nous dit : « Si tu reviens, ô Israël, dit l’Éternel,
reviens à moi
» (Jér. 4:1). Une
fausse humilité, fruit de l’incrédulité, porte celui qui s’est égaré ou qui est
resté en arrière, à prendre une position inférieure à celle qu’il tient de
Dieu, parce qu’il ne connaît pas le principe sur lequel Dieu restaure ceux qui
sont tombés, ni dans quelle mesure il les restaure. L’enfant prodigue demande à
être fait serviteur, ignorant que, quant à lui, il n’a pas plus droit à la
place de serviteur qu’à celle de fils, et que, en outre, il serait indigne du
caractère du père de le placer dans une telle position. Il faut que nous
venions à Dieu sur un principe et d’une manière qui soient dignes de lui, ou
bien il faut rester loin de lui.
« Et Dieu dit à Jacob : Lève-toi, monte à Béthel, et
habite là ». Ces paroles confirment le principe dont nous venons de nous
occuper. Lorsqu’il y a chute ou déclin spirituel, le Seigneur appelle l’âme à
revenir à lui : « Souviens-toi donc d’où tu es déchu,
et repens-toi, et fais les premières œuvres
» (Apoc. 2:5). Il faut que l’âme revienne
à sa position la plus élevée, qu’elle soit ramenée à la mesure divine. Le
Seigneur ne dit pas : « Souviens-toi où tu es », mais :
« Souviens-toi de la haute position d’où tu es déchu ». De cette
manière seulement on apprend combien on s’est égaré, combien l’on est tombé
bas, et comment on peut revenir sur ses pas ; et quand nous sommes ainsi
ramenés à la glorieuse et sainte mesure de Dieu, alors seulement nous pouvons
juger de la gravité du mal de notre condition déchue. Quelle somme effrayante
de mal s’était accumulée autour de la famille de Jacob, sans que ce mal eût été
jugé, avant que l’âme de Jacob fût réveillée par cet appel : « Monte
à Béthel ! » Ce n’était pas à Sichem et au milieu de son atmosphère
imprégnée d’éléments impurs, que Jacob pouvait découvrir tout ce mal et en
discerner le vrai caractère. Mais du moment que Dieu l’appelle à se rendre à
Béthel, « Jacob dit à sa maison et à tous ceux qui étaient avec lui :
ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, et purifiez-vous, et
changez vos vêtements ; et nous nous lèverons, et nous monterons à Béthel,
et je ferai là un autel à Dieu, qui m’a répondu au jour de ma détresse, et qui
a été avec moi dans le chemin où j’ai marché » (v. 2-3). La seule mention
de la maison de Dieu fait vibrer une corde dans l’âme du patriarche, et lui
fait repasser en un clin d’œil l’histoire de vingt années pleines de
vicissitudes. C’était à Béthel, non à Sichem, qu’il avait appris ce que Dieu
était ; c’est pourquoi il faut qu’il retourne à Béthel et qu’il y dresse
un autel sur un principe tout différent et sous un tout autre nom que son autel
de Sichem. Ce dernier était lié à toute sorte d’impuretés et d’idolâtrie.
Jacob pouvait parler de « Dieu, le Dieu d’Israël », au milieu de toute sorte de choses incompatibles avec la sainteté de la maison de Dieu. Il est important de bien saisir ceci. Il n’y a rien qui puisse nous maintenir dans une voie de séparation du mal, ferme et intelligente, si ce n’est la conscience de ce qu’est « la maison de Dieu » et de ce qui convient à cette maison. Si je ne regarde à Dieu qu’en vue de moi-même, je n’aurai jamais une pleine et divine intelligence de tout ce qui découle d’une juste appréciation de la relation qui existe entre Dieu et sa maison. Il y a des personnes qui ne tiennent pas grand compte de se trouver associées à ce qui est impur dans le culte qu’elles rendent à Dieu pourvu qu’elles-mêmes soient sincères et droites de cœur. En d’autres termes, elles croient pouvoir adorer à Sichem et pensent qu’un autel appelé « Dieu, le Dieu d’Israël », est tout aussi élevé et tout aussi bien selon Dieu, qu’un autel appelé du nom du « Dieu de Béthel ». Mais c’est là une erreur déplorable, et le lecteur spirituel découvrira dès l’abord l’immense différence morale qui existe entre la condition de Jacob à Sichem et sa condition à Béthel ; or, la même différence existe entre les deux autels. Nos idées à l’égard du culte se ressentiront nécessairement de notre état spirituel, et ce culte sera pauvre et étroit ou intelligent et élevé, en proportion de la manière dont nous aurons su comprendre le caractère de Dieu et la relation dans laquelle nous nous trouvons avec lui. Le nom de notre autel et le caractère de notre culte expriment l’un et l’autre la même idée. Le culte rendu au Dieu de Béthel est plus élevé que le culte rendu au Dieu d’Israël ; car le premier est lié à une idée de Dieu plus élevée que le second, où Dieu, au lieu d’être connu comme le Dieu de sa maison, n’apparaît que comme le Dieu d’un seul individu. Sans doute, ce titre de « Dieu d’Israël » est l’expression d’une grâce merveilleuse, et l’âme ne peut que se sentir heureuse quand elle considère le caractère de ce Dieu qui se met en relation avec chacune des pierres de sa maison et chacun des membres de son corps, séparément. Toute pierre dans l’édifice de Dieu est une « pierre vivante », en tant que liée « au Dieu vivant » et ayant communion avec le « Dieu vivant » par la puissance de « l’Esprit de vie ». Mais quelque vrai que soit tout ceci, Dieu n’en est pas moins le Dieu de sa maison ; et quand, par une intelligence spirituelle plus développée, nous sommes rendus capables de le considérer comme tel, notre culte tout entier en reçoit un caractère plus élevé.
L’appel adressé à Jacob pour qu’il retourne à Béthel, renferme autre chose encore. Dieu lui dit : « Lève-toi, monte à Béthel, et habite là, et fais-y un autel au Dieu qui t’apparut comme tu t’enfuyais de devant la face d’Ésaü, ton frère » (v. 1). Il nous est souvent bon d’être ramenés au souvenir de ce que nous étions à l’époque de notre vie où nous nous trouvions rejetés au dernier degré de l’échelle. C’est ainsi que Samuel rappelle à Saül le temps où il était « petit à ses yeux » (1 Sam. 15:17) ; et, chacun, nous avons besoin souvent que le temps où nous étions « petits à nos yeux », nous soit remis en mémoire. C’est quand nous sommes « petits à nos yeux », que le cœur s’appuie réellement sur Dieu. Plus tard, nous croyons être quelque chose et il faut que le Seigneur nous fasse de nouveau sentir notre néant. Au début d’une carrière de service ou de témoignage, quel sentiment l’âme n’a-t-elle pas de sa propre faiblesse et de son incapacité ! — et en conséquence quel besoin n’éprouve-t-elle pas de s’appuyer sur Dieu ! quelles prières ferventes elle fait monter vers lui pour obtenir force et secours ! Plus tard, après que nous avons été à l’œuvre assez longtemps, nous prenons meilleure opinion de nous-mêmes : nous pensons que nous pouvons cheminer tout seuls ; ou tout au moins, nous n’avons plus le même sentiment de notre faiblesse, et nous ne nous tenons plus dans la même dépendance de Dieu : notre service devient alors pauvre, léger, verbeux, dénué d’onction et de puissance ; il ne découle plus de la source intarissable de l’Esprit, mais de nos propres misérables pensées.
Dans les versets 9-15, Dieu renouvelle la promesse à Jacob, et lui confirme le nouveau nom de « prince » qu’il lui a donné, au lieu de celui de « supplanteur », et Jacob appelle encore une fois ce lieu-là du nom de « Béthel ».
Le verset 18 nous fournit un exemple intéressant de la différence qui existe entre le jugement de la foi et celui de la nature. La nature voit les choses à travers le nuage brumeux dont elle est entourée ; la foi les envisage à la lumière de la présence et des conseils de Dieu. Et Rachel, « comme son âme s’en allait (car elle mourut), appela le nom du fils Benoni ; et son père l’appela Benjamin ». La nature l’appelle : « le fils de ma douleur » ; la foi l’appelle : « le fils de ma droite ». Il en est toujours ainsi : les pensées de la nature diffèrent en tout temps de celles de la foi, et nous devrions désirer avec ardeur que nos cœurs fussent gouvernés par celles-ci seulement et non par celles-là.
Ce chapitre contient la généalogie des fils d’Ésaü, avec leurs divers titres et les lieux de leur demeure. Nous ne nous y arrêterons pas, et nous passerons immédiatement à l’une des parties les plus riches et les plus intéressantes de l’Écriture.
Je ne connais pas de type de Christ plus beau et plus parfait que Joseph, soit que nous le considérions comme l’objet de l’amour du père, ou de l’envie « des siens » ; dans son humiliation, ses souffrances et sa mort, son exaltation ou sa gloire.
Le chapitre 37 nous fait connaître les songes de Joseph, qui excitent la haine de ses frères. Joseph était l’objet de l’amour du père ; il était appelé à une destinée glorieuse, et parce que le cœur de ses frères n’était pas en communion avec celui du père et était étranger à tout ce qui attendait Joseph, ils le haïssaient. Ils ne partageaient pas l’amour du père pour Joseph et ne voulaient pas se soumettre à la pensée de son élévation. En cela, les frères de Joseph sont une figure des Juifs aux jours de Christ. « Il vint chez soi, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean 1:11). « Il n’a ni forme, ni éclat ; quand nous le voyons, il n’y a point d’apparence en lui » (Ésaïe 53:2). Ils ne voulurent le reconnaître ni comme Fils de Dieu, ni comme Roi d’Israël. Leurs yeux n’étaient pas ouverts pour contempler « sa gloire, une gloire comme d’un fils unique de la part du Père, pleine de grâce et de vérité » (Jean 1:14 ; comp. 12:37 et suivants). Ils n’ont pas voulu de lui ; bien plus, ils l’ont haï ! Or, bien que Joseph ne soit pas reçu par ses frères, il demeure ferme dans son témoignage. « Et Joseph songea un songe, et le raconta à ses frères, et ils le haïrent encore davantage… Et il songea encore un autre songe, et le raconta à ses frères ». Joseph ne faisait que rendre un simple témoignage fondé sur une révélation divine, mais ce témoignage devait faire descendre Joseph dans la fosse. S’il se fût tu, ou s’il eût laissé s’émousser le tranchant et la puissance de son témoignage, il eût sans doute été épargné ; mais non, il dit à ses frères toute la vérité, et c’est pour cela qu’ils le haïrent !
Il en fut de même du grand antitype de Joseph. Christ rendit
témoignage à la vérité (Jean 18:37) ; il fit « la belle
confession » (1 Tim. 6:13) ; il ne cacha rien de la vérité ; il
ne pouvait dire que la vérité, parce qu’il était la
vérité ; et l’homme répondit à son témoignage par la croix,
le vinaigre et la lance du soldat. Le témoignage de Christ était lié à la grâce
la plus pleine, la plus riche, la plus parfaite. Il vint non seulement comme
« la vérité », mais aussi comme l’expression parfaite de tout l’amour
du cœur du Père ; « La grâce et la vérité vinrent par Jésus
Christ » (Jean 1:17). Il était la révélation parfaite à l’homme de ce que
Dieu est ! — c’est pourquoi l’homme est sans excuse (comp. 15:22-25). Il
vint montrer Dieu à l’homme ; et l’homme haït Dieu d’une parfaite haine.
Nous voyons cela à la croix ; mais la fosse dans laquelle Joseph fut jeté
par ses frères nous en fournit déjà une figure touchante.
« Et ils le virent de loin ; et avant qu’il fût proche
d’eux, ils complotèrent contre lui pour le faire mourir. Et ils se dirent l’un
à l’autre : Le voici, il vient, ce maître songeur ! Et maintenant,
venez, tuons-le, et jetons-le dans une des citernes, et nous dirons : Une
mauvaise bête l’a dévoré ; et nous verrons ce que deviendront ses
songes » (chap. 37:18-20). Ces paroles nous rappellent d’une manière
saisissante la parabole des cultivateurs du chapitre 21 de l’évangile selon
Matthieu : « Enfin, il envoya auprès d’eux son fils, disant :
ils auront du respect pour mon fils. Mais les cultivateurs, voyant le fils,
dirent entre eux : Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le, et
possédons son héritage. Et l’ayant pris, ils le jetèrent hors de la vigne et le
tuèrent ». Dieu envoya son Fils dans le monde, disant : « Ils
auront du respect pour mon Fils » ; mais, hélas ! le cœur de l’homme
n’eut aucun respect pour le « bien-aimé » du Père. Ils le jetèrent
dehors ! La terre et le ciel étaient et sont encore divisés à cause de
Christ : l’homme
l’a crucifié,
mais Dieu
l’a ressuscité des
morts ; l’homme le mit sur une croix entre deux brigands, Dieu l’a placé à
sa droite dans les cieux ; l’homme le mit à la dernière place sur la
terre, Dieu lui a donné la place la plus élevée dans les cieux et l’a revêtu de
la plus éclatante majesté.
Tout ceci se retrouve dans l’histoire de Joseph. « Joseph est une branche qui porte du fruit, une branche qui porte du fruit près d’une fontaine ; ses rameaux poussent par-dessus la muraille. Les archers l’ont provoqué amèrement, et ont tiré contre lui, et l’ont haï ; mais son arc est demeuré ferme, et les bras de ses mains sont souples par les mains du Puissant de Jacob. De là est le berger, la pierre d’Israël : du Dieu de ton père, et il t’aidera ; et du Tout-Puissant, et il te bénira des bénédictions des cieux en haut, des bénédictions de l’abîme qui est en bas, des bénédictions des mamelles et de la matrice. Les bénédictions de ton père surpassent les bénédictions de mes ancêtres jusqu’au bout des collines éternelles ; elles seront sur la tête de Joseph, et sur le sommet de la tête de celui qui a été mis à part de ses frères » (Gen. 49:22-26).
Ces versets dépeignent d’une manière admirable « les souffrances qui devaient être la part de Christ, et les gloires qui suivraient » (1 Pierre 1:11). « Les archers » ont fait leur œuvre, mais Dieu a été plus fort qu’eux. On a tiré contre le vrai Joseph et il a été grièvement blessé dans la maison de ses amis, mais « les bras de ses mains sont souples » dans la puissance de la résurrection, et maintenant la foi le connaît comme le fondement sur lequel reposent tous les desseins de Dieu en bénédiction et en gloire à l’égard de l’Église, d’Israël et de la création tout entière. Si nous considérons Joseph dans la fosse et dans la prison, puis ensuite comme gouverneur de toute l’Égypte, nous verrons la différence qui existe entre les pensées de Dieu et celles des hommes ; il en est de même quand nous regardons la « croix », et puis « le trône de la majesté dans les cieux ».
C’est la venue de Christ qui a mis à nu la disposition réelle du cœur de l’homme envers Dieu. « Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient pas eu de péché » (Jean 15:22). Ce n’est pas à dire que les hommes n’eussent pas été pécheurs, mais : « ils n’auraient pas eu de péché ». Il est dit encore, dans un autre passage : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché » (Jean 9:41). Dieu, dans la personne de son Fils, est venu tout près de l’homme, en sorte que l’homme a pu dire : « C’est ici l’héritier » ; mais il a ajouté : « Venez, tuons-le ! » C’est pourquoi « ils n’ont pas de prétexte pour leur péché » (Jean 15:22). Ceux qui disent qu’ils voient, n’ont point d’excuse. Ce n’est pas qu’on soit aveugle, qui fait la difficulté, si on confesse qu’on est aveugle ; mais c’est de professer qu’on voit : et dans un siècle de profession comme celui-ci, ce principe est doublement sérieux. Les yeux de celui qui sait qu’il est aveugle peuvent être ouverts ; mais que peut-on faire pour celui qui croit qu’il voit, quand de fait il ne voit pas ?
Ce chapitre nous montre une de ces circonstances remarquables
dans lesquelles la grâce de Dieu triomphe glorieusement du péché de l’homme.
« Il est évident que notre Seigneur a surgi de Juda » (Héb. 7:14). —
Comment cela ? « Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar
» (Matt. 1:3). Ce fait
mérite toute l’attention de nos cœurs. Dieu, dans sa grâce infinie, s’élève
au-dessus du péché et de la folie de l’homme, pour accomplir les desseins de
son amour et de sa miséricorde. Ainsi, un peu plus loin, dans ce même évangile
selon Matthieu, nous lisons : « Et David le roi engendra Salomon, de
celle qui avait été femme d’Urie ». Il est digne de Dieu d’agir ainsi. L’Esprit
de Dieu nous fait suivre la généalogie de Christ selon la chair ; et place
dans cette chaîne les noms de Thamar et de Bath-Shéba ! Il est évident qu’il
n’y a rien là de l’homme. Celui auquel nous arrivons à la fin de ce chapitre de
l’évangile de Matthieu, c’est bien Dieu manifesté en chair, révélé comme tel
par la plume du Saint Esprit. L’homme n’aurait jamais pu inventer une
généalogie pareille. D’un bout à l’autre elle est divine, et nul homme
spirituel ne peut la lire sans trouver dans son contenu une manifestation de la
grâce, d’abord, et ensuite de la divine inspiration de l’évangile de Matthieu,
au moins pour ce qui regarde cette généalogie de Christ selon la chair (comp. 2
Sam. 11 et Gen. 38 avec Matthieu 1).
En lisant alternativement ces portions si intéressantes du livre
de Dieu, on découvre un enchaînement remarquable d’événements providentiels,
tendant tous vers un grand but principal, savoir l’exaltation de l’homme qui a été dans la fosse,
et accomplissant
en même temps divers buts subordonnés. « En sorte que les pensées de
plusieurs cœurs soient révélées » (Luc 2:35) ; mais Joseph devait
être exalté. « Dieu appela la famine sur la terre ; il brisa tout le
bâton du pain. Il envoya un homme devant eux : Joseph fut vendu pour être
esclave. On lui serra les pieds dans les ceps, son âme entra dans les fers, jusqu’au
temps où arriva ce qu’il avait dit : la parole de l’Éternel l’éprouva. Le
roi envoya, et il le mit en liberté ; le dominateur des peuples le
relâcha. Il l’établit seigneur sur sa maison, et gouverneur sur toutes ses
possessions, pour lier ses princes à son plaisir, et pour rendre sages ses
anciens » (Ps. 105:16-22).
Le but principal de toutes ces dispensations, il faut bien le remarquer, était d’exalter celui que les hommes avaient rejeté, et de faire sentir à ces mêmes hommes le péché qu’ils avaient commis en le rejetant. Et tout cela s’accomplit d’une manière admirable. Les circonstances les moins importantes, comme les plus solennelles ; celles qui paraissent le plus favorables et celles qui semblent le plus opposées servent à l’accomplissement des desseins de Dieu. Satan, au chapitre 39, se sert de la femme de Potiphar pour mettre Joseph en prison ; et, au chapitre 40, il se sert de la négligence et de l’ingratitude du grand échanson pour le faire rester dans la prison. Mais tout est inutile. Dieu était derrière la scène, dirigeant de sa main tous les ressorts de ce vaste enchaînement de circonstances et, au temps convenable, il fait paraître l’homme de ses conseils et l’établit en un lieu spacieux. C’est la prérogative de Dieu d’être toujours au-dessus de tout ; il peut faire servir toutes choses à l’accomplissement de ses grands et impénétrables desseins. Que nous sommes heureux de pouvoir suivre ainsi, en toutes choses, la main et les conseils de notre Père ; et qu’il est doux pour nous de savoir qu’il dispose en Souverain de tous les instruments : anges, hommes, démons, il les tient tous sous sa puissante main et les emploie tous, à son gré, pour l’exécution de ses desseins.
Tout cela nous est présenté d’une manière remarquable dans les chapitres que nous méditons. Dieu visite le cercle domestique d’un capitaine païen, la maison d’un roi païen ; bien plus, il visite ce roi sur son lit, et fait concourir même les visions de sa tête à l’accomplissement de ses conseils souverains. Et ce ne sont pas seulement les individus et leurs circonstances que Dieu emploie ainsi, mais encore l’Égypte et tous les pays environnants sont appelés à paraître sur la scène ; en un mot, la terre entière a été préparée, par la main de Dieu, pour être le théâtre de la manifestation de la gloire et de la grandeur « de celui qui a été mis à part de ses frères » (Deut. 33:16). Telles sont les voies de Dieu ; et c’est un exercice béni et fortifiant pour l’enfant de Dieu que de suivre ainsi l’œuvre merveilleuse de son Père céleste. Arrêtez-vous un instant à la prison du chef des gardes ; voyez là un homme « dans les fers » (Ps. 105:18), accusé du plus horrible des crimes, rejeté et méprisé de la société ; puis, voyez-le élevé, en un moment, à la plus haute dignité ! qui pourrait nier que Dieu ne soit dans tout cela ?
« Et Pharaon dit à Joseph : Puisque Dieu t’a fait connaître tout cela, personne n’est intelligent et sage comme toi. Toi, tu seras sur ma maison, et tout mon peuple se dirigera d’après ton commandement ; seulement quant au trône, je serai plus grand que toi. Et le Pharaon dit à Joseph : Vois, je t’ai établi sur tout le pays d’Égypte. Et le Pharaon ôta son anneau de sa main, et le mit à la main de Joseph, et il le revêtit de vêtements de byssus, et mit un collier d’or à son cou et il le fit monter sur le second char qui était à lui et on criait devant lui : Abrec ! Et il l’établit sur tout le pays d’Égypte. Et le Pharaon dit à Joseph : Moi je suis le Pharaon : sans toi nul ne lèvera la main ni le pied dans tout le pays d’Égypte » (chap. 41:39-44).
Cette élévation de Joseph n’était pas une élévation ordinaire ; la suite des événements qui concoururent à l’effectuer démontre clairement que la main de Dieu conduisait tout ; en même temps, les différentes circonstances par lesquelles passe Joseph, sont pour nous un type frappant des souffrances et de la gloire du Seigneur Jésus. Joseph est tiré de la fosse et de la prison dans lesquelles l’envie de ses frères et le faux jugement du gentil l’avaient mis, pour être établi gouverneur sur tout le pays d’Égypte et, de plus, pour devenir le canal de la bénédiction pour Israël et le soutien de sa vie, ainsi que de toute la terre. Tout cela est figuratif à l’égard de Christ et, en vérité, aucun type ne saurait être plus parfait. Un homme est amené jusque dans le lieu de la mort par la main de l’homme, puis ressuscité par la main de Dieu et élevé en dignité et en gloire. « Hommes israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazaréen, homme approuvé de Dieu auprès de vous par les miracles et les prodiges et les signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous, comme vous-mêmes vous le savez, ayant été livré par le conseil défini et par la préconnaissance de Dieu, — lui, vous l’avez cloué à une croix et vous l’avez fait périr par la main d’hommes iniques, lequel Dieu a ressuscité, ayant délié les douleurs de la mort, puisqu’il n’était pas possible qu’il fût retenu par elles » (Actes 2:22-24).
Mais, outre les points que nous venons de signaler, il y a dans l’histoire de Joseph deux autres événements qui rendent le type remarquablement parfait : son mariage avec une femme étrangère au chapitre 41, et son entrevue avec ses frères au chapitre 45. Ces événements se succèdent dans l’ordre suivant : Joseph se présente à ses frères comme envoyé par le père ; ils le rejettent, et, pour autant qu’il est en eux, ils le font descendre au sépulcre. Dieu le retire de la fosse et l’élève à la plus haute dignité : dans son élévation, il épouse une femme, et quand ses frères selon la chair, prosternés devant lui, sont complètement humiliés, il se fait connaître à eux, il les tranquillise et les introduit dans la bénédiction ; puis il devient le canal de la bénédiction, pour eux et pour le monde entier.
Quelques observations sur le mariage de Joseph et la restauration de ses frères ne seront pas superflues. La femme étrangère est la figure de l’Église. Christ se présente aux Juifs et, rejeté par eux, il prend place dans les hauts cieux d’où il envoie le Saint Esprit pour rassembler une Église élue, composée de Juifs et de Gentils, destinée à être unie à lui dans la gloire céleste.
Nous avons déjà parlé de la doctrine de l’Église en nous occupant du chapitre 24 ; mais nous trouvons ici quelques détails qui touchent au même sujet, et sur lesquels nous nous arrêterons un moment. L’épouse égyptienne de Joseph était intimement associée à lui dans sa gloire (*). Étant une avec lui, elle avait part à tout ce qui était à lui ; de plus, par sa proximité et son intimité avec lui, elle occupait une place auprès de lui qu’elle seule connaissait. Il en est de même de l’assemblée, épouse de l’Agneau : elle est unie à Christ pour participer à sa réjection, et à sa gloire. C’est la position de Christ qui donne son caractère à la position de l’Église, et c’est cette position qui devrait toujours caractériser la marche de l’Église. Si nous sommes unis à Christ, c’est comme étant élevés dans la gloire, et non ici-bas dans l’humiliation : « En sorte que nous, désormais, nous ne connaissons personne selon la chair ; et, si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le connaissons plus ainsi » (2 Cor. 5:16). Le centre de rassemblement de l’assemblée, c’est Christ : « Et moi, si je suis élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi-même » (Jean 12:32). La pleine intelligence de ce principe est d’une importance pratique bien plus grande qu’il ne paraît au premier abord. Le dessein de Satan, aussi bien que la tendance de nos cœurs, est de nous faire rester en arrière du but de Dieu en toutes choses et surtout en ce qui concerne le centre de notre unité comme chrétiens. Bien des gens pensent que c’est le sang qui constitue le centre de l’unité des saints. Le sang infiniment précieux de Christ est ce qui nous place individuellement comme adorateurs en la présence de Dieu. C’est le sang qui constitue le divin fondement de notre communion avec Dieu. Mais quand il est question de notre centre d’unité comme assemblée (Église), il ne faut pas perdre de vue que le Saint Esprit nous rassemble autour de la personne d’un Christ crucifié et glorifié ; et cette grande vérité imprime à notre association comme chrétiens son saint et glorieux caractère. Si nous nous plaçons sur un terrain moins élevé, nous tombons inévitablement dans quelque secte, telles que le catholicisme, le luthérianisme, le calvinisme, etc., etc. Si c’est une ordonnance, quelque importante qu’elle puisse être d’ailleurs, ou une vérité, quelque fondée qu’elle soit, qui nous rassemble, nous faisons notre centre de quelque chose qui est moins que Christ.
(*) La femme de Joseph représente l’Église comme unie à Christ dans sa gloire ; la femme de Moïse figure l’Église comme unie à Christ dans sa réjection.
Il est donc très important de peser les conséquences pratiques
qui découlent de cette vérité : que nous sommes réunis autour d’un Chef
ressuscité et glorifié dans les cieux. Si Christ était sur la terre, nous
serions rassemblés autour de lui ici-bas ; mais puisqu’il est caché
maintenant dans les cieux, l’assemblée tire son caractère de la position de son
« Chef » là-haut. C’est pourquoi Christ pouvait dire :
« Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde », et
encore : « Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi
soient sanctifiés par la vérité » (Jean 17:16-19). Pareillement dans la
première épître de Pierre, chapitre 2:4-5, il est écrit : « Duquel
vous approchant, comme d’une pierre vivante, rejetée par les hommes, mais
choisie et précieuse auprès de Dieu, vous-mêmes aussi, comme des pierres
vivantes, êtes édifiés une maison spirituelle, une sainte sacrificature, pour
offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ ». Si
nous sommes réunis autour de Christ, il faut que nous soyons réunis autour de
lui tel
qu’il est et là où
il est ; et plus nous
entrerons, par l’enseignement de l’Esprit, dans l’intelligence de ces choses,
mieux aussi nous comprendrons quelle est la marche qui nous convient. Ce n’est
ni dans la fosse, ni dans la prison, que l’épouse de Joseph lui était unie,
mais dans la dignité et la gloire de sa position en Égypte ; et pour ce
qui est d’elle, il nous est bien facile de discerner l’immense différence qui
existe entre les deux positions.
Mais, un peu plus loin, nous lisons : « Et, avant que vînt l’année de la famine
, il
naquit à Joseph deux fils ». Un
temps d’épreuve devait arriver ; mais auparavant, le fruit de son union
paraît ; les enfants que Dieu lui avait donnés sont appelés à l’existence.
Ainsi en sera-t-il quant à l’Église : tous les membres qui la composent
seront appelés, le corps entier sera complété et réuni à la Tête dans les
cieux, avant « la grande tribulation » qui viendra sur tout le monde
habitable (Matt. 24:21).
Jetons maintenant un regard sur l’entrevue de Joseph avec ses
frères. Cette entrevue présente plus d’un trait de ressemblance avec l’histoire
d’Israël aux derniers jours. Durant la période pendant laquelle Joseph fut
caché à ses frères, ceux-ci furent appelés à passer par une grande et profonde
épreuve et par des exercices de conscience des plus douloureux. Dans l’un de
ces moments d’affliction, ils répandent leur cœur, disant : « Certainement nous sommes coupables
à l’égard
de notre frère ; car nous avons vu la détresse de son âme quand il nous
demandait grâce, et nous ne l’avons pas
écouté
; c’est pourquoi cette détresse est venue sur nous. Et Ruben
leur répondit, disant : Ne vous ai-je pas parlé disant : Ne péchez
pas contre l’enfant ? Mais vous n’avez pas écouté ; et aussi voici son sang est redemandé
! » (chap.
42:21-22).
Plus loin, au chapitre 44, nous lisons : « Et Juda dit : Que dirons-nous à mon seigneur ? Comment parlerons-nous, et comment nous justifierons-nous ? Dieu a trouvé l’iniquité de tes serviteurs ! » — Nul ne peut enseigner comme Dieu. Lui seul peut produire dans l’âme le sentiment réel du péché, et amener un homme à la conscience de son état devant Dieu. L’homme poursuit, insouciant, sa carrière de péché, jusqu’à ce que les flèches du Tout-Puissant transpercent sa conscience ; alors il faut qu’il passe par ces douloureux exercices du cœur et de la conscience qui ne peuvent trouver de soulagement que dans les immenses richesses de l’amour rédempteur. Les frères de Joseph n’avaient aucune idée de tout ce qui devait découler pour eux de leur conduite envers lui : « Et ils le prirent et le jetèrent dans la citerne… Et ils s’assirent pour manger le pain ». « Malheur à vous… qui buvez le vin dans des coupes, et vous oignez de la meilleure huile ; et ne vous affligez pas de la brèche de Joseph ! » (Amos 6:6).
Toutefois, par des voies merveilleuses, Dieu touche les cœurs des frères de Joseph, et exerce leurs consciences. Les années s’étaient succédé, et les frères de Joseph avaient pu s’imaginer que tout allait bien ; mais les « sept années d’abondance et les sept années de famine » arrivent, et que signifient-elles ? De qui proviennent-elles ? À quoi doivent-elles servir ? Merveilleuse providence ! sagesse incompréhensible de Dieu ! La famine se fait sentir dans le pays de Canaan, et les besoins de la faim amènent les coupables frères de Joseph aux pieds de celui qu’ils ont outragé ! Comme la main de Dieu se montre ici partout ! L’épée de la conviction a transpercé leurs consciences, et ils sont là en présence de l’homme que, « avec des mains iniques », ils avaient jeté dans la fosse. Leur iniquité les a trouvés, mais c’est en présence de Joseph. Bienheureuse position !
« Et Joseph ne put plus se contenir devant tous ceux qui se tenaient près de lui, et il cria : Faites sortir tout le monde d’auprès de moi. Et personne ne se tint près de Joseph quand il se fit connaître à ses frères » (chap. 45:1). Nul étranger n’est admis à être témoin de cette scène sacrée ; car quel étranger aurait pu la comprendre ou l’apprécier ? Nous sommes appelés à voir ici, en quelque sorte, la vraie et divine conviction du péché en présence de la grâce divine ; et quand cette conviction et cette grâce se rencontrent, toute question est bientôt résolue.
« Et Joseph dit à ses frères : Approchez-vous de moi. Et ils s’approchèrent. Et il dit : Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour l’Égypte. Et maintenant, ne soyez pas attristés, et ne voyez pas d’un œil chagrin que vous m’ayez vendu ici, car c’est pour la conservation de la vie que Dieu m’a envoyé devant vous… Et Dieu m’a envoyé devant vous pour vous conserver de reste sur la terre, et pour vous conserver la vie par une grande délivrance. Et maintenant, ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais c’est Dieu ». C’est bien ici la grâce, mettant la conscience, convaincue de péché, en parfait repos. Les frères de Joseph s’étant déjà jugés, Joseph n’a plus qu’à répandre le baume dans leurs cœurs brisés. Tout ceci est un précieux type de la manière dont Dieu agira à l’égard d’Israël dans les derniers jours, alors qu’ils « regarderont vers moi, celui qu’ils auront percé, et ils se lamenteront sur lui ». Alors ils feront l’expérience de la réalité de la grâce divine et de l’efficace de cette source « ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour le péché et pour l’impureté » (Zac. 12:10 et 13:1).
Au chapitre 3 des Actes, nous voyons le Saint Esprit chercher à produire, par la voix de Pierre, cette conviction divine dans la conscience des Juifs : « Le Dieu d’Abraham et d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, que vous, vous avez livré, et que vous avez renié devant Pilate, lorsqu’il avait décidé de le relâcher. Mais vous, vous avez renié le saint et le juste, et vous avez demandé qu’on vous accordât un meurtrier ; et vous avez mis à mort le prince de la vie, lequel Dieu a ressuscité d’entre les morts ; ce dont nous, nous sommes témoins » (v. 13-15). Ces paroles avaient pour but de faire sortir du cœur et de la bouche des auditeurs la confession que firent les frères de Joseph : « Certainement nous sommes coupables ! » Ensuite vient la grâce ; « Et maintenant, frères, je sais que vous l’avez fait par ignorance, de même que vos chefs aussi ; mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait prédit par la bouche de tous les prophètes, savoir que son Christ devait souffrir. Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la face du Seigneur » (v. 17-19). Nous voyons ici que, bien que les Juifs aient donné cours à l’inimitié de leurs cœurs en faisant mourir Jésus, comme avaient fait les frères de Joseph dans leur conduite envers lui, cependant la grâce de Dieu envers chacun d’eux apparaît en ce qu’il est démontré que tout a été décrété et prédit de Dieu pour leur bénédiction. C’est la grâce parfaite ; grâce qui surpasse toutes nos pensées ; mais pour en jouir, il faut que la vérité de Dieu ait produit dans la conscience une conviction de péché réelle. Ceux qui pouvaient dire : « Certainement nous sommes coupables », pouvaient aussi comprendre les paroles de la grâce : « Ce n’est pas vous, mais c’est Dieu ». Il faut qu’il en soit ainsi toujours : l’âme qui s’est jugée elle-même est en état de comprendre et d’apprécier le pardon de Dieu.
Les derniers chapitres du livre de la Genèse traitent du départ de Jacob et de sa famille, et de leur établissement en Égypte ; des actes de Joseph pendant les années de famine, de la bénédiction des douze patriarches par Jacob ; de la mort de Jacob et de son ensevelissement. Nous ne nous arrêterons pas en détail sur ces divers sujets, bien qu’ils renferment matière à méditation pour tout homme spirituel (*). Nous ferons remarquer seulement les craintes, mal fondées de Jacob, dissipées à la vue de son fils vivant et exalté ; la grâce manifestée dans sa puissance souveraine qui gouverne et dirige tout, grâce accompagnée de jugement, parce que les fils de Jacob sont obligés de descendre au pays même où ils avaient envoyé leur frère. La grâce qui paraît en Joseph d’un bout à l’autre de sa vie n’est pas moins remarquable : bien qu’élevé à la gloire par Pharaon, il se cache en quelque sorte, et lie le peuple à son roi sous une obligation perpétuelle. Pharaon dit au peuple : « Allez à Joseph », et Joseph leur dit de fait : Tout ce que vous avez, et tout ce que vous êtes, appartient au Pharaon. Tout cela est d’un grand et touchant intérêt, et transporte l’âme, par anticipation, au temps où, par le décret de Dieu, le Fils de l’homme prendra en main les rênes du gouvernement et régnera sur toute la création rachetée ; son Église, l’Épouse de l’Agneau, occupant alors la place la plus intime et la plus rapprochée de lui, selon les conseils éternels de Dieu ; la maison d’Israël pleinement restaurée sera nourrie et soutenue par sa main bienfaisante, et toute la terre connaîtra le bonheur inexprimable de se trouver sous son sceptre. Mais quand toutes choses lui auront été assujetties, alors le Fils aussi lui-même sera assujetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que « Dieu soit tout en tous » (1 Cor. 15:28).
(*) La fin de la carrière de Jacob forme un beau contraste avec toutes les scènes précédentes de son histoire si féconde en événements. Elle fait penser au soir serein qui termine un jour orageux ; le soleil, que les nuages et les vapeurs avaient caché durant le jour, se couche brillant de majesté, dorant l’occident de ses rayons et promettant un beau lendemain. Ainsi en est-il de notre vieux patriarche. Tous les actes qui ont terni sa vie ; toutes ses ruses, ses artifices, ses détours, ses tromperies, ses craintes égoïstes, fruits de son incrédulité, tous ces sombres nuages de la nature et de la terre se sont évanouis, et Jacob apparaît dans toute la sérénité et l’élévation de la foi, dispensant des bénédictions et conférant des dignités selon cette connaissance sanctifiée qui ne s’acquiert que dans la communion avec Dieu.
Bien que ses yeux soient ternis, la vue de sa foi est pénétrante. Il ne se laisse pas tromper quant à la position respective assignée, dans le conseil de Dieu, à Éphraïm et à Manassé. Il n’est pas comme son père Isaac, au chapitre 27, « saisi d’un tremblement très grand », en vue d’une erreur presque funeste. Tout au contraire, avec intelligence, il répond à son fils, moins bien informé : « Je le sais, mon fils, je le sais ». Sa vie spirituelle n’a pas été obscurcie par les sens. Jacob a appris à l’école de l’expérience à se tenir attaché à l’intention de Dieu, et aucune influence de la nature ne peut l’en détourner.
Le chapitre 48:11, nous fournit un précieux exemple de la manière dont Dieu s’élève au-dessus de toutes nos pensées et se montre supérieur à toutes nos craintes : « Et Israël dit à Joseph : je n’avais pas pensé voir ton visage ; et, voici, Dieu m’a fait voir aussi ta semence ». Pour la nature, Joseph était mort, mais Dieu le voyait vivant, occupant la première place d’autorité à côté du trône. « Ce que l’œil n’a pas vu, et que l’oreille n’a pas entendu, et qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Cor. 2:9). Puissions-nous avoir une plus grande intelligence de Dieu et de ses voies !
Il est intéressant de voir comment sont présentés les titres de
« Jacob » et de « Israël », à la fin du livre de la Genèse.
Au chapitre 48:2, nous lisons : « Et on avertit Jacob
et on dit : Voici, ton fils Joseph vient vers toi. Et Israël
rassembla ses forces et s’assit
sur le lit ». Puis, la Parole ajoute immédiatement : « Et Jacob
dit à Joseph : Le Dieu
Tout-Puissant m’est apparu à Luz ». Or nous savons que tout dans l’Écriture
a un sens spécial, en sorte que l’emploi alternatif de ces deux noms doit
renfermer quelque instruction. En général on peut voir que « Jacob »
exprime la profondeur dans laquelle Dieu est descendu, et « Israël »
la hauteur à laquelle Jacob a été élevé.
Tout ceci nous donne une idée de tout ce que renferme pour nous l’histoire de Joseph. Dieu nous y montre clairement, en type, la mission du Fils auprès de la maison d’Israël ; son humiliation et sa réjection ; l’affliction profonde, la repentance finale et la restauration d’Israël ; l’union de Christ et de l’Église ; l’exaltation et le gouvernement de Christ ; et en dernier lieu, elle porte nos regards vers le temps où « Dieu sera tout en nous ».
Il est superflu d’ajouter que toutes les choses qui nous ont occupés dans ce livre sont enseignées et amplement établies d’un bout à l’autre de l’Écriture ; ce n’est donc pas sur l’histoire de Joseph que nous les fondons, bien qu’il soit certainement édifiant de trouver déjà dans ces temps primitifs les images de toutes ces précieuses vérités, et qu’on y puisse lire ainsi une preuve frappante de la divine unité de toute l’Écriture. Dans la Genèse, comme dans l’épître aux Éphésiens ; dans les prophètes de l’Ancien Testament comme dans ceux du Nouveau, nous retrouvons partout les mêmes vérités.
« Toute Écriture est
inspirée de Dieu
» (2 Tim. 3:16).