André Gibert
Brus, 12 août 1974 — ME 1981 p. 90
Les sous-titres entre crochets ont été ajoutés par Bibliquest
Table des matières :
2 - Un Dieu de paix [la seule source de paix pour tous]
3 - L’oeuvre de paix pour nous
3.1 - [Il a ramené Christ d’entre les morts]
3.2 - [Le grand pasteur des brebis]
4 - L’oeuvre de paix par nous [accomplis en toute bonne œuvre pour faire Sa volonté]
5 - L’oeuvre de paix en nous [faisant en vous ce qui est agréable devant Lui par Jésus Christ]
L’épître aux Hébreux nous entretient de Christ glorifié. Le Sauveur, ayant sur la terre fait par lui-même la purification des péchés, s’est assis à la droite de la majesté dans les cieux. Et c’est cet objet qui est placé devant le croyant : le chemin est ouvert jusque là pour contempler cette personne glorifiée. Ceux qui sont appelés à une si grande faveur sont pourtant encore sur la terre, mais ils ont à y vivre, à y cheminer et à y servir comme possédant une espérance céleste dont le garant est précisément celui qui est entré au-dedans du voile comme leur précurseur dans le sanctuaire. Les vérités de l’épître aux Hébreux sont d’une splendeur propre à retenir le regard, mais nous sommes ici-bas, et il est nécessaire que nous soient donnés les moyens d’y fournir la course, les yeux fixés sur Jésus. Nous trouvons cela à plus d’une reprise dans le courant de l’épître, en particulier au chapitre 4 avec les ressources de la Parole, de l’intercession de notre souverain Sacrificateur, et du libre accès vers Dieu par la prière. Mais ici, tout à la fin de l’épître, il est bien remarquable que l’écrivain (sans doute l’apôtre Paul) s’occupe tout particulièrement de la condition terrestre de ceux auxquels il a présenté de si glorieuses vérités. Et le voeu qu’il exprime dans les deux versets que nous avons lus, embrasse à la fois la base de toutes ces ressources qui sont à la disposition des chrétiens sur la terre, et ce qui est demandé à ces hommes faits enfants de Dieu. Nous nous retrouvons là sur un terrain éminemment pratique, celui de la marche ici-bas étroitement liée au salut, dont elle dépend.
Ce voeu est en même temps une prière pour ceux qu’il a ainsi enseignés. Ces chrétiens tirés du judaïsme éprouvaient une souffrance morale plus persistante et plus grande que nous ne pensons, devant la nécessité d’abandonner ce qui leur tenait toujours à coeur, et à quoi on voulait les ramener : la religion de leurs pères, les ordonnances de la loi de Moïse, tout ce dont au contraire l’épître veut les détacher pour les attacher à un Christ céleste. Pour cela, il leur explique que la loi et tout le judaïsme n’offraient que des figures dont maintenant la réalité avait été donnée, et qu’ils avaient à jouir de cette réalité, c’est-à-dire de Christ glorifié. En même temps, ils avaient à souffrir des persécutions de la part du monde en général et singulièrement de leurs coreligionnaires auxquels ils apparaissaient comme des renégats et des traîtres. Et enfin il y avait pour eux, comme pour tous, comme pour nous, toutes les difficultés, les afflictions et les combats inhérents à l’existence d’ici-bas.
C’est alors que tant de
sujets d’épreuve propres à troubler sont là que Dieu est présenté comme le Dieu de paix.
L’épître parle de Dieu
comme de Celui qui, après avoir longtemps mis l’homme à l’épreuve et lui avoir
demandé en vain quelque chose par la loi, « à la fin de ces jours-là » a parlé
dans son Fils. « Le Fils » est venu pour accomplir l’oeuvre merveilleuse qui
permettrait à des pécheurs, incapables de rien produire par eux-mêmes, de
s’approcher de Dieu et d’entrer jusque dans son sanctuaire en pleine assurance
de foi : ils y trouvent le Dieu de paix. « Or le Dieu de paix… ». Quelle
expression ! La paix, dans un monde que ne connaît pas la paix, la paix
pour des créatures humaines sans paix intérieure, et qui ne peuvent goûter
au-dehors qu’une paix factice, précaire, intermittente, toujours mise en
question ? Parler de paix dans le monde et d’une manière particulière dans
les temps où nous sommes ? À la vérité, on en parle beaucoup. Les
promesses de paix, les espérances de paix, les illusions de paix ne manquent pas.
Dans le domaine politique, dans le domaine moral, dans le domaine religieux,
les voix sont nombreuses pour dire : « Paix, paix » — et « il n’y a point de
paix », comme le constatait le prophète. Et partout au contraire on voit surgir
des motifs de conflits nouveaux, entre nations, entre peuples, entre classes,
entre professions, entre races, entre générations, dans les familles, et pour
tous les sujets, et dans tous les domaines. Oui, hélas ! jusque dans ce
qui porte le nom de chrétienté, plus tristement encore — disons-le avec
humiliation — chez ceux que Dieu appelle à exprimer ici-bas son assemblée.
Partout l’Ennemi est à l’oeuvre contre tout ce que l’on pourrait considérer
comme des éléments de paix. Mais le manque de paix est avant tout le grand
caractère de la multitude de ceux qui sont étrangers à l’Évangile, les
habitants d’un monde qui refuse le Dieu qui veut le bonheur des hommes, le Dieu
de l’Évangile, le Dieu Sauveur. C’est le monde qui a crucifié le Prince de
paix. Il y a peut-être ici plus d’une personne qui cherche en vain quelque
chose qui ressemble à la paix et apaise ses troubles intérieurs. Elle doit se
rendre compte que tout ce qui empêche la paix, dans le monde en général et dans
chaque individu, tient aux rapports entre Dieu et l’homme. Ces rapports sont
ceux du Créateur à une créature ruinée par le péché, ceux d’un juge à un
coupable. Il y aura à rendre compte à ce juge. Tout revient à l’état moral de
chaque créature humaine. Et pour nous, les croyants, qui par grâce avons la vie
nouvelle, il suffit de nous interroger, chacun, dans la lumière où nous avons
été amenés par la grâce de Dieu, pour reconnaître que, si nos coeurs sont si
souvent troublés, c’est que les sentiments naturels reparaissent, que la
conscience n’est pas à l’aise parce que nous laissons mille choses s’interposer
entre Dieu et nous. Tout ce qui trouble la communion détruit la paix.
Eh bien, quelles que soient
les conditions présentes, avec toute la douloureuse évidence du manque de paix
sur la terre, jusque dans la famille de Dieu, il y a le Dieu de paix.
Alors que chaque âme peut soupirer :
Oh ! qui me fera goûter la paix, une paix bien établie, bien stable ?
Dieu se présente comme le Dieu de paix.
Au pécheur tourmenté dans sa conscience, il offre la paix par le sang de la croix de Christ. La paix a été faite et Dieu la donne à quiconque croit. « Étant justifiés sur le principe de la foi nous avons la paix avec Dieu ». La source d’une paix sûre et stable, nous l’avons trouvée en Dieu lui-même. Dieu désormais s’appelle pour les croyants le Dieu de paix. Il est Celui qui donne la paix.
Plusieurs fois il nous est parlé, dans les épîtres de Paul, du Dieu de paix. Le Dieu de paix est souhaité par l’apôtre aux fidèles comme une présence : « Que le Dieu de paix soit avec vous » dit-il aux Romains. Il peut dire aux Philippiens : « Mais faites ces choses (les choses aimables, les choses pures, les choses qui sont de bonne renommée), et le Dieu de paix sera avec vous ». Se tournant vers l’avenir, du moment où Satan qui est venu apporter sur la terre le péché et ses conséquences, sera brisé, il le montre brisé sous les pieds des croyants (Romains 16), et par qui ? Par le Dieu de paix. Il le fera dans l’exercice de sa puissance souveraine, mais avec ce calme, cette sérénité, cette majesté du Dieu qui est infiniment au-dessus de toutes choses. C’est par le Dieu de paix, le Dieu que rien ne peut troubler, que sera définitivement brisé sous les pieds des saints l’ennemi défait par Christ à la croix.
Dès lors, à ce Dieu de paix se rattache un ensemble de faits, que nous trouvons dans les deux courts versets du voeu de l’apôtre. En premier lieu, ce Dieu de paix est Celui « qui a ramené d’entre les morts le grand pasteur des brebis, dans la puissance du sang de l’alliance éternelle » ; et, comme le dit la note, l’expression juste serait : « le Dieu de paix, le ‘Ramenant’ d’entre les morts » ; c’est son caractère, il est Celui qui ramène. Le Dieu de paix a fait la paix avec sa créature déchue, rebellée contre Lui ; il a fait la paix avec ceux qui étaient ses ennemis ; il l’a faite en vertu de la puissance du sang qui a été versé, et qui est le sang rédempteur de Christ, et cela selon l’alliance éternelle de Dieu.
Il a ramené Christ d’entre les morts.
La paix, nous la trouvons avec le
Dieu de paix dans ce domaine nouveau qui est celui de la vie procurée par la
croix de Christ. Il n’y a pas de paix en dehors de Christ. Mais Dieu a pu
donner la paix, et Dieu est le Dieu de paix pour nous, parce qu’une vie nouvelle
a pris naissance dans la mort même de Christ abolissant le péché par son
sacrifice. Ayant subi toute la colère de Dieu à l’égard du péché, connu
l’abandon de son Dieu, il est entré en vainqueur dans la mort, salaire du
péché. Dieu l’a ramené d’entre les morts. Il « a ramené d’entre les morts le
grand pasteur des brebis ». Je connais peu d’expressions plus magnifiques dans
toute l’Écriture. Christ avait pris le chemin de la mort. Il était entré dans
la mort, par obéissance à Celui qui voulait, dans son amour infini, sauver sa
créature et qui pour cela donnait son Fils unique. Jésus, homme parfait pouvant
porter la peine des hommes aussi bien que Fils de Dieu, homme agissant dans sa
puissance infinie, prend place là où l’homme s’était placé lui-même : sous
la colère de Dieu. Cette colère se retrouvera plus tard contre ceux qui auront
méprisé la grâce et qui restent des « enfants de colère ». Mais la paix est faite
pour ceux qui ont ajouté foi aux déclarations de l’Écriture, et qui se reposent
sur le « Dieu qui a ressuscité d’entre les morts Jésus Christ notre Seigneur,
lequel a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre
justification ».
Vous ne pouvez pas connaître le Dieu de paix en dehors de cette personne et de cette oeuvre. Si vous ne pouvez pas vous reposer sur un tel Sauveur et sur une telle oeuvre, il n’y a pas de paix pour vous. Selon le langage de l’Écriture, vous restez devant Dieu « dans vos péchés », et donc, quelle que puisse être votre honorabilité devant les hommes, vous faites partie de ceux que la Parole de Dieu appelle « les méchants ». Nous étions tous tels par nature. Et « il n’y a pas de paix, dit mon Dieu, pour les méchants » (Ésaïe 48:22).
Mais alors, chers chrétiens, trouvons notre assurance, et retenons-la ferme jusqu’au bout, dans cette personne bénie qui nous a ouvert l’accès vers le Dieu de paix, Il veut que nous jouissions de cette paix. Pour cela nous sommes reportés, toujours, à l’oeuvre infinie qui a été accomplie à Golgotha. Nous voyons dans la mort Celui qui y est entré, mais entré victorieux ; le tombeau ne pouvait pas le retenir. Lui-même par sa propre puissance a repris sa vie (Jean 10:17, 18), et le Saint Esprit l’a vivifié, et la gloire du Père l’a ressuscité d’entre les morts (Romains 6:4). D’entre les morts quelqu’un est sorti vivant, le Fils de Dieu qui est le Fils de l’homme, cette personne bénie qui nous ouvre l’accès vers un Dieu de paix, désormais notre Père. Mais il a été « ramené d’entre les morts », quelle forte image ! la puissance de Dieu pénétrant dans ce qu’il y a de plus effrayant, effrayant pour l’homme et effrayant en soi, « les lieux bas de la terre ». « D’entre les morts » a été ramené Celui qui est désormais le grand pasteur des brebis. Il a connu pour elles toute la réalité de la mort.
Il y avait dès longtemps dans
l’Écriture cette image du berger,
du
pasteur, et de ses brebis. Le peuple d’Israël, auquel appartenaient ces
chrétiens hébreux, a été appelé le troupeau de Dieu, le peuple de sa pâture, un
troupeau indocile, hélas, un troupeau qui s’est donné bien souvent de mauvais
bergers. Mais c’est l’histoire de l’homme qui se reconnaît dans celle du peuple
d’Israël. Tous les hommes se sont tournés comme des brebis errantes chacun vers
son propre chemin, et chacun vers quelque mauvais berger. Les mauvais bergers,
les conducteurs d’hommes entraînant les masses à la perdition, ont foisonné
dans l’histoire de l’humanité, et combien ont leur statue !
Mais Dieu avait devant lui un
berger, le vrai berger, le grand pasteur des brebis ; il voulait des
brebis à lui, un troupeau qui fût le vrai troupeau de Dieu, un seul troupeau
sous un seul berger. Pour cela, Jésus est venu, a été l’homme de douleurs, a
pris sur lui « le châtiment de notre paix » (Ésaïe 53:5) ; l’épée s’est
tournée contre Celui que Dieu reconnaissait comme son berger (Zacharie 13:7).
Nous n’avons pas le temps ce soir de suivre ce grand sujet du berger, mais nous
comprenons tous que « le grand pasteur des brebis », c’est Jésus, Celui à qui le
Père a donné des brebis, qui a donné sa vie pour elles, et qui les présente
maintenant au Père comme ayant la vie éternelle. Il est venu « pour que ses
brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance ». Pour cela Il est mort.
Nous avons trouvé le salut en lui, et il est maintenant notre berger qui veut
nous conduire.
Au-dessus de tous les bergers et de tous les pasteurs que Dieu peut susciter pour paître son peuple — et dans l’assemblée pour s’occuper des âmes — il y a donc le « grand berger », souverain pasteur, comme l’appelle l’apôtre Pierre. « Vous êtes retournés au berger et au surveillant de vos âmes », et c’est « le souverain pasteur » qui donnera des récompenses à ceux qui auront été fidèles. Précieuse figure que celle du grand berger, du grand pasteur des brebis.
Mais c’est une figure qui ne peut avoir et qui n’a de réalité que parce que le berger a été frappé, qu’il a donné sa vie pour les brebis. Ensuite, il veut que les brebis jouissent de Lui, et de tous les privilèges attachés à son activité inlassable envers elles.
Il est question de lui comme Celui qui sera le vrai berger d’Israël, un Israël restauré dans l’avenir pour être un peuple terrestre de fidèles, qui, sous un roi de justice et de paix, se réjouira dans toutes les gloires, toutes les bénédictions et toute la paix du royaume. Mais dès maintenant, dans un domaine plus élevé, les chrétiens, qui constituent l’Église de Christ, sont appelés à connaître cette même personne qui sera manifestée comme ce roi de justice et de paix, le vrai Melchisédec. Nous le voyons glorifié dans le ciel, et en lui nous connaissons le Dieu de paix.
Le berger a été frappé, s’étant offert pour nous dans son amour infini, cela à la gloire de Dieu. La puissance infinie de la force de Dieu a opéré pour le ressusciter d’entre les morts (Éphésiens 1:20). On l’a souvent observé, c’est la seule fois dans cette épitre aux Hébreux, et seulement à la fin de l’épître, que la résurrection est expressément mentionnée. Elle est présentée en figure au chapitre 11 avec le sacrifice d’Isaac, mais la résurrection de Christ apparaît ici — et avec quelle majesté ! — parce que le grand sujet de l’épître est Christ déjà au-delà de la mort et de la résurrection, élevé plus haut que les cieux, assis à la droite de Dieu, salué par Dieu comme sacrificateur selon l’ordre de Melchisédec.
Mais
revenons à notre verset. Le grand
pasteur des brebis a été ramené d’entre les morts, nous est-il dit, « dans la puissance du sang
de l’alliance
éternelle » (ou : en vertu du sang, mais l’idée est la même). Ce n’est pas
simplement : par le moyen de, mais selon toute la valeur propre
s’attachant à ce sang — la puissance de ce sang.
En dehors du sang de Christ,
pas de paix, pas de salut, pas de vie. C’est à cause de l’effusion de ce sang
que les péchés sont remis, à cause de l’excellence de ce sang que la mort est
vaincue, que Christ est sorti du tombeau et que Dieu fait luire la vie et
l’incorruptibilité par l’Évangile. La puissance du sang de Christ ! Il ne
manque pas de « bergers » dans ce monde qui, parlant de Christ, même avec
beaucoup de révérence extérieure, comme un modèle qu’il serait nécessaire de
suivre pour que la paix s’établisse ici-bas, ne le présentent que dans sa
perfection morale, et parlent peu, ou ne parlent pas de son sang versé, si même
ils ne refusent pas ouvertement de reconnaître ce sang de Christ et sa valeur.
Eh bien ! la Parole nous dit que c’est selon la puissance
de ce sang que la résurrection a eu lieu, et avec toutes
ses conséquences, c’est-à-dire la vie éternelle pour ceux qui croient, la
justification, le salut, la rédemption totale, tout ce que nous avons par la
foi en espérance, et en attendant que, bientôt, l’espérance soit changée en
vue.
La puissance du sang !
L’expression prend toute sa force si nous nous rappelons ce qui est dit — et
combien cela devait parler à ces croyants hébreux — au chapitre 10, qu’« il est
impossible » que le sang des sacrifices offerts selon la loi, le sang des veaux
et des boucs, puisse ôter les péchés. Ce sang-là était un sang impuissant, il
n’était qu’une figure de celui qui devait être offert un jour. Maintenant
l’offrande a eu lieu, et le sang a été agréé devant Dieu. Et si la résurrection
de Christ a eu lieu, alors c’est la vie qui nous est donnée, la vie éternelle,
la vie nouvelle. Recevez-la, vous qui peut-être croyez bien d’une manière
générale à l’Évangile, et qui acceptez bien le fait que Christ soit mort pour
le péché, pour des pécheurs, qu’il ait porté nos péchés sur la croix, mais qui
n’osez pas vous appliquer à vous-même les résultats de cette effusion du sang
de Christ. C’est un sang puissant : en vertu de ce sang Christ est
ressuscité, et si Christ est ressuscité tous ceux qui croient en Lui ont la vie
de résurrection. Passent-ils par la mort, ils ressusciteront. Et s’ils sont
vivants quand Christ viendra, ils seront transmués. C’est la vie éternelle.
Pénétrons-nous, tous, de la valeur et de la puissance du sang de l’Agneau de
Dieu, versé pour nous. Et ce sang a été versé selon (ou pour) l’alliance éternelle.
« Le sang de l’alliance éternelle ». Vous saisissez toute une liaison de faits. Il a été ramené d’entre les morts, ressuscité ; il l’a été dans la puissance du sang, la résurrection prouve la valeur de ce sang ; Dieu donne la vie, la vie éternelle parce que Christ est là ressuscité et glorifié. Mais si ce sang a été versé, si le berger des brebis, pour avoir le troupeau que Dieu voulait et qu’il lui destinait, est entré dans la mort pour en sortir ramené par le Dieu de paix dans la puissance du sang, ce n’était pas simplement pour remédier vaille que vaille à la faute d’Adam, rétablir ce qui avait été gâté par le péché, cela va beaucoup plus loin, beaucoup plus haut, pour s’élargir jusqu’à l’infini : c’est une création nouvelle qui surgit et qui dépasse en grandeur, en gloire — et en paix — la première création, telle qu’elle était avant la chute de l’homme ! Ce sont les pensées éternelles de Dieu qui sont là, Dieu n’a pas été pris au dépourvu, tout était d’avance devant Lui, dans ses conseils éternels. Son amour infini, sa puissance infinie, sa préconnaissance infinie, sa sagesse parfaite, sa justice, sa sainteté : tout a été glorifié à jamais par l’oeuvre de la croix.
De sorte qu’il est parlé
maintenant d’un engagement de Dieu et d’une alliance présentée comme
« l’alliance éternelle ». Rappelons qu’un propos central de l’épître aux Hébreux
est la mise de côté de ce qui était l’alliance conclue à Sinaï entre l’Éternel
et son peuple. Cette alliance a pris fin : elle a abouti au rejet du
Messie, et par sa mort à la croix ! Mais alors une nouvelle alliance,
prédite par les prophètes, est mise en évidence et cette alliance est fondée
sur le sang de l’Agneau de Dieu, le sang versé qui lave le pécheur de ses
péchés et fait l’expiation. L’ancienne alliance disparaît, celle à laquelle les
Israélites étaient liés par la loi de Moïse dont ils avaient dit : « tout
ce que l’Éternel a commandé », ou « tout ce que l’Éternel commandera », nous le
ferons. Le livre de l’Exode nous donne le détail de ces choses. Maintenant
c’est une nouvelle alliance. L’ancienne alliance liait deux parties
contractantes, Dieu et son peuple. Dieu s’engageait à bénir ce peuple, et le
peuple s’engageait à observer la loi de Dieu. Le peuple ne pouvant observer la
loi, parce que le coeur naturel est inimitié contre Dieu, une nouvelle alliance
naît dont Christ est le garant, et c’est une alliance éternelle. La première
devait finir si l’une des deux parties contractantes manquait à ses
obligations. Dieu ne pouvait manquer aux siennes, mais les fils d’Israël — et
par là tous les hommes — ont manqué aux leurs. L’alliance nouvelle fondée sur
Christ accomplissant l’oeuvre de rédemption est une alliance éternelle. Elle ne
peut passer. Celui qui la fonde en est le garant, sans contre-partie. Elle est
conclue avec le peuple terrestre : ce sera un peuple nouveau. Mais comme
chrétiens, nous avons part aux bénédictions qu’assure cette alliance nouvelle,
et nous y avons part sur un plan qui n’est plus un plan terrestre, mais un plan
céleste, comme ceux qui sont associés à Christ glorifié, faits un avec Lui.
C’est là toute l’épître aux Hébreux. L’alliance éternelle est une alliance qui
ne peut pas être interrompue parce que : « Tu es sacrificateur pour l’éternité
selon l’ordre de
Melchisédec ».
Je me plais même à penser que l’expression va plus loin que cette idée de la nouvelle alliance contractée avec Israël, dont nous avons déjà les bénéfices sur un plan supérieur et qui se continue pour l’éternité. Tous les propos de l’Écriture concernant l’alliance, et tout ce qui nous est dit des différentes alliances, se rattache finalement à un dessein qui passe par-dessus tous les temps et tous les espaces, si je puis dire : n’est-ce pas le dessein éternel de Dieu ? Car l’alliance c’est l’engagement de Dieu, un engagement pris de lui-même, pour lui-même, en faveur des hommes, ses créatures. Ce dessein accompli dans le temps, a été conçu bien avant la fondation du monde ; il est dans l’éternité de Dieu lui-même. Il y a eu des alliances temporaires, les unes sans engagement de la part de celui qui était béni par Dieu, les autres comportant un engagement de la part de l’homme mais tout ce qui était confié à l’homme s’est trouvé ruiné, de sorte que quelque chose de tout nouveau est introduit et c’est la nouvelle alliance, mais elle existait en dessein de toute éternité, pour se réaliser dans le temps. Je désirerais préciser encore, à ce propos, que le terme alliance s’applique aussi bien à des dispositions émanant d’une seule personne, en faveur d’autres personnes, comme l’est un testament, qu’à un engagement de deux parties comme l’était la loi de Sinaï. Les deux termes, testament et alliance, traduisent, dans le chapitre 9 des Hébreux par exemple, le même mot original.
La nouvelle alliance, une alliance éternelle. C’est dans le domaine des choses éternelles que nous entrons, par la grâce de Dieu et par la foi en Jésus Christ le Sauveur. Éternelle, pour des créatures qui passent comme passeront la terre et les oeuvres qui sont en elles. Nos pensées sont portées vers ce qui est éternel. L’inconverti n’aime pas qu’on lui parle de choses éternelles ; pour lui, ce sont imaginations pures. Un homme, très distingué moralement et intellectuellement, me disait un jour : Oh, vous, vous parlez toujours de choses éternelles, mais nous ne sommes pas faits pour les choses éternelles. Pauvre homme ! il ignorait ce qu’il y a de plus précieux que l’on puisse trouver ici-bas, et qui est offert à tout pécheur qui se repent : la vie éternelle. Qui croit au Fils de Dieu a la vie éternelle. Tous ici peuvent-ils dire qu’ils ont la vie éternelle ? Nous ne pouvons pas aller plus avant sans poser cette grande question. Elle est si simple, dans sa réponse, mais pour quelqu’un qui a compris qu’il est en lui-même indigne de la vie éternelle. Elle est offerte gratuitement à qui se reconnaît pécheur devant Dieu.
L’épître aux Hébreux est
pleine de choses éternelles : l’héritage éternel, l’Esprit éternel, le
salut éternel, une rédemption éternelle, et ici une alliance éternelle. Nous
sommes entrés dans l’alliance éternelle, et il ne nous est rien demandé que de
croire. L’alliance éternelle dépend de la grâce de Dieu seul, Dieu dont la
justice a été satisfaite à la croix ; et il est le Dieu de paix qui assure
les bienfaits de cette alliance à ceux qui croient. En possession de la vie
éternelle, ils ont ainsi accès au Dieu de paix. Ce Dieu si redoutable pour tout
pécheur, dans Sa sainteté et dans Sa justice, ils le connaissent comme le Dieu de paix.
Mais voilà qu’ils ont à marcher
sur cette terre, et à y vivre comme par grâce possesseurs de la vie éternelle
et appelés à la manifester. Une fois assurés d’être sauvés, il ne suffit pas de
dire : « Eh bien ! maintenant tout ira bien pour moi et à la fin de
cette vie je sais que j’aurai la vie éternelle », et puis de se croiser les bras
sans penser que nous avons une tâche à accomplir sur cette terre. Car le Dieu
de paix nous est ensuite présenté comme Celui qui peut nous rendre accomplis en
toute bonne oeuvre
pour faire sa
volonté. Nous n’avons rien à faire pour notre salut, nous ne pouvions
rien ; il nous faut l’accepter, c’est tout. Mais ensuite nous avons à
faire ! Faire quoi ? la
volonté de Dieu.
Nos chaînes comme esclaves ont été brisées, pour que nous
soyons libres de servir Dieu, de livrer nos membres à la justice c’est-à-dire à
l’obéissance à Dieu. C’est la réflexion que faisait il n’y a pas très longtemps
une jeune personne convertie et heureuse dans le Seigneur, à qui on exposait
les vérités de l’affranchissement et qui les recevait avec joie : « Mais,
dit-elle, alors est-ce qu’il suffit d’accepter tout cela, puis rester dans la
contemplation et ne rien faire ? » Elle brûlait du désir de servir son
Sauveur, bien qu’elle eût à être éclairée sur certains points. Eh bien non,
jamais la vie chrétienne n’est présentée comme une vie contemplative
pure ! Ou plus exactement la contemplation et l’action vont ensemble, la
première engendrant la seconde. Marie de Béthanie a appris aux pieds de Jésus à
faire au moment voulu une oeuvre sans égale au monde. Sauvés pour ne rien
faire ? Ne rien faire pour celui qui nous a sauvés ? Délivrés par
Dieu lui-même, et par l’Esprit de Dieu, pour ne pas tenir compte de la volonté
de Dieu ? Est-ce possible ? Non, tout nous parle d’activité ;
nous avons été « créés dans le Christ Jésus pour les bonnes oeuvres »,
trouvons-nous dans les Éphésiens. « Travaillez à votre propre salut avec crainte
et tremblement », dans les Philippiens. « Quant à l’activité, pas paresseux,
fervents en Esprit, servant le Seigneur », dans les Romains. Non, la vie
chrétienne n’est pas une vie d’inaction, une vie d’oisiveté, comme quelquefois
— et l’Ennemi est là pour nous tenter à cet égard — nous serions enclins sinon
à le dire, en tout cas à le faire. Il y a tant à travailler ; il y a toujours
à travailler.
Ce qu’il nous faut, c’est
d’abord, dans tout le tissu de notre vie quotidienne et dans la pratique de nos
devoirs sur la terre, jusqu’aux plus menus, introduire Christ, vivre non
seulement avec Christ, mais pour Christ. Et il y a le service chrétien
spécifique, ce qui est appelé « le service religieux pur et sans tache » dans
l’épître de Jacques. Ils sont innombrables, les services demandés à tous les
croyants, services d’amour, de « la foi opérante par l’amour ». Depuis quand la
foi serait-elle inactive ? « La foi sans oeuvres est morte », nous dit
Jacques. C’est tout simple. Nous sommes ici-bas pour une activité à vrai dire
incessante. Non pas toujours une activité bouillonnante, tumultueuse, trop
souvent illusoire, mais une activité dirigée, orientée, commandée par le Dieu de paix.
Que « le Dieu de paix…
vous rende accomplis en toute bonne oeuvre pour faire sa volonté ». La paix de
l’âme s’accompagne de l’accomplissement de la volonté de Dieu ; son repos
en dépend. « Prenez mon joug sur vous… et vous trouverez le repos de vos
âmes ». Dans le ciel, nous le chantons si souvent avec bonheur, les saints
serviront Celui qui les aime, qui les a aimés ; son nom sera sur leurs
fronts, ils verront sa face, mais ils « le serviront ». Ce sera du repos éternel
l’activité parfaite. Mais nous avons déjà à réaliser cela sur la terre, dans
une activité soeur de la prière, de la contemplation, et de l’adoration qui est
bien le service le plus élevé que nous ayons à remplir ici-bas, et à accomplir
comme assemblée.
Que « le Dieu de paix vous
rende accomplis en toute bonne oeuvre pour faire sa volonté ». Dieu a fait
quelque chose de
nous ses enfants. Il
veut ensuite faire quelque chose par
nous
en nous laissant sur la terre. L’obéissance est une vertu qui à certains égards
contient toutes les autres. Elle est faite, évidemment, de piété, de
reconnaissance des droits aussi bien que de la grâce infinie de Dieu et du
Seigneur Jésus. Que l’obéissance soit véritable ! La volonté de Dieu peut
être que nous n’accomplissions aucune oeuvre visible aux yeux des autres !
Si la volonté de Dieu a préparé pour l’un ou l’autre de nous telle bonne oeuvre
manifeste à un certain moment, elle peut nous demander ensuite des choses qui
ne se verront pas ; est-ce que ce seront des moments d’inactivité ou de
sommeil spirituels ? — Quel danger pour nous ! Nous sommes appelés à
veiller, veiller pour prier, et prier « sans cesse ». N’est-ce pas une activité,
celle-là, prier sans cesse ? Nous avons à réfléchir à ces choses. Rien du
tumulte de ce qui vient de notre propre coeur, et est en réalité notre propre
volonté, mais l’activité calme propre à ceux qui ont affaire au Dieu de paix.
Pour faire sa volonté ! Qu’est-ce qui s’oppose à la volonté de Dieu ? Notre volonté propre. C’est pourquoi Dieu est obligé de faire notre éducation sur la terre. Nous savons qu’il la fait, et c’est une grâce. Il nous fait passer par des circonstances que nous n’aimerions pas, et fait peser sur nous, quand il le faut, sa discipline corrective, aussi bien qu’il nous prodigue consolations, encouragements, exhortations, tous les bienfaits de sa grâce. Mais à quoi tout cela concourt-il ? À mettre de côté notre volonté, à la briser. Jacob a lutté toute la nuit avec l’ange, mettant toute sa volonté propre en travers de la grâce de Dieu qui, lui, ne voulait que le bénir. Ainsi sommes-nous, hélas, bien souvent ! Et nous disons : comment ces choses peuvent-elles se faire ? voilà ce que Dieu veut de nous, et Il veut accomplir par nous des bonnes oeuvres : il les a préparées à l’avance ; mais comment, où trouver la force de les accomplir ? Nous sommes appelés à connaître sa volonté, nous y sommes exhortés à plusieurs reprises, dans les Colossiens et bien d’autres passages. Or c’est une chose que de connaître la volonté du Maître, et de discerner la volonté de Dieu, mais une autre de l’accomplir effectivement. Il nous faut pour cela de la puissance, issue d’une force que nous ne possédons aucunement par nous-mêmes. Au contraire, notre coeur naturel est toujours là, notre vieille nature qui toujours reste inimitié contre Dieu ; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle ne le peut pas. Et même quand avec tant de grâce il nous est dit : mais vous avez été affranchis du péché pour ne plus servir le péché, et livrer vos membres à la justice, nous disons : mais où est la force avec laquelle je livrerais mes membres à la justice ?
Un troisième élément
intervient donc ici : c’est la dernière partie de notre passage ;
nous ne pouvons guère, faute de temps, que la mentionner, si importante
soit-elle. « Faisant en vous
ce qui
est agréable devant lui par Jésus Christ ». Faisant en vous. Il y a, avons-nous
vu, ce que Dieu a fait pour nous
et de nous,
ce qu’il fait par nous
, voici maintenant ce qu’il fait en nous.
La puissance est intérieure, mais elle nous est donnée
d’en haut ; elle n’est pas naturelle en nous, elle est la loi de l’Esprit
de vie, la puissance du Saint Esprit. Cet hôte divin de nos coeurs est là pour
nous venir en aide dans nos infirmités, c’est par Lui seul que nous pouvons
répondre à la volonté de Dieu. C’est Dieu lui-même en nous ! N’est-il pas
remarquable que le même passage dans l’épître aux Philippiens qui nous
dit : « Travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement », dise
tout aussitôt : « car c’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le
faire, selon son bon plaisir ». C’est ce que nous retrouvons très exactement
ici. Qu’il vous rende accomplis pour faire sa volonté, Lui-même, « faisant en
vous ce qui est agréable devant lui par Jésus Christ, auquel soit la gloire aux
siècles des siècles ».
Dieu en nous, le Saint Esprit en nous, la vie de Christ en nous. « Je ne vis plus moi, dit l’apôtre, mais Christ vit en moi ». Ces choses paraissent extraordinaires — elles le sont, et, pour l’esprit naturel ce sont des choses inacceptables ; pour le croyant, c’est la vérité toute simple : laisser agir le Saint Esprit qui nous occupe de Christ, et non de nous-mêmes, et qui nous met en relation avec le Dieu de paix.
Ne laissons pas interrompre
la communion établie sur le fondement d’une oeuvre accomplie pour jamais,
l’oeuvre de la rédemption. On a souvent répété cette parole d’un bien-aimé
frère : ce que Dieu fait en nous est plus important que ce que Dieu fait
par nous. C’est qu’en réalité nous ne pouvons rien
faire pour Dieu si cela ne vient pas de ce que Dieu a fait en
nous. Que le Seigneur bénisse sa Parole et nous donne de connaître, dans tout
ce que cela comporte de grand, de précieux et de sérieux, Celui qui est le Dieu de paix.