Réflexions
chrétiennes sur le monde actuel
Date 15 3 2003
La question paraîtrait une
blague drôle, si ce n’était l’idée suggérée directement par le numéro du 12
mars du journal leader de l’opinion en France.
L’article est disponible sur
le site du journal, et nous ne le reproduirons pas. La substance de l’article
est en gros la suivante : Procédant par amalgame et juxtaposition, non pas
par présentation intellectuellement rigoureuse et logique, le journal établit
deux camps. Le camp de la paix, c’est l’université, les étudiants (les gens
intelligents, les gens qui réfléchissent), la ville universitaire et
artistique, la scène musicale. Le camp de la guerre, c’est les évangélistes, le
Texas, le fief de George Bush, Dallas, la Bible, le fusil, le big business, les églises évangéliques, les exécutions
capitales et les prêcheurs annonçant l’apocalypse.
Nous passons rapidement sur
les termes systématiquement désobligeants dès qu’il est question de la Bible et
de l’évangile. Les prédicateurs sont des « prêcheurs », les
évangélistes sont des « sectes ». S’ils sont nombreux, c’est qu’ils
« pullulent » ; s’il y a des gens qui les écoutent, ce ne peut
être que « quelques illuminés ». Ça ne se démontre pas, ça s’affirme.
— On est loin là du politiquement correct, et des discours habituels de respect
des « courants de pensées », du « droit à la différence »,
etc.
Le titre de l’article
« les évangélistes pourchassent le mal quand les étudiants se battent pour
la paix » est assez frappant en ce qu’il admet comme normal que la paix
aille avec le laisser-faire quant au mal. Notons le contraste avec
l’enseignement de l’apôtre Pierre qui, bien loin d’opposer le rejet du mal et
la poursuite de la paix, estimait au contraire que ces choses allaient ensemble
(1 Pierre 3:11) : « Qu’il se détourne du mal et qu’il fasse le
bien ; qu’il recherche la paix et qu’il la poursuive ».
Comment donc en arrive-t-on à
responsabiliser Darby pour la guerre en Iraq ? La question est plus
intéressante qu’il n’y paraît (s’il ne s’agissait que de défendre ou justifier
Darby, nous nous serions bien gardé d’écrire quoi que ce soit). L’idée est
amenée de la manière suivante par le journal :
- a)
Certains
prêches texans comparent l’Union Européenne à l’une des têtes du dragon du
livre des révélations, et les Nations Unies (ONU) à la « bête » « au
service de l’antichrist »,
- b)
La majorité
des protestants évangéliques croient à l’apocalypse et à la fin du monde lors
de la bataille d’Armageddon entre Jésus et l’Antichrist,
- c)
La doctrine
de cette bataille a été établie par Darby, et adoptée par la plupart des sectes
protestantes fondamentalistes,
- d)
De nombreux
chrétiens américains ont le sentiment de vivre un affrontement de civilisations
avec l’Islam,
- e)
Un professeur
du Séminaire théologique de Dallas estime que
- 1.
l’Islam a
montré dans l’histoire récente sa violence contre les chrétiens et les juifs
- 2.
l’interprétation
des écritures de Darby est bonne
- 3.
il n’y a pas
de lien direct entre la guerre en Iraq et Armageddon
- 4.
la guerre en
Iraq n’en est qu’une étape
- 5.
le
responsable de la communication de la « Coalition chrétienne »
[coalition à but politique] encourage ceux qui contestent la guerre à se
plonger dans les écritures.
Une première lecture
laisserait à penser que la mention de Darby en rapport avec la guerre à l’Iraq
est sans intérêt, puisque le rôle de Darby serait seulement d’avoir développé
la doctrine sur Armageddon, ce qui est hors sujet
avec l’Iraq.
En
réalité les idées que l’article tend à propager sont, notamment :
-
Darby et les écritures (comprenez « les Saintes Écritures »,
la Bible) sont pour la guerre puisqu’ils annoncent une guerre finale entre
Jésus et l’Antichrist !
-
Croire à ce que dit la Bible n’est que le propre d’une minorité
inintelligente, non éduquée et violente,
-
L’Europe et la France sont éclairées, civilisées et tolérantes, tandis
que vouloir chasser le mal est l’intolérance d’un fondamentalisme religieux
américano-irlandais.
On commence par se demander
comment qualifier de telles idées : énormités ? misère
spirituelle ? orgueil insensé ? aveuglement ? On va voir qu’il s’agit en fait de
l’attitude classique du monde qui ne supporte pas que l’on annonce les
jugements de Dieu : c’est en effet le condamner moralement.
Quoiqu’il en soit, il faut
remettre les pendules à l’heure en rappelant quelques points
élémentaires :
- 1.
Oui, la Bible
annonce une bataille finale entre Jésus Christ et l’Antichrist
(Apocalypse 16 et 19). Peu importe sa localisation.
- 2.
Cette
bataille ne sera pas à la fin du monde, mais dans la phase préalable à
l’introduction du règne de paix du Messie sur la terre (fin de la « grande
tribulation »). Nous acceptons que cela sera probablement la fin de la
civilisation occidentale : Croire en sa pérennité est une illusion.
- 3.
La bataille
entre Jésus et l’Antichrist ne sera pas une guerre
comme nous les connaissons, puisqu’il suffira du souffle de la bouche de Jésus
Christ pour anéantir ses ennemis. Ce n’est pas aux chrétiens à ôter l’ivraie du
champ (Matthieu 13), mais Dieu s’en chargera en son temps. Les vrais chrétiens
ont assez souffert des persécutions de ceux qui voulaient le faire à Sa place.
Laissons Dieu faire Son travail et ne prétendons pas le faire à Sa place.
- 4.
La vraie
sagesse, la vraie intelligence, c’est la crainte de Dieu et c’est se retirer du
mal (Job 28:28). Écouter et pratiquer la Parole de Dieu sont la vraie source
d’intelligence (Proverbes 2:6). La lumière qui éclaire est en Christ (Jean
1:7-9), mais elle éclaire aussi le péché de l’homme et de son cœur. La
civilisation ne va pas avec la prospérité des méchants (Proverbes 11:1 ;
25:5 ; 28:12). Mettre Dieu de côté ne conduit qu’à l’obscurité et à la
misère morale.
- 5.
Oui, Jésus
Christ instaurera un règne de paix et de bonheur sur la terre, mais ce ne sera ni
par le développement progressif des actions de nations pacifiques, ni par
l’action guerrière de chrétiens croyant œuvrer pour le bien.
- 6.
De nombreux
passages de la Bible montrent que le chrétien actuel doit agir pour la paix,
non pas pour la guerre (Psaume 34:14 ; Romains 14:19 ; 2 Timothée
2:22 ; Hébreux 12:14 ; 1 Pierre 3:11, etc.). Appuyer une guerre par
une logique chrétienne n’est que de l’égarement, même si cela a été trop
souvent essayé (« Gott mit uns » des
allemands à la première guerre mondiale ; croisades de l’église
catholique ; diverses guerres de la papauté ; et bien d’autres).
- 7.
Annoncer la
destruction des ennemis de Dieu (que dire du monde occidental athée et
immoral !) ne signifie pas du tout qu’on soutient les guerres actuelles.
La Bible annonce des guerres (Matthieu 24:6-7), mais ne justifie pas ceux qui
les mènent. Prétendre qu’annoncer la guerre, c’est être pour la guerre, est un
sophisme calomniateur.
- 8.
Le même Jésus
Christ qui reviendra en gloire et en vainqueur, est celui qui a été rejeté par
ce monde, et s’est laissé crucifier pour sauver des pécheurs. Le modèle à
suivre qu’Il laisse aux chrétiens, n’est pas un modèle de guerroyeur ou de
gouverneur efficace, mais un modèle de serviteur qui s’abaisse, dévoué au bien
et au salut des âmes.
- 9.
Le temps
actuel est le temps de la grâce offerte aux pécheurs pour qu’ils se repentent
de leurs péchés, le temps où on suit un Christ rejeté et haï du monde. C’est
pourquoi il est déplacé que les chrétiens se mettent à la place des autorités
gouvernant ce monde : ceci vaut aussi bien pour un président américain,
que pour les multiples partis politiques chrétiens qui cherchent à peser sur la
vie de leur pays.
- 10.
C’est le
propre des faux prophètes d’annoncer la paix quand la guerre est aux portes —
« Paix ! paix ! et il n’y a point de paix » (Jérémie
6:14 ; 8:11). C’est le propre des faux prophètes d’accuser les vrais
prophètes de vouloir le mal de leur pays (Jérémie 26). La Bible donne plusieurs
exemples de prophètes ayant annoncé la guerre, et qui ont été persécutés
(prison, coups, calomnies, etc.) : Michée en 1 Rois 22, Jérémie (ch. 26 et
37).
- 11.
Il ne suffit
pas d’être partisan de la paix et d’œuvrer pour la paix, pour qu’elle
arrive ; la Bible annonce même le contraire (1 Thessaloniciens
5:3). Il ne peut y avoir de paix véritable sans la justice, et sans écouter le
vrai Dieu (Psaume 1, et bien d’autres passages). Ceci aura lieu sous le règne
de paix et de justice du Messie. Dans le temps présent, le mal se développe
(par
mal
nous ne pensons pas
premièrement au stockage d’armes dangereuses en Iraq, mais d’abord à la
corruption morale effrénée de l’occident) et dans de telles conditions le mal
et la guerre ne peuvent que se développer : Jérémie et Ézéchiel et
d’autres ont développé cela abondamment (lire Jérémie 26 à 28 si on n’a pas le
temps de lire plus), sans parler de Jésus Christ en Matthieu 24. - 12.
La Bible
donne un exemple — Tyr — de civilisation riche et orgueilleuse, se croyant
intelligente parce qu’elle était riche, et même plus intelligente que les
prophètes de Dieu (Ézéchiel 28:3-5). L’aboutissement n’est que la ruine, sous
le jugement de Dieu (lequel peut se servir d’autres nations comme instruments
de son jugement, même si ceux-ci en sont inconscients ; cf Ézéchiel 30:10 ; Ésaïe
10:5-7). Quand on s’enorgueillit de la civilisation, de l’intelligence, de l’éducation
européennes ou françaises, on court à la ruine.
- 13.
Quand les
hommes religieux s’emparent ou cherchent à s’emparer du pouvoir politique, ils
sont tôt ou tard évincés durement par les autorités civiles (Apocalypse
17:16-17).
En résumé, le mal de base à
l’origine d’une guerre en Iraq, ne réside pas dans l’annonce des jugements
apocalyptiques qui vont tomber sur le monde (annonce due à la Bible, non pas à
Darby), mais dans ce que les chrétiens sortent de leur place de disciples du
Christ pour s’emparer du pouvoir politique en exerçant une force opposée au
caractère et au témoignage de Christ. À l’opposé, le monde fier de sa prétendue
sagesse et intelligence, n’échappera pas longtemps au jugement de Dieu.
Ne nous étonnons pas si les
chrétiens sont haïs quand les malheurs arrivent sur le monde à cause de son
iniquité : cela est directement annoncé par Jésus Christ (Matthieu 24:9b).
Ayons plutôt pitié du monde qui n’écoute pas les avertissements de Dieu, même
s’il est vrai que la conduite de certains chrétiens n’est pas une aide.