LA PLUS GRANDE DE CES CHOSES…

1 Corinthiens 13

André Gibert

Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1961 p. 281

Tables des matières :

1 - L’amour plus grand que la foi et l’espérance

2 - L’amour et la loi de Moïse

3 - L’amour manifesté en Christ

4 - L’amour fruit de l’Esprit

5 - L’amour est de Dieu — Distinction d’avec les sentiments naturels

6 - L’amour inséparable de la vérité et de l’obéissance

7 - L’amour incompatible avec le mal


1 - L’amour plus grand que la foi et l’espérance

Dans la première épître aux Corinthiens, l’apôtre interrompt son développement sur les manifestations spirituelles propres au corps de Christ (ch. 12), pour s’arrêter longuement, au chapitre 13, sur l’amour. Rien ne pourrait faire davantage ressortir la place prééminente qui est assignée à « la plus grande » des trois choses qui maintenant demeurent, savoir la foi, l’espérance et l’amour. Le fonctionnement normal du corps de Christ ne peut être assuré que dans l’amour, de même que son « accroissement pour l’édification de lui-même » n’a lieu qu’ « en amour » (Éphésiens 4:16) ; l’amour est son ambiance, le milieu dans lequel sa vie se déploie, et cela parce qu’elle est la vie divine, reçue par grâce. L’amour est « la plus grande de ces choses » parce que, seul des trois, il subsiste à jamais, et que, seul aussi des trois, il est indépendant des capacités humaines, toujours limitées : il participe de l’infini de Dieu.


2 - L’amour et la loi de Moïse

L’amour a bien été à la base de tous les commandements que l’homme ait eus à garder dans la crainte de Dieu ; il est la « somme de la loi » (Romains 13:10) ; « la loi tout entière et les prophètes » dépendent de ces deux commandements : Aimer Dieu, aimer son prochain (Matthieu 22:34-40). Mais c’est en vain que l’amour est demandé à notre nature pécheresse ; il n’est pas dans cette nature, mais seulement dans celle de Dieu, qui « est amour ». De fait, avant la venue de Christ l’amour véritable n’a jamais été vu ici-bas, la notion même en était à peu près inconnue, et à peine se trouvait-il des termes capables de l’exprimer. Certes, l’amour divin agissait, et l’Éternel en tenait le langage à Israël (Deut. 7:8 ; Ésaïe 43:4 ; Jérémie 31:3 ; Osée 11:1 ; Malachie 1:2, etc.), mais c’était un amour voilé, sinon caché, tandis que l’homme montrait, lui, sa totale incapacité à aimer selon Dieu.


3 - L’amour manifesté en Christ

Maintenant l’amour a été manifesté en Christ. Et non seulement cela, mais il est en nous, devenus enfants de Dieu par la foi : « l’amour de Dieu est versé dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Romains 5:5). « Nous l’aimons parce que Lui nous a aimés le premier » (1 Jean 4:19). « Aimer Dieu » est le propre de la vie nouvelle (Rom. 8:28), c’est un trait distinctif des enfants de Dieu ; nés de Lui, ils sont appelés à montrer qu’ils « participent de la nature divine » (2 Pierre 1:4). « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jean 4:7). Le nouvel homme est imitateur de Dieu pour marcher dans l’amour (Éph. 5:1). Il est clair qu’une telle marche satisfait aux justes exigences de la loi (Rom. 8:4), dont la somme est l’amour ; mais bien plus encore, cette marche fait voir la vie divine elle-même. Il n’y a pas plus de limites à l’amour de ceux qui « aiment Dieu » qu’à l’amour de Dieu. Aimer Dieu implique l’amour envers les hommes, tous les hommes, dans le sens où il est dit que « Dieu a tant aimé le monde » ; mais il y a l’amour qui est propre à la famille de Dieu : aimer Dieu comme le Père de ceux qui sont engendrés de Lui (1 Jean 5:1) implique l’amour des frères, et c’est lui qui fait connaître les disciples de Jésus (Jean 13:35). Ces deux choses, l’amour pour tous les hommes et l’amour pour les frères, sont réunies en 1 Thess. 3:12, alors qu’en 1 Pierre 2:17 nous sommes exhortés à « honorer tous les hommes, aimer tous les frères ».


4 - L’amour fruit de l’Esprit

Dans l’épître aux Galates l’amour est le premier élément du fruit de l’Esprit, et il englobe tous les autres (5:22). Mais dans notre chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens, il est le principe du bon fonctionnement du corps de Christ, et le courant dans lequel tous les dons de grâce sont appelés à s’employer « en vue de l’utilité » (12:7). Désirer avec ardeur les dons spirituels est une bonne chose, mais ce désir n’est à sa place et ne prend sa valeur que si nous « poursuivons l’amour », en suivant ce « chemin plus excellent » que tous les dons. On parle quelquefois du « don d’amour », — un chant « réclame », dans une intention assurément louable, « ce riche don d’amour » — mais l’amour n’est pas un « don » ; il est le motif de l’action des dons, et une expression de la nature de Dieu alors que les dons spirituels témoignent d’attributs divins tels que la puissance, la connaissance, la sagesse. Sans amour, même avec le plus beau don de langues, je ne serais qu’un son ; avec la plus grande connaissance et la plus grande foi, « je ne suis rien » ; et distribuer tous mes biens et livrer même mon corps « ne me profite de rien » (v. 1-3). Cet étalage d’activité attirera l’attention et l’admiration des hommes, il se peut que je m’y complaise, mais il est inutile, peut-être dangereux, et moi avec lui. Un musicien de grand talent qui se plairait à jouer de son instrument à tous moments, même auprès de sa mère malade qu’il fatiguerait, démontrerait qu’on peut être un grand artiste et ne pas aimer vraiment sa mère.


5 - L’amour est de Dieu — Distinction d’avec les sentiments naturels

L’apôtre n’a pas à définir l’amour : l’Écriture ne se préoccupe pas de définitions, elle nous met directement en présence de ce qui est. Aussi bien, l’amour ne se définit pas : il se fait connaître par des actions portant sa marque, la marque divine. Dieu a manifesté son amour en envoyant son Fils unique (1 Jean 4:9, 10). Le coeur rempli de cet amour versé par l’Esprit le verse à son tour au dehors, car l’amour prend possession de l’âme non pour l’occuper d’elle mais de Dieu et des autres, non pour la replier sur elle-même mais la projeter au dehors. L’amour se verse.

Ce n’est pas une affaire de sentiments naturels éprouvés à l’égard de personnes avec qui l’on a des affinités. Il n’est pas question ici d’inclinations, si légitimes qu’elles puissent être. L’amour n’est pas suscité par des qualités propres à ceux qui deviennent ses objets, il n’a pas ses motifs au dehors mais en lui-même ; il est l’effet d’un mouvement intérieur de celui qui aime. Il se manifestera dans telle et telle circonstance mais ce ne sont pas ces circonstances qui le produisent : elles l’amènent seulement à se manifester. C’est ce qui le rend supérieur aux circonstances et aux hommes, et lui permet de se tenir au-dessus du mal. Il ne cherche pas sa propre satisfaction mais celle des autres. Il est un libre don de soi, et, en définitive, il tire son origine de la libre volonté de Dieu : n’est-il pas l’effet en nous de la nature divine ? Ce n’est pas parce que nous étions aimables aux yeux de Dieu qu’Il nous a aimés, nous étions au contraire « haïssables pour Dieu », indignes d’être aimés, et « Dieu constate son amour à Lui envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous » (Romains 1:30 ; 5:8).

Parce qu’il est l’être même de Dieu (et c’est pourquoi aussi « l’amour ne périt jamais » ; comment le pourrait-il ?), l’amour ne se conçoit pas hors de la présence de Dieu. Combien cet amour est loin de ce que le langage humain appelle de ce nom, et combien nous avons à nous garder de toute confusion à cet égard ! Même ce que l’action de l’Esprit pourrait produire de plus remarquable dans un homme ne serait, sans l’amour, qu’un dehors stérile. Livrer son corps pour être brûlé est une chose, livrer son coeur et son âme en est une tout autre. Les façons d’agir (il y en a quinze) qu’énumèrent les versets 4 à 7 ne sont pas seulement des caractères auxquels l’amour peut être reconnu : elles découlent directement de sa source profonde et pure, qui est Dieu lui-même. Ce sont des qualités sans lesquelles l’amour ne serait pas, et qui sans lui n’auraient aucune réalité. Elles ne se commandent pas. Elles ne sauraient être feintes. Elles supposent la communion avec Dieu, et appartiennent à un ordre de choses lié à cette communion. Dieu est là présent.


6 - L’amour inséparable de la vérité et de l’obéissance

C’est dire à quel point l’amour, qui « se réjouit avec la vérité », est inséparable de cette vérité. « Étant vrais dans l’amour », dit Paul aux Éphésiens : sans cette vérité dans l’amour il n’est pas de croissance possible (4:15). Un amour sans vérité donnerait un masque sans vie, dissimulant le visage de l’égoïsme ; ce serait la négation de l’amour. Un amour qui s’en tiendrait à des paroles serait pareillement un amour factice : nous sommes enseignés à « aimer en action et en vérité » (1 Jean 3:18).

De là vient aussi que l’amour ne se sépare pas de l’obéissance. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime », dit Jésus (Jean 14:21). Et quant à l’amour pour les autres : « Par ceci nous savons que nous aimons les enfants de Dieu, c’est quand nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements…, et ses commandements ne sont pas pénibles » (1 Jean 5:2, 3). Et encore : « Ayant purifié vos âmes par l’obéissance à la vérité…, aimez-vous l’un l’autre ardemment, d’un coeur pur » (1 Pierre 1:22). D’autre part, alors que Paul avait « une grande liberté en Christ de commander » à Philémon ce qui convenait à l’égard d’Onésime, il lui demande de recevoir celui-ci « à cause de l’amour » ; il désire que Philémon pratique l’obéissance de l’amour (Philémon 9).


7 - L’amour incompatible avec le mal

Ne nous y trompons pas, l’amour ne peut servir de paravent ni au mensonge, ni à l’erreur, ni à la propre volonté. S’il est bien vrai qu’« il n’impute pas le mal », qu’« il supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout », il n’y a pas en tout cela la moindre indulgence pour le mal. L’amour n’est ni aveugle ni faible. Seulement, au contraire de notre coeur naturel, il ne se plaît jamais à découvrir le mal et à le publier ; il ne le suppose pas ; quand il le trouve sur son chemin il en est affligé et au lieu de l’exposer à la malignité publique il en cherche le remède. Mais il ne le traite jamais avec indifférence. Il en supporte et en souffre les conséquences qui l’atteignent personnellement sans se plaindre ni se venger. En aucun cas il ne s’y associe. Parce qu’il veut le bien de celui qu’il aime et qui a mal agi il travaillera de tout son pouvoir à le délivrer. Tolérer le mal sous le couvert de l’amour, c’est en réalité s’aimer soi-même, faire passer son propre agrément et sa tranquillité avant les intérêts de Christ et des siens. Le pire tort que mon frère puisse me faire serait de m’encourager à mal marcher en s’abstenant, pour ne pas me faire de la peine, de me reprendre, dans l’amour, sur ma mauvaise marche.

Prenons garde, « frères aimés du Seigneur », aux contrefaçons de l’amour. Elles mettent l’homme à la place de Dieu. « Aimez-vous l’un l’autre ardemment, d’un coeur pur ».