André Gibert
Plan et sous-titres sont ajoutés par Bibliquest ; ME 1977 p. 169
Table des matières
1 - Résumé de Éph. 4:4-6 — Unité et unicité
5 - L’organisation de l’Église par le Saint Esprit — Se conformer à la vérité selon l’Écriture
6 - Danger de reconstituer un corps particulier, avec toutes ses fautes
« Un seul corps et un seul
Esprit… » Aucun verbe ici dans la langue originale : « le il y a
exigé par notre langue ne fait qu’affaiblir la force du passage » (J. N. D.).
Donnons du moins à ce il y a
sa valeur propre ; ce n’est pas « il y
aura », ou « il doit y avoir », ou « faites en sorte qu’il y ait ». Les affirmations
d’unités que comporte tout le passage d’Éph. 4:4-6 — trois en un premier groupe
au v. 4, trois en un second groupe au v. 5, une au v. 6 — résonnent l’une après
l’autre comme autant d’accords puissamment frappés. Elles expriment des faits,
qui existent et subsistent quelle que soit l’appréciation qui en est faite,
constatés avec la simplicité des choses fondamentales, s’imposant comme le
soleil au regard spirituel. À nous de nous conduire à cette lumière.
Le tout formé par le premier
groupe, le seul que nous désirons considérer, est celui de l’unité vitale
des chrétiens : unité du corps, unité de
l’Esprit, unité de l’espérance de leur appel. Ces choses sont « unes » dans le
double sens du terme : il y a à la fois unité (qualité de ce qui est
indivisible), et unicité (qualité de ce qui est seul de son espèce, rendant
fausse toute prétention à une autre unité).
La pensée de l’unité
du corps est précieuse entre
toutes. Il ne s’agit pas d’une corporation de personnes associées
volontairement par des vues ou des activités communes, mais d’un corps vivant,
unique, le corps de Christ dont l’Église (l’Assemblée) est la plénitude (Éph.
1:23). Il ne peut être divisé ; comment Christ serait-il divisé ?
L’unité de son Église est belle, elle plaît à ses yeux, aimons-nous à chanter.
Ce corps a maintenant son lieu sur la terre, pour un temps qui va prendre fin
bientôt. Il y aura été formé, il y aura séjourné depuis la Pentecôte jusqu’à la
venue du Seigneur pour prendre les siens. Il s’y sera accru, ses membres se
renouvelant d’une génération à l’autre à mesure qu’ils s’endorment en Jésus. Il
n’existait pas avant la Pentecôte, et il ne se trouvera pas davantage ici-bas
dans la période des jugements apocalyptiques, ni sur la terre milléniale. Le
corps sera alors, et pour jamais, réuni effectivement à son Chef (sa Tête)
glorifié dans le ciel.
Mais où
donc le trouver présentement ? C’est un corps vivant de la vie de
Christ : il est donc partout où se trouve la vie de Christ, consciente et
manifeste. On demande quelquefois si tous les croyants
en font partie. Il ne faut pas se laisser dérouter par ce
que ce terme a pris d’équivoque, ni penser que nous soyons capables de
reconnaître tous les vrais croyants, car cela appartient à Dieu. Le cadre du
« corps », si l’on peut parler ainsi, nous est fourni par l’Écriture : « Nous
avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps » (1 Cor.
12:13). À coup sûr tous ceux qui, confessant Jésus comme leur Sauveur et comme
le Seigneur, en qui par conséquent la vie de Christ peut être vue, doivent être
tenus pour membres de ce corps, même ceux — et combien il y en a ! — qui
n’en ont pas la moindre idée. Ils y sont placés par la puissance du Saint
Esprit qui les lie tous à la Tête glorifiée ; ayant entendu et cru
l’évangile de leur salut ils sont scellés du Saint Esprit de la promesse, la
marque de la rédemption est sur eux. Mais jusqu’à ce qu’il en soit ainsi pour
une âme — et si réellement que Dieu opère à repentance dans cette âme,
l’acheminant vers le moment où, née de nouveau, elle a le droit d’être enfant
de Dieu, quelque confiance que nous ayons en la grâce divine pour cela — cette
âme n’ose pas se dire sauvée, et dans bien des cas nous ne saurions aller plus
loin qu’elle. D’autre part, une profession chrétienne, même bruyamment
affirmée, peut ne recouvrir aucune réalité et nous sommes exposés à voir la vie
où elle n’est pas — bien qu’il soit rare que ne vienne pas un moment où l’état
réel sera démasqué. Bref, discerner les vrais croyants est affaire de
spiritualité, nous avons besoin de beaucoup d’humilité et de dépendance à cet
égard, et au surplus ne pas oublier que dès le temps des apôtres, se glissaient
parmi les fidèles de « faux frères », et « certains hommes » apostats d’avance.
Dans l’extrême confusion actuelle, nous sommes à la fois rassurés et mis sur
nos gardes en sachant que « le Seigneur connaît ceux qui sont siens » (2 Tim.
2:19).
Quoi qu’il en soit, il
appartient aux vrais croyants de se saisir pour eux-mêmes et entre eux, de la
parole : « Vous êtes le corps de Christ, et ses membres chacun en
particulier » (1 Cor. 12:27). Il n’y a pas d’élément humain intermédiaire. Une
assemblée locale, telle celle des Corinthiens, n’est qu’une expression de la seule
Assemblée — le corps de Christ.
Lorsqu’une collectivité de chrétiens, petite ou grande, s’érige en congrégation
ayant sa constitution propre, elle nie pratiquement l’unité du corps de Christ.
C’est pourtant ce que les hommes n’ont cessé de faire, depuis les vastes
Églises de multitudes jusqu’aux corpuscules que nous voyons éclore de tous
côtés. L’injonction du v. 3 de ce ch. 4 des Éphésiens prend ici toute son
importance : « vous appliquant à garder l’unité de l’Esprit par le lien de
la paix ».
Car il y a unité du corps
parce qu’il y a un seul Esprit.
Un
corps sans esprit est mort (Jacques 2:26). La vie de Christ anime tous les
membres de son corps par le Saint Esprit, duquel, répétons-le, nous avons « tous
été baptisés pour être un seul corps » de même que « nous avons été abreuvés pour
l’unité d’un seul Esprit » (ou : en un seul Esprit). Il s’agit expressément
d’une unité produite par cet Esprit qui est un. Partout où est cette vie de
Christ, le Saint Esprit est là, qui opère dans la puissance « de l’Esprit de vie
qui est dans le Christ Jésus » (Rom. 8:2). C’est une seule et même Personne, une
Personne divine, ici-bas. Dieu ne donne pas l’Esprit par mesure (Jean 3:34). Il
n’y a pas un Esprit pour les forts et un Esprit pour les faibles, un pour les
ignorants et un pour ceux qui en savent un peu plus. Le même Esprit parlait en
Noé comme en Moïse et comme en Aggée, et le même Esprit qui faisait prêcher
Paul est celui qui habite aujourd’hui dans le plus humble croyant. N’est-il pas
l’Esprit de Christ (Rom. 8:9) ? La diversité de ses opérations est
illimitée, mais il est toujours le même. C’est « le même Esprit », « le seul et
même Esprit », qui distribue les dons de grâce et les services à chacun en
particulier, comme il lui plait (1 Cor. 12:1-12), et c’est lui qui dirige
chacun dans ce qui lui est confié. Il agit dans et par des hommes nés de Lui,
baptisés de Lui, et la puissance dans laquelle il le fait ne doit rien à
l’homme : au contraire « l’Esprit convoite contre la chair » (Galates 5:17).
Cet Esprit est, entre autres
caractères, le Saint Esprit de la promesse, arrhes de l’héritage en vue duquel
nous avons été « appelés » d’un même saint appel — « pour une seule espérance de votre appel
». Prêtons-nous assez attention à cette unité et à cette unicité
de l’espérance chrétienne ? Elle n’est pas pour la terre mais pour le
ciel, il faut que nous nous élancions pour la saisir (cf. Phil. 3:12, 14 ;
Hébreux 6:18, 19, et combien d’autres passages !). L’appel individuel
s’intègre dans un appel collectif, celui de l’Assemblée, corps de Christ. Si
divers que puissent être les chemins des chrétiens, ils ont le même aboutissement.
La même demeure les attend dans la maison du Père. Tous ceux qui, dans ces
générations successives de la Pentecôte à l’avènement de Christ, auront fait
partie de son corps sur la terre, se trouveront ensemble, revêtus de leurs
corps glorifiés, unis à Christ dans les lieux célestes. Cet appel et son
espérance nous font, et font l’Église entière, étrangers ici-bas, parce que
déjà « gens de la maison de Dieu » (Éph. 2:19). Mais bientôt l’Épouse unie à son Époux, une avec Lui, occupera la place
que lui assignent les conseils de Dieu et que l’oeuvre de Christ lui a acquise.
Bienheureuse espérance (Tite 2:13) commune à tous, même si tous n’en jouissent
pas à l’avance individuellement et ensemble, comme ils y sont invités par le
Saint Esprit.
Et que sera-ce, au jour où réunie
Dans les hauts cieux l’Église te verra ?
Des quelques vérités capitales que nous venons de rappeler il résulte entre autres que
— toutes les fois que se constitue un corps ecclésiastique indépendant ;
— toutes les fois que des hommes s’ingèrent dans les opérations de l’Esprit de Dieu, investissant d’autres hommes dans des charges officielles pour administrer l’Église ;
— toutes les fois que l’on présente aux croyants, et donc à l’Église, un autre objet que la réalisation de son appel céleste en attendant le Seigneur tout en vaquant à son service dans le monde sans être du monde,
l’unité vitale est de fait niée, Christ méconnu comme Chef de l’Église, et son témoignage compromis.
Ne nous étonnons pas si dans un temps où ne manquent pas les faux prophètes nous voyons se multiplier des groupes religieux se réclamant du christianisme, chacun avec ses principes, son programme, son organisation, un mélange diversement dosé de vérités scripturaires et de raisonnements humains, de zèle évangéliste et de préoccupations sociales. Ne nous étonnons pas davantage que, en opposition apparente avec ce morcellement, les conducteurs des grands organismes religieux s’efforcent de donner une unité aux éléments disparates de la profession chrétienne ; ce faisant ils répondent aux aspirations de quantité d’âmes sincères qu’afflige l’état de choses présent. Mais comment ces âmes ne voient-elles pas à quel point une telle unité serait factice ? En réalité, sectarisme, latitudinarisme (= laxisme) et traditionnalisme s’entrecroisent pour le plus grand désarroi des fidèles.
On ne le répétera jamais trop, grâces à Dieu l’unité n’est pas à faire. Elle est faite, il s’agit de s’y conformer. Bénissons-le de ce que rien de ce qui marque les temps fâcheux des derniers jours, que nous vivons, n’empêche le Saint Esprit, aussi réellement ici-bas qu’il l’était au début de l’Église, de poursuivre le travail par lequel des âmes sont retirées du présent siècle mauvais. Bénissons-Le de ce que rien ne peut porter atteinte à l’unité indestructible de l’Église, de ce que pas un iota ne peut tomber des affirmations d’Éphésiens 4. Encore moins ne pourrait s’affaiblir l’amour dont Christ chérit l’assemblée pour laquelle il s’est livré.
Heureux ceux à qui la grâce a
été donnée de comprendre que, pour exprimer cette unité, goûter cet amour et y
répondre, il faut sortir vers Christ,
se
séparer pour Lui
tant des erreurs
subversives que du mal moral, afin de se rassembler sous la seule direction de
l’Esprit de Dieu.
Toutes ces choses ont été souvent présentées. Mais il est un côté auquel nous ne sommes probablement pas assez sensibles, je veux parler du danger de reconstituer à l’intérieur de la chrétienté un autre de ces corps particuliers, destructeurs de l’unité visible, dont il a été question. C’est l’objection qui nous est sans cesse opposée : au nom de l’unité que vous proclamez vous donnez naissance à une nouvelle secte ! Que Dieu nous en garde ! Mais il faut voir ce danger en face pour être effectivement gardés et de l’esprit sectaire et de la mondanisation, les deux étant plus proches l’une de l’autre qu’il ne paraît.
Il est facile de se déclarer
dégagés de toutes les associations humaines et placés, selon l’expression
favorite parmi nous, sur le terrain de l’unité du corps, autrement dit de nous
réunir selon ce principe, qui est bien le seul valable. Mais si nous ne nous
appliquons pas à garder l’unité de
l’Esprit
, ne nous
trouverons-nous pas bientôt en pleine contradiction ? Insensiblement les
formes tendront à reprendre le dessus, on verra s’établir des habitudes prêtes
à engendrer des traditions, si même il n’y a pas de code ou de formulaire. Ne
nous verra-t-on pas entraînés vers une organisation ecclésiastique donnant
l’illusion de l’unité, avec une « action » abandonnée à quelques-uns par une
masse peu exercée sinon inerte, en laissant finalement peu de place à la liberté
d’un Esprit saint attristé ou éteint ? La séparation extérieure demeure,
mais on passe du rassemblement qu’évoque 2 Tim. 2:22 à une contrefaçon du « seul
corps ». On réédifie les choses que l’on avait renversées, et sur une base
rétrécie qui n’est plus l’authentique et solide fondement de Dieu. À
l’intérieur on verra l’amour fraternel sans hypocrisie s’affaiblir, au
détriment de tout témoignage (Jean 13:35), le manque de support se montrer à
l’occasion de différences de vues minimes ne portant pas atteinte aux
fondements, et l’on ira vers de désolantes ruptures de la communion. Vis-à-vis
du dehors le coeur se durcit au lieu de se porter avec amour vers les âmes
inconverties, comme s’il nous importait peu que le service de l’évangile nous
soit ôté, et vers tant de vrais croyants enserrés dans les systèmes religieux,
que nous devrions souffrir de voir là et qu’il nous appartient d’aider à en
sortir. Où sont les Aquilas et les Priscillas soucieux d’instruire les
Apollos ? Ce manque de sollicitude, spécialement à l’égard de ceux que
nous reconnaissons comme chrétiens, donc membres du corps de Christ, ne
serait-il pas la marque d’une étroitesse d’esprit et de coeur sous le couvert
de la nécessaire étroitesse de la marche ? Que vaudrait celle-ci si elle n’était
plus qu’une forme de la piété, sans ferveur ni sympathie ? Paul exhortait
les Corinthiens à « s’élargir » car ils étaient « à l’étroit dans leurs
entrailles », tant à son endroit qu’à celui des hommes pour lesquels lui était
étreint par l’amour de Christ, et il leur montrait qu’il en était ainsi parce
qu’ils s’élargissaient vers le monde.
Parallèlement, en effet, avec des formes religieuses c’est le monde qui rentre insidieusement. Sans y prendre garde nous apportons dans la famille de Dieu les usages du monde, ou nous en façonnons de semblables à notre usage. En définitive nous sommes exposés à glisser vers une société fermée mais à l’image du monde dont nous proclamons ne pas être. La séparation est alors faite de conventions tout formalistes. Nous n’avons qu’à examiner dans la lumière l’emploi que nous faisons de nos loisirs.
Nous replier sur nous-mêmes est tout autre chose que nous resserrer autour de Christ dans le « rassemblement de nous-mêmes » en son nom. Le repliement sur soi engendre tôt ou tard l’esprit pharisaïque, tandis que le rassemblement en vérité autour du Seigneur nous tient dans l’humilité. Lui seul alors est notre sujet de gloire, mais quel sujet !
Ah ! certes, rien n’est changé de ce qui est de Lui. Le corps est un, l’Esprit est un, l’espérance est une. Mais nous ne faisons de l’unité du corps une réalité visible que dans la mesure où le seul Esprit agit en nous et que nos esprits sont d’accord entre eux parce que chacun est en accord avec Lui. Rien de changé dans les « il y a », mais rien de changé non plus dans ce qui nous est enjoint pour que la vie de Christ se montre dans nos rapports, en sainteté pratique, en affection fraternelle, en humilité, douceur, longanimité, support dans l’amour, gardant « l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix », autrement dit « réalisant pratiquement l’unité du corps » (*).
(*) H. R., dans : « Sur la doctrine de l’épître aux Éphésiens, ses résultats pratiques pour le temps actuels ». Nous ne saurions trop recommander la lecture de ce court traité, d’une actualité exceptionnelle.
Le secret est en effet
toujours le même : la vie divine en nous par l’Esprit de Christ. N’est-il
pas remarquable qu’en 1 Timothée 3:15, 16 le mystère de la piété — la
connaissance de la Personne de Christ, secret, source de la piété — soit lié à
la conduite dans la maison de Dieu (l’autre figure sous laquelle l’assemblée
est présentée) — l’Assemblée du Dieu
vivant ?
Écoutons, frères, la voix qui
seule a la puissance de nous réveiller, et qui nous dit en effet :
« Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts, et le Christ
luira sur toi » (Éph. 5:14). Qu’Il
luise sur des expressions vivantes,
visibles
et lisibles, de l’Assemblée une,
à la
fois corps d’un Christ glorifié et édifice fondé par Christ sur ce roc :
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant
».