Christian Briem
Table des matières :
2 - La mission confiée par l’homme noble à ses esclaves
La parabole des mines de Luc 19 est distincte de la parabole des talents de Matt. 25, comme on l’a déjà remarqué, même si elles se ressemblent beaucoup. Non seulement le Seigneur les a données à des moments différents et en des lieux différents (Jéricho, montagne des oliviers), mais elles diffèrent aussi quant à leur contenu.
Le Seigneur Jésus a prononcé cette parabole des « mines » avec l’intention précise de corriger l’espérance prématurée des disciples. Le fait d’être près de Jérusalem les renforçait dans l’idée que le royaume de Dieu allait bientôt paraître. Or si le Seigneur était près de Jérusalem, c’était qu’Il était près de la croix, et non pas près du règne de 1000 ans.
« Et comme ils entendaient ces choses, il ajouta et [leur] dit une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’ils pensaient que le royaume de Dieu allait immédiatement paraître. Il dit donc : Un homme noble s’en alla dans un pays éloigné, pour recevoir un royaume et revenir » (Luc 19:11-12).
Au début de cette parabole, le Seigneur Jésus dépeint un tableau qui Le représente, comme Il le fait à plusieurs reprises. Il se décrit comme un homme noble, et effectivement Il était fils de David, de lignée royale par Joseph selon la loi (Matt. 1:16), sans même parler de ce qu’Il était Fils de Dieu par Son origine. La dignité de Sa Personne donne à la parabole son caractère spécial.
Il s’agit donc d’un homme noble parti dans un pays lointain pour
y recevoir un royaume et revenir. Ce voyage dans un pays lointain est sans
aucun doute une allusion à la résurrection
et à l’ascension
de Christ. Bien que
ces deux grands événements ne soient jamais positivement nommés dans les
paraboles, ils figurent néanmoins dans beaucoup d’entre elles, et en sont même
à la base, sous des expressions variées, qui parlent de quitter sa maison, ou
de s’en aller, ou comme ici, d’entreprendre un voyage dans un pays lointain. En
Luc 10, il est dit du bon samaritain qu’il « allait son chemin » —
une allusion à ce que Christ est devenu Homme. Ce « chemin » allant
du ciel vers la terre s’accorde avec ce qu’Il exprime en Héb. 10:9 :
« Voici je viens, pour faire ta volonté ». Mais dans notre parabole,
le sens du voyage est inversé. Le Seigneur quitte la terre et va au ciel, ce
qui s’accorde avec Sa parole de Jean 17:11 : « Je viens à toi ».
Beaucoup de paraboles, comme celle des mines, décrivent l’état
de choses en l’absence
du Seigneur —
des événements qui auront lieu avant
l’établissement du règne sur la terre. L’intervalle de temps entre le rejet du
Roi et l’établissement final du règne de paix jusqu’alors différé, est de la
plus grande importance pour nous. Sept paraboles parlent de ce temps intermédiaire
, chaque fois sous un
point de vue différent :
Il n’y a pas d’incertitude sur le fait
que l’homme noble aura un royaume, mais seulement sur le moment
de sa réapparition. Il est
allé au ciel pour y recevoir en propre un royaume de la part de Dieu. Il ne le
reçoit pas de la part des hommes ni dans ce monde. Ayant trouvé une croix
ici-bas, il est dans les pensées de Dieu qu’Il soit premièrement honoré au ciel
avant de recevoir aussi sur la terre l’honneur qui Lui revient. « Le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père » (Luc 1:32). Tout ceci
est en accord avec la prophétie de Daniel 7 où nous voyons quelqu’un
« comme un fils d’homme » venir vers l’Ancien des jours. « Et on lui donna la domination, et
l’honneur, et la royauté » (Daniel 7:13-14).
Cette introduction établit ainsi clairement trois points :
apparitionen puissance et en gloire. Car Il viendra comme Celui qui
a reçule royaume, c’est-à-dire comme prince des rois de la terre (Apoc. 1:5).
Venons-en maintenant à ce qui se passe durant le temps intermédiaire entre Son départ au ciel et Son retour sur la terre.
Deux groupes de personnes sont identifiés, d’abord les esclaves
du maître, ensuite les citoyens
du pays. Le Seigneur ne
consacre qu’une phrase à chacun de ces groupes, mais le peu qu’Il en dit est
extrêmement important.
« Et ayant appelé dix de ses propres esclaves, il leur donna dix mines, et leur dit : Trafiquez jusqu’à ce que je vienne » (Luc 19:13).
« Dix esclaves », « dix mines ». Ce n’est
pas seulement le contexte, mais aussi le nombre dix qui parle de responsabilité
(« dix vierges », « dix commandements »). C’est ici la
pensée principale : la responsabilité
des esclaves
vis-à-vis de leur maître. Chacun des esclaves reçoit une mine
de la part du maître, avec la mission de « trafiquer jusqu’à ce qu’il
vienne ». Dans la parabole des talents de Matt. 25 la pensée dominante est
celle de la souveraineté de Dieu
;
et le maître donne alors quelque chose de différent à chaque esclave, mais la
même récompense. Ici le maître donne pareil à tous, mais récompense
différemment. Le point de départ est le même pour tous les esclaves, et la
récompense se détermine selon la mesure avec laquelle chacun a fait face à sa
responsabilité.
Le Seigneur attache manifestement à la « mine » une
pensée différente de celle du « talent ». Les « talents »
sont les dons spirituels que le Seigneur a conférés à Ses serviteurs selon leur
capacité. Mais ici chaque esclave reçoit la même chose : une mine. On a
considéré la « mine » comme une image de la Parole de Dieu. Dans ce
sens, chaque croyant a reçu tout autant, et il doit trafiquer avec cette Parole
de Dieu comme instrument de Sa grâce. Cette pensée a quelque poids. Mais il me
semble encore mieux de voir dans la « mine » la révélation ou la
connaissance de Dieu en Christ — une connaissance qui, il est vrai, découle
pour nous de la Parole de Dieu. Cette révélation
de Dieu en Christ
est en fait un « capital » inestimable confié
au même degré à chaque disciple du Seigneur. Sommes-nous bien conscients de la
valeur de ce « capital » aux yeux du Seigneur ? En tout cas Il
nous a remis quelque chose entre les mains, ce qui n’avait encore jamais eu
lieu dans ce monde dans des temps précédents. N’y a-t-il pas là pour nous un
puissant stimulant à remplir la mission du Seigneur, en nous y consacrant
pleinement ?
« Trafiquez jusqu’à ce que je vienne ». Il n’est pas question de dons de grâce spirituels. Non, Dieu s’est pleinement révélé en Jésus Christ, Son Fils, et Il veut que cette révélation de Sa grâce dans le monde gagne toujours plus en extension. Quand le Sauveur était ici-bas, Il a fait connaître Dieu, Lui le Fils unique (Jean 1:18). C’était une nouveauté absolue. Maintenant que le Fils séjourne au ciel, Dieu veut utiliser Ses esclaves dans le même but. Il s’est fait connaître à eux, et ils connaissent Ses pensées. Dès lors ils doivent trafiquer avec la « mine » dans le sens de la faire se multiplier.
C’est aussi le but propre, la grande tâche de notre vie. Nous ne devons pas seulement garder pour nous la révélation de la grâce de Dieu qui nous a été confiée, ni même simplement la garder correctement, si bon que cela soit. Que Dieu fasse que ce qui est de Lui se multiplie, chez nous et chez les autres. C’est une tâche merveilleuse que nous pouvons tous remplir de plusieurs manières. Une mère, par exemple, qui parle du Seigneur Jésus à son enfant, fait exactement ce dont il est question dans la parabole : elle trafique avec sa « mine ». À l’« école maternelle » ou à la « grande école », l’enfant n’a rien d’aussi précieux à apprendre. La mère a une « mine » ; tu en as une, j’en ai une. Qu’en faisons-nous ? N’est-ce pas quelque chose de grand que d’aider un autre à comprendre quelque chose de plus au sujet de Christ ?
« Jusqu’à ce que je
vienne
». L’expression en grec est différente de celle de 1 Cor.
11:26, et elle signifie ici « pendant
que
je viens ». Tout le temps de l’absence de l’homme noble est
considéré comme une seule époque pendant laquelle il vient, parce qu’il est
attendu à chaque instant. Nous faisons notre travail dans la conscience heureuse
qu’il puisse prendre fin à chaque instant par la venue de notre Seigneur.
La scène de la parabole s’élargit maintenant pour englober « ses concitoyens ».
« Or ses concitoyens le haïssaient ; et ils envoyèrent après lui une ambassade, disant : Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19:14).
« Ses esclaves », « ses concitoyens ». Cette juxtaposition peut étonner. Les uns doivent servir leur Maître, les autres le haïssent, et malgré tout, il est dit de chacun d’eux qu’ils sont siens. Le texte grec requiert ici une explication pour une petite difficulté. Avec l’expression « ses esclaves » du v. 13, il y a une construction réfléchie signifiant « ses propres esclaves » ; au v. 14 il n’y a pas cette construction : « ses concitoyens ». Le v. 13 décrit donc une attitude plus intérieure que le v. 14. En outre, nous ne devons pas oublier que l’homme noble était supposé avoir un royaume. « Ses concitoyens » sont donc les Juifs, qui sont nettement distingués des disciples du Seigneur.
Or ces « concitoyens » haïssaient l’homme noble, et même « continuaient à le haïr » comme l’exprime la forme à l’imparfait. C’est en crucifiant leur Messie que les Juifs ont montré clairement à quel point ils haïssaient le Seigneur Jésus. Aucune raison n’en est donnée, car il n’y en avait point : « Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:25). Bien que comme homme Il fût de leur peuple et de la lignée royale, ils haïssaient Jésus. Bien que selon Sa nature, Il fût Dieu, et qu’Il fût par là le plus noble et le plus élevé de tous ceux qui demeuraient parmi eux, ils Le haïssaient.
Mais ils firent plus. Ils envoyèrent une ambassade après Lui pour dire : « nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Ceci s’est passé quand ils rejetèrent le témoignage qu’Étienne rendit au Seigneur glorifié, et qu’ils lapidèrent le fidèle témoin de Dieu (Actes 7). Ils envoyèrent pour ainsi dire Étienne après Jésus. Le message de refus ne pouvait être plus clair.
À ce moment-là, le Seigneur était prêt à revenir encore vers eux. Avant Étienne, Pierre avait justement encore appelé les Juifs à la repentance, et avait promis des temps de rafraîchissement pour le cas où ils auraient suivi son invitation et se seraient convertis ; Pierre avait ajouté que Dieu leur enverrait Jésus Christ qui leur avait été préordonné. « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la face du Seigneur, et qu’il envoie Jésus Christ, qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive, jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Actes 3:19-21).
Cependant les Juifs rejetèrent le témoignage de Pierre comme celui d’Étienne. Non, ce peuple ne voulait pas que Jésus règne sur eux, et il ne le veut toujours pas aujourd’hui. Ils continuent à le haïr. Que va-t-Il faire finalement avec ces « concitoyens » ?
« Mais ceux-là, mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je régnasse sur eux, amenez-les ici et tuez-les devant moi » (Luc 19:27).
Le Seigneur les désigne ici comme étant « Ses ennemis ». Ils seront jugés devant Lui quand Il reviendra en gloire et en puissance.
« Et il arriva, à son retour, après qu’il eut reçu le royaume, qu’il commanda d’appeler auprès de lui ces esclaves auxquels il avait donné l’argent, afin qu’il sût combien chacun aurait gagné par son trafic. Et le premier se présenta, disant : Maître, ta mine a produit dix mines. Et il lui dit : Bien, bon esclave, parce que tu as été fidèle en ce qui est très-peu de chose, aie autorité sur dix villes. Et le second vint, disant : Maître, ta mine a produit cinq mines. Et il dit aussi à celui-ci : Et toi, sois [établi] sur cinq villes » (Luc 19:15-19).
Oui, « l’homme noble » recevra le royaume et reviendra. À ce moment-là, il ne se bornera pas à juger Ses ennemis, mais Il récompensera aussi Ses esclaves. Ce sera un moment sérieux et sublime quand le Seigneur « fera les comptes » avec Ses esclaves. Comme nous nous sommes déjà occupés de cela en détail à l’occasion de la parabole des « talents », nous ne nous arrêterons ici que sur quelques particularités intéressantes.
« Maître, ta mine a
produit dix mines » — on ne peut s’exprimer ainsi que si la mine se
rapporte à la révélation de Dieu dans le Christ Jésus, et non pas à dons de
grâce conférés. La mine a, pour ainsi dire, produit quelque chose d’elle-même
. L’esclave le reconnaît
humblement. Il ne dit pas : « j’ai gagné ».
Dans Sa réponse, le
Seigneur parle de ce qui est « très-peu de chose » :
« parce que tu as été fidèle en ce qui est très-peu de chose
… ». S’agissant de notre responsabilité,
c’est le plus petit côté de ce qui est considéré. Cela ne signifie nullement
que ce soit une chose sans importance. Notre parabole enseigne juste le
contraire. Mais par comparaison au décret divin et à la position bénie où nous
sommes placés grâce à ce décret, ce que nous
,
nous pouvons faire par fidélité est très petit. Ce qui est grand, c’est ce qui
est dans le cœur de Dieu, et ce que Lui
a fait et fait encore dans Son Fils. Cependant dans la mesure où la grâce
infinie de Dieu remplit notre cœur, nous sommes stimulés à être fidèles dans
notre petit domaine.
Les deux esclaves dont la fidélité différente s’est exprimée par le gain de dix et de cinq mines n’entendent pas la même parole d’approbation. Seul celui qui a les dix mines reçoit la parole de reconnaissance « Bien, bon esclave » ; et le Maître l’établit sur dix villes, — l’autre seulement sur cinq. Les deux conservent ce qu’ils ont acquis et en jouissent (il n’est pas parlé qu’ils aient à rendre les mines ; pensée consolante !). Mais la position des esclaves dans le royaume sera différente selon la fidélité avec laquelle ils auront travaillé. Ce côté n’est pourtant pas le plus élevé comme on l’a déjà remarqué. C’est pourquoi il n’y a pas ici l’invitation : « Entre dans la joie de ton Maître ». Partager Sa joie au ciel et en jouir sera quelque chose de plus grand que de régner avec Lui sur la terre.
Après les deux esclaves fidèles, nous voyons paraître un esclave d’une « autre » sorte.
« Et un autre vint, disant : Maître, voici ta mine, que j’ai gardée déposée dans un linge ; car je t’ai craint, parce que tu es un homme sévère : tu prends ce que tu n’as pas mis, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé » (Luc 19:20-21).
Quelle honte qu’auprès d’un homme si bon et si noble, il y ait aussi cet autre esclave ! Il utilise les mêmes expressions que les précédents : « Maître », « ta mine », — mais quelle différence de ton dans ses propos ! Qu’a-t-il fait de l’argent que le Maître lui a confié pour trafiquer avec ? Rien. « Voici ta mine ». Pendant tout le temps écoulé, il a enfermé sa mine dans un linge, et il s’est comporté ensuite comme s’il n’avait jamais reçu de « mine ». Quel mépris de son Maître cela exprime !
Si nous nous souvenons de ce dont la « mine » parle, nous voyons alors toute la portée de ce que le Seigneur Jésus présente ici. Il ne parle pas d’un esclave qui a été infidèle dans ce qu’on lui a confié, ou qui a volé, ni de quelqu’un qui rejette ouvertement la révélation de Dieu (ce serait un rebelle). Non, c’est quelqu’un qui professe L’avoir pour Maître, et qui accepte extérieurement la connaissance de Dieu qui lui a été accordée, mais qui n’en fait rien, ni pour lui ni pour les autres. Pourquoi n’en fait-il rien ? Parce qu’il n’y attribue aucune valeur. Le « linge » pour s’essuyer, qu’il aurait du tremper de sa sueur au travail, reste sec pour envelopper la mine : c’est un capital mort !
L’esclave fait valoir qu’il craint le Maître, qu’il vivait dans une crainte perpétuelle (le verbe est à l’imparfait) de Lui. Ah ! si cela avait été vrai qu’il ait eu de la crainte ! Alors il aurait au moins été obéissant. Mais il ne craignait pas de refuser l’obéissance à son Maître, et il ne craignait pas de ne tenir aucun compte de la mission du Maître. La crainte qu’il prétend avoir, n’était qu’une crainte hypocrite, non pas la vraie crainte de Dieu.
En outre, il se plaint d’avoir un Maître si sévère, qu’Il prend ce qu’Il n’a pas mis, et qu’Il récolte ce qu’Il n’ pas semé. Ces paroles sont autant hypocrites que fausses. Le Maître ne lui avait-Il pas remis la « mine » en main propre ? Comment pouvait-il prétendre qu’Il n’avait rien « mis » ? La vérité était que cet esclave ne connaissait ni n’aimait son Maître. Il n’a éprouvé à aucun moment la noblesse que ce Maître montrait en voulant faire de lui un administrateur de ses biens, en sorte qu’il aurait pu agir avec comme s’il avait été le Maître Lui-même.
Avec cette fausseté et cet égoïsme, cet esclave est l’image de tous ceux de la chrétienté qui certes professent être à Christ, et prétendent le servir, mais qui ne Le connaissent ni ne L’aiment.
L’art et la manière dont on fait face à sa responsabilité manifeste si on L’aime ou pas. C’est le moyen de tester la véracité de ce qu’on professe. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime » (Jean 14:21).
Avoir reçu la grâce de Dieu en Christ et n’y trouver aucun stimulant encourageant à travailler avec cette « mine » selon Sa pensée, cela montre clairement qu’on relève de cette catégorie d’« esclaves ». De tels gens (chrétiens) peuvent être fortement engagés dans les questions de droits de l’homme, de justice sociale et de ce qu’on appelle l’éthique chrétienne. Mais la « mine » ne représente rien pour eux, pas plus que le Seigneur Lui-même.
« Il lui dit : Je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave : tu savais que moi je suis un homme sévère, prenant ce que je n’ai pas mis et moissonnant ce que je n’ai pas semé ; et pourquoi n’as-tu pas mis mon argent à la banque, et quand je serais venu je l’eusse retiré avec l’intérêt ? » (Luc 19:22-23).
Ce que dit cet esclave ne fait que révéler qu’il est un méchant
esclave. En même temps il se
condamne par ses propres paroles. Il en est toujours ainsi. Quand les hommes se
trouvent des excuses devant Dieu, leurs motifs pour s’excuser fournissent
généralement la base de leur condamnation. Leur prétendue logique n’est qu’une
illusion grossière qu’ils se font à eux-mêmes, et par laquelle ils prononcent
leur propre jugement. « Je te
jugerai par ta propre parole, méchant esclave ».
Le Maître se place sur le terrain du méchant esclave et de son argumentation. Si les suppositions d’où prétend partir le méchant esclave avaient été vraies, il aurait agi tout autrement, il aurait au moins mis l’argent du Seigneur à la banque. Le Maître, à Son retour, aurait pu alors récupérer l’intérêt en plus de Son argent.
Mais dans ces paroles du Seigneur n’y a-t-il pas une leçon pour nous tous ? Peut-être nous sentons-nous incapables de travailler nous-mêmes avec les biens qui nous ont été confiés. Ne devrions-nous pas alors au moins penser que d’autres peuvent travailler avec ? Il y a beaucoup de manières de le faire et d’aider. Et se tenir en prière pour les autres serviteurs n’est-il pas justement le meilleur moyen de le faire ?
« Et il dit à ceux qui étaient présents : Ôtez-lui la mine et donnez-la à celui qui a les dix mines. — Et ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines. — Car je vous dis qu’à quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté (Luc 19:24-26).
Le Maître fait ôter sa mine au méchant esclave. Il n’en est pas
dit plus ici. Cela s’accorde bien avec l’évangile de Luc, qui met la grâce
de Dieu au premier plan. C’est
pourquoi le sort et le jugement de cet esclave ne sont pas détaillés davantage.
Il en était de même avec le fils aîné de la parabole du fils prodigue.
Néanmoins, être dépouillé de sa mine ne signifie rien moins qu’être jeté pour
toujours dans la mort et les ténèbres.
Le jugement de ceux qui sont ouvertement des ennemis est quand même indiqué ici (Luc 19:27).
On peut être surpris que la mine ôtée au méchant esclave doive
être donnée à celui
qui avait déjà
dix mines. « Ils lui dirent :
Seigneur, il a dix mines ». Mais là-derrière se cache un principe divin
général, qui est aussi à appliquer aux enfants de Dieu : « À
quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui
sera ôté ».
Quand la grâce et la révélation de Dieu ont suscité en nous une réponse d’amour, alors ce que nous avons et dont nous avons joui, non seulement ne nous sera pas ôté, mais il y sera ajouté de la grâce supplémentaire. Cela est déjà vrai aujourd’hui, et ce sera aussi vrai quand nous entrerons dans la gloire du royaume. Ce que nous avons gagné ici-bas ne sera pas perdu pour nous dans l’autre monde.
D’un autre côté, il se peut qu’une vérité divine qui a été placée devant nos cœurs ne suscite aucun mouvement de notre foi. Peut-être que nous nous en occupons, mais ce n’est pas mêlé de foi. Alors nous n’avons pas réellement Christ devant nous ; ce n’est qu’une connaissance sans effet sur notre conscience. Tôt ou tard, le Seigneur ôte une telle connaissance. Ainsi non seulement nous ne devenons pas plus riche, mais nous perdons même ce que nous croyons avoir.
L’enseignement de la parabole des « mines » peut bien
se résumer par la parole de 2 Cor. 6 : « Or, travaillant à cette même œuvre, nous aussi, nous exhortons à ce
que vous n’ayez pas reçu la grâce de Dieu
en vain
» (2 Cor. 6:1).